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La 5ᵉ session du Parlement suisse des réfugié.es

La 5ᵉ session du Parlement suisse des réfugié.es

Photo: rédaction Voix d'Exils

Des personnes réfugiées ont fait entendre leur voix le 21 juin à Berne

À l’heure où les politiques migratoires se durcissent, des personnes réfugiées de toute la Suisse se sont réunies le 21 juin à Berne pour faire entendre leur voix. Lors de cette 5ᵉ session du Parlement suisse des réfugiés, elles ont pu débattre de leurs droits, de leur inclusion et de leur participation à la vie publique. Le matin était réservé aux échanges entre parlementaires et représentant.e.s d’organisations partenaires. L’après-midi, ouverte à toutes et à tous, était rythmée par des conférences et une table ronde politique dans laquelle les commissions ont présenté leur travail et leurs questionnements. La rédaction de Voix d’Exils s’est rendue sur place pour couvrir l’événement.

La partie publique de la session s’est ouverte par une allocution d’Anja Klug, directrice du bureau du HCR pour la Suisse et le Liechtenstein. Les différentes commissions ont ensuite présenté les questions qu’elles avaient préparées autour du thème du jour: « Participation et inclusion plutôt qu’une politique du bouc émissaire ». Ces questions, que nous verrons plus en détail, ont été adressées aux représentantes et représentants des partis siégeant au Conseil national et au Conseil des États. Les invités à la tribune de cette 5ᵉ session étaient Greta Gysin, conseillère nationale du parti Les Verts, Pierre-Alain Fridez, conseiller national Parti socialiste et Marc Jost, conseiller national du Parti évangéique suisse, qui forment un groupe parlementaire avec le parti du centre dans le canton de Berne. Bien que tous les groupes parlementaires aient été invités à participer à cette séance de questions-réponses et à exprimer leur position, certains partis n’étaient pourtant pas représentés, principalement des partis de droite dont le parti libéral radical (PLR) et l’union démocratique du centre (UDC). Le Parlement des réfugiés l’a déploré, soulignant l’importance d’un dialogue ouvert avec l’ensemble du paysage politique, particulièrement dans le cadre d’une démocratie directe.

Comptes rendus des commissions

En premier lieu, la question des personnes déboutées du système d’asile a soulevé une profonde inquiétude : comment justifier que des individus soient enfermés ou renvoyés vers des pays considérés comme « sûrs », alors même que leur sécurité n’y est pas garantie ? Greta Gysin a rappelé que c’est le Conseil fédéral et le SEM qui décident de cette liste de pays et Pierre-Alain Fridez a appelé à suivre l’exemple de l’Espagne qui gère cette problématique avec plus d’humanité.

La thématique de l’éducation, quant à elle, est revenue à plusieurs reprises. Les élus présents ont souligné l’importance de l’apprentissage des langues nationales comme clé de l’intégration. Les mineurs non accompagnés (MNA), qui vivront toute leur vie en Suisse, doivent être une priorité, notamment en ce qui concerne l’accès à la formation et la reconnaissance de leurs diplômes. L’éducation pour toutes et tous a été présentée comme un levier central de l’intégration. Pierre-Alain Fridez a rappelé qu’en temps de crise, comme durant le COVID, c’est grâce aux personnes migrantes que les hôpitaux ont fonctionné. Greta Gysin a ajouté que la reconnaissance des diplômes et l’accès à l’emploi sont essentiels à une insertion durable.

La commission sur le soutien psychologique a insisté sur la nécessité de former les personnes menant les auditions à l’écoute bienveillante. La prise en charge psychologique, avant ou après une audition, par les pairs, a été saluée par les élus, tandis que Pierre-Alain Fridez a confirmé que cette méthode donnait de bons résultats. Concernant les droits de l’enfant, les participantes et participants ont dénoncé « l’indignité de l’aide d’urgence », largement inférieure à l’aide sociale, ce qui crée une situation insoutenable, en particulier pour les enfants. Greta Gysin et Marc Jost ont appelé à une responsabilité claire de la Suisse et plaidé pour faire le maximum pour les MNA car ils ont vocation à rester dans le pays.

Le permis S et la question de sa prolongation a aussi été abordée. Pierre-Alain Fridez souhaiterait que ce permis soit accessible à d’autres catégories de personnes réfugiées et transformé en permis stable. Il a mis l’accent sur le besoin de stabilité pour les enfants et a dénoncé l’utilisation électoraliste de la migration. Il a rappelé que « la fin d’un conflit, comme en Ukraine, ne règle pas tout et qu’il faut du temps pour qu’un pays retrouve sa stabilité ».

Au milieu de la session, une délégation française de plusieurs personnes migrantes est venue témoigner de son vécu et parler au nom de leur organisation: l’Académie. Ce programme, créé par la délégation interministérielle à l’accueil et à l’intégration des réfugiés (DIAIR) et le HCR, permet de promouvoir l’implication active des personnes réfugiées dans l’élaboration des politiques et des programmes ayant un impact direct sur leur futur. À l’issue d’une première phase axée sur la formation et l’accompagnement, les participantes et participants sélectionnés sont appelés à rejoindre des instances décisionnelles au sein d’organisations partenaires, qu’elles soient issues du milieu associatif ou institutionnel.

Les personnes réfugiées en situation de handicap ont signalé de graves problèmes d’accessibilité dans les centres d’hébergement. Les élus ont entendu ce problème et ont également souligné la nécessité de changements structurels dans toute la société pour permettre leur inclusion effective. La question des personnes LGBTQIA+ a mis en lumière les défis spécifiques qu’elles rencontrent dans les centres d’asile, notamment en matière de protection et de respect de leur identité. Des propositions concrètes ont été demandées aux autorités par cette commission.

Les permis S, N et F ont été largement critiqués comme des freins à l’autonomie. La question de la commission portait sur l’éventuel besoin de réformes des différents permis. Elle a estimé, d’un commun accord, que les statuts N et F doivent être réformés car les personnes qui en bénéficient actuellement n’ont pas de perspectives d’avenir. Selon Greta Gysin, « Le problème est bien connu politiquement, mais actuellement il n’existe pas encore de majorité pour faire changer les choses ». Pour Pierre-Alain Fridez, « Il est nécessaire de changer de philosophie vis-à-vis de la migration : ce n’est pas un fardeau mais une opportunité surtout dans un contexte de guerre ». Il cite l’exemple de l’Espagne où actuellement, la prise en charge et l’intégration des personnes migrantes sur le marché du travail est relativement efficace et rapide. Enfin, la commission sur le statut F a exprimé une vive inquiétude. Ce statut, censé être temporaire, devient un piège car il ne permet pas de regroupement familial, de mobilité et n’offre pas de visibilité sur l’avenir. Greta Gysin a appuyé ces revendications et Pierre-Alain Fridez a proposé de discuter d’un délai clair pour obtenir un permis stable afin d’éviter la transformation d’une solution en une impasse.

Beat Jans invité à clôturer la session

Pour le discours de clôture de cette 5ᵉ session du Parlement suisse des réfugiés, Beat Jans, conseiller fédéral en charge du Département fédéral de justice et police (DFJP), a salué la démocratie suisse et a appelé à une politique d’asile plus humaine. Lors de son intervention remarquée, il a salué la solidité de la démocratie helvétique et de son État de droit fonctionnel. Il a toutefois exprimé son inquiétude face à une tendance croissante à l’exclusion des personnes migrantes, dénonçant les discours appelant à la fermeture des frontières. Critiquant ouvertement la politique migratoire des États-Unis, Beat Jans a rappelé que le droit d’asile doit avant tout protéger les personnes vulnérables, tout en assurant un fonctionnement efficace du système. Il estime qu’il en va de l’humanité de la Suisse, conformément à sa tradition humanitaire. Selon lui, les procédures d’asile sont aujourd’hui relativement plus rapides qu’auparavant.

Le conseiller fédéral a également évoqué le pacte migratoire européen, soulignant sa vocation à relever collectivement les défis migratoires. Bien que ce pacte ne lie pas directement la Suisse, Beat Jans a insisté sur la nécessité pour la Confédération de ne pas rester en marge. Il a salué la reconnaissance par le Conseil fédéral de l’importance de la solidarité européenne, tout en précisant que le dossier est désormais entre les mains du Conseil des Etats, après l’échec initial, au Conseil national, d’un accord sur la participation de la Suisse à ce pacte migratoire. Appelant à ne pas exclure les personnes réfugiées, le conseiller fédéral Jans a insisté sur leur rôle dans la société suisse et les a remerciés pour leur contribution. Il a aussi exprimé un profond respect pour les parcours et vécus des personnes migrantes. Pour clore son discours, il a réitéré le thème et l’objectif principal de cette session :  participation et inclusion plutôt que politique du bouc émissaire.

Yahya Nkunizmana Mohammad Esmaeil et Noé Pahud

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils 

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