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Des rêves de footballeur aux réalités de la guerre

A mon ami Ali

Depuis que je suis petit, je rêve d’être un footballeur célèbre. J’étais convaincu de pouvoir un jour réaliser mon rêve malgré tous les obstacles et les problèmes dans mon pays. Il n’y avait pas de terrains de jeux à Gaza, ma ville; que ce soit pour les adultes ou pour les enfants. Plus tard, ma ville ainsi que tout mon pays ont été soumis à un blocus strict, en raison de conflits politiques, puis tout a encore empiré.

Je disais à mon ami Ali : « Si j’étais premier ministre, je ferais plus attention au Ministère de la jeunesse et des sports qu’à tout autre ministère. Je construirais des terrains de jeux partout, surtout dans les écoles. De plus, je permettrais à toutes et à tous de jouer librement et de pratiquer leurs sports préférés ».

Cependant, les rêves, la sécurité et les souhaits sont des mots sans signification dans une ville comme la mienne qui tue même les petits rêves.

Je jouais au football pendant mon temps libre avec mon ami Ali dans la rue devant chez moi. Je faisais le gardien de but et j’empêchais Ali de marquer. Je n’arrêtais pas de le taquiner en lui disant qu’avec un gardien de ma trempe, il ne marquerait jamais un but de toute sa vie.

Le 7 janvier 2009, j’étais assis devant chez moi en attendant qu’Ali vienne jouer au football. Le temps était brumeux mais pas froid. Tout à coup, j’ai entendu d’énormes bruits de bombardements. Terrifié, j’ai couru chez moi en cherchant un endroit pour m’abriter. Finalement, je me suis caché sous la table de la cuisine. Les bombardements ont cessé et j’ai cherché à savoir quelle avait été leur cible car nous étions habitués à vivre cela tous les jours. Mon père est venu et m’a dit que mon ami Ali avait été blessé par un éclat d’obus. Je me sentais très effrayé et anxieux pour mon ami. Le temps passait lentement et je voulais savoir ce qui lui était vraiment arrivé. Finalement, quelqu’un est venu et a annoncé qu’Ali était décédé. Je ne pouvais pas croire à ce qu’il disait. Je suis alors allé chez Ali pour vérifier cette information.

Devant sa maison, il y avait beaucoup de gens qui se rassemblaient. J’ai entendu des femmes pleurer. Je me suis faufilé dans sa maison et j’ai vu son corps en morceaux gisant dans un cercueil. J’ai beaucoup pleuré. J’ai pleuré pendant plusieurs semaines. Je ne pouvais pas oublier la scène de son corps déchiqueté.

Je vais toujours au cimetière pour parler à Ali. Je lui dis combien je l’aime et combien je suis vraiment très triste et en colère parce qu’il m’a laissé seul dans ce monde.

Wael Afana

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




La violence à l’encontre des femmes en Afghanistan

Photo: Renata Cabrales / Voix d’Exils.

Parole à Jamail Baseer : jeune femme afghane refugiée en France

À leur retour au pouvoir en Afghanisant le 14 août 2021, les Talibans ont fermé les écoles aux filles et aux femmes et les ont exclues de l’espace public ce qui a provoqué l’indignation de la communauté internationale.

« En Afghanistan, j’ai travaillé comme traductrice avec des journalistes français, j’ai aussi travaillé en collaboration avec une ONG. Ma sœur était footballeuse professionnelle et travaillait avec un ingénieur civil. Ce n’était pas notre choix de quitter le pays. Le 15 août 2021, ma famille et moi avons quitté le pays. Ce sont les premiers mots de Jamail, une jeune femme afghane qui partage avec nous son témoignage de victime du système extrémiste mis en place par les talibans.

Perspective historique

Quelques faits historiques tirés d’un vieil article de la BBC montrent qu’en 1973, Zahir Shah a été renversé par le militant de gauche Mohammed Daoud Khan, mettant ainsi fin à plus de 200 ans de monarchie en Afghanistan. Depuis lors, sous la République dite d’Afghanistan, les droits des femmes ont progressé puisque qu’elles ont pu entrer au parlement, recevoir une éducation universitaire et obtenir des fonctions publiques. Tout cela grâce aux régimes soutenus par l’Union soviétique à la fin des années 1970, lorsque le Parti démocratique populaire (marxiste) d’Afghanistan a pris le pouvoir lors de la révolution d’avril 1978. La progression de ces droits s’est poursuivie donc après l’invasion soviétique en 1979.

Cependant, lorsque les talibans sont arrivés au pouvoir en 1996, les droits des femmes à l’éducation et à l’emploi ont été totalement anéantis. Les femmes afghanes ne pouvaient sortir qu’accompagnées d’un parent masculin et devaient porter une burqa qui les couvre entièrement. Elles ont également été condamnées à des mesures cruelles imposées par des règles fondamentalistes et rétrogrades, telles que les décapitations et les lapidations, pour une prétendue désobéissance.

Plus tard, lors de l’invasion américaine, la situation a un peu changé, non qu’elle se soit améliorée, car selon le mouvement des femmes RAWA, l’Association révolutionnaire des femmes d’Afghanistan, leurs droits ont été obtenus à cette époque grâce à la lutte du mouvement et non à l’intervention des États-Unis.

Cependant, ce répit a été de courte durée car après le retrait des troupes américaines en août 2021, les talibans (un mot qui signifie ironiquement « étudiants ») sont revenus au pouvoir, redoublant toutes les formes de misogynie. Puis les femmes ont commencé à subir les mêmes violences puis les portes des écoles et des universités leur ont été fermées.

« Nous aidons les professeurs à enseigner à certaines filles, car nous savons que les écoles sont fermées et que, dans les villages, la plupart des familles ne permettent pas à leurs filles d’aller à l’école. C’est donc une bonne occasion pour elles d’étudier près de chez elles » explique Jamail qui, d’ailleurs, avec sa sœur Fanoos, recherchent des aides financières pour les enseignants qui scolarisent clandestinement les filles en Afghanistan.

En guise de protestation contre les nouvelles réformes des talibans, une jeune femme afghane s’est tenue à l’entrée d’une université le 25 décembre 2022 (alors que le monde entier – ou presque – célébrait les fêtes de fin d’année), en tenant une pancarte sur laquelle était inscrit en arabe : « iqra » qui signifie « lire »;  la première parole révélée par Dieu au prophète Mahomet selon la religion musulmane. « Dieu nous a donné le droit à l’éducation. Nous devrions craindre Dieu, pas les Talibans, qui veulent nous priver de nos droits » a déclaré la jeune femme à la BBC. Après avoir exclu les filles de la plupart des écoles secondaires au cours des 16 derniers mois, les talibans ont également interdit il y a quelques jours l’enseignement universitaire aux femmes qui y voyaient le seul moyen de se libérer du joug religieux imposé par le gouvernement fondamentaliste des talibans.

L’Afghanistan aujourd’hui

Aujourd’hui, l’Afghanistan est un pays frappé par la misère que les gens fuient chaque jour à la recherche d’une vie meilleure car s’ils ne sont pas tués par la faim, ils sont tués par les affrontements entre groupes religieux extrémistes. Des familles entières font d’interminables voyages à la recherche d’un avenir meilleur mais, selon la plupart des gouvernements des pays où elles arrivent, il n’y a pas de guerre officielle en Afghanistan. C’est la raison pour laquelle de nombreuses demandes d’asile sont rejetées.

« Il y a aussi beaucoup de femmes exerçant une profession, comme maîtresse d’école, qui mendient dans les rues, ce qui me fait vraiment pleurer » raconte Jamail, les larmes aux yeux. Puis, reprenant son souffle, elle poursuit : « Ce n’était pas notre choix de quitter notre pays. Tout d’un coup, en une heure, beaucoup de gens ont dû quitter l’Afghanistan. Aujourd’hui, ma famille et moi sommes sûres que nous aurons une vie meilleure ici, mais nos pensées sont toujours dans notre pays bien-aimé. Pour ma part, les rues illuminées de Shari, une place célèbre à Kaboul, me manquent toujours. Ma maison, ma chambre et toutes mes affaires me manquent encore, celles que je n’ai pas pu emporter en France… Je ne suis pas heureuse » regrette la jeune femme.

Propos recueillis par:

Renata Cabrales

Membre de la rédaction de Voix d’Exils

 

Jamail Baseer

Je m’appelle Jamail Baseer. J’ai 33 ans et j’ai quitté l’Afghanistan le 17 août 2012. J’étais traductrice en Afghanistan pour des journalistes français et je travaillais également avec des ONG internationales. J’ai travaillé comme interprète et traductrice auprès de journalistes français et de militants des droits des femmes en Afghanistan. Maintenant, je vis en France en tant que réfugiée.

 

 




Le peuple iranien se rebelle

Déjà 300 morts en 3 mois de manifestations contre le régime iranien

Les manifestations pour dénoncer le meurtre de Mahsa Amini par la « police des mœurs » ne montrent aucun signe d’apaisement, malgré une réaction violente des autorités iraniennes, ce qui constitue un défi pour la République islamique depuis sa fondation en 1979. Rencontre avec Marjane*, une femme iranienne réfugiée en Suisse, qui partage son point de vue sur les raisons de l’intensité des manifestations en cours en Iran.

L’oppression des femmes en Iran a commencé suite à la révolution islamique il y a 43 ans et n’a fait que s’intensifier durant tout ce temps. La situation des femmes en Iran est donc difficile car cela fait une quarantaine d’années que l’État exerce un contrôle strict sur leur corps. D’une part, elles sont tenues à porter le voile, d’autre part, elles sont persécutées par les « gardiens de la révolution », ainsi que par la « police des mœurs »:  une unité des forces de sécurité du pays dont la mission est de les harceler dans la rue afin qu’elles respectent les lois islamique du code vestimentaire en public, c’est-à-dire porter le voile correctement, de manière à ce que leurs cheveux ne soient pas visibles, ne pas porter de vêtements moulants ou colorés et bien couvrir leurs bras et leurs jambes.

La punition pour s’être dévoilée en public peut être la détention, l’emprisonnement, une amende ou des coups de fouet. Ainsi, les femmes du pays de la soi-disant « révolution » sont soumises quotidiennement à des hommes inconnus qui les poursuivent, les battent, les aspergent avec des sprays au poivre et les traitent même de « putes ».

Les plus grandes manifestations contre le régime

Les manifestations les plus récentes ont commencé parce qu’en septembre dernier, la police des mœurs est allée trop loin, étant accusée d’avoir battu à mort une jeune femme. Sa mort a suscité de vives protestations rejetant la violence religieuse machiste. Par solidarité, de nombreuses femmes sont descendues dans les rues sans voile et d’autres, dans un geste symbolique, ont mis sur les réseaux sociaux des vidéos où elles se coupent les cheveux.

Mais les personnes qui défendent les droits des femmes sont réprimées parce qu’elles s’opposent à ce système patriarcal et oppressif et la conséquence de l’opposition à la République islamique est l’exécution, souligne Marjane.

Cependant, après les manifestations de novembre 2019, qui ont une origine socio-économique, il s’agit, en ce moment, de la plus grande manifestation contre le régime et personne ne peut garantir qu’elle se terminera. C’est pourquoi, le régime encourage les marches pour « protéger l’Islam » et pointe du doigt les « fauteurs de troubles », tout en accusant les États-Unis de soutenir les révoltes.

La vague de violence a fait des centaines de morts, pour la plupart des manifestants, et a conduit à de nombreuses arrestations par les forces de sécurité. Mahsa Amini n’était pas seulement une femme, mais aussi une Kurde, c’est-à-dire qu’elle appartenait au peuple kurde, qui constitue la plus grande minorité ethnique du Moyen-Orient et qui ne vit dans aucune forme d’État-nation.

Ce peuple est victime d’actes cruels de discrimination et c’est pourquoi la jeune femme s’appelait en réalité Jina, mais Jina en kurde signifie « femme » et, en Iran, il est interdit de parler cette langue. C’est pourquoi Jina a été rebaptisée Mahsa. Or, dans les médias de tout le Kurdistan, elle est appelée Jina Mahsa: son nom kurde.

300 morts parmi les manifestant.e.s

C’est ainsi que dans le Kurdistan iranien, dans certaines régions d’Iran, on entend depuis lors des cris avec des slogans comme : « Jin, Jiyan, Azadî » ce qui signifie « Femme, vie, liberté » et « Bimre Dîktator », soit « Mort au dictateur ». Ces phrases d’indignation sont dites dans la langue interdite : le kurde.

En outre, « Jina a été violée et torturée physiquement et mentalement par la police des mœurs. De nombreuses personnes ont été tuées, emprisonnées et exécutées également. En effet, le régime utilise des armes à feu pour réprimer les révolutionnaires », s’indigne la jeune Iranienne Marjane.

Finalement, Marjane estime que pour le moment, rien n’est clair, « cette révolution a commencé il y a presque trois mois » explique-t-elle. De plus, elle espère qu’elle se terminera en faveur du peuple iranien qui se bat pour sa liberté. malgré environ 300 morts dus à la répression de la République islamique, les manifestations se poursuivent et aujourd’hui il semble impossible d’en connaître l’issue. La seule certitude est que la révolution gardera un fort caractère féministe selon la plupart des mouvements féministes qui se battent pour cette cause.

*Nom d’emprunt.

Propos recueillis par:

Renata Cabrales

Membre de la rédaction de Voix d’Exils




هكذا يتبدد الظلام

Kristine Kostava / Voix d’Exils.

بين الواقع والخيال

يدعوكم محررنا رشيد بوخميس، في هذه الرواية، الى التعرف على التحول الاستثنائي في حياة الطفل اليتيم بلال

عاش يتيما بعدما فقد كلا أبويه في حادث انزلاق التربة في قريته من ولاية ميلة الجزائرية، وهو في الثالثة من عمره. كفلته جدته لأبيه وهي في الخامسة والخمسين من العمر. من كثرة الإشفاق عليه وحرقة الثكل، تركته يفعل ما يريد وأودعته الشارع مع أترابه. ترك مقاعد الدراسة في سن مبكرة وارتاد الأوكار تعلم فيها كل فنون الانحراف والشذوذ، فصار الجيران يشكونه إليها لتصرفاته الطائشة وينعتونه بالشقي، وهي تدافع عنه بكل ما لديها من وسائل، بلغت حد العراك والملاسنة الكلامية

مد « بلال » الطفل اليتيم يده في بادئ الأمر إلى السجائر، تعلم بعدها كل ما يرتبط بهذا السم، وصار مدمنا على مغيبات العقل. يهدد جدته بشتى الوسائل ليحصل على ما وفرته في حصيلتها، غير أنها كانت تبالغ في دلالها  له مما زاده رعونة وطيشا

كان يحلم بالسفر إلى أوربا ليستمتع بما حرم منه في بلده المحافظ، بعيدا عن أعين أهله وذويه، في منأى عن القوانين العرفية التي تضايقه وتعتبر تصرفاته خارجة عن المألوف ومنافية لقانون المجتمع المسلم

الطريق الى فرنسا

تعرف بلال على منى، الشابة الفرنسية من أصول جزائرية التي قدمت لتقضي عطلتها الصيفية في إحدى المدن الجزائرية القريبة من الساحل. تطورت العلاقة إلى اتفاق على الزواج. عند إعلان الخطوبة، استنكر أهلها هذا القرار ونصحوها بالرجوع عنه، لكنها كانت مصممة على تنفيذه بأقصى سرعة، وهي التي تلقت تربيتها الشرقية المشبعة بالتعاليم الدينية عن طريق السمع، حيث ظنت أنها أصابت صيدا ثمينا لن تجد مثله على وجه الأرض، وعليها أن تخطفه قبل فوات الأوان

في فرنسا، وجد بلال كامل الحرية التي حلم بها في شبابه فأعاد إلى ذاكرته شريط الحرمان والقيود الاجتماعية المفروضة عليه في بلده الأصلي. غير العقلية وأطلق العنان لمكبوتاته الطفولية وراح يسبح في خيالاته البنفسجية وصار يقضي معظم وقته مع رفاق السوء في جو ملئ باللهو، ونسي واجبه الذي هاجر من أجله تاركا وراءه جدته العجوز وحيدة تبكي لفراقه، ناسيا زوجته التي جعلت منه إنسانا بيده ميزان القوة

بدأت الشكوك تتسرب إلى فراش الزوجية وتحوم حول الزوج السائب ونزل الخبر على أم منى كالصاعقة لكنها جمعت قوتها وطمأنت ابنتها. واستطاعت، شيئا فشيئا، أن تقنع صهرها بالجلوس الى طبيب نفساني والقيام بأنشطة فكرية وتواصلت معه في أغلب الأوقات حتى سدت فراغه وأشعرته بالاهتمام، فصار يبتعد عن رفاق السوء إلى أن انقطع عنهم

بداية جديدة   

بعد أيام، تحصل على منصب عمل في مصنع للسيارات السياحية كعون أمني ليلي، فامتنع عن التدخين بمقتضى القانون الداخلي للشركة، ثم توقف عن شرب الكحول وتناول المخدرات واستمر على تلك الحال يناضل بمساعدة زوجته التي ساهمت بما استطاعت بعد ذلك من مال لفتح مرآب لغسيل السيارات، واكتشف بلال سر السعادة وجمال الحياة في العمل

صار بلال يقلب صفحات كتابه فتذكر جدته التي ربته ودافعت عنه في كل مواقفه، فعزم على زيارتها مع زوجته وبنتيه اللتين لم يرياها إلا في الصور التذكارية التي احتفظت بها أمهما من يوم زواجها

كم كانت المفاجأة سارة حين طرق بابها وخرجت معتمدة على عصاها إذ سبق إليها حفيذتاها وسلما عليها، وربطت الدهشة لسانها حين أسرع إليها بلال وضمها باكيا بحرقة دموع الفرح

رشيد بوخميس

محرر بصوت المهجر

La traduction française de cet article a été publiée le 10.08.2021 sur Voix d’Exils et est accessible ici




Série estivale – Les contes d’Arménie (5/5)

Illustration: Kristine Kostava / Voix d’Exils

Il était une fois, une mère à l’imagination fertile…

Le conte que vous allez lire est l’œuvre de Hovhannes Tumanyan (1869-1923). Poète, romancier, conteur et père de dix enfants, il est considéré comme un des plus grands écrivains arméniens. Et aussi l’un des plus populaires. C’est de sa mère, réputée pour ses talents de conteuse, qu’il tenait son goût pour ce style littéraire dans lequel il excellait.

 

La jeune femme paresseuse

Il était une fois une très jolie jeune femme qui n’aime pas travailler. C’est pourquoi, ses voisins l’ont surnommée «Huri la paresseuse ». Malgré toutes les critiques, sa mère s’obstine à faire l’éloge de sa fille, si travailleuse, si bonne cuisinière et excellente couturière…

Un jour, un jeune et riche commerçant entend le discours de la mère de Huri et se dit qu’il doit absolument rencontrer cette perle. Il arrange un rendez-vous avec elle et en tombe follement amoureux. Il demande à la mère de Huri son accord pour qu’ils puissent se marier. La mère accepte avec plaisir de le prendre pour gendre car c’est un très beau parti.

Peu après leur magnifique mariage, le commerçant achète quelques sacs de coton et dit à sa femme : « Je vais partir à l’étranger pour mes affaires. En mon absence, peux-tu filer le coton ? Je le vendrai ensuite et cela nous fera une belle rentrée d’argent. »

Huri n’a pas la moindre intention de se fatiguer à la tâche. Un jour, alors qu’elle longe la rivière, elle entend le coassement des grenouilles.

« Pepper, Qeqer, Pepper, Qeqer… »

« Hey les filles Pepper, Qeqer ! J’ai beaucoup de coton à filer, est-ce que vous pouvez m’aider? », leur demande-t-elle ?

« Qura, qura, qura… », lui répondent les grenouilles.

Huri est contente, elle croit avoir entendu les grenouilles lui dire : « Apporte-le, apporte-le ! ». Elle retourne donc à sa maison chercher les sacs de coton laissés par son mari, puis jette le coton dans la rivière.

« Prenez-en soin petites grenouilles. Je reviendrai le chercher dans quelques jours et mon mari pourra le vendre à bon prix. Merci d’avance ! »

Quelques jours plus tard, lorsqu’elle passe prendre le coton filé, les grenouilles coassent toujours.

« Bonjour, pouvez-vous m’apporter le coton que vous avez filé ? », leur lance-t-elle.

Les grenouilles continuent de coasser. Huri la paresseuse regarde dans l’eau et voit une mousse verte qui enveloppe les pierres du fond de la rivière.

« Vous avez filé le coton, vous l’avez coloré et vous avez tissé un tapis ? », demande-t-elle surprise. « Si vous avez utilisé le coton pour vous, alors vous devez m’en payer le prix! »

En disant cela, elle entre dans l’eau et fait quelques pas, quand soudain son pied heurte quelque chose de dur. C’est une grande pièce d’or ! Elle la prend, remercie les grenouilles et retourne à la maison.

Quand son mari rentre de voyage, il découvre la pièce d’or posée sur une armoire. Il est très surpris et demande à sa femme d’où elle vient.

« J’ai vendu le coton aux Pepper et Qeqer », lui explique-t-elle.

Le mari est très heureux et organise une petite fête. Il invite sa belle-mère et lui offre des cadeaux pour la remercier d’avoir si bien élevé Huri.

La belle-mère est une femme rusée, elle comprend tout de suite ce qui s’est passé. Elle doit absolument trouver un moyen pour la protéger afin d’éviter que son beau-fils ne confie un autre travail à sa fille, et que cette fois-ci sa vraie nature de paresseuse soit révélée.

Pendant la fête, une abeille entre dans la maison. En la voyant, la mère court vers elle et s’incline pour lui parler : « Bonjour ma tante ! Comment vas-tu ? Ça fait combien de temps qu’on ne s’est pas vues ? Je constate que tu as vraiment travaillé dur… Tu es donc une abeille maintenant ! »

Son beau-fils, très étonné, lui demande : « A quelle tante parlez-vous ? »

« Comme tu es mon beau-fils, je te dois la vérité : cette abeille est ma tante !, lui confie-t-elle. Elle a travaillé tant et si bien qu’elle est devenue toujours plus petite et, à la fin, elle s’est transformée en abeille. Dans notre famille, nous aimons travailler dur, mais à force de travailler, nous rétrécissons et nous nous transformons en abeilles. »

Ce qu’il entend là fait très peur au marchand. Il ne veut pas perdre sa femme et, pour la protéger, il lui interdit dorénavant de travailler.

Conte de son pays, librement traduit par:

Anahit

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils