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Légalisation de l’homophobie en Ouganda : les réponses paradoxales de la communauté internationale

Action de protestaton contre la promulagation de la loi anti-homosexualité en Ouganda

Action de protestation contre la promulgation de la loi anti-homosexualité en Ouganda. Auteur: Kaytee Riek riekhavoc (CC-BY-NC-SA 2.0)

 

D’origine ougandaise, Marcus a demandé l’asile en Suisse en 2011. Contraint de fuir le régime en place, il jette un regard froid et sévère sur la gestion politique de son pays, à commencer par la loi anti-homosexulité promulguée le 24 février dernier.

L’année 2014 a vu l’Ouganda faire les titres de l’actualité mais malheureusement pour de mauvaises raisons.

On a d’abord parlé de son implication militaire dans les affaires du Sud Soudan, lorsque l’ancien vice-président, Riek Machar, a tenté un coup d’État contre son ancien chef, Salva Kiir. On a ensuite évoqué la très controversée loi anti-homosexualité signée par le président Yoweri Museveni, qui a provoqué un tollé. La communauté internationale s’est mobilisée contre ce projet, en vain. Le président a bénéficié d’un fort soutien des conservateurs.

Le problème de l’Ouganda n’est pas l’homosexualité, ces gays et lesbiennes ne dérangent personne. Ils ont le droit de choisir la personne avec laquelle ils veulent une relation, celle qu’ils veulent aimer. Le problème de l’Ouganda, c’est M. Museveni et son gouvernement corrompu. Quand j’ai vu la signature de l’acte contre l’homosexualité, j’ai su que dorénavant la douleur, jusque-là réservée à l’opposition et aux militants des droits humains, allait s’étendre aux minorités sexuelles.

De sauveur à corrompu

M. Yoweri Museveni, Président de l'Ouganda

M. Yoweri Museveni, Président de l’Ouganda. Photo: Glenn Fawcett (CC-BY 2.0)

 

Les ennuis de l’Ouganda remontent presque à l’indépendance, en 1962 : coup d’État 4 ans plus tard, puis 9 ans avec Idi Amin Dada, au pouvoir entre 1971 et 1979, suivis d’une rébellion cruelle menée par Museveni et 24 ans de terreur avec son opposant Joseph Kony. Les Ougandais ont vécu dans un brasier de souffrances.

Pourtant, quand Yoweri Museveni a accédé au pouvoir en 1986, beaucoup l’ont accueilli comme un sauveur. Les premières années furent pleines d’espoir. Son programme en 10 points avait des airs de Déclaration des Droits de l’homme après la Révolution française.

Les années passant, Museweni a commencé à se laisser corrompre par le pouvoir. Il a fait changer la constitution pour annuler la limite du mandat présidentiel. Il a traité toute opposition d’une main de fer, fermé les radios qu’il jugeait trop critiques. Beaucoup de membres des partis d’opposition ont été torturés, jetés en prison ou tués. Les plus chanceux ont trouvé leur salut dans la fuite.

Alors qu’Idi Amin utilisait la bouffonnerie et l’idiotie pour couvrir les maux qu’il générait, Museveni a toujours joué le rôle d’homme d’Etat sur la scène internationale pour cacher le désordre du pays. Il a toujours cherché à protéger les libertés dans les pays étrangers comme le Liberia, la Somalie et le Sud Soudan, entre autres, alors que son propre peuple ne bénéficie pas de telles libertés. Quand l’Ouganda et le Rwanda ont été accusés de déstabiliser la République démocratique du Congo, il a fait pression sur l’Amérique en menaçant de rappeler les soldats ougandais déployés en Somalie. Washington a alors choisi le silence pour sauvegarder ses intérêts en Somalie : le combat contre le groupe islamiste Al Shabab et contre la piraterie dans l’Océan indien.

Les incohérences occidentales

Après la promulgation de cette loi anti-homosexualité, beaucoup de pays développés comme les Pays Bas, le Danemark et la Norvège ont décidé de couper leur aide à l’Ouganda. Cela ne va pas changer l’attitude du président Museveni. Il est malheureux de constater que ces pays développés n’ont pas compris que la suppression de ces aides allait occasionner plus de souffrance, par exemple parmi les personnes atteintes par le VIH. Que va-t-il se passer pour elles, quand elles n’auront plus accès aux soins médicaux ?

La seule solution est de s’en prendre aux racines du problème et non à ses conséquences. Ironiquement, lorsque le président américain Barack Obama critiquait la loi anti-gays, son gouvernement continuait à soutenir militairement l’armée ougandaise ! Or, si rien n’est véritablement entrepris rapidement par les puissances de l’Ouest, les Ougandais vont être laissés encore longtemps à la merci d’un dictateur corrompu.

Marcus

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils