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S’adapter pour (sur)vivre

Un édito signé Martha Campo

Grandir, nous remettre en question, évoluer, apprendre et finalement tirer le meilleur parti de ce que nous avons tous au fond de nous-même: c’est ce que nous enseigne vraiment la crise actuelle de Covid-19 qui n’est toujours pas terminée et qui ne se terminera sûrement pas avant longtemps…

Chaque matin, nous nous réveillons dans l’illusion : on nous dit que le remède miracle qui sauvera le monde de l’attaque de Covid-19 a été enfin trouvé… Mais non! Le virus est toujours là, latent, traquant tous les imprudents qui osent circuler sans les mesures de protection recommandées par les organismes de santé et même ainsi, compte tenu de tous ces moyens, il peut arriver que nous soyons malgré tout contaminés.

C’est frustrant, épuisant, notre esprit n’était pas prêt à y faire face. On se demande parfois si ce qui se dit est vraiment juste. Où est la vérité ? Tout est soumis à spéculation. Nous n’étions pas vraiment préparés à cela.

C’est comme si nous vivions une guerre biologique : ses soldats (Covid-19) patrouillent dans les airs, ils entrent dans les coins. Cette peste – virus, attaque biologique, pandémie – comme vous voulez l’appeler, entre dans votre maison sans permission, entre dans votre vie, prend en otages vos proches, vos enfants, vos parents, vos grands-parents, entre dans les théâtres, dans les musées et les écoles, entre dans votre esprit et votre cœur habillé de peur, commence à déraciner vos rêves, votre espoir, tout ce pour quoi vous avez travaillé et lutté.

Vous regardez et il n’y a plus rien : votre entreprise a dû fermer, l’artiste a dû baisser le rideau, il n’y a plus de public ni d’applaudissements, les lieux de divertissement sont fermés. Dans les rues vous ne croisez que des visages masqués, cherchant à éviter tout contact.

Et la préoccupation logique de l’avenir qui nous attend se pose: que va-t-il se passer? Et quand cela va-t-il enfin se terminer?

Il n’est pas facile de faire face aux crises; et encore moins lorsque tout ce que nous avons construit s’est effondré, lorsque la pandémie nous enlève ceux que nous aimons.

Mais je pense que, malgré l’adversité, malgré les souffrances et les angoisses, nous devons essayer de calmer nos pensées et nos peurs. Nous devons comprendre que la vie a changé, qu’elle ne sera plus la même. Il ne sert à rien de continuer à nous torturer à cause d’un passé qui n’est plus. Nous avons un présent immédiat devant nous et c’est ce présent qui construira notre avenir en temps de pandémie.

Pour l’instant, nous ne pouvons que nous armer de courage, nous réinventer chaque matin pour surmonter la crise, tirer le meilleur de nous-mêmes et l’utiliser aux fins de la reconstruction de notre humanité perdue dans la douleur et la tragédie. Nous avons besoin de nous montrer vivants, capables, pleins d’espoir et de rêves, plus unis, plus humains, plus frères et sœurs que jamais!

Martha CAMPO

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Le guide du requérant d’asile (partie 1)

Une série satirique inspirée du déroulement de la procédure d’asile en Suisse

Tous les événements, situations et personnages décrits ci-après sont le pur fruit de l’imagination migratoire de l’auteur. Attention : si vous souhaitez acquérir le statut de réfugié en Suisse, ce guide ne prétend pas vous mener à bon port sans sérieusement éprouver votre sens de l’humour. Sinon, pour les choses sérieuses, il y a les spécialistes de l’asile du Secrétariat d’État aux migrations.

Bonjour et bienvenue dans notre beau pays la Suisse! Nos montagnes, nos lacs, nos beaux pâturages, notre raclette, notre bon chocolat, nos lingots, notre secret bancaire et notre Roger Federer

Bref, bienvenue en Suisse! De toute façon vous n’êtes pas venus pour faire du tourisme!

Vous avez fui la guerre et/ou la persécution dans votre pays – du moins c’est ce que vous prétendez – pour rejoindre notre Eldorado émeraude. Vous avez beau prétendre que ce n’est pas notre revenu par habitant qui vous a attiré dans nos contrées perchées mais nos statistiques ne mentent pas : la grande majorité d’entre vous êtes de vilains migrants économiques. Ce n’est pas bien du tout ! Qu’à cela ne tienne, nous n’allons pas vous jeter comme des malpropres, vous êtes dans de bonnes mains. Nous sommes des gens civilisés, garants des droits universels de l’homme issus des deux bords de la Méditerranée et nous obéissons à un certain nombre de règles de droit que notre savoir-vivre nous impose, et aussi notre grande sœur pimbêche l’Europe.

Alors voici les règles du jeu auxquel nous allons jouer ensemble pendant les prochains jours, mois ou années. Bref, le temps que nous jugerons nécessaire pour traiter votre demande, ou jusqu’à ce que vous décidiez par vous-même d’abandonner la partie.

Règle numéro 1: voyagez léger!

Bénéficier du luxe d’être venu en Suisse par avion ne vous donne pas le droit de vous comporter comme un touriste. Pensez à vos compagnons d’infortune qui ont dû traverser déserts et océans, affronter monts et marées pour gagner le droit de fouler notre terre bénite. Par respect pour eux, présentez-vous au bureau d’enregistrement des requérants d’asile vêtu de votre plus humble appareil. Ne venez pas à moitié nu ou habillés de haillons non plus. N’en faites pas trop car ça ne sert à rien de se faire remarquer ! Fondez-vous dans la masse mais surtout rappelez-vous : c’est l’habit qui fait le migrant!

Règle numéro 2: prononcez la formule magique

Il vous faudra probablement plusieurs tentatives afin de réveiller notre agent de sa torpeur matinale mais ne vous désespérez pas et répétez avec moi les mots suivant : « NOUS VENONS SOLLICITER L’ASILE AUPRÈS DES AUTORITÉS SUISSES ». Répétez autant de fois que nécessaire jusqu’à ce qu’une réaction s’en suive. Le jeu en vaut la chandelle! N’oubliez-pas que vous venez des quatre coins du monde, avec des accents qui vous sont propres pour peu que vous parliez une de nos langues. Attention, n’attendez pas que l’on vous déroule le tapis rouge ou que la mer s’ouvre en deux quand vous prononcerez cette phrase. Vous avez beau être en exode, vous n’êtes pas Moïse pour autant; et de toute façon il n’y a pas de mer en Suisse mais nous avons les plus beaux lacs du monde, y compris notre merveilleux Léman.

A bientôt pour la suite de votre aventure…

 

Noé 722420

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Revue de presse #56

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils

Sous le loupe : Asile : à la frontière sud des États-Unis, le nombre de mineurs non-accompagnés en forte augmentation / Athènes accuse les garde-côtes turcs d’inciter les migrant.e.s à se rendre en Grèce / Caroline Abu Sa’Da : « Nous n’avons rien à cacher sur les sauvetages de migrants »

Asile: le nombre de mineurs non-accompagnés en forte augmentation à la frontière sud des Etats-Unis

rtbf.be, le 2 avril 2021

Deux mois après son entrée en fonction, le président Biden se retrouve entre deux feux suite à l’ouverture des portes de la principale installation de détentions de personnes migrant.e.s située dans la localité de Donna, dans le Texas, à quelques kilomètres du Rio Grande qui délimite la frontière des États-Unis avec le Mexique.

L’opposition républicaine lui reproche d’avoir provoqué un afflux de personnes migrant.e.s en ne fermant pas la frontière. Au mois de février, près de 100’000 personnes migrant.e.s ont tenté de rejoindre les États-Unis. Les démocrates progressistes, quant à eux, lui reprochent de ne pas accepter davantage de personnes migrant.e.s.

Le site de Donna accueille plus de 4’000 personnes récemment arrivées aux États-Unis. Parmi elles, quelques 250 mineurs non-accompagnés pour lesquels une attention particulière est accordée selon la porte-parole de la Maison Blanche Jens Psaki : « Nous ne renverrons aucun enfant de moins de 18 ans dans ce voyage périlleux ». Elle précise que cela ne veut pas dire qu’ils pourront rester aux États-Unis. Elle ajoute que leur cas sera étudié et, qu’en attendant, ils seront en sécurité et seront traités avec humanité.

Du côté des organisations telles que « Immigration Matters », les conditions d’accès et d’accueil des jeunes migrant.e.s sont le fruit de quatre années de politique restrictive de l’administration Trump.

 

Athènes accuse les garde-côtes turcs d’inciter les migrant.e.s à se rendre en Grèce

infomigrants, le 5 avril 2021

Les relations entre la Grèce et la Turquie se sont considérablement tendues ces derniers mois sur le dossier des recherches gazières lancées par Ankara en Méditerranée.

Les tensions croissantes entre les deux pays sont montées d’un cran ces derniers jours sur le dossier de l’accueil des migrants. Notis Mitarachi, ministre grec des migrations, a accusé Ankara, vendredi 2 avril, d’encourager les personnes migrant.e.s à entrer en Grèce. Il a cité plusieurs incidents lors desquels les garde-côtes et la marine turc ont été impliqués dans une tentative de provoquer une escalade avec la Grèce.

Athènes veut qu’Ankara surveille mieux les routes de l’immigration et reprenne sur son territoire 1’450 personnes déboutées du droit d’asile sur les îles grecques. Demande soutenue par la commissaire européenne Ylva Johansson qui, lors de sa dernière visite sur l’île de Lesbos, a appelé la Turquie « à réadmettre d’urgence les migrants » renvoyés de Grèce.

La Turquie, de son côté, cherche à limiter le nombre de retours sur son territoire, surtout qu’elle accueille près de 4 millions de personnes réfugiées – la plus grande population de réfugiés au monde.

 

Caroline Abu Sa ‘Da dit que nous n’avons rien à cacher sur les sauvetages de migrants

letemps.ch, le 30 mars 2021

Le navire-ambulance Ocean Viking, de l’association SOS Méditerranée, est l’un des deux derniers bateaux de sauvetage privé qui navigue en Méditerranée centrale. Dans une interview accordée au journal Le Temps, Caroline Abu Sa’Da, Directrice de SOS Méditerranée Suisse, défend la nécessité du sauvetage en mer, alors que trois autres ONG – Médecins sans frontières, Save the Children et Jugend Rettet – sont accusées par la justice italienne de collusion avec les passeurs libyens.

Caroline Abu Sa’Da souligne l’augmentation du nombre des départs depuis la Libye suite à l’évolution de la situation politique dans le pays avec un nouveau gouvernement provisoire qui tente de s’affirmer et des centres de détention de personnes migrant.e.s – officiels et clandestins – plus que jamais remis en question. En Méditerranée orientale, la Turquie bloque actuellement les départs vers les îles grecques, mais il y a aussi davantage de traversées depuis les côtes africaines vers les îles Canaries, en Espagne.

Plusieurs indices font penser que des centaines de personnes migrant.e.s prennent la mer chaque mois. Il suffit, pour le confirmer, de se baser sur le nombre de sauvetages, les arrivées sur l’île de Lampedusa, en Italie, les informations sur les interceptions des garde-côtes en Libye ou les cadavres ramassés sur les côtes libyennes. D’ailleurs, on compte plus de 300 personnes qui ont déjà perdu la vie durant les trois premiers mois de l’année 2021; davantage de victimes que durant toute la même période l’année dernière.

Quant à la légalité des opérations de sauvetages, Caroline Abu Sa’Da affirme qu’il n’y a rien à cacher face aux autorités maritimes. La politique de communication de l’équipe de sauvetage est basée sur la transparence pour éviter toute mauvaise interprétation. On peut même suivre en temps réel les activités du navire-ambulance sur un site Internet lancé depuis 2018.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




L’Ostri

Kristin Kostava / Voix d’Exils

Un délice de la cuisine géorgienne

Kristine Kostava partage avec nous sa recette de l’Ostri, un succulent ragoût de bœuf épicé très populaire dans son pays d’origine: la Géorgie. Testé et approuvé par la rédaction Voix d’Exils!

Ingrédients pour 4 personnes :

  • 1 kg de jarret de bœuf
  • 3 oignons
  • 600 g de tomates fraîches
  • 5 gousses d’ail
  • 1 bouquet de persil
  • 1 bouquet de coriandre
  • 1 feuille de laurier
  • Sel
  • Piment rouge en poudre

Préparation :

  1. Émincer la viande.
  2. Chauffer une casserole et y faire revenir la viande dans un peu de corps gras. Ajouter le laurier, couvrir et laisser mijoter à feu doux environ 30 minutes. Si nécessaire, rajouter un peu d’eau.
  3. Une fois la viande cuite, mettre de côté son jus.
  4. Ajouter à la préparation les oignons finement coupés et l’ail pressé. Garder en réserve quelques lamelles d’oignons pour la décoration du plat.
  5. Râper les tomates par dessus.
  6. Napper la viande avec le jus mis de côté.
  7. Ajouter du sel, le persil, la coriandre effeuillés et le piment selon votre convenance.
  8. Laisser mijoter 30 minutes à feu doux.
  9. Le plat est prêt à être servi. Vous pouvez le décorer avec les oignons en réserve et quelques feuilles de coriandre.

En Géorgie, nous dégustons ce plat avec des tranches de pain blanc.

L’Ostri est prête ! Bon appétit !

Kristine Kostava

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




En Iran, les fumeuses risquent des insultes, des coups, et même la prison

Ahmad Mohammad / Voix d’Exils.

La liberté de fumer : un marqueur d’égalité hommes – femmes

« Lorsque je suis arrivée en Suisse, il y a 5 ans, j’ai été très surprise de voir des femmes fumer dans l’espace public » confie Zahra, rédactrice à Voix d’Exils. « Je me suis posée beaucoup de questions : Ça ne dérange pas les hommes que les femmes fument ? Leurs familles ne leur disent rien ? Les femmes sont-elles vraiment libres de fumer ?

Je viens d’une petite ville au nord-ouest de l’Iran. Dans mon pays, il y a plusieurs cultures, chacune a sa langue – le farsi, le turc, l’arabe et le kurde -, sa cuisine, sa musique, ses traditions. Le point commun entre ces différentes cultures, c’est que les femmes ne sont pas libres.

« Après la révolution islamique, les femmes n’ont plus eu le droit de fumer »

Prenons l’exemple des fumeuses… Depuis la Révolution islamique de 1979, les femmes ont l’interdiction de fumer. A l’époque du Shah, entre 1941 et 1979, la situation était différente. Ma grand-mère, qui a toujours fumé, m’a raconté qu’elle avait grandi dans une société qui laissait beaucoup de liberté aux femmes. Elles avaient le droit de fumer, de porter des minijupes, de ne pas se voiler, de voter… comme en Europe.

Ma grand-mère était une femme de caractère qui avait élevé 15 enfants. Elle avait planté du tabac dans le potager de la ferme pour la consommation familiale. Ma mère était la petite dernière de la fratrie, elle fumait elle aussi avant de se marier.

Après la révolution islamique de 1979 menée par l’ayatollah Khomeini, les femmes n’ont plus eu le droit de fumer. Dans les grandes villes, celles qui ne respectaient pas cet interdit étaient sévèrement punies. Là où habitait ma grand-mère, la situation était un peu différente. Dans la société rurale, fumer était considéré comme une activité de détente qui n’était pas réservée aux hommes.

« Les femmes qui fument se font traiter de prostituées »

Lorsque ma mère s’est mariée, elle est allée habiter en ville et mon père lui a demandé d’arrêter de fumer. Mon père, qui était lui-même un homme ouvert d’esprit, n’avait pas d’autre choix. Si ma mère avait continué de fumer, elle aurait été considérée comme une femme de mauvaise vie, une citoyenne qui ne respecte pas les lois islamiques.

Aujourd’hui certaines Iraniennes fument en cachette. Malheur à celle qui allume une cigarette dans l’espace public : elle se fera insulter, se verra traiter de putain et pourra même recevoir des coups donnés par des hommes que ce geste – perçu comme une provocation – rend complètement fous. Dans certains cas, ce comportement considéré comme « déviant » peut occasionner une dénonciation auprès de la police et la « fautive » risque alors l’emprisonnement.

Il y a pourtant une catégorie de femmes qui échappent à cette interdiction. Ce sont les femmes âgées, que leur ancienneté protège, et qui peuvent fumer sans porter préjudice à l’honneur familial.

« L’interdiction de fumer est une oppression parmi tant d’autres »

En Iran, le système patriarcal et religieux décide de ce qui est bon pour les femmes et les traite comme des citoyens de second plan. L’interdiction de fumer n’est finalement qu’une oppression parmi tant d’autres. Mais ce système injuste suscite toujours plus de mécontentement. Aujourd’hui, les Iraniennes sont nombreuses à contester des lois sexistes qui les privent de leurs droits fondamentaux. Elles en ont assez de ne pas pouvoir choisir leurs habits, de devoir obligatoirement porter le voile, elles veulent penser par elles-mêmes, travailler, être indépendantes.

Elles sont courageuses, mais le chemin vers la liberté est encore long. »

 

Zahra AHMADIYAN

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils