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Les 20 ans de « l’exception vaudoise »

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Manifestation de solidarité contre l’expulsion des 523.

Des mobilisations importantes ont changé le destin de 523 personnes migrantes 

Il y a 20 ans, des personnes migrantes résidant dans le canton de Vaud ont échappé à des renvois forcés grâce à la solidarité de la population. Pour les personnes qui sont sommées de quitter la Suisse aujourd’hui, échapper à une telle décision légale semble impossible. Comment concilier l’exécution de la loi et une politique humanitaire ?

L’accueil des personnes migrantes est devenu une question centrale pour de nombreux pays européens. Certains, plutôt que de valoriser la solidarité et de répondre aux urgences humanitaires, choisissent des mesures sévères, telles que les renvois forcés. Cependant, d’autres défendent des politiques plus humaines, plaidant en faveur de la protection des droits des personnes migrantes. En Suisse, la question a pris une tournure particulière il y a 20 ans avec l’« exception vaudoise ». Cette époque reste un moment marquant dans l’histoire de la politique migratoire en Suisse. Cette exception, qui a permis à plusieurs centaines de personnes migrantes résidant sur le sol vaudois d’échapper à des renvois forcés, est le fruit d’une mobilisation citoyenne et politique.

Retour sur cette exception

Selon une information rapportée par le Courrier dans son édition du 23 octobre 2024, en 2004, dans le canton de Vaud, 523 requérants d’asile, principalement originaires de Bosnie et du Kosovo, se sont vu signifier un renvoi forcé de Suisse. Dans un article d’asile.ch en date du 2 février 2007, des actions visant à protéger les déboutés « de ce marchandage politique » ont été entreprises et des coordinations se sont ouvertes localement dans sept régions du canton: Lausanne, Vevey-Riviera, Yverdon, le Nord vaudois, Payerne, Chablais, La Côte et Vallée de Joux, ce qui a impliqué la mobilisation de beaucoup de personnes et d’énergie pour tenir les assemblées générales hebdomadaires ainsi que lors des périodes d’ouverture de refuges, lors desquelles il fallait assurer, parfois pendant plusieurs mois durant, « la protection vingt-quatre heures sur vingt-quatre et l’accompagnement au jour le jour ».

Selon un article publié par  amnesty.ch en novembre 2004, malgré un groupe de travail mixte, qui avait  pour mandat de réexaminer les dossiers de façon à garantir une procédure équitable pour la totalité des 523 personnes concernées, les décisions négatives sont tombées accompagnées d’aucune justification et elle ne pouvaient pas faire l’objet de recours ce qui a été critiqué par Amnesty International. Cette décision faisait suite à des négociations entre la Confédération et le gouvernement vaudois, mettant fin à une politique particulière d’accueil qui avait permis à ce canton de s’opposer aux décisions de renvoi de l’Office Fédéral de Migration (ODM) qui est l’ancêtre du SEM (Secrétariat d’État aux migrations). Interviewé par le quotidien romand Yves Sancey, qui était membre de la première heure de la lutte des « 523 », note que « le décret qui a fait changer la décision a été mis en avant par une majorité de droite. La pression politique a donc fini par contraindre l’exécutif vaudois à défendre, pendant deux ans, les dossiers de requérants d’asile auprès des autorités fédérales ».

Le prix l’humanité

La mobilisation des « 523 » ne doit pas être considérée comme un fait passé, mais plutôt comme un miroir de l’évolution de la société suisse et de sa politique migratoire. Cette affaire montre que la politique d’asile, en tant que question humanitaire, exige du courage de la part des autorités et de la population. Elle met aussi en lumière le combat pour la dignité humaine et les droits des personnes migrantes. Comme l’évoque Vincent Maendly dans un éditorial du quotidien 24 heures en date du 10 juillet 2024, « Aujourd’hui, se souvenir des 523 c’est regarder l’évolution d’une société à travers le prisme de sa politique d’asile ».

Céline Ehrwein, professeure d’éthique et ancienne députée, souligne que cette affaire révèle comment une autorité démocratique peut s’opposer à une autre autorité sans remettre en question sa légitimité. Pour abonder dans le même sens, cette situation met en évidence que le refus du canton d’exécuter des décisions qu’il estime injustes a démontré que la politique ne doit pas seulement être une question de respect des lois, mais aussi une question de respect des principes fondamentaux de justice et de solidarité. Ce type d’action peut inciter d’autres gouvernements à avoir une approche plus humaine et nuancée des lois, en tenant compte des contextes spécifiques et des conséquences humaines.

Selon le Rapport final de l’Etat de Vaud  publié le 27 juin 2016, sur les 543 personnes concernées (les 523 et les enfants nés après 2004), 469 ont été régularisées dont 30 ont obtenu une admission provisoire, 233 une autorisation de séjour, 20 une autorisation d’établissement et 186 personnes sont devenues Suisses. Ce rapport révèle aussi que malgré les critiques concernant la politique de régularisation qui a été menée par le canton de Vaud, il est important de souligner que cette approche a permis à certaines personnes d’être rétablies dans leurs droits.

Yves Sancey souligne également dans son interview avec Le Courrier que certains des 523 qui étaient initialement menacés de renvoi, on obtenu leur permis de séjour puis ont joué un rôle clé dans le développement économique et social du canton de Vaud et de la Suisse. Ceci met en lumière que « ces personnes, souvent oubliées, ont bien contribué à la société, comme de nombreux autres migrants dans le pays ».

Aujourd’hui, certains partisans des renvois se cachent derrière les lois pour justifier leurs actions. Ils défendent l’idée que l’exécution de ces renvois est nécessaire pour maintenir l’ordre et respecter l’État de droit. D’autres, en revanche, plaident pour une évaluation plus nuancée des risques encourus par les personnes migrantes sujettes à ces renvois, notamment celles et ceux qui risquent la mort ou des persécutions une fois retournés dans leur pays d’origine.

Conclusion

« L’exception vaudoise » est un exemple frappant de la manière dont la solidarité et les politiques humanitaires peuvent l’emporter face à des décisions légales et administratives. Cependant, cette situation soulève des questions complexes sur l’équilibre entre la loi et l’humanité. Le cas des « 523 » nous rappelle qu’en matière de migration, chaque décision a des conséquences humaines profondes et qu’il appartient à chaque société de choisir ses priorités.

Freddy NIYONZIMA

Membre de rédaction vaudoise Voix d’Exils



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