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« La diversité culturelle apporte une énorme richesse aux soins dispensés aux résidents »

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Mme Lydia Pasche, résidente et Laetitia Toh, auxiliaire de santé

Mme Lydia Pasche, résidente et Laetitia Toh, auxiliaire de santé à la Résidence La Girarde. Photo: Voix d’Exils.

La Résidence La Girarde, sise à Épalinges à proximité de Lausanne, accueille des personnes d’âge avancé en longs séjours. Voix d’Exils s’est rendu sur place pour rencontrer une auxiliaire de santé d’origine africaine, une résidente vaudoise et la directrice des soins de l’établissement. Regards croisés.

Laetitia Toh, 28 ans, est auxiliaire de santé à La Résidence La Girarde depuis novembre 2013. Originaire de Côte d’Ivoire, elle a demandé l’asile en Suisse en 2012.

Voix d’Exils : Quelles sont vos tâches quotidiennes à La Résidence la Girarde ?

Laetitia Toh : Durant la matinée, jusqu’à 11:00, je m’occupe de six résidents : je leur prépare le petit déjeuner, je les aide à se laver et je range leurs vêtements. Je fais en sorte que chacune des personnes dont je m’occupe soit propre et jolie. Ensuite, il y a un colloque, soit une petite réunion entre les infirmiers et les aides pour faire le point sur ce qui s’est passé pendant la matinée. A 11:30, je commence à les installer à table pour le dîner. L’après midi, et ce jusqu’à la collation, je partage avec eux différentes activités comme, par exemple, les accompagner en promenade, discuter et je leur lis les journaux pour les mettre au courant des événements qui se produisent dans le monde.

Aviez-vous de l’expérience dans le domaine des soins avant de venir en Suisse ?

Non, mais j’ai fait la formation d’auxiliaire de santé proposée par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants. Cela a duré 6 mois, plus un mois de stage.

Comment avez-vous été accueillie lors de votre arrivée par les résidents et par le personnel de La Résidence La Girarde?

L’équipe m’a bien accueillie dès le premier jour d’observation. Je me suis aussi investie auprès des résidents, ce qui m’a permis de mieux les approcher.

Quelles ont été vos premières impressions?

Le premier jour, c’était un peu stressant. Je n’avais jamais travaillé auparavant… J’étais un peu perdue, je me demandais : « Qu’est-ce que je fais ici ? ». Mais ça a été en fait.

Vous est-il arrivé de ressentir une distance ou une réticence de la part de certains résidents au regard de vos origines?

Non. Ils n’ont pas cette mentalité de prendre de la distance à cause de mon origine étrangère. Au contraire, ils sont curieux de savoir qui je suis. Les résidents m’apprécient moi et ma couleur de peau. Ça fait plaisir ! Je n’ai jamais ressenti de distance entre les résidents et moi.

Qu’appréciez-vous le plus aujourd’hui à La Résidence La Girarde?

J’ai trouvé une famille ici. Je m’occupe de personnes très sociables qui s’occupent aussi de moi quand je vais mal.

Comment évoluent vos relations avec les résidents dont vous vous occupez ?

Les relations sont très amicales, parfois familiales. Comme avec Madame Pache, par exemple. Cette résidente m’apporte beaucoup d’amour. Je l’appelle « Maman » parce qu’elle demande à ce que je l’appelle ainsi. Ce sont des liens qui se sont tissés au fur et à mesure.

Que pensez-vous leur apporter ?

Au niveau des soins, je participe avec toute l’équipe soignante pour qu’ils se sentent bien. Sinon, j’apporte mon naturel. Dans ma culture, on prend soin des personnes âgées pour lesquelles on a beaucoup de respect et que l’on considère comme des petits dieux. Ma culture est axée sur la famille. C’est ce que je cultive aussi ici.

Madame Pache (lire son interview ci-dessous) est l’une des résidentes de La Girarde, pourriez-vous nous dire comment s’est déroulé votre première rencontre?

Je me suis présentée, elle s’est présentée. C’est plus tard que des liens se sont formés, gentiment. C’est une dame qui aime bien rigoler. Je me suis adaptée à son humeur du moment, et ce même lorsqu’elle ne va pas bien.

Qu’est-ce que cela vous apporte de partager votre quotidien avec des personnes âgées?

De la satisfaction.

Auriez-vous un message à adresser aux personnes migrantes à la recherche d’un emploi ?

Tout est possible pour celui qui le veut ! Si tu as l’occasion d’avoir une formation, il faut la prendre, il faut vouloir se battre pour réussir. Si tu te dis que tu ne vas pas y arriver, tu n’y arriveras pas ! Moi, je n’ai pas pensé aux obstacles, comme la langue française ou l’âge. Après tout ce que j’avais traversé, je n’allais pas m’arrêter là, je suis allée de l’avant. Quand tu arrives ici, tu dois te plier aux lois d’ici, les respecter. Quand tu les respectes et que tu appliques ce que tu dois appliquer, tout s’ouvre.

Mme Lydia Pache est résidente à La Girarde depuis 6 mois. Cette Vaudoise a fêté ses 93 ans.

Voix d’Exils : Côtoyiez-vous beaucoup de personnes d’origine étrangère avant d’arriver à la La Résidence La Girarde ?

Mme Lydia Pasche : J’ai l’habitude des étrangers ! Pour moi, il n’y a pas de différences et pas de problème. Quand j’étais patiente au Service de gériatrie et réadaptation gériatrique du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV), il y avait aussi beaucoup d’étrangers.

Cela fait presque 6 mois que Laetitia s’occupe de vous, racontez-nous comment s’est déroulé votre première rencontre…

Super dès le premier contact, elle est très sympathique ! J’ai essayé de l’approcher aussi parce que nous sommes de couleurs différentes. Il faut qu’on s’habitue et cela va tout seul.

Qu’appréciez-vous spécialement chez elle ?

J’apprécie sa simplicité, son sourire, sa gentillesse. Elle est toujours prête à rendre service. Elle n’a que des qualités.

Que vous apporte-t-elle ?

Tout d’abord la tranquillité, parce qu’on est bien ici, la maison est bien et Laetitia est toujours là, quand elle n’a pas congé. On s’entend bien. Elle a toujours le sourire quand elle vient, et moi pas toujours parce que ce n’est pas toujours facile de vivre comme je vis maintenant. Mais autrement ça va. Je crois que je suis facile, je m’adapte. Et puis, au fond, Madame s’adapte aussi avec moi.

Quelles sont les activités communes que vous partagez ?

Elle m’apporte du thé, un sourire, on regarde le sport à la télé.

Avez-vous un message à transmettre aux personnes qui vivent en Établissement socio-médicaux (EMS) et qui sont entourées de personnes d’origine étrangère ?

Les personnes de couleurs ne sont pas différentes de nous, elles ont un cœur, elles sont comme nous. Elles vivent comme nous et elles ont besoin de nous car ça ne va pas dans leur pays. Elles sont contentes de venir en Suisse. Et nous, en Suisse, nous pouvons aussi faire un geste pour bien les recevoir. Vous ne croyez pas que tout le monde peut faire un effort ?

Ellen Cart est directrice des soins de l’EMS La Résidence «La Girarde. Elle y travaille depuis 11 an.

Mme Ellen Cart est directrice des soins de l’EMS La Résidence «La Girarde». Photo: Voix d'Exils

Mme Ellen Cart est directrice des soins de l’EMS La Résidence «La Girarde». Photo: Voix d’Exils

Voix d’Exils: Vous avez, dans votre établissement, du personnel issu de la migration et de l’asile. Combien de requérants d’asile avez-vous engagé dans votre établissement ces dernières années?

Ellen Cart : Il y a 11 employés engagés à La Girarde qui sont requérants d’asile.

Êtes-vous satisfaite des auxiliaires de santé formés par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM) ?

Je les engage pour la formation, donc je sais qu’ils sont bien. Sophie Rothrock, qui est l’une des deux coordinatrices du Programme de santé EVAM, les forme pour qu’ils acquièrent les connaissances nécessaires pour avoir le bagage demandé. Nous avons confiance et la collaboration avec l’EVAM est excellente.

Qu’apportent-ils à votre établissement ?

Je pense que nous avons besoin de toutes sortes de personnes. Nous avons besoin de mélanger les cultures et les croyances pour avancer. Si tout le monde est identique, on tombe dans la monotonie, on ne se remet pas en question. La diversité culturelle amène et apporte une richesse, qu’on ne trouve pas si tout le monde vient du même moule. Elle nous apporte une richesse énorme dans les soins dispensés aux résidents.

Sont-ils appréciés par les équipes, les résidents et les familles ?

Laetitia a une joie débordante ! Cette joie traverse tout son travail. Elle a cet engagement, cette reconnaissance ; c’est beau à voir et beau à partager avec les résidents.

Recommanderiez-vous ces auxiliaires de santé EVAM à d’autres employeurs

Non, je les garde pour moi (rires) ! Oui, je parle de l’EVAM autour de moi et j’en ai parlé dans les autres services de La Résidence La Girarde. Au début, il y avait beaucoup d’hésitations et, maintenant, je vois qu’il y a une deuxième personne qui a rejoint la cuisine par exemple.

Vous arrive-t-il qu’un résident refuse le contact ou la prise en charge par un auxiliaire d’origine étrangère? Si oui, cette réticence peut-elle être dépassée ?

Certains résidents ont des problèmes avec les auxiliaires hommes : ils refuseront donc un homme quel que soit son origine ou sa religion. Certains ont plus de peine avec les personnes de couleur. Mais là où il y a le plus de problèmes, c’est lorsque les auxiliaires ne parlent pas bien le français, car cela met autant le résident que le patient en porte-à-faux. Il y a une difficulté de communication. Si nos résidents n’arrivent pas à rentrer en contact et à tisser des liens, il y aura davantage de frustration. Ainsi, en raison du niveau de français d’une personne, j’ai dû lui demander de diminuer son pourcentage pour qu’elle puisse travailler son français. C’est essentiel, parce qu’un résident qui ne comprend pas les instructions du soignant et un soignant qui ne comprend pas un résident, et bien ça ne va pas.

Dans le cas d’un comportement raciste avéré de la part d’un résident envers un soignant, que feriez-vous ?

Il faut toujours protéger le soignant, parce qu’il est là pour faire son travail. Il ne vient pas pour se faire maltraiter. Nous parlons alors avec les résidents qui se permettent d’être malhonnêtes en raison de leur maladie ou de leur âge.

Trouvez-vous que le personnel d’origine étrangère s’intègre bien dans l’établissement ?

Tout à fait. C’est vrai que certains sont plus timides que d’autres, mais ce n’est pas forcément en lien avec l’origine.

Quelles sont selon vous les facilités que rencontre le personnel d’origine étrangère?

C’est individuel. Si j’engage des gens, c’est que j’ai vraiment l’impression qu’ils vont s’intégrer. Nous avons un système, le compagnonnage. Cela veut dire : manger son pain avec, être avec les résidents. Nous ne faisons pas pour les résidents, mais avec les résidents. C’est exactement la même chose avec le personnel : nous faisons avec les collaborateurs. Ce qui fait que, quand un nouveau collaborateur arrive, on lui attribue quelqu’un qui va l’aider à s’intégrer dans son service et dans les autres, qui va le suivre dans son travail quotidien pour apprendre le système informatique, la communication de la maison, et où se trouvent les choses. Il y a les ressources humaines qui aident avec tout ce qui est administratif. Nous suivons la personne sur les trois premiers mois, d’une manière très proche, pour faciliter au maximum son intégration.

… et les difficultés ?

Le français, mais c’est rare ; autrement, c’est la fatigue. Quand on commence un nouveau métier, on prend un autre rythme de vie. Ici, il y a des horaires très irréguliers. J’essaie d’engager des gens qui n’habitent pas trop loin. Si les gens habitent trop loin, ils ne peuvent pas s’impliquer dans les activités.

Votre établissement pourrait-il se passer de ce personnel issu de la migration ?

Quand je mets une annonce, sur 20 dossiers reçus, 19 sont envoyés par des personnes d’origine étrangère. La majorité des auxiliaires de santé ne sont pas suisses.

Que diriez-vous aux employeurs qui hésitent encore à engager des requérants d’asile et des migrants en général ?

Il faut donner à chacun sa chance ! C’est vrai qu’il faut être prêt à proposer un accompagnement, parce que si ces gens sont des requérants d’asile, c’est qu’ils ont vécu des choses personnelles dans leur pays qui ne sont pas très gaies. Il faut être prêt à les accompagner, à pouvoir les soutenir. Il faut s’investir.

Amra

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils



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