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« J’utilise au quotidien les répliques des pièces que je joue »

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » au Théâtre de la Poche à Leysin . A gauche: Valéry Martseniuk, au centre: Isabelle Burger, à droite: Chloé Tissot. Auteur: Yazan / Voix d’Exils

Vaud: la comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » au théâtre de Poche de Leysin fait un carton!

La troupe du Théâtre de Poche de Leysin (TPL), vient de terminer sa saison de représentations pour l’année 2019. A l’affiche des quatre week-ends du mois de novembre: la comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » qui avait dans le rôle principal du comptable Grobichon un acteur Ukrainien: Valéry Martseniuk, également rédacteur à Voix d’Exils.

Des « acteurs en téléchargement »

Delphine Chablaix, Présidente du Comité de TPL, nous raconte la vie du Théâtre de Poche de Leysin – le TPL – qui a été fondé en 1975 par une troupe d’amateurs. Leur but premier était (et est toujours) « de participer activement à la vie socio-culturelle du village de Leysin et d’offrir à tous, jeunes et moins jeunes, le plaisir de faire du théâtre ». Mais pas seulement, ajoute Delphine Chablaix, car il s’agit aussi « d’égayer nos salles ».

Depuis ses débuts, elle enchaîne les présentations : vaudevilles, pièces policières, comédies, spectacles poétiques et créations, qui sont toujours présentées en automne. Un spectacle au moins est assuré chaque année, mais il leur arrive de se produire dans 2 spectacles la même année.

Prévoyante, la troupe entretient des acteurs en herbe depuis 2013. Le Théâtre de Poche des Juniors de Leysin-les Ormonts (TPJLO), qui a commencé avec 12 membres, en compte 45 aujourd’hui. C’est dire si la tâche d’éveiller le goût du théâtre chez les jeunes entre 10 et 16 ans a été accomplie ! Et la pérennité de l’activité assurée. Comme ils disent entre eux, et comme on peut le lire sur le dos de leurs polos, ces jeunes sont des « acteurs en téléchargement ». Ils prendront un jour la relève. Mais pour le moment, ils assurent un spectacle annuel et sont heureux et fiers de se produire.

Quand ils atteignent l’âge de 16 ans et qu’ils se sentent prêts, ils franchissent le pas et jouent dans la troupe des adultes. Sinon, à part leur spectacle annuel, les jeunes prêtent main forte lors des représentations en assurant l’accueil, le relais entre le coin bar et les auditeurs, ou le protocole des spectateurs.

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer », Théâtre de la Poche à Leysin, salle du Nord. Auteur: Yazan / Voix d’Exils.

TPL vraiment inclusif

Mais le Théâtre de Poche ne s’en tient pas là. Ses portes sont aussi ouvertes aux acteurs étrangers francophones comme Valéry …. qui incarne Monsieur Philémon Grobichon. Comme tous les comptables, il est méticuleux et pointilleux. Il est aussi le seul dans la société de fabrication de ressorts à ne pas être intimidé par la patronne, la hautaine et contrôleuse Madame Duressort. Contrarié par le fonctionnement de l’entreprise, il fait néanmoins son travail et obtient la signature d’un gros contrat … par la société de son « ex d’une nuit » qui le retrouve tout à fait par hasard dans la société Duressort. Monsieur  Grobichon devient le promoteur discret de l’embauche de Monsieur Duressort par l’entreprise de son « ex » au grand désespoir de sa femme qui perd deux employés.

Valéry Martseniuk, acteur amateur dont c’est la deuxième prestation avec la troupe du Théâtre de Poche de Leysin nous a accordé une interview.

Voix d’Exils :  Dis-moi Valéry, combien de langues parles-tu couramment ?

Valéry : Je parle couramment cinq langues : l’ukrainien, le russe, le polonais, l’italien et le français.

Y en a-t-il d’autres que tu comptes apprendre ?

Je m’intéresse à l’anglais, l’allemand, l’espagnol, le grec moderne et le serbo-croate. Et aussi le turc et le latin. Les langues étrangères c’est ma passion et l’un de mes hobbies. Si je pouvais, je les apprendrais toutes !

Où as-tu appris le français et depuis combien de temps le parles-tu ?

J’ai essayé à plusieurs reprises d’apprendre le français en Ukraine, mais j’ai rapidement abandonné, car je trouvais cette langue trop difficile et je n’étais pas suffisamment motivé à l’apprendre. J’ai recommencé après mon arrivée en Suisse début 2014. D’abord, au Foyer de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (l’EVAM) à Sainte-Croix, ensuite au Centre de Formation de l’EVAM à Lausanne. Et enfin, j’ai continué à le perfectionner par moi-même. J’ai commencé à me débrouiller en français après une année et demie de séjour en Suisse, notamment après avoir suivi un cours cours intensif. Donc, on peut dire que je parle le français depuis quatre ans.

Tes premiers pas dans le théâtre… c’était ici ou en Ukraine?

Quand j’étais adolescent, j’ai joué une pièce de théâtre dans mon école et puis j’ai fréquenté un cercle théâtral dans ma ville: Bila Tserkva (Eglise Blanche) en Ukraine.

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer ». Théâtre de la Poche à Leysin. Auteur: Yazan / Voix d’Exils.

 

Et ici en Suisse, qu’est-ce qui t’a poussé à en faire ? Comment es-tu monté sur les planches ?

Au début, c’est ma fille qui a fréquenté la troupe junior du Théâtre de Poche de Leysin. Ensuite, une voisine qui connaissait bien la troupe m’a proposé de la rejoindre. J’ai accepté et elle m’a invité à participer à l’assemblée générale du Théâtre de Poche en mars de 2017. J’ai alors exprimé mon désir de jouer dans la pièce suivante. Ma candidature a été acceptée et quelques mois plus tard, en novembre de 2017, j’ai reçu mon premier rôle dans « Un dîner bien tranquille ». La trame est celle d’un père de famille dont la fille devait épouser un garçon de bonne famille. Pour préparer la rencontre de nos deux familles et pour faire semblant d’être du même milieu qu’eux, nous avions aussi des domestiques. j’engage alors deux clochards et ma femme, de son côté, engage une prostituée pour faire la cuisine. C’était un succès.

J’ai beaucoup apprécié les expressions et tournures utilisées dans la pièce, qui étaient parfois très subtiles ! N’est-ce pas difficile d’apprendre par cœur des textes complexes en langue étrangère? Quelle est ta méthodologie ?

Si, en effet, ce n’est pas si facile que ça. Des répliques avec des jeux de mots et des expressions idiomatiques que j’ai dû apprendre par cœur. Ce devait vraiment « être pris à cœur » pour être bien fixé dans ma mémoire. Une fois la distribution des rôles effectuée, je me suis mis au travail le soir même en mémorisant les quatre  premières répliques. Ensuite, j’ai répété chaque jour ce que j’avais appris la veille, en ajoutant une ou plusieurs nouvelles répliques. J’avoue que c’était un sacré travail ! J’ai la chance de pouvoir m’appuyer sur ma prédisposition pour les langues.

Combien de répliques devais-tu apprendre et en combien de temps ? Avais-tu un répétiteur ?

J’avais presque 150 répliques à apprendre et j’ai mis quatre mois et quelques semaines pour bien les connaître. Non, je n’avais pas de répétiteur. Si j’avais des doutes par rapport à la prononciation de certains sons, je posais des questions pendant les répétitions.

Que peux-tu partager avec nous de ton expérience de « comédien en français téléchargé » ?

Pour un Slave, se produire sur scène en français et être compris par tout le monde est une grande satisfaction et un plaisir. Et puis, grâce à cela, mon niveau de français s’est considérablement amélioré. J’utilise dans ma vie quotidienne certaines répliques des deux pièces auxquelles j’ai participé. Et parfois, je m’amuse à les citer. Faire du théâtre, cela augmente également la confiance en soi.

Considères-tu ta participation au théâtre comme un signe que tu es « intégré » dans la vie sociale de Leysin ?

Ma participation au théâtre contribue de façon substantielle à mon intégration dans la société suisse en général et dans la vie sociale de Leysin en particulier.

Ta fille et ton fils font aussi partie de la troupe. Qu’est-ce que cela leur apporte ?

Premièrement, cela leur permet de s’intégrer davantage. Deuxièmement, le réseau de leurs amis s’est élargi. Troisièmement, le temps qu’ils passent devant leurs petits écrans a considérablement diminué et cela les fait bouger davantage. Et enfin, leur vocabulaire s’enrichit aussi.

As-tu d’autres participations dans ta ville de Leysin ?

Pour l’instant je ne participe qu’au théâtre, cela me prend déjà pas mal de temps et d’énergie. Surtout des pièces comme « Chéri (e), je peux tout t’expliquer » dont je peux dire que je suis très content !

En tout cas, bravo Valéry ! Il fallait vraiment le oser le faire….!

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » / Théâtre de la Poche à Leysin / Auteur: Yazan / Voix d’Exils

Propos recueillis par:

Marie-Cécile Inarukundo,

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Photoreportage

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » / Théâtre de la Poche à Leysin / Auteur: Yazan / Voix d’Exils.

 

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » / Théâtre de la Poche à Leysin / Auteur: Yazan / Voix d’Exils.

 

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » / Théâtre de la Poche à Leysin / Auteur: Yazan / Voix d’Exils.

 

La comédie « Chéri(e), je peux tout t’expliquer » / Théâtre de la Poche à Leysin / Auteur: Yazan / Voix d’Exils.




« L’hospitalité c’est comme respirer: c’est vital! »

Anne-Laure Gausseron. Photo: Aya Kardouch / Voix d’Exils

Anne-Laure Gausseron nous raconte son engagement auprès des réfugiés à Martigny

A l’heure où les migrants sont vus comme des sources de problèmes, Anne-Laure Gausseron rappelle que l’accueil est aussi simple et évident qu’une goulée d’air frais.

J’ai rencontré pour la première fois Mme Anne-Laure Gausseron, lors de la sortie des familles à Bourg St-Pierre pendant les vacances de Pâques de 2019. Elle m’a parlé du GOAR (Groupe œcuménique d’accompagnement des réfugiés à Martigny). J’ai voulu en savoir plus sur ses actions. C’est au foyer Abraham, sis à la paroisse de Martigny, que notre entretien se fait au milieu des familles et des enfants issus de l’asile et de bénévoles.

Voix d’Exils : Bonjour Madame, pouvez-vous présenter la mission du GOAR ?

Anne-Laure Gausseron : C’est un groupe œcuménique d’accompagnement des réfugiés. Sa mission est assez simple et consiste à créer un lien de fraternité et d’hospitalité avec des personnes qui relèvent de l’asile, c’est-à-dire avec ou sans statut/qualité.

D’où est venue l’idée de créer ce comité et depuis quand existe-t-il ?

Le groupe existe depuis plus de quatre ans. Il y avait une arrivée importante de requérants d’asile en Suisse : des Érythréens, des Afghans, des Syriens. C’était aussi une réponse à l’appel du pape François aux chrétiens, aux catholiques et au monde pour l’accueil des réfugiés.

Quelles sont les activités proposées par le comité ?

Il y a plusieurs choses. Le foyer Abraham est un lieu d’accueil pour aider les enfants à faire leurs devoirs (le mercredi après-midi), avec un temps de jeu et un goûter. Pour les adultes qui veulent apprendre le français, il existe un cours collectif. Il y a également un accompagnement au niveau familial et individuel. Des bénévoles les aident pour des démarches administratives qui peuvent être parfois compliquées. Des sorties sont organisées en journée, l’été et aussi l’hiver pour la découverte du ski. Pour les vacances, on se retrouve à la fois avec des familles de réfugiés de la région de Martigny, des jeunes mineurs non-accompagnés du foyer du Rados de Sion et certains bénévoles

Attendez-vous des résultats précis des activités menées par le comité et lesquels sont-ils ?

Non pas vraiment. En tout cas pas au sens de l’efficacité. C’est plus un supplément d’âme. J’attends qu’il y ait de la joie autant chez les personnes qu’on accueille que chez les bénévoles qui viennent et qui donnent leur temps, leurs savoir-faire et leur charisme. Un supplément d’âme pour créer des liens d’amour et de joie.

Avez-vous des exemples de liens qui se créent entre bénévoles et bénéficiaires du GOAR ?

Il y a par exemple une famille de réfugiés à Martigny et des bénévoles qui se connaissent depuis plus de trois ans. Pour les enfants de cette famille, ce couple de bénévoles est comme une deuxième famille. Tout le monde est bénéficiaire. Et aussi pour une femme qui est seule, avoir une bénévole de son âge, c’est comme une sœur.

Comment trouvez-vous l’aide financière suffisante qui permet à l’association d’exister ?

Je prie. Je prie pour qu’il y ait des dons qui nous permettent d’organiser des choses. Les familles aussi participent librement.

De manière plus personnelle, comment vous sentez-vous dans l’accompagnement des familles?

Elles m’apprennent beaucoup, même quand il n’a y pas de mots pour ceux que ne parlent pas bien le français. Ils sont mes frères et sœurs en humanité. Ce sont mes amis. Même dans les situations très dures, c’est pour moi un immense cadeau de les connaître. Et si je ne les voyais plus, je serais malheureuse, triste. C’est une famille « de cœur » à laquelle je tiens beaucoup.

Comment les familles perçoivent-elles l’accompagnement et les activités proposées par le GOAR?

Elles se sentent soutenues, je crois. Je vois leur reconnaissance quand, dans des situations compliquées, nous sommes à leurs côtés. Je reviens à l’hospitalité, je crois que c’est comme la respiration. C’est un besoin vital. Moi-même je suis étrangère, dans une communauté religieuse qui pratique l’hospitalité. Je ne sais pas ce qu’est l’exil forcé. Je devine les choses. Je pense que si on ne se sent pas accueilli, c’est très dur. Je ne mets pas de pression. Il n’y a pas d’inscription pour le foyer Abraham. Ceux qui veulent viennent. On note aussi la présence au foyer des enfants non réfugiés. C’est bien de les voir ensemble ; d’une certaine manière, on est tous frères et sœurs quelle que soit notre origine, quelle que soit notre religion. Je suis chrétienne et pour moi c’est très important que mes frères et sœurs qui sont d’une autre religion puissent se dire: « là, à l’église, on va être accueillis ».

Je vous remercie de m’avoir accordé du temps pour cette interview. Je souhaite également vous remercier pour tout le travail entrepris par le comité et les bénévoles afin d’aider les familles réfugiées.

Aya Kardouch

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Pour aller plus loin:

Lien pour plus d’informations à propos du GOAR

 

 




Un délice diabolique

Source: myswitzerland.ch

 

Les meringues double crème : une révélation de la gastronomie suisse

J’ai lu quelque part que les meringues à la double crème, c’est un péché mignon. L’auteur de cet article, sait-il de quoi il parle !? Je voudrais lui dire : «Monsieur, soit vous n’avez jamais goûté les meringues à la double crème, et du coup vous les nommez « péché mignon », soit vous les avez goûtées et vous poussez les gens vers le vice. »

Je préviens tout le monde. Ce « péché mignon » est un délice diabolique qui provoque immédiatement une forte dépendance. Mais pour sentir cet effet, il faut préciser qu’il s’agit des meringues suisses et de la « crème double la Gruyère ».

La meringue suisse se réalise en montant des blancs d’œufs en neige avec du sucre glace sur un bain-marie.

La crème double de la Gruyère, produite à partir de lait de la Gruyère, contient souvent 50 % de matières grasses.

Auto-interview de l’auteure

Interviewer – Madame, dans quelles circonstances vous avez fait la connaissance des meringues à la double crème ?

Moi – C’était en fin d’année 2017, entre Noël et Nouvel-An. J’ai organisé une petite fête chez moi. Parmi les invités, il y avait un Monsieur (je tairai son nom) qui a apporté les meringues et la crème double de la Gruyère, la spécialité fribourgeoise qui …

Interviewer – Oui, oui, c’est une spécialité fribourgeoise… Désolé de vous avoir interrompue.

Moi – Je reprends… C’est un Monsieur qui a amené cette spécialité fribourgeoise. Pendant qu’il expliquait à l’étrangère que je suis ce que sont les meringues et la crème double, je pensais que j’allais mourir de rire. Parce que les meringues et la crème double existent dans tous les coins du monde !

Interviewer – Même en Asie Centrale ?

Moi – Oui, bien sûr ! Mais on ne marie jamais ces deux produits. Voilà ce qui est le plus important ! C’est ça que ce Monsieur m’a fait découvrir ! Le croquant de la meringue suisse associé à l’onctuosité de la crème double de la Gruyère suscite un parfait moment de bonheur !

Interviewer – Je pense que ce Monsieur était très content de voir quelle impression son cadeau avait produit sur vous.

Moi – Non, il ne l’a pas vue.

Interviewer – Pourquoi ?

Moi – Parce que… Vous savez, en fait l’objectif principal de sa visite, c’était de m’appâter pour me séduire…

Interviewer – Excusez-moi… Et il a atteint ses objectifs ?

Moi – Non, parce que je l’ai raccompagné vers la sortie avant d’avoir goûté les meringues double crème. Sinon, je n’aurais pas pu répondre de moi.

Interviewer –J’ai entendu dire que vous subissez l’effet « meringues double crème ».

Moi – Oui, je suis dépendante de ce délice. Je considère le dimanche comme perdu si je n’ai pas mangé mes meringues double crème. C’est devenu mon rituel du dimanche. Je les mange et je vois la vie autour de moi se remplir de rêves et de béatitude… Ces meringues double crème, c’est une vraie obsession gastronomique. Ça vaut le coup de l’attraper.

Mylène

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 




La dame avec le chien

CC0 Creative Commons

 

Réflexion sur l’exil, le vieillissement et l’intégration

J’ai travaillé dur pendant 35 ans et j’étais tellement immergé dans mon travail que j’ai rarement pensé à mon âge. J’ai aimé mon travail: l’enseignement. Mais les choses ont tourné à l’envers tout d’un coup, et un tsunami féroce m’a jeté violemment sur d’autres rives.

Au camp de réfugiés, j’étais dans un combat constant avec toutes les visions de mon passé. Les tentatives de les chasser par divers moyens: la méditation, le yoga … n’ont abouti à rien. Etant un passionné de lecture, je fréquentais les bibliothèques publiques qui offrent un endroit calme et tranquille pour les lecteurs ainsi que pour faire la sieste ! Ces bibliothèques étaient très bien, comme une cuisine pleine de nourriture appétissante et de délices, mais qu’il était interdit pour moi de manger. Les étagères étaient remplies de toutes sortes de livres et de publications principalement en français, une langue que je ne connaissais pas, sauf quelques mots et expressions qui subsistaient encore dans ma mémoire d’un passé lointain. Je ressemblais beaucoup à un aveugle tâtonnant dans une pièce remplie de meubles. Ironiquement, pendant ma pratique en tant que professeur d’anglais, j’ai bourré la tête de mes étudiants au fil des ans de conseils sur la façon d’apprendre une langue étrangère. Maintenant, je me retrouve perdu.

Je me souviens encore d’un incident qui m’est arrivé il y a quelques temps. Un jour, alors que j’étais en train de lire dans un parc tranquille, j’ai senti que quelque chose reniflait ma main. Je l’ai retirée instinctivement et me suis retrouvé face à un chien qui aboyait sur moi, suivi immédiatement par un flot de mots en français d’une dame en colère, la propriétaire du chien. Ce que je pouvais comprendre était: « Le chien ne vous mangera pas! » Si j’avais bien connu le français, je lui aurais dit « Je sais Madame! Mais votre chien aurait pu me mordre! » Nous avons tous deux manqué de quelque chose : moi la langue, elle quelques manières.

Néanmoins, la pensée de mes prochains cours de français – donnés aux réfugiés dans le cadre du programme d’intégration – me remontait parfois le moral. Comme une lumière à la fin du tunnel. Je voyais tous les jours beaucoup d’étudiants dévaler la route du foyer principal, se dirigeant vers école, et je me demandais pourquoi mon nom ne figurait pas dans la liste ! Puis, un jour, mon assistante sociale m’a dit plutôt doucement, pour le faire sonner de manière moins douloureuse: «L’établissement encourage les jeunes réfugiés à s’intégrer, non des personnes de votre âge ». Un frisson m’a traversé le corps. Comme le temps passe vite ! Les psychologues affirment que les enseignants sont les plus exposés aux effets traumatiques du vieillissement dès qu’ils quittent leur emploi ou prennent leur retraite. Mais, ce n’était pas ce que je ressentais. Ce n’était pas la réalisation que je vieillis. C’était quelque chose de plus poignant, de plus angoissant. Si j’avais été ici il y a 20 ans, les choses auraient été bien différentes ! Complètement différentes ! Mais, il n’y avait pas de temps pour l’apitoiement sur soi et les sentiments pathétiques. J’avais terriblement besoin de ces cours; sinon, j’allais me « désintégrer » en un rien de temps entre les quatre murs de ma petite chambre.

Heureusement, le mot « motivé », un terme couramment utilisé ici, est venu à mon secours. J’étais motivé ! J’ai donc commencé mes cours intensifs avec de nombreux jeunes réfugiés qui parlaient toutes les langues sauf le français, et bon nombre d’entre eux étaient « démotivés » !  quand même, au début de chaque cours, le mot « âgé » remplaçait « motivé », et je devais lutter à nouveau pour que mon nom soit inclus dans les listes. Fait intéressant, le responsable des cours, une personne très gentille de mon âge plaidait en faveur des « règles », alors que je demandais une « exception ». Puis, comme pour me réconforter, il me disait que lui aussi allait partir à la retraite très bientôt ! Quel réconfort !

Pourtant, je dois admettre que « la vieillesse » avait au moins un « avantage »! J’ai été élu à chaque fois comme un « délégué » de la classe, pas tellement pour mes compétences, mais par respect que les étudiants africains et asiatiques ont encore pour les cheveux gris ! De plus, les enseignants étaient prévenants et l’un d’entre eux a fait quelques remarques agréables au sujet de l’âge de 60 ans, en disant qu’il s’agissait de la période de maturité, de détente et de vacances …!

Enfin, je sais bien que «  la motivation » et « la vieillesse » ne vont pas de pair en ce qui concerne le « marché du travail ». Néanmoins, je sais aussi que la clé à « l’intégration », au sens large du terme (culturel, social et psychologique), est l’acquisition des compétences linguistiques du pays, que la personne soit âgée ou jeune, sinon l’incident ci-dessus de la dame avec le chien sera l’alternative.

Hayrenik Dono

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Les Rencontres d’ici et d’ailleurs à Sion

Le défilé des communautés. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Le défilé des communautés. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Un 10ème anniversaire très festif

Cela fait 10 ans que les Rencontres d’ici et d’ailleurs (REDIDA) favorisent la bonne entente interculturelle dans la ville de Sion, où 120 nationalités cohabitent paisiblement. Une décennie, cela se fête !  

Au terme d’une semaine culturelle du 20 au 27 août, le week-end a fait place à de nombreuses animations. Le vendredi soir, la place du Scex à Sion était noire de monde, certes avec plus de gens d’ailleurs que d’ici : une vraie mosaïque humaine composée d’Asiatiques, d’Occidentaux, d’Africains, de Latino-américains. Tous les âges étaient représentés. Les gens se pressaient pour voir le défilé des communautés en costumes traditionnels, apprécier la danse, la musique et aussi déguster les cuisines du monde. Les enfants, de leur côté, avaient accès à un espace de loisirs et à un jardin de rencontre avec des conteurs.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils a pu rencontrer les organisateurs, Monsieur Jean-Pascal Fournier, Président de REDIDA et Madame Christel Jost Sawadogo, déléguée à l’intégration de la Ville de Sion et coordinatrice des événements organisés par REDIDA. Elle a aussi approché quelques communautés participantes pour leur demander quel sens elles donnaient à cette fête.

Un langage universel

Dans son discours d’ouverture, Jean-Pascal Fournier a souligné que tous ces ingrédients de la fête avaient un langage universel. Il a souligné que la manifestation était vivante et que le côté novateur de l’édition 2016 se remarquait à travers le défilé et la présentation des communautés étrangères dans leurs habits traditionnels.

En expliquant les objectifs de REDIDA, Christel Jost Sawadogo a, quant à elle, insisté sur l’importance de « la sensibilisation de la population aux questions de rencontre, de diversité culturelle et du vivre ensemble ». A travers la participation d’une trentaine de communautés étrangères aux côtés des Suisses avec leur légendaire raclette, il y a lieu de se dire que le fruit est palpable.

Pour perpétuer son festival culinaire, REDIDA a mis à disposition de chaque communauté deux tentes pour « leur permettre […] d’échanger et de discuter avec le public», comme l’a souligné Christel Jost Sawadogo. Et Jean-Pascal Fournier de poursuivre : « si vous voulez réunir les gens, […] la cuisine est une porte d’entrée, […] un bon moyen de rentrer en contact avec eux ».

Un régal

La fête a été un régal, non seulement pour le palais, mais aussi pour les yeux, le nez, les oreilles, bref, l’humain avec ses cinq sens était convié. Dans une ambiance chaleureuse, Valaisans et étrangers ont pu trouver ce qui les rassemble et amène leurs cœurs à communier.

Pour le président et la coordinatrice des REDIDA, le bilan est positif malgré la mauvaise surprise faite par la pluie le samedi soir. L’échange, la discussion et le dialogue avec le public ont bel et bien eu lieu. La satisfaction est de mise également pour les communautés étrangères.

Que vive REDIDA!!!

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Christel Jost Sawadogo et Jean-Pascal Fournier.

Christel Jost Sawadogo et Jean-Pascal Fournier.

 

Angola. C’est leur première participation. « Cette fête permet aux gens de se connaître et de se rapprocher des autres communautés. Nos enfants en grandissant connaîtront ainsi d’autres cultures. ». Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Angola. C’est leur première participation. « Cette fête permet aux gens de se connaître et de se rapprocher des autres communautés. Nos enfants en grandissant connaîtront ainsi d’autres cultures. ». Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

Communauté tamoule originaire du nord du Sri-Lanka. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Communauté tamoule originaire du nord du Sri-Lanka. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

Thaïlande. Cette dame qui participe aux REDIDA pour la quatrième fois apprécie beaucoup et trouve qu’il y a une belle équipe organisatrice. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Thaïlande. Cette dame qui participe aux REDIDA pour la quatrième fois apprécie beaucoup et trouve qu’il y a une belle équipe organisatrice. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

Quelques spécialités d’ailleurs. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Quelques spécialités d’ailleurs. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.