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Le mariage forcé : un fléau qui frappe 700 millions de femmes dans le monde

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Le mariage forcé se caractérise par une union où la contrainte est utilisée contre l’une ou les deux personnes concernées. Il est organisé par la famille qui marie un de ses membres à une personne parfois inconnue et ce contre son gré. Cette pratique s’exerce surtout à l’encontre des femmes qui sont alors confrontées à un choix: s’y soumettre ou s’échapper. Certaines d’entre elles finissent par s’y soumettre afin de garder leur nom, leur famille, leur ethnie, pour respecter et obéir à leurs parents et, surtout, pour éviter la pauvreté. Voici l’histoire d’Aysha*, qui a choisi d’échapper à ce funeste destin en fuyant son pays. Témoignage.

Cette jeune femme, d’origine éthiopienne et d’ethnie Harari, vivait à l’est d’Addis Abeba, où il y a une culture et une pratique religieuse très strictes et très fermées. Elle a quitté son pays, il y a six ans.

Aysha a grandi avec ses grands-parents. Ses propres parents s’étaient séparés depuis son enfance. La raison est qu’Akrem*, son grand-père maternel, ne voulait pas que sa fille Rawda* et Osman* – futurs parents d’Aysha – se marient. Car un mariage avait été arrangé entre Rawda et un homme qui était très connu, riche et plus âgé qu’elle. Elle était à ce moment déjà enceinte d’Osman. Rawda a caché sa grossesse durant les neuf mois. Ni Osman ni aucun des parents n’étaient au courant.

Une enfance compliquée

Quand Aysha est née, Rawda a eu la chance qu’à ce moment, une amie a pu lui trouver le moyen de partir immédiatement lors d’un départ groupé de plusieurs personnes qui quittaient aussi le pays, mais elle a dû laisser sa fille. Osman, le père d’Aysha, lui s’est marié avec une autre femme et a eu une autre fille, donnant une demi-sœur à Aysha.

Bien qu’Osman se soit attaché à sa deuxième fille, il n’en a pas été de même pour Aysha, avec qui il n’a établi aucune relation. Elle n’était pour lui qu’une esclave. Tous les jours, elle s’occupait du nettoyage chez lui. Elle devait faire le lit, la lessive, le repassage, la vaisselle, etc. Malgré tout ça, il n’y avait ni remerciements ni communication. Ainsi, en plus d’être privée d’une relation maternelle, Aysha l’était aussi d’une relation paternelle.

Une question sans réponse

Grâce à ses grands-parents, Aysha a grandi et a terminé l’école obligatoire. Mais, depuis son enfance, il y avait une grande question qui ne quittait jamais son esprit, une question qu’elle n’osait jamais poser à personne : Pourquoi ? Pourquoi sa mère n’était pas là ? Pourquoi ses parents s’étaient séparés ? Une question qui demeurait sans réponse. De nombreuses émotions insupportables l’envahissaient durant toute son enfance jusqu’à ses 18 ans. Ces émotions étaient difficiles à gérer, surtout en l’absence de sa propre mère pendant des années, et avec un père maltraitant. Tout ça lui faisait perdre sa confiance en elle-même et la démoralisait.

À l’âge d’environ 18 ans, elle a commencé l’école secondaire qui s’est poursuivie pendant quatre ans. Malheureusement, elle n’a pas obtenu des résultats scolaires suffisants pour aller à l’université. Mais comme elle voulait malgré tout faire des études, elle s’est inscrite au collège privé et a donc dû chercher un travail pour payer ses études. Ainsi, elle travaillait la journée et allait à l’école le soir.

L’histoire se répète

Durant cette période, le père a approché sa fille avec une étrange et inhabituelle gentillesse. Il lui a alors expliqué que c’était le moment de se marier, car c’était l’aînée. Elle devait donc accepter. Il lui a choisi un mari – Ahmed* – un de ses amis, avec qui il avait arrangé ce mariage des années auparavant. Il lui a dit que cet homme était gentil, riche, connu parmi les Hararis, et même parmi d’autres ethnies. Elle lui a répondu qu’elle préférait attendre pour terminer ses études. Elle a donc repoussé l’échéance du mariage, en espérant que son père change d’avis. Mais, celui-ci, insistait de plus en plus, et a commencé même à venir sur son lieu de travail, accompagné d’Ahmed, pour la forcer à faire sa connaissance. Aysha s’est alors réfugiée dans un village voisin et y est restée quelques semaines, sans revenir ni au travail ni au collège, en espérant que son père oublierait ce mariage. Cela lui fit manquer des examens.

Quand elle est revenue, elle a repris le cours de sa vie, mais peu après son père a recommencé à venir la voir pour insister pour le mariage. Elle s’est alors encore réfugiée dans un autre village pendant un temps. Et ce schéma s’est répété plusieurs fois. Menacée de perdre son emploi car son patron ne comprenait pas les raisons de ses absences répétées, celui-ci l’a finalement aidée à demander un visa pour aller en France et essayer de rejoindre sa mère, qui habitait en Angleterre à Londres, depuis des années.

“Soaking slowly to death” Auteur: Leon Rice-Whetton (CC BY-NC-SA 2.0)

Une seule issue : l’exil

A l’aide d’une attestation de son employeur et d’autres documents, elle a demandé et obtenu un visa de quinze jours. Elle a donc quitté son pays et est arrivée en France, à Paris. Un autre pays, une autre langue, d’autres personnes, et surtout une autre météo, totalement différente de celle de l’Éthiopie, surtout l’hiver. À cause de ce changement de climat, Aysha est tombée malade et a été hospitalisée pendant trois semaines, et elle a dû suivre un traitement pendant 6 mois. Comme les traitements étaient forts, la fille a commencé à perdre la tête. Un sentiment d’inutilité et des pensées noires sur sa vie passée dans son pays et sur son exil l’envahissent alors, ce qui la pousse à commettre une tentative de suicide qui échoue. De plus, elle a été arrêtée par la police après que son identité ait été contrôlée et est restée en détention pendant douze heures. Cela a créé en plus un sentiment de paranoïa, car elle a fini par voir la police partout.

Finalement, beaucoup de gens de son pays lui ayant conseillé d’aller en Suisse, elle a décidé de s’y rendre pour demander l’asile. Mais elle était encore malade quand elle est arrivée à destination. Son moral était au plus bas et elle se demandait pourquoi elle était venue au monde, ce qu’elle pouvait faire de sa vie. Elle était en train de sombrer dans la dépression et ne voulait plus aucun contact avec qui que ce soit.

Elle est allée au Centre d’Enregistrement de Vallorbe pour demander l’asile. C’est là qu’elle a entendu une voix qui disait : « Oh this criminal woman, she came here again? » Cela l’a complètement bloquée pour son entretien avecl’Office fédéral des migrations (ODM). Celui-ci s’est donc mal passé, car elle n’arrivait plus à s’exprimer, et entendait toujours dans sa tête la voix accusatrice « criminal woman ». Elle était aussi terrorisée à l’idée qu’ils aient appris qu’elle avait été arrêtée en France. La première réponse à sa demande d’asile a donc été négative.

En attente pour reconstruire sa vie

À cette époque, elle était au foyer EVAM de Sainte-Croix. Elle a commencé à être suivie par l’infirmière du foyer et par un psychologue à Yverdon pendant 4 mois. Peu à peu, elle a pu se retrouver elle-même, se sentir mieux. C’était comme une renaissance pour elle. Elle pouvait à nouveau exprimer ses sentiments. Elle a commencé à apprendre le français, s’est engagée dans diverses activités et a recommencé à communiquer avec son entourage.

C’est alors qu’elle a eu son deuxième entretien avec l’ODM. Elle a alors pu mieux expliquer son histoire, mais l’ODM n’a pas voulu la croire, car ses propos n’étaitent pas cohérent avec le premier entretien. Elle a fait recours. Malheureusement, la réponse a encore été négative, et les autorités suisses ont décidé de la renvoyer en Éthiopie. Ils lui ont retiré le permis N et lui ont donné un papier sans photo, d’une validité renouvelable de tantôt un mois tantôt 15 jours. C’était l’aide d’urgence. En Suisse, les personnes à l’aide d’urgence n’ont pas le droit de travailler ni de faire une formation, juste de rester dans un foyer à tourner en rond. Les lois changeant fréquemment, elle ne savait jamais si elle pouvait rester ou non.

Maintenant, ça fait presque 5 ans qu’elle est en Suisse et chaque fois qu’elle va au Service de la population du Canton de Vaud (le SPOP), elle a la crainte d’être expulsée. Bien qu’elle reçoive continuellement le même papier de l’aide d’urgence, elle continue d’espérer recevoir un jour un permis valable.

* Noms d’emprunt.

A.T.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Affiche du sommet des Filles 2014.

Un sommet pour abolir le mariage forcé et les mutilations génitales

La première édition de ce Sommet international de la Fille s’est tenu le 22 juillet dernier à Londres afin de lancer un mouvement global dont le but est d’abolir les mariages précoces, forcés ainsi que les mutilations génitales. Ce Sommet, organisé par le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef) et le Gouvernement britannique, vise aussi à promouvoir l’éducation des jeunes filles et à réduire leur exposition aux violences et abus pour favoriser leur épanouissement. L’Unicef estime qu’actuellement plus de 700 millions de femmes dans le monde ont été mariées lors de leur enfance et, parmi elles, 250 millions – soit plus d’une sur trois – ont uni leur destin avec un homme avant l’âge de 15 ans.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

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