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Partager ses expériences : la clé d’une intégration réussie ?

CC0 Public Domain

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Une recherche canadienne se penche sur le partage d’expériences comme vecteur d’intégration

Le projet Cities of Migration du Global Diversity Exchange – un groupe de réflexion basé à l’Université Ryerson au Canada qui promeut des idées innovatrices – souligne l’importance du partage d’expérience comme un outil d’orientation entre les migrants de différentes générations ou de différents niveaux d’expérience dans leur société d’accueil.

Une recherche en psychologie sociale menée en Australie indique que les migrants s’intégrant le mieux socialement dans leur société d’accueil sont ceux qui sont indépendants et qui ont pris en main leur propre intégration et qui font des efforts proactifs pour atteindre leur objectif. L’argument de la « proactivité » en matière d’intégration est bien connu et est sans doute central pour influencer le processus de manière positive. Cependant, l’entreprenariat individuel est-il réellement suffisant pour assurer une intégration réussie ?

Au-delà du migrant entrepreneur

Selon une définition sociologique générale, « l’intégration sociale exige la maîtrise d’une langue commune acceptée de la société, l’acceptation des lois de la société, et l’adoption d’un ensemble commun de valeurs de la société.» Bien que la connaissance de la langue et des lois soit techniquement importante et indispensable, à mon avis, c’est l’adoption de l’ensemble des valeurs communes de la société qui aide éventuellement les migrants indépendants et proactifs à réussir. Cependant, pour de nombreux migrants, comprendre ces valeurs et prouver qu’ils les suivent n’est évidemment pas toujours facile et nécessite souvent des conseils ou du mentorat, surtout dans les cas des jeunes et des femmes avec leurs familles. Cela nécessite également une communication active avec le reste de la société pour changer les perceptions.

Il est aussi important de ne pas tomber dans l’erreur d’uniquement se focaliser sur la le migrant comme entrepreneur de l’intégration et prendre en compte la société. Des recherches récentes montrent que « le processus d’intégration dépend fortement de l’attitude de la société d’accueil et notamment de ses propres préjugés, raciaux en particulier ». Une société ouverte est donc le premier accès à l’intégration pour les migrants.

Deux exemples de pratiques basées sur le partage d’expériences

Il y a en réalité de nombreuses approches pour aider les migrants à relever le défi de l’intégration. Le projet Cities of Migration  du Global Diversity Exchange, un groupe de réflexion basé à l’Université Ryerson de Toronto, au Canada, a pour but d’identifier et exposer les meilleures pratiques locales du monde entier qui promeuvent l’intégration des migrants. Examinées ci-dessous, deux de ces meilleures pratiques soulignant l’importance du partage d’expérience comme un outil d’orientation entre les migrants de différentes générations ou de différents niveaux d’expérience dans la société d’accueil.

  1. Les jeunes ambassadeurs en Belgique

Depuis 2006, la municipalité de la ville belge de Gand  met en œuvre avec succès un projet impliquant des jeunes bénévoles issus de la migration qui sont parvenus à s’intégrer à Gand notamment en obtenant un emploi. Ils ont surmonté des obstacles qui frustrent la majorité de leurs pairs. Le projet entraîne d’abord ces jeunes à développer des compétences telles que: parler en groupes, faire des présentations, construire leurs histoires, et comprendre le marché du travail. Ensuite, il organise des réunions de groupe où ces « ambassadeurs » partagent et discutent leurs trajectoires biographique : leurs parcours scolaires, leurs expériences dans la recherche d’emploi. En plus de leur entraînement, les bénévoles reçoivent un soutien et des conseils tout au long de leur participation pour que cela fonctionne mieux. Le projet améliore leurs compétences sociales et leur donne l’opportunité d’obtenir de nombreuses nouvelles connexions.

En débattant des problèmes quotidiens auxquels leurs jeunes sont confrontés, les communautés migrantes locales croient que le projet contribue à améliorer leur situation en matière d’emploi et d’éducation. Les ambassadeurs ont déjà parlé à plusieurs milliers de personnes lors de ces réunions. Le projet fonctionne avec différents groupes d’audience, y compris: les jeunes, les parents, les enseignants, et les employeurs. Dans chaque groupe, le projet génère des avantages spécifiques. Par exemple, la motivation des jeunes augmente lorsqu’ils rencontrent une personne de sa communautés qui a réussi à s’intégrer en apprenant comment la personne a surmonté les défis.

Le projet vise également à éliminer les stéréotypes sur les jeunes migrants. Les employeurs ignorent souvent leurs candidatures lors des entretiens d’embauche en raison de l’image négative des migrants qu’ils peuvent parfois avoir du fait que souvent ils n’ont pas de diplômes d’études post-secondaires ou même d’études secondaires. En rencontrant les ambassadeurs, les employeurs ont l’opportunité d’entendre des histoires d’intégration réussie ce qui améliore leur image des migrants et leur fait voir « l’individu qui se cache derrière le migrant ».

  1. Les mères de voisinage en Allemagne

Depuis 2004, l’autorité locale du district de Neukölln de Berlin mène un projet  se basant sur un concept similaire à l’exemple précédent. Ici, l’accent est mis sur les besoins et les défis dans la prise en charge des familles et des enfants migrants, leur éducation, leur santé, et leur bien-être. Certaines mères migrantes ont déjà surmonté plusieurs difficultés liées à l’intégration et ont de l’expérience au niveau de l’interaction avec des fournisseurs de services et de soutiens locaux. La participation de ces femmes au projet est un travail rémunéré. Le projet entraîne ces femmes comme mentors ou facilitateurs communautaires afin de leur permettre d’aider les nouvelles familles migrantes – souvent isolées – à s’intégrer dans la communauté locale. Ces mentors rencontrent ainsi régulièrement les mères nouvellement arrivées pour les aider à surmonter leurs difficultés. La provenance commune et la culture familiale partagée par ces femmes permettent une communication efficace et aide les nouvelles arrivantes à s’ouvrir au changement. Le projet se base sur un réseau de plus de 100 mères de voisinage de différentes nationalités. Il coopère étroitement avec les fournisseurs de services et de soutiens locaux, y compris les écoles, et relie les parents à eux. Les mères de voisinage ont fourni des conseils et des informations à des milliers de familles avec plus de 10’000 enfants.

Etre orienté pour mieux s’intégrer

Il est important que les migrants adoptent les valeurs de la société d’accueil pour obtenir en retour les bienfaits de cette société et pour participer à sa construction permanente. Encore faut-il que la société en question soutienne activement ce processus d’intégration. Qu’il s’agisse de chercher une éducation et une formation adéquates pour assurer un emploi, ou d’être entreprenant et proactif, ou de communiquer et chercher des informations efficacement dans un environnement complexe, les exemples abordés ici démontrent que les migrants ont besoin avant tout d’une orientation pour trouver leur chemin dans la société d’accueil. Les pratiques interactives examinées ci-dessus démontrent que de telles orientations sont mieux réalisées grâce au partage d’expérience entre les migrants expérimentés et les nouveaux arrivants. Et cela conduit au final à une meilleure cohésion de la société dans son ensemble.

MHER

Contributeur à Voix d’Exils




Des mots justes pour parler de migration

Niangu Nginamau en interview avec Cristina Del Biaggio

Niangu Nginamau en interview avec Cristina Del Biaggio. Photo: Voix d’Exils

Genève – L’association Vivre Ensemble dévoile son glossaire à l’intention des journalistes 

Le 30 mars dernier, l’association genevoise Vivre Ensemble à présenté lors d’une conférence de presse la version finale de son « Mémo[ts] » qui avait déjà fait l’objet d’un article dans Voix d’Exils en 2016. Il s’agit d’un glossaire initialement créé à l’intention des journalistes afin de les aider à choisir les termes qu’ils emploient lorsqu’ils parlent de migration mais qui s’adresse, en réalité, à une palette d’acteurs plus large.

A l’issue de cette conférence de presse, Voix d’Exils a réalisé une interview de Madame Cristina Del Biaggio qui est chargée de la réalisation de ce glossaire. Retour sur cette rencontre lors du Grand Direct de Radio Django (cliquez ici).

Niangu Nginamau

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Informations:
Télécharger le Mémo[ts] en cliquant ici

 

 

 

 

 




« Devenir acteur de sa vie »

Photo: Moumouni Ibrahim, membre de la rédaction valaisanne de Voix d'Exils

Photo: Moumouni Ibrahim, membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

« Égalité des chances dès l’enfance ». C’est sous ce nom que l’OSEO Valais a lancé un projet d’intégration avec les réfugiés érythréens installés sur la commune de Sion. Voix d’Exils est allé à la rencontre de Véronique Barras, sa coordinatrice, pour en savoir un peu plus. 

La section valaisanne de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) est une organisation centrée sur l’insertion socio-professionnelle, dont celle des migrants. C’est dans ce cadre que le projet « Égalité des chances dès l’enfance » a été mis sur pied. Il repose sur le principe de « parents-relais », à savoir des personnes-ressources, formées par l’OSEO Valais sur l’éducation préscolaire et sur le système scolaire en Valais, avec un petit regard sur ce qui se passe après l’école primaire. Les supports de cours ont été créés par l’OSEO Valais en collaboration avec des partenaires tels que la direction des écoles, la Consultation parents-enfants, l’Office éducatif itinérant.

Identifier les familles ayant besoin d’un accompagnement

Plusieurs communautés ont été ciblées dont, en premier lieu, celle des Erythréens. Treize parents-relais ont été formés pour accompagner les familles installées sur la commune de Sion. Véronique Barras explique : «Quand une direction des écoles de la Ville de Sion organise une réunion, seuls les parents qui ont un niveau de formation assez élevé se déplacent. On se rend compte que les personnes qui ont le plus besoin d’aide ne viennent pas; c’est donc à nous d’aller vers elles ». Dans le cas de la communauté érythréenne, la première séance de rencontre a été organisée en 2014 ; le projet a été présenté aux parents, il leur a été expliqué comment les parents-relais pouvaient les aider dans l’éducation de leurs enfants, notamment pour comprendre tous les documents qu’ils reçoivent de l’école et qu’ils ne comprennent pas mais aussi pour apprendre les bonnes pratiques en termes d’alimentation ou de stimulation. La majorité des familles a adhéré au projet. Elles ont été invitées à compléter un questionnaire visant à déterminer leurs besoins. Une fois les données recueillies et analysées, il s’est avéré qu’une quinzaine de familles avait réellement besoin d’accompagnement. L’OSEO Valais s’est concentrée sur elles et, à la dernière rencontre du printemps 2016, elles ont pu s’inscrire à différents ateliers.

En 2017, l’accompagnement des parents-relais sera également proposé à d’autres communautés. Chaque parent-relais se verra confier cinq ou six familles.

Un délicat travail d’approche des communautés

Il n’a pas été facile d’aller chercher les personnes-ressources dans les différentes communautés. Pour chacune, il a fallu trouver la bonne approche, en tenant compte des particularités et des sensibilités.

Pour la communauté arabe (qui regroupe les pays du Moyen-Orient et certains pays d’Afrique), le fait que plusieurs pays partagent une même langue semble être un avantage; il permet d’appliquer un croisement des interventions, c’est-à-dire qu’on fera intervenir de préférence un parent-relais irakien dans une famille syrienne, par exemple. On note que, très souvent, il est plus facile de recevoir un conseil d’une personne qui ne fait pas partie de son cercle connu.

Chez les Erythréens, la problématique est différente : ici, beaucoup de complications et de points de frictions se manifestent entre les anciens et les nouveaux arrivés.

Dans la communauté turque c’est encore différent, car le contexte de cette population en Valais est particulier. Véronique Barras précise : « Ce sont des gens qui se sont installés il y a une trentaine d’années, majoritairement du côté d’Ardon et de Vétroz, pour travailler dans la fonderie. Actuellement, on est à la troisième génération, mais des problématiques d’intégration persistent parce que les enfants et même les petits-enfants continuent d’aller chercher maris et femmes en Turquie ».

« Pour la communauté somalienne, c’est une autre réalité. C’est une communauté où le poids des anciens est écrasant. On a dû apprendre à slalomer pour pouvoir atteindre les personnes qui allaient être efficaces dans le projet, en donnant l’impression à ceux qui contrôlent tout qu’on s’adressait à eux ».

Un projet qui s’adresse à tous les migrants sans discrimination

L’objectif est d’arriver à l’égalité des chances pour tous les enfants. Pour l’OSEO Valais, les enfants ne doivent pas attendre que les parents aient un permis de séjour durable avant de commencer à s’intégrer. Le statut de résidence en Suisse d’un migrant n’est pas son affaire ; ce qui compte, ce sont les personnes.

Des migrants qui prennent leur destin en main

Véronique Barras décrit le cœur du projet : « notre objectif final est de permettre aux migrants de devenir les acteurs de leur vie, de casser cette image qui les place toujours dans la posture de recevoir. On donne au migrant un appartement, de l’aide sociale, alors que là, c’est la communauté qui se mobilise, c’est elle qui prend en charge ses propres compatriotes, avec le soutien des professionnels de l’intégration. On peut avoir une intégration réussie sans renier sa culture, ses origines et en partageant une vie associative très forte au sein de sa communauté. Pour moi, c’est une évidence ». Véronique Barras tient aussi à adresser, en conclusion, un message aux Suisses : « L’intégration, ça prend du temps ; les Italiens ne se sont pas intégrés du jour au lendemain, ni les Portugais, ni les gens des Balkans. Aujourd’hui, je crois que c’était déjà le cas avec le Kosovo, les migrants arrivent chez nous, en plus, avec des traumatismes, avec des expériences de vie très rudes et cela constitue une difficulté supplémentaire dans leur processus d’intégration ». Un appel à la mémoire, à la patience et à la confiance.

Moumouni Ibrahim,

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Ibrahim Moumouni est très actif dans le bénévolat auprès des requérants d’asile valaisans. De ce fait, il collabore régulièrement avec plusieurs projets d’entraide.




« Les requérants d’asile ont un autre visage »

Capture

« Héberger un migrant » et « Un village une famille »: des projets d’intégration novateurs!

Depuis avril 2015, les projets vaudois « Héberger un migrant » et « Un village une famille » sont menés en parallèle par l’EVAM. « Héberger un migrant » vise à placer une ou plusieurs personnes migrantes dans des familles a été lancé en avril 2015 dans le canton de Vaud et est entièrement piloté par l’EVAM depuis avril 2016. Quant à « Un village une famille », initié en 2015 par Nicolas Rouge, ancien municipal de la commune de Giez, propose d’accompagner un village vaudois dans l’accueil d’une famille migrante. 122 personnes migrantes vivant dans le Canton de Vaud bénéficient d’un logement grâce à ces deux projets en avril 2017.

Ces projets aspirent à favoriser l’intégration des requérants d’asile par leur apprentissage du français, la création d’un réseau etc. Le projet d’hébergement proposé au départ par l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR) est également présent dans les cantons d’Argovie, de Berne et  de Genève. Fribourg loge également des personnes migrantes chez des particuliers. Les systèmes d’hébergement sont toutefois différents entre les cantons. Le projet en terres vaudoises est mené par Cécile Joly, Véronique Diab-Vuadens et Jessica Bollman. Interview de Cécile Joly et Véronique Diab-Vuardens.

Voix d’Exils (VE): Quelle est l’origine du programme «Héberger un migrant» ?

Cécile Joly: Le projet vient à la base de l’OSAR, qui a lancé ce projet dans plusieurs cantons en Suisse, mais pas tous l’ont suivi. L’OSAR est basée à Berne et le projet devait être lancé à Genève et dans le canton de Vaud.

Il y avait quatre cantons concernés. Ils ont été très rapidement dépassés par les évènements parce qu’il y a eu énormément de demandes, suite à un reportage télévisé consacré au projet. L’OSAR n’a pas eu les moyens et les ressources suffisantes pour poursuivre et l’EVAM a proposé de reprendre le projet sur le Canton de Vaud.

VE: Comment se passe la sélection des familles? Comment l’EVAM choisit les deux parties du projet?

Cécile Joly: Au lancement de l’initiative, l’OSAR a eu beaucoup de retour de familles intéressées par l’accueil. Mais les familles doivent s’engager au moins pour 6 mois, avoir une chambre meublée à disposition et se trouver a proximité de transports en commun. Elles doivent en outre vouloir s’investir dans un échange avec les migrants.

À la suite de ce programme, il y a eu le projet « Un village, une famille » initié par Nicolas Rouge, à l’époque Municipal de la commune de Giez qui se trouve à côté d’Yverdon-les-Bains. Il a, en 2015, fait une interpellation politique au niveau du Canton de Vaud en certifiant que si chaque village du canton de Vaud hébergeait une famille de migrants, il serait possible d’en placer 16’000 en Suisse. Depuis le début de ce projet, il y a eu d’autres villages qui ont accueilli des familles.

Véronique Diab-Vuadens: En effet, l’idée c’est que dans une commune, quelqu’un se propose pour accueillir une famille. Un comité de soutien se met ensuite en place pour la soutenir dans son intégration, c’est pour ça qu’on fait deux projets en parallèle. En général, les familles prennent contact avec nous via le site internet de l’EVAM.

Cécile Joly: Les familles inscrites dans ces deux projets souhaitent aider les requérants d’asile et les réfugiés en les hébergeant, après avoir vu des reportages et les informations dans les médias sur la situation actuelle en Syrie, en Afghanistan, en Irak, en Erythrée etc. Mais l’idée ce n’est pas de gagner de l’argent.

VE: Quelles sont les conditions que doivent respecter les familles qui souhaitent accueillir des personnes migrantes ?

Véronique Diab-Vuadens: Pour accueillir les personnes migrantes, il y a deux critères principaux. Premièrement, celui d’avoir une chambre meublée à disposition dans sa maison. Par contre, ce n’est pas nécessaire d’avoir une salle de bain privative.

Cécile Joly: Le deuxième critère étant d’avoir envie d’accorder du temps à la personne : prendre les repas en commun, faire certaines activités ensemble et partager la vie de famille.

Véronique Diab-Vuadens: Oui, c’est-à-dire, entrer dans le projet d’intégration. Après, nous prenons contact avec ces familles, nous leur rendons visite et leur présentons le projet. Nous leur laissons ensuite du temps pour réfléchir, parce que c’est un projet de famille pour lequel tous les membres doivent être d’accord.

VE: Quelles sont les personnes prioritaires pouvant intégrer votre démarche ?

Véronique Diab-Vuadens: Aujourd’hui, nous plaçons dans les familles des personnes titulaires de livrets N et F. En cas de permis F, notre action s’adresse aux personnes de toutes nationalités confondues. Par contre, en cas de permis N, nous donnons la priorité aux Erythréens, aux Afghans, aux Irakiens et aux Syriens, qui ont de meilleures chances d’obtenir une admission provisoire ou un permis B.

VE: Est-ce que les personnes placées continuent à recevoir l’assistance ou sont-elles prises en charge par l’EVAM?

Cécile Joly: Comme elles sont toujours prises en charge par l’EVAM, elles perçoivent l’aide sociale. L’abonnement des transports publics pour aller aux cours de français est encore fourni et une assistante sociale est attribuée en fonction de la région. Les assistants sociaux restent plutôt présents au niveau administratif. De notre côté, nous faisons le suivi de la famille et du requérant d’asile pour voir si tout va bien, s’il a bien pris contact avec son assistant social, s’il va à ses cours etc. S’il y a quelque chose qui ne va pas, un conflit ou autre, nous pouvons intervenir avec un interprète communautaire, aller voir ce qu’il se passe et essayer de trouver des solutions comme, par exemple, faire des médiations et, si nécessaire, trouver un nouveau logement.

VE: Quelle est l’échéance du contrat?

Véronique Diab-Vuadens: Nous proposons des contrats de placement de six mois, renouvelables une fois. Le but étant l’intégration et l’autonomie, un an constitue une durée idéale, mais nous commençons par six mois. Le requérant d’asile peut aussi décider de continuer ou pas.

VE: Est-ce que ce sont surtout des jeunes hommes ou des familles qui demandent un placement?

Véronique Diab-Vuadens: Nous avons beaucoup de demandes de jeunes hommes, qui arrivent en nombre et qui logent en abri PC. Ils ont envie de sortir de là, car ils ont la motivation de s’intégrer. Il y a passablement de familles qui souhaitent partager le projet avec une jeune fille. Or, il y a moins de jeunes filles et elles sont plus réticentes à aller vivre chez des particuliers. Concernant le projet « un village, une famille » c’est toute une communauté qui accueille et met à disposition un appartement à une famille.

VE: Est-ce que vous avez un bon exemple?

Cécile Joly: Pour l’instant, il n’y a que des bons exemples et aucun requérant n’a quitté sa famille d’accueil. Nous avons aussi le cas d’une famille syrienne à Bougy-Villars, avec le père, la mère, quatre enfants mineurs et deux enfants majeurs. Ils sont logés dans le village et une association s’est créée autour d’eux pour leur rendre visite, accompagner les enfants à l’école etc. Le père de famille a appris à s’occuper des abeilles avec un membre de l’association qui a une ruche. Tout se passe bien et nous avons des échos très positifs. De plus, grâce au projet, les habitants du village se rencontrent ce qui crée des liens.

Véronique Diab-Vuadens: C’est un projet qui permet aux personnes migrantes de faciliter leur intégration, d’apprendre le français, mais pas seulement. Il va surtout leur permettre de retrouver un sentiment de sécurité et un cadre assez sécurisant pour recréer des relations de confiance avec les gens, ce qu’ils n’ont peut-être jamais eu dans leurs vies ou pas depuis très longtemps. Les requérants vont donc être aidés à se reconstruire et se construire un avenir ici ou ailleurs, ce qui est essentiel. C’est au niveau du comportement et en français que les progrès s’opèrent en premier. Les requérants d’asile que nous rencontrions souvent nous sollicitent moins et les visites médicales se font plus espacées. C’est la preuve que leur état de santé s’améliore.

Cécile Joly: Oui, nous voyons les requérants avec un autre visage : ils dorment la nuit, sont souriants, ont des traits détendus et sont bien physiquement.

Anush Oskan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Les résultats des projets Héberger un migrants et un village, une famille

Héberger un migrant : 86 migrants ont pu être placés à fin mars ; 22 familles d’accueil sont en attente de pouvoir accueillir un bénéficiaire de l’établissement

Un village/une famille : 36 bénéficiaires participent à ce projet, en collaboration avec des communes du Canton

Au total, 122 personnes bénéficient d’un logement grâce à ces deux projets en avril 2017 selon l’EVAM.

Héberger un migrant vécu par une famille d’accueil

Ecoutez le sujet réalisé par Voix d’Exils sur Radio Django en cliquant ici




Qui vole le pétrole du Kurdistan irakien ?

Photo : auteur Aso Ali, photographe irakien. Photo prise à Kalar, 2005. Photo primée en novembre 2012 au Kurdistan, Heartland Alliance.

Photo : auteur Aso Ali, photographe irakien. Photo prise à Kalar, 2005. Photo primée en novembre 2012 au Kurdistan, Heartland Alliance.

De la fumée pour les habitants, le pétrole pour les dirigeants !

Les difficultés de la vie quotidienne au Kurdistan irakien sont nombreuses. Par exemple les habitants doivent courir derrière les camions citerne quand arrive l’été pour se procurer du pétrole afin de se chauffer durant l’hiver. Si on ne parvient pas à en trouver en été, on risque de mourir de froid ou alors de devoir l’acheter à un prix exorbitant.

En 2016, le gouvernement kurde n’a pas livré une goutte de pétrole à la population bien qu’il ait encaissé l’argent que les gens avaient versé pour l’obtenir. Et sur le marché libre, le prix du pétrole est monté à 110 dollars le baril. Les gens n’ont pas pu l’acheter à un tel prix notamment parce que les salaires n’ont été versés que partiellement par le gouvernement. En raison de cette situation, chaque jour des gens risquent de mourir de froid comme ce fut le cas en janvier 2017 où, dans la ville de Sulaymainia, plusieurs personnes ont péri. J’écris ça parce que j’ai grandi avec les maux de mon pays ayant vécu à Sulaymania où habite encore une partie de ma famille.

Le Kurdistan Irakien regorge de pétrole

Et pourtant, le Kurdistan irakien est très riche en ressources naturelles : le pétrole et le gaz. Pour les seules villes d’Erbil, Dhok et Sulaymania on compte une réserve de plus de 45 milliards de barils de pétrole. A quoi s’ajoutent les champs de Kirkuk, d’Hamrin, de Bay Hasan et de Xanaqine qui sont revendiqués par l’Irak et le Kurdistan irakien. Après l’arrivée de Daech en Irak, cette région a été dirigée par le Kurdistan irakien. Elle contient à elle seule une réserve de 25 milliards de barils. Pour comprendre ce que ce chiffre signifie, on peut rappeler qu’en Irak, de 1934 à aujourd’hui, on a extrait 9 milliards de barils. Par ailleurs, dans les villes d’Erbil, de Dhok et de Sulaymania on a 5,7 billions de m3 de gaz naturel soit les 3% de la réserve mondiale.

La mainmise de la famille Barzani

Malgré ces immenses ressources, la population n’obtient pas de pétrole pour le chauffage, car le pays est dirigé, depuis 26 ans, par la famille Barzani qui est un vrai cauchemar pour la population qu’elle prive des richesses naturelles du pays. Cette famille dirige un parti politique (le PDK) qui détient, de notoriété publique, une fortune énorme, ce qui fait de lui le parti le plus riche du monde. « Si vous ne marchez pas avec les autorités, il est impossible de faire du business » comme l’affirme Niazy Brahim ingénieur et homme d’affaires d’Erbil. Il est seul à décider de tout ce qui touche à l’exploitation du pétrole et du gaz. Ainsi il a signé un contrat d’une durée de 50 ans avec la Turquie pour le transport et la vente de pétrole, sans consulter aucun des autres partis politiques. Depuis les 26 ans qu’elle est au pouvoir, elle n’est toujours pas rassasiée par les richesses du pays qu’elle s’approprie. Et en plus, elle est en train de vendre le pays. Comme on peut le lire dans un rapport publié sur Wikileaks qui révèle que Ashti Hawrami, ministre des ressources naturelles du Kurdistan irakien, en date du 19 mars 2016, a envoyé un e-mail à Birat Bairaqdar ministre de l’énergie et des ressources naturelles de Turquie pour lui proposer la vente de quelques champs de pétrole pour 5 milliards de dollars. On peut vraiment dire que le pétrole est un cadeau empoisonné pour les habitants du Kurdistan irakien. Pour moi il y a encore un espoir. Comment rendre propre mon pays ? L’unique solution c’est la révolution.

Un billet de

Revan Noori

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils