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« Schéhérazade »

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Chroniqueur du génocide

En mémoire du 103ème anniversaire du génocide arménien

J’ai lu l’œuvre épique de Franz Werfel (900 pages) Les_Quarante_Jours_du_Musa_Dagh (1933), il y a près de vingt ans. Un roman passionnant basé sur les témoignages épouvantables des réfugiés arméniens, que le célèbre écrivain autrichien-bohémien avait rencontrés à Damas-Syrie, en 1929, lors d’une tournée au Moyen-Orient avec sa femme[i].

J’ai été tellement impressionné par les événements et les personnages que pendant des mois ils sont devenus une partie de moi. Je ne sais pas pourquoi, peut-être parce que je suis moi-même un descendant d’un survivant du génocide et mon âme troublée a été hantée par d’innombrables histoires de massacres et de déportations.

Pour vous dire la vérité, je me suis parfois posé la question hypothétique: Si Franz Werfel avait poursuivi son voyage en Syrie en traversant les camps de concentration de Deir elzor au nord-est de la Syrie: Ras alain, et ma ville natale Qamichli, il aurait pu rencontrer, parmi innombrable d’autres survivants du génocide arménien, mon grand-père Bedros et bien entendu son incroyable histoire de mort et de résurrection! Et pourquoi pas? Il aurait pu produire son deuxième chef d’œuvre intitulé Schéhérazade, d’après la célèbre conteuse des Mille et Une Nuits!

Tout a commencé dans un petit village du sud-est de la Turquie dans la province de Batman, district de Besiri, région principalement peuplée de Kurdes, d’Arméniens et d’autres minorités chrétiennes, pendant et à la suite le génocide arménien perpétré par la Turquie ottomane en 1915.

Après le massacre de sa famille élargie, l’orphelin Bedros, ne fut pas mis à mort pour la seule raison d’avoir été doté d’une voix merveilleuse et d’une étonnante capacité à mémoriser et chanter des chants traditionnels kurdes d’origine folklorique!

Ainsi, l’enfant arménien analphabète, qui ne parlait que kurde, âgé probablement de 14 à 15 ans, grandira pour devenir le principal chanteur traditionnel d’un chef féodal kurde influent de la région.

Chaque soir, les villageois fatigués et les invités des régions voisines affluaient dans la grande salle, présidée par le Chef, désireux d’entendre le « divertissement » de Bedros. Il récitait de son « répertoire » sans fin, des chansons folkloriques et des récits historiques qu’il avait entendus depuis son enfance: des histoires de batailles féroces, de vaillants héros et de grandes villes. Il chantait aussi les louanges du Chef, louant ses vertus ainsi que les mérites de ses ancêtres. Mais, pas un mot de la douleur brûlante qui tourmentait son corps et son âme: les horribles images du massacre de sa famille et de l’extermination de toute son ethnie !

Comme l’héroïne intelligente des Mille et Une Nuits qui gardait le roi Shahryar excité par ses contes pour qu’il puisse épargner sa vie un jour de plus, Grand-père n’oublia jamais le récit du jour suivant, de peur que cela ne lui coûte sa vie.

Mais, tandis que l’histoire de Schéhérazade se termine heureusement à la fin des Mille et Une Nuits, son épreuve prend encore un autre tour tragique.

Une fin de soirée morne, ayant terminé sa « performance », épuisé et désespéré, il traîne ses pieds à la maison à l’extrémité du village, et découvre une scène qui lui glace le sang et qui laissera abasourdi jusqu’au dernier jour de sa vie! Sa maison était totalement pillée, sa femme kidnappée, son petit-fils et son neveu, âgés de 3-4 ans, étroitement attachés aux barreaux de la fenêtre, égorgés d’une oreille à l’autre…

Je n’ai pas vu mon grand-père qui est décédé quelques années après son évasion miraculeuse en Syrie et après avoir sauvé sa femme. Mais, je me souviens bien de son visage pâle qui regarde le vide sur une photo accrochée au mur de notre chambre. Ses yeux grands ouverts semblaient désespérément à la recherche de quelqu’un pour raconter les histoires jamais racontées de ses êtres chers, ainsi que de nombreuses autres histoires douloureuses et tristes…

H. Dono

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

1-  BBC radio Documentaire sur le roman de Franz Werfel Quarante jours de Musa Dagh http://www.bbc.co.uk/programmes/b09pkmpc

2- Base documentaire sur le génocide arménien http://www.imprescriptible.fr/

 




Quel accès aux formations supérieures pour les requérants d’asile ?

Photo Eddietaz / Voix d’Exils.

Le projet Perspective-études de l’UNES

L’Union des étudiant-e-s de Suisse (l’UNES) a lancé le projet « Perspective-études » pour faciliter l’accès aux études supérieures des requérants d’asile en Suisse. Rencontre avec Giulia Stanchieri , membre du projet, sur Radio Django lors de l’émission du 27 mars dernier.

Pour écouter l’émission, cliquer ici

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Violences multiples infligées aux femmes Afghanes

CC0 Creative Commons.

La victoire historique d’une adolescente sur ses tortionnaires

Depuis la fin des Talibans en 2001, les droits des femmes ont connu des progrès limités en Afghanistan et le pays continue à être classé parmi les endroits les plus dangereux du monde pour celles-ci. Elles subissent de lourdes violations des droits humains entre violences domestiques, mariages forcés ou mariages précoces.

Sous la domination des Talibans de 1996 à 2001, les femmes ont été bannies des salles de classe, de la politique et de l’emploi. Celles qui voulaient quitter la maison devaient être escortées par un parent et étaient forcées de porter la burqa. Celles qui ont désobéi ont été publiquement battues. Dans certaines parties de l’Afghanistan, à la fin des années 1990, les habitants ont été encouragés à noircir les fenêtres de leurs maisons afin que les femmes à l’intérieur ne puissent être vues.

La violence domestique est souvent exacerbée en raison de facteurs tels que la pauvreté, l’analphabétisme et l’usage de stupéfiants. L’ONG internationale Global Right rapporte que plus de 85% des Afghanes ayant répondu à un sondage mené en 2006 ont déclaré avoir subi des violences physiques, sexuelles ou psychologiques et des mariages forcés.

La violence conjugale a des effets néfastes sur la santé et un impact économique ; un nombre important de femmes développent des tendances suicidaires en raison des conditions insupportables auxquelles elles sont soumises. Lorsque certaines tentent de s’échapper d’une relation abusive, elles sont accusées de fuite, ce qui peut conduire à leur arrestation. Les filles victimes de mariage précoce ont également moins de pouvoir ; elles sont maintenues dans une position qui ne leur permet pas d’intervenir dans les décisions quotidiennes. La recherche a montré que cette situation conduit souvent à la violence domestique.

Karimi Abdoul Bashir

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Sahar Gul, une adolescente Afghane, raconte son calvaire

Extrait d’un article publié par CNN en janvier 2012 sur le calvaire qu’a enduré Sahar Gul, une adolescente Afghane.

L’adolescente Afghane a été mariée à 13 ans. Son mari, un membre de l’armée Afghane, l’a violée. Enragés parce qu’elle n’était pas tombée enceinte immédiatement, ses beaux-parents l’ont enfermée dans un sous-sol pendant des mois, la torturant avec des pinces chaudes et lui arrachant les ongles. En fin de compte, ils voulaient la forcer à se prostituer en punition d’avoir manqué à « ses obligations » de femme. « Ils m’ont dit d’aller au sous-sol parce qu’il y avait des invités qui venaient à la maison. Quand je suis allée là-bas, ils sont entrés et m’ont attaché les mains, les pieds et m’ont suspendue. Ils me battaient beaucoup, je pleurais tout ce temps. Quand ils ont mis des décharges électriques sur mes pieds, je sentais que j’allais mourir. A ce moment-là, j’ai crié et c’est comme ça que nos voisins se sont rendu compte qu’il se passait quelque chose. Jour et nuit j’étais inconsciente, je me sentais morte. » De plus, Sahar Gul évoquait qu’elle devait non seulement penser au traumatisme qu’elle avait enduré, mais aussi qu’elle était toujours techniquement mariée à son agresseur. Elle craignait alors de recroiser le chemin de son ex-mari : « Si demain il me retrouve, il est possible qu’il me tue. Je veux m’établir à l’étranger, si je reste ici, ils me trouveront, je veux aller à l’école et étudier, devenir médecin ou procureur, pour pouvoir les punir. »

Le combat qu’a mené Sahar Gul a heureusement porté ses fruits. Le 9 octobre 2013, la Cour suprême d’Afghanistan a pour la première fois rendu un jugement en faveur d’une victime de violences domestiques, en demandant l’arrestation de ses bourreaux. C’est aussi la première fois dans le pays qu’une victime traîne ceux qui l’ont torturée devant la justice. Aujourd’hui, Sahar Gul vit en Suède. 

Karimi Abdoul Bashir

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils