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Les premières visites ravivent les cœurs

Unsplash.com. Auteur: Phil Hearing

Drôles et émouvantes retrouvailles dans un EMS valaisan

Aujourd’hui, il fait beau et je me sens très bien en ce début de mois de juin. C’est la deuxième fois depuis la crise du Coronavirus que je viens à la maison de retraite pour un travail de bénévolat. Je prépare le dispositif des visites. Grâce au beau temps, on peut les organiser dans le jardin.

La première aura lieu dans quelques minutes. Je dois me dépêcher et bien désinfecter la table, les chaises et surtout le plexiglass installé au milieu de la table.

Ils arrivent : une jeune femme avec un homme, ils sont le fils et la belle-fille de Madame… Oh, je suis vraiment « terrible » pour me rappeler le nom des gens, je les oublie toujours !

« Pourquoi n’es-tu pas venu me voir ? »

J’accueille les deux visiteurs et les invite à bien se désinfecter les mains et à remplir les formulaires administratifs. Je les guide ensuite jusqu’au lieu de la visite. Le jeune homme me demande :

– « Est-ce que nous devons porter un masque pendant la visite ? » et il ajoute « C’est notre première visite depuis deux mois. On s’est seulement parlé quelques fois sur WhatsApp. »

– Je lui réponds : « Non, le plexiglass entre vous suffit ; si vous portez le masque ça serait trop difficile pour vous comprendre. »

Après quelque secondes, sa mère arrive sur une chaise roulante, accompagnée d’une infirmière. C’est une petite dame avec de grosses lunettes, elle a des cheveux courts et blancs comme la neige des Alpes. En s’installant derrière la table elle dit d’une voix fragile :

– « Où étais-tu? Pourquoi n’es-tu pas venu me voir ? »
– « Il y avait une maladie grave partout, on n’avait pas le droit de venir, c’était interdit. » explique son fils en s’approchant du plexiglass pour mieux se faire comprendre.
– « Depuis quand est-ce qu’on interdit à des enfants de rendre visite à leur mère ? » demande-t-elle sérieusement.
– « Mais Maman … » J’interromps le fils et l’informe que la durée de la visite est limitée à 30 minutes au maximum.

Je les laisse tranquilles et m’assieds sur une chaise à l’écart, de l’autre côté du jardin, où je m’occupe avec mon téléphone portable.
Je dois faire attention à l’heure, car la visite suivante est annoncée dans 40 minutes. Cela fait déjà 23 minutes que la visite a commencé, et il ne reste que 7 minutes ! C’est le moment le plus difficile, quand je dois les avertir qu’il ne reste que 5 minutes ! Ils vont me dire que le temps a passé très vite!

Je me rapproche d’eux. Heureusement, ils sont plus détendus qu’au début de la visite. Ils me remercient et se disent au revoir. Le fils promet à sa mère qu’il reviendra très vite.

 

« C’est notre anniversaire de mariage »

Je vois arriver la voiture de la deuxième visite. Elle se gare dans la cour de la maison. C’est un monsieur d’environ 80 ans, mais il a l’air d’avoir vingt ans de moins. Il vient vers moi avec un joli bouquet de roses et une boîte dans les mains.

– « C’est notre anniversaire de mariage aujourd’hui et j’ai apporté un petit gâteau pour le manger avec ma femme » me dit-il avec un grand sourire.
– « Joyeux anniversaire ! Mais avant je dois tout désinfecter. »
– « Désinfecter le gâteau ??!!! » me demande-t-il avec un regard étonné.
– « Mais non, on ne désinfecte pas le gâteau, seulement la boîte et le bouquet de fleurs !»

Sa femme arrive avec une infirmière à ses côtés mais je trouve qu’il y a quelque chose de bizarre.
L’infirmière s’adresse à la femme et lui explique que le Monsieur est son mari et qu’il vient lui rendre visite. Mais la femme répond qu’elle n’est pas mariée et qu’elle veut retourner dans sa chambre. Elle est agitée. Son mari est déjà posté derrière le plexiglass et je peux voir de l’amour dans ses yeux. Après quelques minutes de discussion, elle accepte de rester.
Je désinfecte bien le bouquet de roses. Elles sont vraiment jolies et je trouve que le Monsieur a du goût et de l’élégance. Même après toutes ces années, on voit beaucoup signes de beauté dans le visage de sa femme.

Je donne le gâteau à la cafétéria pour qu’on le serve pendant la visite avec une tasse de café et je m’assois à nouveau sur ma chaise. La situation de ce couple me touche beaucoup et occupe mon esprit.

« Vous avez une bonne philosophie de vie »

Au bout d’un moment, je suis distrait par le manège de deux résidents assis à la table voisine : un Monsieur assis en face d’une Dame essaie d’engager la conversation :

– Le Monsieur : « Il fait beau aujourd’hui ! n’est-ce pas ? »
– La Dame : « Oui. »
– Le Monsieur : « La vie est belle ! »
– La Dame: « Quelques fois c’est pénible. »
– Le Monsieur : « Mais on l’oublie vite. »
– La Dame : « Vous avez une bonne philosophie de vie. »
– Le Monsieur : « …. »

Je regarde mon téléphone pour vérifier le temps de la visite. C’est déjà l’heure! Je tourne ma tête vers la table de visite. Wow ! Quel magnifique tableau ! Le bouquet de jolies roses est disposé dans un vase à côté de la femme ; ils sont en train de manger du gâteau en discutant gentiment. Elle a un large sourire et cette fois-ci je n’ai pas envie d’interrompre cette rencontre…

Ahmadirad Salahaddin
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 

 

 




Revue de presse #17

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur: Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : France – la convergence des luttes / Portugal – une nouvelle destination pour les migrants marocains / Suisse – les demandes d’asile en chute libre

La manif réunit sans-papiers, antiracistes et gilets jaunes

franceinfo.fr, le 20.06.2020

Lors de la journée mondiale des réfugiés du 20 juin dernier, plusieurs milliers de personnes ont défilé dans les grandes villes françaises à l’appel de plusieurs collectifs. Les sans-papiers sont descendus dans la rue pour réclamer leur régularisation et un accès au logement.

A Paris, Franceinfo tend son micro à Babacar Sall qui survit depuis 3 ans en faisant des déménagements ou des petits travaux en plomberie, au noir. Les meilleurs mois, ce Sénégalais en exil parvient à envoyer 20 à 30 euros à sa femme et à sa fille, toutes deux restées au pays.

A Lyon, des « gilets jaunes », des syndicalistes de la CGT et d’autres groupes militants se sont joints au cortège pour dénoncer le racisme et les violences policières.

Sur les banderoles et les pancartes brandies par les manifestants, des slogans choc : « De l’air, de l’air, ouvrons les frontières ! », « Liberté, égalité, régularisez ! », « Des papiers pour toutes et tous », « Stop à la précarité », « Droit de vivre = droit au travail ! »

A Grenoble, Franceinfo recueille le témoignage d’un jeune Malien de 20 ans, Chérif Cheik, qui espère finir son Bac Pro de technicien du bâtiment l’année prochaine, et qui n’a pour l’heure ni logement, ni papiers.

 

Du Maroc au Portugal, une nouvelle route migratoire

infomigrants.net, le 16.06.2020

Une nouvelle route migratoire est en train de s’ouvrir avec comme point de départ les côtes ouest-marocaines et point d’arrivée le sud du Portugal.

Ainsi, 48 migrants ont débarqué dans la région de l’Algarve ces six derniers mois, dont 22 à la mi-juin, après avoir été interceptés en mer au large des côtes portugaises. Âgés de 20 à 30 ans, les migrants étaient tous originaires de la côte ouest du Maroc.

Le confinement très strict imposé pour lutter contre la pandémie de coronavirus a encore aggravé la situation économique de la jeunesse marocaine. Le manque de perspectives d’avenir explique que certains choisissent l’exil malgré tous les dangers à surmonter.

Certes, le chiffre des arrivées au Portugal est encore faible, mais les autorités redoutent un changement d’itinéraire des migrants qui empruntaient généralement la route « classique », partant des côtes du nord du Maroc pour rallier le sud de l’Espagne ou les enclaves espagnoles de Ceuta et Melilla avant de rejoindre l’Europe.

Selon les spécialistes des migrations, ce changement de route n’a rien d’étonnant, dans la mesure où les contrôles dans le nord du Maroc se sont renforcés ces dernières années et ont poussé les migrants à trouver d’autres itinéraires comme ceux passant par les Canaries ou le Portugal. Comme toujours, quand on bloque une route, les réseaux s’adaptent et d’autres routes s’ouvrent ailleurs.

 

70% de baisse des demandes d’asile en Suisse

24 Heures, le 11.06.2020

Les migrations ont nettement diminué dans toute l’Europe en raison des mesures de lutte contre la pandémie de coronavirus, tels que les contrôles aux frontières ou les interdictions de voyager à l’intérieur de certains pays.

Un exemple ? 376 demandes d’asile ont été enregistrées en Suisse au mois de mai dernier, soit 850 de moins par rapport à mai 2019. Une chute de presque 70%.

Dans le cadre des mesures de prévention de l’épidémie de Covid-19, la Suisse applique, depuis le 25 mars, des restrictions d’entrée depuis tous les États Schengen, à l’exception du Liechtenstein. Ces restrictions ont aussi pour conséquence la suspension des transferts Dublin.

En mai toujours, le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a traité 1274 demandes d’asile en première instance. Parmi elles, 157 ont abouti à une décision de non-entrée en matière, 367 à l’octroi de l’asile, et 371 à l’admission provisoire (permis F).

Par ailleurs, 150 personnes ont quitté la Suisse sous le contrôle des autorités ou ont été rapatriées.

Les principaux pays de provenance des requérants sont: l’Érythrée, l’Afghanistan, la Syrie, l’Algérie et la Turquie.

Oumalkaire / Voix d’Exils




Expérience innovante dans une classe de français EVAM

Photo prise lors d’un conseil de classe – Les élèves avec, au premier rang à gauche, Ricardo, enseignant. Au deuxième rang, deuxième depuis la gauche, Simona, éducatrice, et deuxième depuis la droite, Ana, enseignante. Auteur: Hajar / Voix d’Exils.

Paroles de prof. : « Grâce à la pédagogie coopérative, les élèves participent démocratiquement aux prises de décision »

Le Centre de formation de l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) n’hésite pas à sortir des chemins battus. Pour permettre aux élèves de participer activement à leur propre formation, l’enseignant Ricardo Da Silva et l’éducatrice Simona Lungu ont mis en place un conseil de classe au fonctionnement démocratique. Dans cet espace de libre parole, les élèves sont à égalité avec leurs enseignants pour exprimer leurs besoins, faire des propositions, apprendre à négocier et voter si nécessaire.

Voix d’Exils est retourné sur les bancs d’école pour rencontrer les différents protagonistes.

Voix d’Exils : Pourriez-vous nous expliquer ce qu’est un conseil de classe ?

Ricardo Da Silva : C’est un lieu d’échanges qui réunit sur un plan égalitaire, les élèves, les enseignants et les éducateurs. Une fois par semaine, dans une salle de cours, nous déplaçons les tables et créons un cercle de parole. Le fonctionnement du conseil de classe est cadré par quelques règles de base : le respect mutuel, les tours de parole, l’écoute sans interruption. Assis en cercle, nous décidons au début de chaque conseil qui prendra le rôle de président et qui prendra celui de secrétaire et rédigera le procès verbal. Ces deux personnes ont des pouvoirs spéciaux comme celui de distribuer équitablement la parole, de gérer le déroulement et de prendre note des décisions dans le cahier de classe. Lors des 45 minutes que dure le conseil, nous suivons une forme de rituel avec quelques étapes fixes : ouverture du conseil, météo individuelle et collective (chacun exprime comment il se sent, son état d’esprit), consultation de la boîte aux lettres et prise de connaissance des billets qui s’y trouvent, discussion, votes et clôture du conseil.

Pourquoi avoir pris cette initiative ?

C’est parti d’un problème de cohérence de cadre entre les différents intervenants dans ma classe. Les élèves, de niveau avancé, ont beaucoup de cours et de modules à suivre en plus des cours de français. Quand j’ai commencé la session, en août 2019, j’étais professeur principal et à partir de début octobre, j’ai partagé la classe avec ma collègue Ana Baeriswyl. En plus, pour des questions de formation continue, j’ai dû m’absenter et mes divers remplaçants ont fait état de difficultés à « tenir la classe ». La multiplication des intervenants posait problème aux élèves qui avaient du mal à s’adapter. C’est à ce moment précis que ma responsable, Laurie Durussel, m’a demandé de trouver une solution en nous laissant libres de choisir les moyens adéquats pour y parvenir. Voilà comment le conseil de classe a vu le jour en octobre 2019.

Ricardo exhibe fièrement un document coécrit par tous les membres du conseil de classe. Auteur: Hajar / Voix d’Exils.

 Quelle est votre source d’inspiration ?

Principalement les pédagogues français Célestin Freinet et Fernand Oury. Le premier a commencé à développer de nouvelles formes de pédagogies au sortir de la première guerre mondiale. Son approche dite de pédagogies coopératives considère la classe comme une microsociété. Dans une démocratie, une classe doit pouvoir fonctionner aussi de manière démocratique. Freinet, comme d’autres pédagogues de son époque, se pose de manière originale les questions de l’autorité, la critique des rapports de pouvoir dans la classe, l’auto-formation et l’apprentissage en autonomie, la collaboration, l’approche pratique en ateliers d’expérimentation, l’importation participative de sciences et de techniques, les classes découvertes, le jeu et la créativité, le développement de l’esprit critique et l’éducation à la citoyenneté démocratique. Dans le cadre de notre travail – tant éducatif que pédagogique – cet horizon nous semblait en adéquation avec les buts que nous poursuivons : l’intégration par le dialogue interculturel, la tolérance, l’explicitation des attentes, des besoins et des valeurs de chacun.ne et la négociation d’un être-ensemble pour la mise en activité du groupe autour d’un projet fédérateur.

Dans une classe « standard », c’est le professeur qui prend les décisions. Le pouvoir donné au conseil de classe ne change-t-il pas la donne ?

Oui, effectivement, mais cela va dans le sens d’une responsabilisation des élèves. Je vous donne un exemple : un jour, nous avons fait passer un test surprise aux élèves. Peu après, il y a eu un conseil de classe et les élèves ont manifesté leur mécontentement. Les discussions ont donné lieu à une règle qui a été votée et selon laquelle les professeurs devaient avertir les élèves avant de leur faire passer un test. Le délai d’annonce avant le passage d’un test a été décidé après une négociation parce qu’il y avait plusieurs propositions de délai. Finalement, nous nous sommes mis d’accord sur deux jours. Après ce conseil de classe, il n’y a plus eu de tests non annoncés et plus de tensions à ce sujet.

Quel a été l’objet de votre première discussion lors du premier conseil de classe ?

Nous avons établi la liste des règles à respecter pour le bon fonctionnement de la classe. Le premier sujet traité a été celui du téléphone portable parce que beaucoup d’élèves oubliaient d’éteindre leur téléphone ou d’enlever le son. Normalement, les règles de l’EVAM interdisent l’usage du téléphone en classe. Lors de notre première séance, les élèves ont expliqué que le téléphone leur servait aussi pour chercher la traduction des mots qu’ils ne comprennent pas. De plus, certains élèves, qui ont des enfants en bas âge, peuvent recevoir un appel de la garderie quand il y a un problème. D’où le besoin exprimé de pouvoir garder son mobile pour répondre à un coup de fil important ou urgent. Donc, il a été décidé à l’unanimité que tous les élèves peuvent garder leur téléphone en classe, mais ils doivent demander à leur prof avant de pouvoir l’utiliser. Nous avons aussi convenu de quelques règles de base comme le respect du droit à l’image, les échanges d’informations digitales dans le groupe classe et avons aussi pu évoquer des règles de déontologie numérique pour le groupe.

Après discussion, élèves et enseignant.e.s votent dans une ambiance détendue. Auteur: Hajar / Voix d’Exils.

Comment fonctionne le vote ?

Les élèves ont à leur disposition des billets sur lesquels ils peuvent écrire des propositions, des critiques ou des remerciements, puis ensuite les glisser dans une boîte à lettres prévue à cet effet. Au début de chaque séance du conseil, on regarde ce qu’il y a dans la boîte, puis on parle des points écrits sur les billets. Par exemple, plusieurs participants avaient évoqué le problème du bruit dans la classe qui les empêchait de se concentrer. Après discussion, il est ressorti que ce problème ne s’appliquait que dans certains cas et nous avons pu discuter de ce qui nous importait, dégager un consensus là où il pouvait y en avoir un et formuler différentes propositions pour régler ou du moins réduire le problème. Les propositions ont été soumises au vote en trois catégories : pour, contre et abstention. Certaines propositions ont été refusées, mais celles qui ont été acceptées à la majorité ont été inscrites dans le règlement de classe.

Quel rôle joue le conseil de classe dans l’apprentissage du français ?

Pour qu’un conseil de classe fonctionne bien, il faut idéalement que les élèves aient un niveau de langue B1 pour pouvoir argumenter et défendre leur point de vue. Comme nous avons pu le constater, un conseil de classe peut avoir un effet stimulant sur une classe de niveau A2 déjà, et cela malgré les difficultés linguistiques. De plus, le conseil de classe peut aussi servir à identifier les besoins des participants, à définir ensemble les objectifs d’apprentissage, à discuter et réguler le déploiement de la prestation au fur et à mesure de la session et éventuellement à négocier une adaptation.

Qu’apporte l’expérience du conseil de classe aux enseignants ?

Nous obtenons davantage d’adhésion de la part des élèves en les associant aux décisions prises lors des conseils de classe. Dans ce cadre, les petits problèmes du quotidien tels que: bruits, téléphones, savoir-être en groupe, besoins pédagogiques particuliers, surcharge de cours, difficultés des apprenants à s’adapter à différents styles pédagogiques, peuvent être discutés en commun afin d’éviter l’accumulation de frustrations qui pourrait conduire à de plus grands problèmes. Ce partage permet aussi de désamorcer les éventuels conflits entre élèves et de neutraliser les triangulations. De plus, du point de vue de l’efficacité professionnelle, c’est gratifiant de pouvoir observer un tel investissement des élèves et de constater l’accélération des apprentissages.

L’un des objectifs de l’EVAM c’est l’autonomie des bénéficiaires. Votre expérience de pédagogie coopérative va dans ce sens, me semble-t-il…

Oui, bien sûr ! D’ailleurs plusieurs collègues qui avaient entendu parler de notre conseil de classe ont décidé de l’introduire dans leurs propres groupes. D’autres conseils de classe auraient dû démarrer en mars 2020, mais le début du confinement dû au COVID-19 nous a obligés à temporiser cet élan. Forts de notre expérience, nous sommes à disposition pour partager nos outils et conseiller tous les collègues qui souhaiteraient se lancer dans l’expérience.

Paroles d’élève : « Je peux voter librement pour la première fois de ma vie ! »

Lors des conseils de classe, on écoute les autres intervenant.e.s sans les interrompre et en respectant leur point de vue.

Les élèves ont accepté de partager leur expérience de pédagogie participative et d’expliquer en quoi elle leur permet d’avancer.

Voix d’Exils : en quoi le conseil de classe est-il important pour vous ?

« Je viens d’un pays dans lequel je n’ai jamais pu voter une loi. Ce conseil n’est pas très grand, mais il me donne l’occasion de m’exprimer, de pouvoir faire des choix et de voter librement pour la première fois de ma vie. »

« Le conseil de classe nous apprend le savoir vivre ensemble, par exemple à écouter son interlocuteur sans l’interrompre et à construire un dialogue avec lui.»

« Grâce à cette expérience, on apprend beaucoup sur la culture suisse, la santé, la citoyenneté et aussi à pratiquer la lecture et l’écriture. »

« Ça donne beaucoup d’expérience, de la confiance en soi, on apprend à se présenter. »

« Grâce au conseil de classe, on a la possibilité de parler des problèmes qu’on rencontre dans les différentes classes. (Certains élèves ont des cours de mathématiques, de correspondance, de santé, d’autonomie numérique, des ateliers emploi, des ateliers à choix entre phonétique, jeux de rôles et écriture créative le mercredi après-midi, ndlr). »

« Ce conseil de classe est une plus-value ! »

Est-il facile ou difficile de prendre une décision tous ensemble ?

« Franchement, ce n’est pas facile parce qu’on doit beaucoup réfléchir et on n’est pas toujours d’accord sur la décision à prendre concernant un même sujet. »

Propos recueillis par:

Mamadi Diallo

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 




Revue de presse #16

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : L’inadéquation des mesures d’intégration des permis F / Des migrants malmenés en Croatie / Des dizaines de migrants meurent au large de Tunis

Insertion difficile pour les personnes admises provisoirement

Asile.ch, le 11.06.2020

La Suisse verse de l’argent aux cantons pour qu’ils promeuvent l’intégration des personnes admises à titre provisoire (permis F). Malgré l’importance des investissements consentis, les résultats ne seraient pas à la hauteur selon map-F, association indépendante qui a pour mission de rédiger des rapports de suivi sur la situation des permis F dans le canton de Zurich.

L’association relève que pour pouvoir participer à la vie économique, sociale, culturelle et politique en Suisse, il est essentiel de disposer de moyens de subsistance adéquats. Or, le montant perçu par les admis provisoires est à peine suffisant pour couvrir les dépenses les plus basiques de la vie quotidienne – nourriture, articles d’hygiène et communication.

Les mesures de la politique d’intégration actuelle sont inégalitaires puisqu’elles visent principalement à faire entrer sur le marché du travail les personnes ayant un « potentiel d’emploi », mais laissent de côté les enfants, les personnes les plus âgées, celles ayant des problèmes de santé, celles qui ont d’autres personnes à charge, en particulier les femmes.

De plus, les personnes admises à titre provisoire ne sont pas autorisées à choisir elles-mêmes leur commune de résidence et sont donc fortement dépendantes de la commune à laquelle elles ont été affectées.

map-F constate également de grandes disparités entre les communes du canton de Zurich en ce qui concerne la promotion de l’intégration. C’est pourquoi, l’association préconise d’établir à leur intention des directives uniformes et contraignantes concernant les objectifs, l’étendue et la qualité de la promotion de l’intégration.

Violences contre les migrants à la frontière croate

Infomigrants.net, le 15.06.2020

Des milliers de migrants empruntent chaque année la « route des Balkans » pour essayer de rejoindre l’Europe occidentale. La plupart passent par la Croatie, pays membre de l’Union Européenne (UE), le plus souvent en provenance de la Bosnie.

Or, selon Amnesty International, ce passage aux frontières s’accompagne de passages à tabac, de tortures et de tentatives d’humiliation de la part de policiers croates.

Prise à parti, l’Union européenne a demandé aux autorités du pays d’enquêter sur ces accusations de mauvais traitements à leur frontière avec la Bosnie. Le ministère croate de l’Intérieur a démenti ces accusations, tout en précisant qu’une enquête serait ouverte.

Quand la situation sanitaire le permettra, la Commission européenne prévoit aussi d’envoyer une mission sur place, dans le cadre d’un mécanisme de surveillance du respect des droits fondamentaux par les autorités aux frontières lié à l’allocation de fonds européens.

Chavirage mortel au large de la Tunisie

Infomigrants.net, le 15.06.2020

Plus de 60 migrants, parmi lesquels une majorité de femmes originaires d’Afrique subsaharienne et trois enfants, ont péri dans le naufrage de leur embarcation clandestine partie de Sfax, sur la côte est de la Tunisie. Le capitaine de l’embarcation, un Tunisien de 48 ans, n’a pas non plus survécu.

Les migrants avaient pris la mer dans la nuit du 4 juin dernier, espérant rejoindre les côtes italiennes, selon des témoignages recueillis par les enquêteurs. Ce sont des pêcheurs qui ont lancé l’alerte auprès des autorités après avoir découvert des corps flottant au large des îles Kerkennah, près de Sfax.

L’Agence des Nations Unies pour les Réfugiés indique que les départs clandestins depuis les côtes tunisiennes ont augmenté de 156% entre janvier et fin avril, comparé à la même période de l’année dernière.

Au printemps 2019, 86 migrants avaient péri au large des côtes tunisiennes, dans l’un des pires naufrages de son histoire. L’embarcation de fortune était partie de Libye à destination de l’Europe.

Oumalkaire / Voix d’Exils




خاطرة: نـبُوءَة طالبة

Nick Fewings – unsplash.com.

La version arabe de l’article « Réflexions sur la mort d’Akakyevich » paru sur Voix d’Exils le 11 mai 2017

« إذا نظرت إلى وجه شخص ما لفترة طويلة بما فيه الكفاية، فسوف تشعر في النهاية أنك تنظر إلى نفسك »

بول أوستر، كاتب ومخرج أفلام أمريكي

إحدى الشخصيات التي لا تُنسى في الأدب العالمي، والتي ابتكرها الكاتب الروسي نيكولاي غوغول (1809-1852) في قصته القصيرة الرائعة المعطف (1843)، هي شخصية أكاكي أكاكيفيتش

تَروي القصة سيرة حياة موظفٍ بسيط يعمل نسَّاخاً في إحدى الدوائر الحكومية في مدينة سانت بطرسبرغ في روسيا، حيث يتم دفعه إلى حَتْفه من قبل نظام بيروقراطي قاسٍ وخالٍ من التعاطف الإنساني. تُسَلط القصة الضوء على معاناة الطبقة الفقيرة في المجتمعات وظلم الإنسان لأخيه للإنسان

ترتبط بعضٌ من أعَزِّ ذكرياتي بقصة « المِعْطَف ». تأثرت بها كثيراً عندما قرأتها في السنوات الأولى لدراستي الجامعية. وفي وقت لاحق في الثمانينات, قمت بتدريسها ضمن منهاج وزارة التربية للغة الإنكليزية لطالبات المدرسة الثانوية في مسقط رأسي في مدينة القامشلي بسوريا

في الواقع، لم يكن التعليم وظيفة سهلة على الإطلاق في هذه المنطقة الريفية المُهملة في الشمال الشرقي من البلاد، والتي يسكنها بشكل رئيسي أحفاد اللاجئين الذين فرّوا من القتل في تركيا أثناء الحرب العالمية الأولى وبعدها، كالسريان والأكراد والأرمن والآشوريين والكلدان وبالطبع العرب. أناسٌ، مازال بعضهم يعانون من صدمات نفسية نتيجة قِصَص الفظائع التي سمعوها من أهاليهم

كانت المدارس تَعْكِس الانقسامات الموجودة في المجتمع. الجوّ كان بعيدا عن الزمالة الدراسية. يجتمع عادة الطلاب في الصفوف ويجلسون على المقاعد وفق خلفياتهم العرقية والدينيّة. كان التواصل بينهم نادرًا، بينما كانت اللغات الأثنية المحلية يتردد صداها بانتظام في كل مكان. أضف إلى ذلك، لم يكن الطلاب أو أولياؤهم يهتمون كثيرا باللغة الإنجليزية كمادة دراسية

أما بالنسبة للمُدَرِّسين، فقد كان عليهم أن يجتازوا أولاً اختبارات التحامُل والقوالب النمطية، قبل أن يتمكّنوا من إكتساب ثقة الطلاب. ولسوء الحظ، كنت أحد هؤلاء المُدَرِّسين كوني أنْحَدرُ من عائلة أرمنية لاجئة نجت بأعجوبة من الإبادة الجماعية

ومع ذلك, تجربتي في تدريس قصة « المِعْطَف » كانت لها نتائج مختلفة تماماً! فمنذ القراءة الأولى للقِصة و التي عادة ما تستغرق قراءتها ثلاث حصص دراسية كل منها خمسون دقيقة وعلى مدى أسبوعين، كنت أرى حدوث تَغيير ملحوظ في سلوك طالباتي. فالاهتمام الشديد بسرد القصة بالإضافة إلى التعاطف العميق مع الموظف الصغير المسكين، كانا يحلان تدريجيّاً محل الثرثرة اليومية واللامبالاة المعتادة في الصف. كنّ يتابعن بتعاطفٍ كبير التدهور التدريجي في حياة أكاكيفيتش إثر تلقيه الصدمات الواحدة تلو الأخرى. الغريب في الأمر، بدا وكأنّ مأساة بطلنا كانت تُقَرّب المجموعات المختلفة من بعضها البعض. كان الصف يَنْفُضُ عن نفسه شيئاً فشيئاً القيود والحدود المعتادة، ويَكشِفُ عن المزيد من الألفة والود. فالفتيات كنّ يبدأن بالإقتراب من بعضهن،  وأحياناً يجلسن معاً في مقعد واحد ويتابعن القراءة من كتاب واحد! وتصبح الدردشات باللغة العربية الرسمية مسموعة أكثر. وهذا لم يكن بالأمر الاعتيادي!

لكن سقوط الموظف المسكين وموته المأساوي هو الذي كان يصْدمهنّ بشدّة ويجعل عيونهنّ تتلألأ بالدموع البريئة

كان هذا الحدث بمثابة تطهيرٍ للعواطف…

كنت أتساءل دائمًا، كيف يحدث كل هذا التحوُّل خلال فترة زمنية قصيرة جدًا؟ كيف يمكن أن تتلاشى طبقات التحامُل وانعدام الثقة في غضون أيامٍ قليلة وتَكْشف عن المشاعر الإنسانية العفوية كالتعاطف والحب؟ ما هو السر؟

ولدهشتي، جاءت الإجابة يوماً باللغة العربية من إحدى الفتيات. قالت بارتباكٍ ظاهر: « أستاذ »، « المِعْطَف » يروي قصة حياتنا البائسة! نحن في الواقع نَندُب مصيرنا التعيس، وليس مصير أكاكيفيتش… « ، ثم غَلبتْها العواطف ولم تستطع المتابعة

الآن، وبعد أن دخلت الحرب في سوريا عامها العاشر وأصبح نصف سكان البلد مشردين، أتذكر أحيانًا الكلمات النُبوئية لتلك الفتاة البالغة من العمر ستة عشر عامًا وأتساءل عن المكان الذي رماها فيه القدر وسط لعبة الحروب المجنونة هذه

هـــ . دونــو

عضو أسرة تحريرصوت المهجر – كانتون فو