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Réflexion nocturne sur un ennemi invisible

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Masar Hoti, nouveau membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

Un soir de pandémie à Lausanne

Vous êtes-vous déjà demandé à quoi réfléchissaient les rares passants que vous avez eu l’occasion de croiser dans les rues durant la crise liée au Covid-19 ? Voici un petit fragment de l’expérience et des sentiments personnels de notre nouveau rédacteur Masar Hoti en pleine période de quarantaine à Lausanne.

Il est 18h30. C’est le mois de mai. Nous sommes mercredi.

Depuis plus de deux mois l’Etat suisse a mis en place des mesures strictes en raison du Covid-19. Je suis enfermé dans mon appartement toute la journée. Je passe mon temps à changer les chaînes de télévision afin d’obtenir plus d’informations sur la pandémie en Suisse et dans d’autres pays. Sur toutes les chaînes j’entends parler de l’augmentation du nombre d’infectés tant en Suisse que dans le monde, du nombre de personnes hospitalisées, du nombre de morts, du manque de matériel tel que les masques, les gants ou les flacons de désinfectant. En écoutant les nouvelles, je commence à ressentir les battements de mon cœur de plus en plus fort. J’ai l’impression d’avoir une obstruction respiratoire. Je me lève tout de suite. J’éteins la télé. Je mets mon masque et mes gants. Je sors de mon appartement.

Je commence à sentir l’air frais. Je marche à quelques mètres de mon appartement et je commence à écouter le chant des oiseaux. Je commence à sentir l’odeur des fleurs et des arbres. Tout dans la nature est magnifique, bien et calme. Comme toujours, la nature n’a pas ressenti le virus. Pendant que je prends du plaisir à regarder les beautés naturelles, je commence à ressentir ma respiration se soulager lentement. Il me semble que ma télévision a déchargé des tonnes d’informations inutiles.

« Nous sommes en état de guerre, mais la guerre n’est pas là »

Un piéton arrive à ma rencontre. Il porte aussi un masque. Il s’approche de moi et prend soudainement la fuite. Il veille à garder ses distances tout comme moi. Il a un regard effrayé. Je passe près de la Coop et de la Migros. Depuis plus de deux mois seuls les magasins de première nécessité et les pharmacies sont ouverts. Les autres magasins, les usines, les hôtels, les restaurants, les bureaux, les écoles et les universités sont fermés. J’aperçois de longues files de gens qui gardent leurs distances. Ils attendent leur tour pour entrer dans le magasin afin d’acheter des produits alimentaires et tout autre nécessité. Certains portent un masque, d’autres pas. Ils ont tous une chose en commun : ils sont sombres et confus. Ils ont perdu le sourire.

Je prends la direction du parc de Valency. Il n’y a personne dans les rues. Seules les voitures circulent. Les bus qui passent sont complètement vides. Comme toujours, le parc et sa nature sont magnifiques mais il semble désert car les êtres humains souffrent. C’est cela qui me dérange le plus. Je me rappelle des paroles religieuses qui disent que Dieu a créé tout ce qu’il y a sur terre et dans le ciel pour les humains. Maintenant, je me demande quelle valeur ces choses peuvent avoir car l’être humain souffre et se dirige lentement vers la destruction. J’ai un sentiment mitigé. Il me semble que nous sommes en état de guerre, mais la guerre n’est pas là.

« Une réalité dont souffrent les peuples du monde »

Je me demande qu’est-ce que ce virus que la majorité du monde décrit comme un ennemi ? Un ennemi si petit qu’il ne peut pas être vu à l’œil nu. Un ennemi qui a paralysé tous les pays du monde et qui a poussé à la mise en place de règles établies, respectées et appliquées par chaque Etat et par chaque individu dans le monde. Un ennemi qui menace notre existence et l’état du monde si nous n’appliquons pas ces mesures. Pourtant on ne peut rien faire ! J’aimerais que ce soit un rêve. Comme une pluie torrentielle qui assombrit la nature et tombe pendant quelques minutes, puis laisse place à un arc-en-ciel coloré qui brille dans le ciel. Mais ce n’est pas le cas. C’est une réalité dont souffrent les peuples du monde.

Je m’aperçois que je marche depuis un long moment déjà. Il fait complètement noir. Les rues sont complètement vides. Il n’y a personne. Je vois seulement les lumières allumées dans les appartements et les gens enfermés à l’intérieur. Je continue à marcher. Soudain, les gens commencent à sortir sur leurs balcons et aux fenêtres. Ils commencent à siffler et à applaudir. Ils crient « Bravo ! Vous êtes des héros ». C’est devenue une coutume dans presque tous les pays du monde afin d’encourager les médecins et les infirmiers/ères qui essayent de guérir les gens du Covid-19 et les institutions étatiques en charge de la gestion de la situation.

Moi aussi, en marchant, je commence à applaudir et à siffler de toute ma force. Je crie « Bravo, les héros ». Il est 21h00.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils



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