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Suspecté d’être qui je suis

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Auteur: Voix d'Exils
Auteur: Voix d’Exils.

Les premiers pas d’un requérant d’asile en Suisse

Je suis venu en Europe en septembre 2013, dans le but de demander une protection contre les persécutions politiques que je subissais dans mon pays. J’étais alors à mille lieues d’imaginer ma nouvelle vie de requérant d’asile en Suisse.

En juin 2014, au Centre d’Enregistrement et de Procédure (CEP) de Vallorbe, aux environs de 18 ou 19 heures, je suis fouillé par la sécurité de la tête aux pieds. Mon sac à dos est également inspecté. J’ai pu ensuite rentrer dans le centre où j’ai été logé.

Bienvenue à Vallorbe

Au début, j’ai cru que ça allait être facile. Mais tout a basculé dans le sens inverse. Je ne m’attendais pas à voir une telle foule dans le centre d’enregistrement et de procédure d’asile. Les personnes sont superposées sur des lits, on dirait des sardines. Elles font la queue pour chercher à manger, comme des prisonniers.

Dans ce centre, j’ai rencontré diverses ethnies, cultures et religions venues d’un peu partout dans le monde mais, le plus souvent, de pays comme la Syrie ou l’Érythrée. Tous demandent une protection contre les persécutions, contre les guerres. Nous avions tous des mentalités différentes.

Au bout de quelques jours, je commence à tisser des relations, à sortir du centre pour prendre l’air chez Mama Africa, et à me balader. Mais, à chaque fois que nous, requérants d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale, rentrons après les balades, nous sommes contrôlés et fouillés par la sécurité. Nous étions en particulier la cible de ces contrôles. Pourquoi est-ce que l’on nous pose tant de questions ? On ne comprenait pas ce qu’il se passait et pourquoi on nous fouillait tout le temps ? A chaque retour au centre, même si les gardiens nous avaient vu entrer et sortir à dix reprises durant la journée, ils nous enlevaient nos chaussures et nous déshabillent presque. Pour mieux comprendre ce qui nous arrivait, nous, les nouveaux arrivants, avons questionné les anciens Africains du centre. Ils nous ont répondu alors que ceux qui viennent d’Afrique de l’Ouest et du centre sont considérés comme des dealers. Comment pouvons-nous donc avoir notre chance alors, ici en Suisse ?

Auteur: Keepps (CC BY-NC-SA 2.0) "The Orbe flowling through town"

Auteur: Keepps (CC BY-NC-SA 2.0) « The Orbe flowling through town »

Ma nouvelle vie

Après deux semaines à Vallorbe, j’ai été transféré à Lausanne et j’ai été logé dans un bunker ouvert de 18 à 9 heures du matin. Le matin à 9 heures, tout le monde sortait pour rejoindre la structure de jour. Là, encore, j’ai été confronté à une vie complétement différente de celle que je connaissais : dormir dans un bunker et passer toute une journée à errer dehors, sans rien faire. Un exemple de cette « nouvelle vie » se déroula quelques semaines plus tard. J’étais contrôlé par la police qui me demande mon permis. Le policier me lance : « Ah! Tu es d’Afrique de l’Ouest ! Vous êtes parmi les plus grands dealeurs de ce pays. » Je me suis alors rappelé ce que mon compatriote m’avait dit à Vallorbe. Une deuxième anecdote : un policier me demande ce qui m’a amené ici, en Suisse, et pourquoi je ne rentre pas chez moi. Je réponds que je suis en danger chez moi. Finalement, troisième exemple : un policier me demande mon permis. Il regarde la date d’expiration et constate que je suis en séjour légal (il me reste deux mois encore de validité). Puis il le jette à terre et me balance un « merde ». Il me dit de rentrer chez moi, dans mon bunker. J’ai l’informe que « Je ne peux pas rentrer à cette heure car c’est le week-end ». Il me répond, alors, que s’il me revoit, « ça va mal tourner ».

Changer les mentalités

Je me vois comme une personne haïe, bousculée de part et d’autre, une personne vue par autrui comme « suspecte », qui n’a pas de place dans cette société dans laquelle j’ai demandé refuge. Il faut que le monde change de mentalité! Il ne faut jamais juger tout le monde et penser qu’ils ont le même caractère, le même comportement… Il suffit juste de savoir qui est qui et de donner une chance à chacun et chacune, au lieu de mettre tout le monde dans le même panier. Chaque personne a sa propre éducation, sa propre vision de l’avenir. Et donc, pour tout ce qui précède, je suggère :

– De juger chacun séparément en fonction de son caractère et de sa manière d’agir.

– De donner une véritable chance à ceux qui font preuve de volonté d’intégration dans cette société.

Mahibra

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils



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