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Droit international et valeurs démocratiques ou pétrole?

Le chef de la commission d’une circonscription en Azerbaïjan explique à des électeurs âgés comment voter. Auteur: Carpeblogger /flicker.com.

La démocratie à intensité variable : le match Suisse Azerbaïdjan

En Azerbaïdjan, il n’y a pas de vrai processus électoral comme celui que j’ai pu observer dernièrement en Suisse. Tout est mensonge, tout est spectacle!

Le 19 octobre dernier, des élections ont eu lieu en Suisse. J’ai regardé de nombreuses interviews à la télévision ; j’ai lu beaucoup d’articles et d’informations dans les journaux et les médias en ligne. J’ai été témoin d’une véritable compétition électorale, d’une concurrence loyale, d’une campagne électorale progressiste.

Oui, j’ai assisté à un processus électoral normal. Mais…

Dans mon pays, ce processus électoral n’existe pas depuis des années et il n’y a vraiment pas d’élections comme en Suisse. Le gouvernement actuel de l’Azerbaïdjan a transformé le pays en un grand théâtre et les élections en grande représentation. Tout est mensonge, tout est spectacle. Les citoyens n’ont pas le choix. Bien entendu, la Constitution contient des dispositions sur le droit des citoyens de choisir leurs représentants et d’être élus. Mais le gouvernement ne respecte pas ses propres lois. De facto, les citoyens ont été privés de ces droits.

Depuis des années, le gouvernement manipule le vote et falsifie les élections. La violence policière est utilisée contre les personnes qui revendiquent leurs droits. Des centaines de personnes ont été arrêtées ou enlevées. Des milliers de personnes ont été victimes de violence et de vandalisme. Les prisons sont également des machines de torture, des dizaines de personnes y sont mortes. Les arrestations illégales et la torture sont les caractéristiques de tous les régimes autoritaires et des dictatures.

Tout cela se passe sous les yeux des grandes nations du monde qui parlent de valeurs démocratiques. Les pays démocratiques du monde ne font que regarder. Oui, ils regardent seulement, il n’y a pas de réaction appropriée. Après tout, les droits de l’homme sont violés de manière flagrante. Après tout, les institutions actuelles ne respectent pas les obligations internationales ni les normes du droit international et les droits de l’homme sont violés de manière flagrante. Face à cela, le monde démocratique reste silencieux.

La question qui se pose, c’est : pourquoi ce silence ?

L’Azerbaïdjan est un pays riche en champs de pétrole et de gaz. C’est l’un des principaux exportateurs d’énergie en Europe et dans le monde.

Peut-être que c’est la raison?

Non, c’est peut-être la réponse?

Samir Murad

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 

 




Les 20 ans de la Fondation IFPD: un bilan positif et ça continue !

Rosey Concert Hall, à Rolle. 25 octobre 2019, une soirée féérique. Auteur : Damon / Voix d’Exils

Au service des démunis

La Fondation Internationale pour la Population et le Développement (IFPD) a célèbré cette année son vingtième anniversaire. La soirée de gala organisée à cet effet s’est tenue dans le somptueux décor du Rosey Concert Hall, à Rolle (VD). L’occasion pour Hélène Bayeux, sa directrice exécutive, de parler des nombreux projets menés à travers le monde et de présenter Alter-Start, l’incubateur oeuvrant en Suisse. 

Grâce au soutien indéfectible de généreux donateurs et partenaires, la Fondation Internationale pour la Population et le Développement a célébré le 25 octobre dernier ses 20 ans d’existence et de projets menés à bien à travers le monde, et depuis peu en Suisse.

Là où la fondation est active, soit en Inde, au Népal, au Brésil et en Suisse, elle a su mobiliser les compétences et les moyens nécessaires pour ouvrir des centres de santé, des centres d’activités pour les enfants, des programmes de formation professionnelle dont une école-hôtel et de soutien à l’entrepreneuriat social.

A ce jour, plus de 200 000 bénéficiaires – essentiellement des femmes et des enfants – en situation de précarité ont profité de cette aide sous la forme de soins, d’éducation et de formations.

L’IFPD collabore étroitement avec les acteurs locaux à qui elle transmet les connaissances requises dans ses domaines d’intervention. Cette stratégie permet de pérenniser les résultats de ses activités, tout en passant la main le moment venu.

Depuis deux années, la Fondation s’est également tournée vers la Suisse et ses populations les plus nécessiteuses en termes d’intégration économique et sociale, à savoir les migrants, qu’ils aient le statut de réfugiés ou non. Elle a mis sur pied un incubateur nommé Alter Start qui les aide à développer un projet entrepreneurial pour leur permettre de diminuer leur dépendance à l’aide sociale et, à terme, devenir financièrement autonomes.

Hélène Bayeux, Directrice exécutive de l’IFPD a accordé un entretien à Voix d’Exils pour présenter Alter-Start.

Hélène Bayeux (à gauche sur la photo) en discussion avec notre rédactrice Marie-Cécile. Auteur : Damon / Voix d’Exils

Voix d’Exils : Un petit brief sur l’IFPD peut-être avant de parler d’Alter-Start ?

Hélène Bayeux : La Fondation a d’abord œuvré à l’international dans des programmes de santé et d’éducation destinés aux femmes et aux enfants. Aujourd’hui, elle met en place des projets de formation professionnelle pour les plus démunis, en particulier les femmes. Elle accompagne également la création de microentreprises afin que les bénéficiaires aient une source de revenus et sortent durablement de la pauvreté.

Avez-vous développé d’autres domaines ?

Les programmes de la Fondation étaient au départ uniquement axés sur la santé et l’éducation. Ces programmes sont toujours actifs aujourd’hui, mais ils ont été repris par nos partenaires locaux, des ONGs locales avec lesquelles nous avons créé des liens. Maintenant, l’IFPD se concentre sur la formation professionnelle et l’accompagnement à la création de microentreprises, le tout destiné aux femmes.

Vous êtes-vous inspirée de votre action à l’international pour reproduire la même expérience « à la maison » ?

Exactement ! Forts de l’expérience récoltée en Inde, au Népal et au Brésil, nous nous sommes demandés où étaient les zones sensibles en Suisse. Et la cible naturelle s’est imposée d’elle-même : les migrants, les femmes migrantes mais pas exclusivement.

N’y a-t-il pas d’autres associations qui travaillent dans le même créneau ?

Un tour d’horizon des associations œuvrant déjà auprès des migrants nous a permis de nous assurer qu’une proposition similaire n’existait pas déjà. Nous avons réalisé qu’il y avait une vraie demande chez certains migrants et réfugiés, de lancer leurs propres structures. En accord avec l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), avec qui le projet a été monté, nous avons décidé d’accompagner les personnes titulaires d’un permis F, qui ont un niveau de français B2, et qui ont une compétence clé, même s’ils n’ont pas forcément un projet clair en tête.

Comment sont choisis les bénéficiaires ? Sont-ils triés avec l’aide de l’EVAM ?

La source première d’identification des porteurs de projet, c’est effectivement l’EVAM, mais pas seulement. Nous avons aussi créé de nombreux partenariats avec des acteurs associatifs qui œuvrent auprès des migrants pour leur apporter des compétences complémentaires. Sans compter, bien sûr, le bouche à oreille.

Quelles étaient vos projections d’effectifs au départ du projet ?

La cible initiale était d’accompagner une quinzaine de porteurs de projets par an. Cette cible est aujourd’hui atteinte, mais nous avons les ressources humaines nécessaires pour en accompagner une vingtaine par an.

Combien de temps dure ce coaching ?

Cela prend beaucoup de temps : Il y a toutes les démarches administratives et juridiques, ainsi que les démarches business : les études de marché, le marketing, l’ensemble des aspects du business plan pour la création de microentreprises. Il y a les porteurs de projet qui sont devenus autonomes, ceux que l’on accompagne depuis deux ans et qui ont encore besoin de notre soutien, et ceux qui ont lancé leurs business mais doivent encore être suivis. Tant que l’indépendance financière n’est pas acquise, nous ne les abandonnons pas. Il y a de toute façon un lien entre l’aide sociale et la source de revenus des bénéficiaires de l’EVAM: plus la source de revenus est importante, plus l’aide sociale diminue. Aujourd’hui 4 bénéficiaires de l’EVAM ont lancé leur structure et diminuent progressivement leur dépendance à l’aide sociale.

Concrètement, quels sont les problèmes rencontrés par ceux qui n’arrivent pas à avancer ou ceux qui ne s’en sortent pas financièrement ?

Beaucoup de porteurs de projets éprouvent une vraie frilosité à se lancer et à sortir de l’aide sociale qui est perçue comme plus sûre. Mais c’est une frilosité qu’on observe aussi chez les entrepreneurs qui ne sont pas issus de la migration. Elle est juste décuplée chez nos porteurs parce qu’ils ont très peu de connaissances du réseau suisse, très peu d’assurance sur un retour aux aides existantes en cas d’échec de leur petite entreprise. Grâce à notre partenariat avec l’EVAM, les porteurs sont assurés de pouvoir revenir à leur statut initial si leur entreprise ne marche pas.

Comment se matérialise votre soutien ?

Nous avons des coachs qui, avant le lancement, assurent un suivi rapproché des porteurs de projet à raison d’une rencontre hebdomadaire. Ce coaching continue avec une fréquence moins soutenue une fois que l’entreprise est lancée. En plus de l’aide au démarchage et au réseautage, nous souhaitons proposer aussi aux porteurs de projet de petites immersions dans des entreprises déjà existantes et engagées, ce qui est très précieux pour eux.

L’IFPD intervient-elle lorsque l’acquisition de matériel ou d’équipements s’avère nécessaire ?

Nous avons mis en place un partenariat avec le Microcrédit Solidaire Suisse (MCSS). Théoriquement, les porteurs qui le souhaitent, peuvent se tourner vers eux pour un investissement initial. Mais, jusqu’à présent, aucun des porteurs que nous avons suivis, n’y a eu recours. Ils ont soit opté pour un soutien de leur communauté, qu’ils rembourseront plus tard, soit ils ont décidé de n’investir que ce qu’ils ont gagné.

L’IFPD compte-t-elle un jour couvrir ce volet ?

Non, son rôle est d’accompagner les migrants, pas d’être un relais de financement. Il nous apparait très important de différencier les deux et c’est pour cela que nous avons initié ce partenariat avec MCSS. A terme, nous pourrons trouver d’autres sources de financement.

Accompagner la création de microentreprises

Nazéli, la reine des beaux ongles

Styliste ongulaire diplômée, Nazéli Haroyan est au bénéfice d’une belle expérience en Arménie, son pays d’origine. Arrivée en Suisse voilà 6 ans, elle a arrêté cette activité pour se consacrer à l’éducation de ses deux garçons. Maintenant qu’ils sont plus grands, ils n’ont plus besoin d’elle à temps plein, alors elle a décidé de reprendre son métier.

Nazéli Haroyan (à gauche sur la photo) en séance de travail avec sa coach Patricia Humbert. Auteur : Damon / Voix d’Exils

Depuis un an, Patricia Humbert coach bénévole de Alter Start accompagne Nazéli sur le chemin du retour à l’emploi, comme elle accompagne d’autres migrants qui ont pour projet de se mettre à leur compte. Elle est présente et donne de précieux conseils lors de toutes les étapes : choisir les produits et le business qu’ils veulent lancer, explorer, par le biais d’une étude marketing, si le projet est viable sur le marché suisse, monter le business plan et définir la stratégie commerciale, le visuel (site web, flyers, cartes de visite, etc.), ainsi que démarcher les clients.

Avec l’aide de Patricia, Nazéli a pu tester les produits pour ongles, apprendre l’ABC du commerce et de l’entreprenariat en Helvétie. Elle est maintenant fin prête, avec ses flyers et ses cartes de visites, surtout, elle est confiante : en plus de son diplôme, elle connaît maintenant les us et coutumes du milieu professionnel en Suisse.

Elle espère que « Onglerie Arna », sa petite entreprise à Lausanne, sera prospère. Le plus qu’elle apporte, c’est qu’elle « délivre » l’onglerie à domicile.

 

Jemal, le roi de la couture et de l’épicerie

Jemal Kasay est coaché depuis 15 mois par Constance Vilnet, coach bénévole chez Alter Start. Cette Française résidant en Suisse depuis 7 ans est mère de quatre enfants et étudiante en architecture d’intérieur. Elle a accompagné Jemal dans son projet d’ouvrir un comptoir qui ait pignon sur rue comme il en avait un en Érythrée, son pays d’origine. Ce qui n’a pas été évident en raison notamment des loyers très chers et de la difficulté à trouver un espace commercial avec une surface adaptée au projet.

Jemal révise les comptes de son entreprise avec l’aide de sa coach Constance Vilnet. Auteur : Damon / Voix d’Exils

Selon Constance, Jemal est« Très doué pour la couture qui est une passion ! Le prêt-à-porter sur mesure qu’il confectionnait jusqu’ici pour une population nord africaine, se vend aujourd’hui aux Suisses aussi. En parallèle, il a aussi ouvert une épicerie pour générer plus de revenus au quotidien ».

Avec l’aide de Constance, Jemal a donc monté le Comptoir Asmara à Chavornay, localité située à mi-chemin entre Lausanne et Yverdon. Il s’est démené pour récupérer du mobilier, emprunter de l’argent auprès de ses amis, négocier et obtenir du propriétaire du local de différer de trois mois le paiement de son loyer.

Constance continue de l’accompagner pour ce qui est délais et livraisons dans les temps, ainsi que pour le réseautage. Elle reçoit de l’aide du fils de Jamal, qui est Gymnasien, pour gérer la comptabilité mensuelle.

En vrai pro, Jemal a décroché des contrats, comme par exemple des commandes de doudous pour une association, des foulards pour les 20 ans de l’IFPD, et 40 costumes de déguisement pour Canvas, une école de mode lausannoise.

Marie-Cécile

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Pour tout renseignement : https://www.ifpd.org/?lang=fr

Pour toutes vos commandes, veuillez prendre contact directement avec les intéressés

Onglerie Arna, Nazel Haroyan /Auteur: IFPD

Comptoir Asmara, Jemal Kahsay / Auteur: IFPD

Kavkaz food, Bella Zakaryan / Auteur: IFPD

Mantu Food truck afghan, Ebrahim Rajabi / Auteur: IFPD

Zephire Foulard, Anita Boelcs / auteur: IFPD

Noor Multi-services, Nooramad Sarwari / Auteur: IFPD

Traiteur Iranien, Faranhaz Ghudrati / Auteur: IFPD

Levan Renovations, Levan Botchorischvilli / Auteur: IFPD

Carakas Granola & Barres, Ana Castro / Auteur: IFPD

 

Pâtissier, Nunzio Miraglia / Auteur: IFPD

Couturière et Traiteur, Riham Abdu / Auteur: IFPD

Pistache et Rose, Jessy Bali / Auteur: IFPD

Photographe, Silvana Pizzirusso / Auteur: IFPD




La responsabilité du journaliste et de l’écrivain en Azerbaïdjan

Flikr.com (CC BY-NC-ND 2.0), Concours scolaires | Liberté d’expression / Dessin gagnant #3 / Collège Saint-Yves de Mordelles (35), 3ème Ouessant

Continuer à écrire pour protéger le monde

Être écrivain ou journaliste en Azerbaïdjan, ma chère patrie, est très dangereux. On peut vous emprisonner, j’en ai fait l’expérience personnellement.

En Azerbaijan, on peut vous tuer à cause de vos écrits, comme l’ont été le journaliste et rédacteur en chef Elmar Hüseynov tué en 2005 et l’écrivain et journaliste Rafig Tagi décédé quatre jours après une attaque à l’arme blanche dont il a été victime dans la nuit du 19 novembre 2011. L’arrestation ou l’emprisonnement devient alors une chance pour les survivants.

Mais que cela ne vous empêche pas de continuer à écrire. Parce que vous aimez votre patrie, parce que votre pays est malade et que ses douleurs sont vos douleurs. Si vous renoncez à parler et à écrire sur ces douleurs et ces problèmes, la maladie ne guérira jamais. C’est un axiome : les maladies cachées ne guérissent pas.

Dans des sociétés comme l’Azerbaïdjan, les autorités n’aiment pas la liberté de la presse, la dissidence et la vérité. C’est un deuxième axiome : tous les dictateurs, les corrompus et les fanatiques du monde sont des ennemis de la liberté d’expression, des idées différentes et de la vérité. Pour eux, l’ennemi doit être tué et anéanti.

L’écriture est un métier fait pour les gens courageux. L’écrivain ou journaliste est toujours dans l’opposition, offre des alternatives, cherche l’innovation.

Dans des pays comme l’Azerbaïdjan, les autorités n’apprécient jamais la nouveauté. Les dictateurs et les régimes autoritaires ne reconnaissent pas aux gens le droit de choisir. Pour eux, le citoyen est un esclave et un esclave n’a qu’un seul droit : celui d’obéir.

L’écriture est l’une des plus grandes découvertes de l’humanité. Croyez-moi, sans cette découverte, peut-être que la terre et l’humanité auraient été détruites. Réfléchissez : la presse, la littérature et les écrivains en général font la promotion des droits de l’homme, de la démocratie, de la liberté économique et de la paix. Ils le font dans un monde affligé par la corruption, des régimes autoritaires, des dictatures, des guerres… jusqu’à la menace d’armes nucléaires qui peuvent être mises en action à tout moment.

Les écrivains impartiaux et honnêtes s’engagent contre le mal et se placent à l’avant-garde de la lutte.

Les menaces de persécution, d’emprisonnement ou de mort sont autant de risques qu’ils acceptent consciemment. Et c’est l’une des vérités les plus indéniables du monde que l’humanité a grand besoin de tels sacrifices.

Le monde est notre maison. Il est du devoir de toute personne responsable de protéger le monde avec amour.

Samir Murad

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Catastrophe nucléaire, exode et reconstruction

Monument de la centrale nucléaire de Tchernobyl en Ukraine commémorant la catastrophe survenue le 26 avril 1986. Auteur: Amort 1939 / Licence pixabay / pixabay.com

« Quand je vais à Tchernobyl, j’entends les oiseaux chanter ! »

Le 26 avril 1986, le réacteur numéro 4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, explose lors d’essais techniques. L’accident provoque des radiations 400 fois plus élevées que celles libérées par la bombe nucléaire lancée sur Hiroshima, au Japon, en 1945. Quelques 350 000 personnes sont évacuées. Parmi elles, la jeune Natalia Omelchenko, 13 ans à l’époque. 33 ans après la catastrophe, elle a accepté d’accorder une interview à Voix d’Exils.

Alors qu’il s’agit de l’accident le plus grave de l’histoire de l’industrie nucléaire civile, l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS) nie la gravité des faits, pendant plusieurs semaines, à sa population tout d’abord ainsi qu’à la communauté internationale. 1,5 million de personnes vivent alors dans les zones contaminées par l’explosion du réacteur 4 de la centrale de Tchernobyl.

Bien qu’il n’y ait pas de chiffres clairs, l’accident nucléaire aura un impact majeur sur la population de la région, tant sur le plan physique (mortalité, maladies) que psychologique (stress dû aux évacuations massives).

Malgré les fortes radiations, les habitants de la ville de Tchernobyl, dont Natalia Omelchenko et sa famille, ne seront évacués que plusieurs jours après le désastre. Aujourd’hui, Natalia vit à Bila Tserkva, ville du centre de l’Ukraine, située à 260 km de sa ville natale et de la Centrale nucléaire, elle est mariée et a deux filles adultes. Aujourd’hui, elle accepte de donner à Voix d’Exils son témoignage sur ce vécu douleureux.

Voix d’Exils : Natalia, quels sont vos souvenirs de ce jour-là ?

Natalia Omelchenko : C’était la nuit, je dormais. Soudain, je me suis réveillée à cause d’une explosion. Le matin, comme d’habitude, je suis allée à l’école et mes parents sont partis travailler. Personne ne nous disait rien.

Que s’est-il passé les jours suivants ?

J’ai continué d’aller à l’école pendant une semaine. Au fil du temps, mes camarades de classe étaient toujours plus nombreux à ne plus venir à l’école. Leurs parents les emmenaient hors de Tchernobyl. Ensuite, avec mon frère, nous sommes devenus les uniques enfants dans la ville. Je me souviens qu’il y avait des représentants des autorités locales qui passaient dans chaque maison, chaque logement. Ils distribuaient des pilules iodées et du lait à titre de protection contre les radiations.

Avez-vous ressenti quelque chose de bizarre au niveau de votre santé pendant ces jours-là ?

Lors de mon premier retour à Tchernobyl, 10 ans après la catastrophe, je me suis souvenu que j’avais une sensation bizarre dans la gorge, comme si je m’étouffais.

Quand avez-vous été évacués ?

Six jours après l’explosion, on nous a demandé d’aller à la gare routière pour prendre l’un des bus affrétés par les autorités pour se rendre dans une autre région. Ma mère m’a dit que nous partions pour trois jours seulement. Il était strictement interdit d’emporter des animaux. Notre chien nous a été confisqué. D’autres gens qui avaient des animaux, les enfermaient dans leur maison en croyant qu’ils les quittaient pour quelques jours. On peut seulement imaginer le destin de tous ces animaux…

Où vous êtes-vous rendus après avoir quitté Tchernobyl ?

On nous a amenés avec mes parents et mon frère à Borodianka. C’est une petite ville à une centaine de kilomètres de Tchernobyl. Les représentants des autorités visitaient chaque maison qui semblait inhabitée, ils cherchaient les propriétaires et leur demandaient s’ils pouvaient loger temporairement des réfugiés. Ensuite, en été, les autorités ont organisé des vacances à la mer à Odessa pendant 3-4 semaines pour les enfants de Tchernobyl. Nous avons dû nous séparer de nos vêtements et de nouveaux vêtements nous ont été offerts.

Avez-vous reçu de l’aide de l’État ?

Oui, l’État a donné aux familles exilées un appartement et de l’argent pour acheter des meubles et des vêtements.

33 ans se sont passés depuis la catastrophe, êtes-vous revenue à Tchernobyl et avez-vous la nostalgie de votre ville natale ?

Bien sûr, la première fois que j’y suis retournée, c’était 10 ans après la catastrophe. C’était très émouvant. Je ressens une très grande nostalgie lorsque je pense à ma ville natale. J’y retourne une fois par année pour visiter les tombes de mes proches. Je vais toujours voir notre maison avec le jardin envahi par les arbres et les mauvaises herbes. A chaque fois, mes souvenirs remontent, j’éprouve des émotions, des sentiments mitigés, bizarres, voir un malaise. Et les larmes me viennent toujours aux yeux.

Natalia Omelchenko devant sa maison à Tchernobyl. Auteur: Voix d’Exils

Connaissez-vous la sériée télévisée « Tchernobyl » qui est sortie récemment ?

Oui, j’ai même commencé à la regarder, mais j’ai abandonné très vite car je n’arrivais pas à supporter la douleur psychique que je ressentais à la vue de certaines images, surtout celles qui montrent des animaux, des chiens, des chats qui sont abattus.

Savez-vous que la zone d’exclusion de Tchernobyl bat actuellement tous les records de visites touristiques ? Que vous inspire ce type de tourisme ?

Je le prends de façon tout à fait positive. L’entrée dans la zone d’exclusion coûtait environ 35 francs suisses par personne, mais après la sortie de la série Tchernobyl ça doit sûrement coûter plus cher… Il y a des guides qui s’occupent des touristes. Dans la ville de Tchernobyl, il y a même des auberges où on peut se restaurer et dormir.

Quand vous allez à Tchernobyl, vous n’avez pas peur des radiations ?

Non, pas du tout, et puis les radiations ne couvrent pas toute la région de façon uniforme. Il y a des taches radioactives ici et là. La végétation est abondante. Il n’y a pas de voitures ni d’usines polluantes. L’air est pur. Des oiseaux chantent. A Bila Tserkva, la ville où j’habite aujourd’hui, j’ai souvent mal à la tête, mais à Tchernobyl, jamais.

Cette catastrophe a-t-elle eu un impact sur votre santé ?

Bien sûr, j’ai notamment des problèmes avec mes os et ma colonne vertébrale.

Merci beaucoup, Natalia, pour cet entretien très intéressant. Pour conclure, on peut donc affirmer que la vie continue, malgré tout, après une telle catastrophe ?

Tout à fait ! Merci beaucoup à vous aussi.

L’état actuel de la maison de Natalia Omelchenko à Tchernobyl avec le jardin envahi par les arbres et les mauvaises herbes. Auteur: Voix d’Exils

Valmar

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Escapade à Berne

Palais fédéral: explication du fonctionnement des institutions fédérales. Auteur: Voix d’Exils

Visite du Palais fédéral, rencontre avec les ours et balade dans la vieille ville

Organisée par le foyer Sainte-Croix de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) et destinée à une trentaine de migrants fraîchement arrivés en Suisse, la journée découverte du 26 septembre dernier leur a permis de découvrir les charmes de la capitale et les institutions politiques du pays.Voix d’Exils les a accompagnés.

Lorsque la sortie leur a été proposée, les bénéficiaires de l’EVAM et  du Centre social d’intégration des réfugiés (CSIR) vivant dans le foyer de Sainte-Croix se sont rapidement inscrits, ravis à l’idée de découvrir la ville de Berne que la majorité d’entre eux n’avait jamais visitée.

Berne, ville fédérale

Sur place, ils ont découvert que la capitale helvétique accueille le Parlement suisse, soit le Conseil national qui représente le peuple et le Conseil des États qui représente les cantons. Sans oublier le Conseil fédéral.

Les visiteurs ont eu l’opportunité d’assister aux débats qui se déroulaient ce jour-là au Parlement. Comme c’était la journée du plurilinguisme, la quasi-totalité des interventions concernaient cette thématique. Chaque parlementaire a donc saisi l’occasion pour parler dans une autre langue nationale. Les parlementaires francophones ont, par exemple, salué leurs collègues en allemand avant de poursuivre dans leur langue. Quant aux parlementaires alémaniques ou tessinois, ils ont fait de même : salutations en français, allemand ou italien avant de continuer dans leur langue.

Les migrants ont ensuite enchaîné avec une courte visite guidée du Palais fédéral. Dans le magnifique hall central, la guide a commencé par une brève présentation historique en racontant comment de petits États se sont réunis pour former la Confédération suisse et en présentant les pères fondateurs.

Puis le groupe a visité brièvement les salles du Conseil des États et la salle des Conseillers fédéraux.

Des ours nageurs

L’après-midi, tout le monde est parti faire un tour dans la vieille ville de Berne et a visité la collégiale Saint-Vincent, qui est le plus grand édifice religieux de Suisse avec une tour de 100 mètres de haut.

L’escapade bernoise s’est terminée par la visite de l’endroit le plus populaire de la ville : le Parc aux ours. Les participants ont eu la chance de voir de jeunes ours nager dans l’Aar. Au final, c’était difficile de quitter cet endroit tellement les ours étaient amusants !

Sur le chemin du retour, j’ai demandé aux personnes présentes comment elles avaient vécu cette journée. J’ai eu des réponses intéressantes et contrastées.

La plupart m’ont répondu qu’ils avaient passé un bon moment et que pour eux c’était une journée exceptionnelle.

Par contre, ceux qui ne parlent pas bien le français, m’ont dit que cette sortie n’était pas très intéressante parce qu’ils n’avaient pas compris grand-chose.

 

Oumalkaire

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Photoreportage

Palais fédéral, Berne. Auteur: b1-foto / Licence pixabay / pixabay.com

 

Collégiale Saint-Vincent de Berne, le plus grand édifice religieux de Suisse avec une tour de 100 mètres de haut. Auteur : fotoerich / Licence pixabay / pixabay.com

 

Parc aux ours, Berne. Auteur: Voix d’Exils

 

Sur la place fédérale, Berne. Auteur: Voix d’Exils