Comment Assad a sploilé les réfugiés syriens
La force des lois au service des intérêts d’un régime autoritaire
Depuis 2011, le président syrien, Bachar al-Assad, actuellement en fuite, a promulgué des décrets et des lois pour confisquer les possession des Syriens qui s’opposaient à son régime. Ces lois, comme le décret n°66 de 2012 et la loi n°10 de 2018, ont servi de couverture légale pour punir les opposants et les forcer à quitter leur maison et leurs terres. Ces mesures ont détruit le tissu social de nombreuses communautés syriennes, notamment à Daraa, dans le sud de la Syrie, et ont empêché le retour de centaines de milliers de personnes réfugiées et de personnes déplacées. Le Réseau Syrien pour les Droits de l’Homme a publié en mars dernier un rapport sur la confiscation des biens et l’empêchement du retour des réfugiés à Daraa.
Le régime syrien a commencé sa politique en bombardant délibérément des quartiers résidentiels avec des armes interdites comme des barils explosifs, des missiles guidés et des armes. Ces actions ont forcé les habitantes et les habitants à fuir, tandis que le régime saisissait leurs biens, rendant leur retour difficile. Pour donner une apparence légale à ces actions, plusieurs lois ont été promulguées. Tout d’abord le décret législatif n°66 de 2012, qui a permis au régime de priver les opposantes et les opposants de leurs biens dans certains quartiers de Damas, la capitale. En 2018, la loi n°10, considérée comme la plus dangereuse, a établi des zones de développement urbain avec des délais très courts pour prouver la propriété, facilitant ainsi la confiscation des biens des déplacés. Enfin, un dernier décret promulgué en 2023, le n°3, a empêché les déplacés de revenir et de récupérer leurs biens, sous prétexte de reconstruction.
La situation est d’autant plus dramatique dans la ville de Daraa où de nombreuses personnes déplacées ne peuvent plus revenir. Il faut bien comprendre que le gouvernement Assad a procédé à une destruction complète des quartiers. En effet, le régime a délibérément ciblé des villes et quartiers entiers dans la région de Daraa comme les quartiers de Tariq al-Sadd, Al-Lajin, le quartier des déplacés, Khirbet Ghazaleh et Nawa. Les images satellites et les témoignages montrent que la destruction visait les infrastructures résidentielles et les services essentiels, rendant le retour des personnes réfugiées économiquement et matériellement impossible.
Distribution des biens, chocs psychologiques et perte de stabilité économique
Des milices alliées au régime, locales ou iraniennes, ont confisqué les biens des déplacés à Daraa et les ont distribués à des personnalités influentes reflétant une intention claire de modifier la composition démographique et d’empêcher le retour des habitantes et des habitants d’origine. Cette confiscation des biens a entraîné des problèmes psychologiques graves pour les personnes déplacées, en raison des déplacements répétés et de la perte d’espoir pour leur futur. Les personnes réfugiées se sentent impuissantes à récupérer leurs biens et à reconstruire leur vie sont confrontées à des menaces sociales à long terme.
De plus, le déplacement forcé a déchiré le tissu social. Les familles ont été dispersées, les liens communautaires brisés, surtout à Daraa, Cette désintégration a accru le sentiment d’aliénation et d’isolement, affaibli les efforts de réconciliation nationale et compliqué tout projet de justice transitionnelle ou de rétablissement communautaire.
Par ailleurs, la confiscation des terres agricoles dans la campagne de Daraa ainsi que la destruction des infrastructures commerciales ont privé des milliers de familles de leurs moyens de subsistance et de leur indépendance économique. Sans compensation et sans alternatives économiques, les personnes réfugiées et déplacées se retrouvent piégées dans un cycle de pauvreté et de dépendance, incapables de reconstruire une vie économique stable en Syrie ou ailleurs.
Défis pour une future gouvernance en Syrie
Toute future gouvernance de la Syrie devra relever de grands défis concernant les biens confisqués par le régime et l’expulsion de leurs propriétaires. L’annulation des lois et décrets promulgués par le régime est essentiel, car tous les déplacés et les réfugiés syriens aspirent à retourner en Syrie dans leur foyer pour reconstruire une vie digne après des années d’errance. Cependant, de nombreux obstacles entravent ce retour, notamment le logement, la récupération des biens et la mise en place d’une justice transitionnelle.
Ce problème ne se limite pas à Daraa. À Damas, des quartiers comme Qaboun et le camp de Yarmouk pour les réfugiés palestiniens ont connu de nouveaux plans d’aménagement qui ont spolié les biens des personnes réfugiées et des personnes déplacées. À Alep, la deuxième plus grande ville de Syrie, des quartiers comme Sheikh Badr, Haydariya et Masrania ont également souffert de bombardements, de déplacements et de lois facilitant la confiscation des biens avec des plans d’aménagement modifiant la démographie des quartiers et affectant les personnes réfugiées et déplacées. Assad est certes tombé, mais bons nombres de ses lois foncières et leurs conséquences restent en vigueur.
Mohammad Esmaeil
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils