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Un théâtre forum pour surmonter les problèmes que rencontrent les migrants

La troupe des rescapés durant le représentation à Yverdon. Photo: Voix d'Exils

Les Rescapés durant leur représentation à Yverdon-les-Bains le 09.11.2013. Photo: Voix d’Exils

« Les Rescapés ont tout perdu… sauf leur humour », tel est l’intitulé du dernier spectacle de la troupe de comédiens Haïtiens « Les Rescapés » qui a tourné dans des écoles et foyers suisse romands au courant 2013. Voix d’Exils a eu la chance d’assister au spectacle de clôture de la tournée vaudoise qui s’est déroulé le 9 novembre dernier à la salle de spectacle des Citrons Masqués à Yverdon-les-Bains.

Pour un spectacle sur le thème de la migration, les artistes ont présenté un sketch sous forme d’un théâtre forum  dans lequel le public intervient. Celui-ci devait identifier la problématique et pouvait apporter des solutions pouvant changer l’histoire d’un couple vivant une situation difficile (une Suissesse et un Haïtien) vivant en Suisse et dont l’homme était un sans papier. Il faut noter que pendant le spectacle, le public pouvait interrompre la scène, proposer des solutions, ou monter sur scène et intervenir en tant qu’acteur dans la situation. Le public – composé en majorité de membres d’associations œuvrant dans des domaines liés aux personnes migrantes – proposait des solutions qui se sont avérées pertinentes et sont parvenues à dénouer de manière heureuse la situation pénible que vivait le couple.

Créé en 2006, la troupe théâtrale « Les Rescapés » portait déjà un nom prémonitoire. En 2010, elle prend la forme d’une association qui œuvre au sein d’un programme de soutien psychologique auprès des enfants qui ont subi la catastrophe naturelle qui a frappé Haïti. Ce programme proposait des émissions de sensibilisation à la télévision et qui leur donnaient l’occasion de s’exprimer ; ainsi que des ateliers artistiques organisés avec eux sous forme d’activités (théâtre, danse, peinture, chant et jonglage). A ce jour, plus de 4500 enfants ont pu participer aux ateliers depuis sa création. En outre, la troupe organise aussi des spectacles d’improvisation clown pour les enfants en situation de handicap.

Voix d’Exils a rencontré trois membres de la troupe : Stanley August, artistes au sein de la troupe et Vice-président de l’association ; Thomas Noreille, citoyen Suisse vivant en Haïti depuis plusieurs années, président de l’association « Les Rescapés » et réalisateur cinéma ; Luxon Zidor, cofondateur des Rescapés.

Voix d’Exils : pourquoi avez-vous choisi le thème de la migration pour votre tournée en Suisse ?

Stanley August : L’immigration est un thème d’actualité. On en parle presque dans tous les médias parce que c’est un phénomène en pleine expansion. Étant donné qu’une bonne partie de la troupe est d’origine haïtienne, nous connaissons bien cette difficulté de quitter le pays pour aller à l’extérieur, pour y habiter dans une terre où il y a toujours des problèmes de papiers, d’intégration et de culture. Alors on s’est dit qu’il fallait faire une tournée en Europe avec pour thème la migration.

Thomas Noreille : Nous avons en particulier réalisé deux émissions les années passées avec les enfants haïtiens vivants en France et en Suisse. Le but était de montrer les liens et différences aux enfants haïtiens en Haïti entre eux et leurs frères qui ont émigré. C’était intéressant d’avoir le point de vue de ces enfants qui ont quitté Haïti, qui ont parfois perdu la culture haïtienne et c’était aussi pour démystifier justement cette vision de l’étranger qu’ont la plupart des enfants qui pensent que c’est tout rose ailleurs. On a eu des témoignages vraiment poignant d’enfants qui avaient une seule envie « de retourner simplement en Haïti » c’était dans le même thème de l’immigration […] ».

Voix d’Exils : Quel est le but du théâtre forum de ce soir?

Thomas Noreille : le but du théâtre forum de ce soir est que les gens puissent se mettre dans la peau de cet homme haïtien qui représente les migrants qui poursuivent le rêve d’une vie meilleure et, en même temps, de se mettre à la place de cette Suissesse qui l’accueille [leur pays d’accueil en général, ndlr].

Voix d’Exils : Pourquoi ce nom « Les Rescapés » ?

Luxon Zidor : Nombreux pensent que c’est suite au séisme qui a frappé Haïti que nous avons eu ce nom. En réalité, à la base, nous nous sommes rencontrés dans une production filmique qui a mal tourné et suite à cette mésaventure, nous avons décidé de monter quelque chose de plus concret pour rendre service à la société. Et c’est là que le nom  « Les Rescapés » m’a inspiré.

Voix d’Exils : votre mot de la fin ?

Luxon Zidor : «Mon mot de la fin, c’est bien de voir d’autres cultures, de connaître d’autres gens, d’apprendre et de partager aussi. Nous avons partagé avec la population suisse et appris beaucoup de choses à propos d’eux également qui resteront dans nos mémoires et allons les apporter aux Haïtiens. Partir c’est bien, si ça ne va pas chez vous. Mais il faut toujours penser à revenir au pays pour le reconstruire, tel est mon message pour tout ceux qui quittent leur pays d’origine».

Propos recueillis par :

Pastodelou et Monako

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Informations:

Pour regarder un sketch de la troupe, cliquer ici




Edito. De l’Obamania à l’Obamagie

www.voixdexils.ch

La réélection de Barack Obama à la tête des États-Unis a surpris plus d’un. Et à juste titre. Selon les sondages, ni le président Obama, ni l’ancien gouverneur Mitt Romney ne jouissaient d’un avantage certain quelques heures avant l’élection présidentielle. Ce qui est somme toute très surprenant.

Comment Obama, celui qui a suscité « l’Obamania » – cet incroyable soutien passionné dans toutes les régions, les classes sociales, les ethnies, les religions, et même les secteurs économiques – s’est-il retrouvé à presque « mendier » chaque voix auprès du même électorat quatre ans plus tard pour être réélu ? Seuls cinq des 44 présidents américains ont été vaincus dans leur tentative de réélection. Obama semblait être sur le point de les rejoindre. Évidemment, la faiblesse de l’économie américaine et la crise économique mondiale qui sévit ont rendu Obama vulnérable! Mais des erreurs stratégiques comme : sa retenue à défendre sa gestion durant son mandat, à mieux expliquer les obstacles qui limitaient son action et son omission de rappeler à l’électorat la situation catastrophique dont il avait hérité de Georges W. Bush ont également étonné plus d’un observateur. Naturellement, Romney a profité de ces failles pour s’y faufiler.

Mais Obama a fini par gagner. Il devient ainsi le premier président depuis Franklin D. Roosevelt à être réélu avec un taux de chômage supérieur à 7% ; et le premier démocrate depuis le même Roosevelt à dépasser la barre des 50% pour la deuxième fois. Voici donc quelques indicateurs des forces et des faiblesses de la campagne d’Obama. Il existe néanmoins aussi plusieurs circonstances qui ont concouru à sa victoire. Mentionnons juste sa brillante maîtrise de la catastrophe de l’ouragan Sandy qui est comme arrivé « du ciel » à quelques jours de l’élection, ce qui contrastait avec la gestion calamiteuse de l’ouragan Katrina par W. Bush. Une intervention saluée par les républicains eux-mêmes, au premier rang desquels Chris Christie, le gouverneur du New Jersey, un fervent supporter de Mitt Romney.

Obama a sans doute offert un visage qui ressemble plus aux États-Unis d’aujourd’hui. Une Amérique devenue plus que jamais une société multiculturelle et multiethnique, car Barack Obama a bien été élu en grande partie par des Afro-Américains noirs, des hispanophones, des femmes et des jeunes. Tous ces électeurs qui ont voté pour Obama croient en lui, à son charisme hors pair, mais également à son programme. Comme le montrent d’ailleurs les légalisations récentes de la marijuana ou le mariage homosexuel dans certains États, ce qui confirme le fait que les États-Unis évoluent désormais dans une direction très différente de celle du Parti républicain : celle de « l’Obamagie ».

FBRADLEY Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




D’une rive à l’autre, Douglas Gonzalez rapproche les cultures

Tambour, le Vénézuélien Douglas Gonzales en SuisseVénézuélien installé en Suisse de longue date, l’ancien secrétaire général du Forum des étrangers et étrangères de Lausanne fait découvrir aux immigrés les rivières cachées de la capitale vaudoise.

« Au cours de l’histoire, les peuples se sont déplacés et retrouvés via les cours d’eau. Ceux de Lausanne, notamment le Flon et la Louve, sont enterrés et donc virtuels pour la plupart de ses habitants, spécialement les migrants », constate Douglas Gonzalez, président-fondateur de l’Association Vénézuélienne Suisse – AVES.

Son dernier  projet, « D’une rive à l’autre », réalisé grâce au Fonds interculturel de la Commune de Lausanne et promu dans le cadre de la Caravane des quartiers, est né de la recherche des ressemblances culturelles entre les différentes communautés. « Pendant tout l’été 2010, nous nous arrêterons dans des lieux symboliques et marquants pour l’intégration des migrants : des lieux d’animation de la vie des quartiers, de rencontre et de solidarité. »

C’est une étape de plus dans le parcours militant de Douglas Gonzalez. Ce vénézuélien issu de Catia, un quartier populaire de Caracas, a commencé par créer un club de cinéma en 1973, intitulé « Les sans chemises » : « On a construit un réseau de ciné-clubs lié étroitement aux luttes sociales, et contre des fléaux comme le trafic de drogue en informant les gens, notamment les enfants. Un de nos copains avait été tué par des dealers. Ces trafiquants nous ont cherchés, mais on a tout de même continué notre travail de sensibilisation. »

Gonzalez et ses collègues étaient convaincus que l’image attire plus que les livres. « Notre but était que les gens arrivent à maitriser l’information. En effet, les films montrent comment on peut manipuler l’opinion ! Nous voulions dire aux gens qu’il y a des moyens pour s’en sortir ». Aujourd’hui, Douglas Gonzalez est toujours attiré par l’image, qui exerce une certaine magie sur lui. « Je viens du ciné-club et je garde encore cette empreinte. Mon engagement politique date de cette époque », affirme-t-il.

La vie associative lui coule dans le sang et donne sens à toute son existence. Ayant quitté le Venezuela après la fin de ses études en génie mécanique, Douglas Gonzalez a créé l’Association vénézuélienne dès son arrivée en Suisse. « Au début nous étions environ 450 familles sur tout le territoire suisse. On a mis en place des représentants locaux dans le but d’être solidaires entre nous et avec les nouveaux arrivants. C’était un espace de promotion de la culture vénézuélienne. On organisait des concerts, des fêtes. Nous avons même crée un journal :  « La Gaceta de AVES ».

En 1998, il fut l’initiateur de la Coordination européenne des associations vénézuéliennes. En parallèle,  il a participé à la création d’un groupe de réflexion pour l’Amérique latine qui a donné naissance à l’association dénommée « Presencia latinoamericana », dont le but est d’améliorer la situation des migrants latino-américains en Suisse.

En continuant le travail avec d’autres communautés, il a participé, à partir de 2000 et jusqu’à fin 2002, aux séances de consultation pour fonder le « Forum des étrangères et étrangers à Lausanne (FEEL) », dont il a été le premier président provisoire en 2003 avant d’en devenir le secrétaire général jusqu’en 2009. « Le FEEL est un espace d’expression pour les immigrés. Nous avons toujours travaillé pour les gens et avec les gens, même les sans-papiers, en aidant les immigrants à créer des associations. »

En 2009  il a participé aux travaux de la Plate-forme pour la gestion de projets (Quint-essenz community) où il était le seul migrant du groupe de réflexion au niveau national. Puis, en 2010, les Ligues vaudoises de la santé l’ont recruté pour développer un projet de prévention concernant la condition physique des immigrants dans un programme intitulé « ça marche ».

« Toute ma vie a été liée au travail associatif », conclut Douglas Gonzalez, la cinquantaine maintenant bien sonnée. Et toute sa famille est également rythmée par le quotidien de la vie associative, de son épouse à ses enfants. Mais le soir, l’ancien ingénieur en mécanique devient surtout chanteur et musicien dans les groupes « Tinaja », « La Parranda de AVES », « América Latina en Coro » et « Trabuco Contrapunto ». La musique populaire et folklorique du Venezuela et de l’Amérique latine pénètre alors en Suisse par son souffle.

Chaouki Daraoui




Elvis Gratton – Canadien français québécois… whatever