Championnats d’Europe de Taekwondo 2025 à Aigle
La ville d’Aigle a accueilli, du 19 au 23 novembre 2025, les Championnats d’Europe juniors et seniors de Taekwondo. Plus de 700 athlètes, représentant 49 pays, se sont affrontés au cœur d’un événement inédit en Suisse. Mais derrière les performances sportives se distinguait également un autre enjeu : l’intégration de personnes issues de la migration et d’athlètes du monde entier.
Cet événement d’ampleur européenne a été organisé par Krasniqi Taekwondo, un club local de Villeneuve tenu par Bashkim et Mergim Krasniqi, et a pris place au Centre Mondial du Cyclisme, à Aigle. Durant cinq jours de compétition, pas moins de 28 titres continentaux ont récompensé les championnes et champions juniors et séniors de chaque catégorie. La préparation pour un tel événement s’est étendue sur plus d’un an, mobilisant logistique, coordination hôtelière, transferts internationaux et la réservation de plus de 4’500 nuitées dans la région. De plus, ces championnats représentaient aussi une portée symbolique, puisque les organisateurs souhaitaient « représenter la Suisse comme un pays d’accueil ». Pari réussi, l’événement ayant été salué au niveau européen, une reconnaissance rare pour une petite structure.
Les bénévoles de l’exil, clés du succès
Ce succès n’est pas uniquement dû aux prouesses sportives des athlètes et à l’efficacité du club organisateur, mais également au travail des bénévoles. Les organisateurs ont notamment profité d’un partenariat avec l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), qui a permis l’engagement d’une vingtaine de personnes issues de la migration. Ces dernières, aux côtés des autres bénévoles, ont assuré l’accueil des délégations, l’orientation du public et l’assistance logistique. Plusieurs athlètes ont relevé la qualité d’accueil et la chaleur humaine dont ont fait preuve ces bénévoles, soulignant leur authenticité et leur bienveillance. Grâce à ces derniers, ce championnat est devenu bien plus qu’une simple compétition sportive, lui conférant un aspect profondément humain.
Au terme de la compétition, Lindita Krasniqi, responsable des bénévoles, a adressé un message à ses équipes exprimant sa reconnaissance. Elle ne parle pas de « simples bénévoles » mais de « véritables partenaires » qui ont été « des piliers essentiels à la réussite du championnat ». De plus, Sakis Pragalos, président de l’Union européenne de taekwondo, a également salué l’aide précieuse des bénévoles dans une lettre adressée aux organisateurs. Dans un pays où l’on demande aux personnes migrantes de « faire leurs preuves », cette reconnaissance résonne plus fort qu’un remerciement, soulignant les compétences de celles et ceux que la Suisse, parfois, peine à considérer comme des acteurs sociaux à part entière.
De l’exil au tatami : l’exemple d’Ali Sina Azizi
Les personnes issues de la migration ne se trouvaient pas seulement dans les coulisses. Elles étaient aussi représentées sur les tapis, grâce à l’Equipe européenne des réfugiés. Parmi celle-ci se trouvait Ali Sina Azizi, réfugié afghan de 21 ans, ayant grandi en Iran et étant le seul représentant des demandeurs d’asile en Suisse. Repéré lors d’un entraînement, Ali Sina a été intégré et soutenu par Krasniqi Taekwondo, qui l’accompagne aujourd’hui vers un parcours d’excellence, avec un entraînement quotidien. Il donne aussi des cours aux plus jeunes et est ainsi devenu un exemple de réussite pour les enfants issus de la migration.
Ces deux dernières années, Ali Sina a remporté plusieurs distinctions, dont la médaille d’or au Wattwil Open et le titre de vice-champion au Swiss Open. À Aigle, les bénévoles et les habitants du Chablais l’ont encouragé comme l’un des leurs. Son parcours montre que le sport peut devenir un espace de dignité, de reconnaissance et d’avenir pour ceux que l’administration classe ailleurs.
Une intégration par l’action
Les discours politiques répètent que les personnes migrantes doivent s’intégrer. À Aigle, l’intégration a été une expérience collective, offrant aux personnes exilées un rôle actif, une responsabilité claire et une reconnaissance officielle. En cinq jours, ce championnat de taekwondo a démontré ce que l’accueil pouvait être lorsqu’il devenait concret. L’exil, souvent décrit comme une fragilité, s’est révélé être une ressource, un savoir-faire, une force sociale.
Durant cet événement, le taekwondo n’a pas seulement créé des champions. Il a montré que l’intégration n’était pas un slogan, mais une collaboration. Un pays se construit avec ceux qui y participent et non uniquement avec ceux qui y naissent.
Yahya Nkunzimana
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils






























Photos d’Oleksandra Yefimenko et Reza Rezaee



