
Que se passe-t-il pour les milliers de personnes migrantes bloquées à la frontière des Etats-Unis ?
La tension que l’on vit actuellement entre la frontière sud des États-Unis et la frontière nord du Mexique est grave. Environ 13,5 millions de personnes en situation irrégulière résident aux USA depuis le début des années 1980. La pauvreté, la violence et la recherche d’opportunités sont les raisons qui ont poussé de nombreux Mexicaines et Mexicains à tenter de réaliser le célèbre « rêve américain ».
Au fil du temps, des personnes d’Amérique centrale et d’Amérique du Sud ont rejoint ce chemin périlleux. Avec l’arrivée de la première Caravane de Migrants en 2019 à la frontière sud des Etats-Unis; pour la première fois dans l’histoire du pays, des centaines de personnes migrantes du monde entier ont transformé la terre aztèque en une immense salle d’attente. Actuellement, le Mexique est devenu la porte d’accès aux États-Unis.
Avec cet élargissement des protocoles de protection des personnes migrantes, connus sous le nom de « Rester au Mexique », le Mexique a également dû déployer sa Garde nationale sur ses frontières sud et nord pour prendre des mesures drastiques afin de stopper l’arrivée des personnes migrantes vers les États-Unis.
Traversée difficile à la frontière nord
Mais, avec l’arrivée au pouvoir de Donald Trump et le rapatriement des Mexicaines et Mexicains, les personnes attendant à la frontière se retrouvent dans une situation désespérée. Où vont aller ces milliers de personnes migrantes bloquées au Mexique ?
La frontière mexicaine est reconnue comme l’une des plus dangereuses au monde, où environ 600 personnes meurent ou disparaissent chaque année en tentant de la franchir. Souvent, la promesse de leur faire traverser la frontière mexicaine est utilisée comme monnaie d’échange, mais ces personnes se retrouvent trompées et abandonnées à leur sort en plein désert. La route inhospitalière à travers les déserts de Sonora et de Chihuahua ; ainsi que les eaux dangereuses du Rio Bravo, fait que le nombre de vies perdues n’est pas vraiment comptabilisé.
Le Mexique face à une situation qui se dégrade
L’inefficacité de l’Institut national des Migrations (INM) est évidente dans sa politique visant à limiter l’accès des personnes migrantes aux refuges. La preuve a été apportée lorsqu’à été rendu public un événement survenu dans l’un des centres d’accueil pour personnes migrantes a Juarez en 2023, quand un incendie s’est déclaré et au cours duquel 40 personnes sont décédées. Ces personnes migrantes étaient détenues pour des délits de vandalisme et restaient dans des cellules peu surveillées, comme le montrera ultérieurement des vidéos devenues virales sur les réseaux sociaux.
Avec l’entrée de plus de 4 millions de personnes migrantes au Mexique entre 2023 et début 2025, les abris temporaires situés à la frontière nord à Nogales, Ciudad Juarez, Matamoros, Tijuana, Piedras Negras et Saltillo sont saturés. Il n’y a plus de capacités humaines, de matériel et d’espace pour pouvoir accueillir autant de personnes qui plus est pour une durée indéterminée. Compte tenu du fait que cette population est déjà dispersée dans plusieurs Etats du Mexique et que les refuges sont débordés dans leur capacité d’accueil, ces personnes migrantes ont décidé de rester désormais au Mexique.
Des milliers de personnes migrantes cherchent à survivre par leurs propres moyens. Des familles entières provenant du Venezuela, de Colombie, de Haïti, de Cuba, du Nicaragua, du Honduras et du Salvador, entre autres, se sont installées dans des places publiques: des jardins, des centres sportifs et même sous des ponts. Avec l’improvisation de maisons, toilettes, commerces informels et des lieux de loisirs pour que les enfants se sentent dans un environnement normal. Cependant, ils ne mettent pas de côté l’incertitude et l’anxiété face à la réalité qui se trouve devant eux: de voir fermer la frontière la plus désirée vers les États-Unis.
La guerre déclarée par Donald Trump aux « criminels, sauvages et trafiquants de drogue » ne concerne pas seulement (comme beaucoup le pensent) les personnes migrantes d’Amérique latine. Une grande partie de cette population vient également d’Afrique et de pays comme l’Afghanistan, le Pakistan, l’Inde, l’Iran, la Chine, etc.
Ce qui est inquiétant dans ce tourbillon humanitaire, c’est que le Mexique ne dispose déjà pas des infrastructures de santé nécessaires pour ses nationaux et donc encore moins pour les milliers de personnes étrangères entassées dans des quartiers pauvres et surpeuplés où ils manquent d’eau et d’évacuation des eaux usées. À cela s’ajoute l’insécurité qui existe à tous moments dans le pays. Ce dernier a signalé plus de 2 000 homicides au cours du premier mois de l’année 2025. Ce sans parler de l’insécurité ambiante que la vit la population avec son lot d’enlèvements, d’extorsion, d’abus sexuel, d’homicides, de trafic d’êtres humains, etc.
Loin de « l’Empire de la Liberté »
La vision que Thomas Jefferson avait des États-Unis, comme un grand empire de liberté promouvant la démocratie et la lutte contre l’impérialisme britannique est aujourd’hui une réalité bien intangible. La question de la migration n’est rien d’autre que le début du chaos, où les personnes migrantes se retrouvent comme des pièces d’un jeu d’échecs influencé par les politiques internationales. Ce qui signifie que des milliers d’entre eux s’ajouteront chaque jour à l’incertitude d’être bloqués dans un pays qui ne peut pas les accueillir et qui est submergé par une crise migratoire que son voisin du Nord a déclenché et qu’il ne compte pas arrêter.
« Rester au Mexique » deviendra un drame en 2025 pour des milliers de familles qui ne voulaient que réaliser le rêve américain qui est finalement devenu peu à peu un vrai cauchemar. La séparation imminente des familles que l’on voit entre les frontières, la discrimination raciale et la chasse aux personnes migrantes déclarée par les gouvernement des deux pays laissent des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants dans le désespoir.
Cecilia González Cázares
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils