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«Appartenances» : 20 ans d’accompagnement des personnes migrantes

Discours de Claude SCHWAB, président d' Appartenances à l'occasion des 20 ans de l'association. Photo: Voix d'Exils

Discours de Claude Schwab, Président d’ Appartenances à l’occasion des 20 ans de l’association. Photo: Voix d’Exils.

Depuis sa création, en 1993, en pleine guerre des Balkans, la petite association lausannoise tenue, par des bénévoles, s’est agrandie et professionnalisée. Mais son but est resté le même : favoriser le mieux-être des personnes migrantes et faciliter leur intégration en Suisse. Retour sur une belle aventure empreinte d’humanisme.

«Appartenances est une jeune fille de vingt ans, pratiquant plus de cinquante langues, qui a plusieurs demeures où elle accueille, enseigne et permet la fraternité. C’est aussi un lieu où l’on soigne les bleus à l’âme et assouplit le corps, parce que corps et âme vont ensemble», explique poétiquement Claude Schwab, Président d’Appartenances.

A ses débuts, l’association proposait un lieu d’accueil amical tenu par quelques bénévoles avant de se professionnaliser au cours des années. Actuellement, Appartenances compte 200 collaborateurs salariés et plus de 100 bénévoles. Elle a son siège à Lausanne et des antennes à Vevey et à Yverdon.

Pour revenir sur cette année jubilaire, marquée notamment par une grande fête interculturelle intitulée «Voyages en Appartenances», une conférence sur le thème de l’exclusion et par l’exposition «Talents aiguilles» (lire ci-après), Voix d’Exils a rencontré Natacha Noverraz, responsable de communication d’Appartenances.

Voix d’Exils : Comment s’est passée la grande fête du 21 septembre au Casino de Montbenon,  à Lausanne ?

Natacha Noverraz, relations donateurs et partenaires à Appartenances et Mirabelle Bailly, responsable de l’exposition "talents Aiguilles"

Natacha Noverraz, chargée des relations donateurs et partenaires à Appartenances et Mirabelle Bailly, responsable de l’exposition « talents Aiguilles ». Photo: Voix d’Exils.

Natacha Noverraz : Nous avons convié nos participants et leurs familles, les amis d’Appartenances et les collègues. Et aussi des artistes qui tous avaient un lien amical avec l’association. L’objectif de la fête était de partager nos appartenances communes comme la musique, la danse, la nourriture, la peinture. On a voyagé toute la soirée dans le temps, d’un continent à l’autre, en partant des Balkans, parce que c’est au moment de la guerre des Balkans que beaucoup de réfugiés sont arrivés ici et on a dû faire face à un besoin urgent d’accompagnement. Beaucoup de femmes qui arrivaient avaient subi des violences. C’est à ce moment-là qu’Appartenances a été créée. Puis, on a poursuivi le voyage dans d’autres pays, d’autres continents.

De quelles aides avez-vous alors bénéficié ?

Appartenances est une création de la société civile, parce que l’État ne nous a pas donné les moyens d’agir et qu’il fallait agir rapidement. Il y a donc eu beaucoup d’engagement associatif, tout le monde était bénévole au début.

Photo: Voix d'Exils

Photo: Voix d’Exils.

Quelles sont les missions d’Appartenances ?

Appartenances a été créée dans le but de favoriser l’autonomie et la qualité de vie des migrants à travers la découverte et l’utilisation de leurs propres ressources. Dès le départ, il y avait cette idée d’accueillir, d’offrir de la formation, du conseil social et un soutien thérapeutique aux personnes qui arrivent de pays en guerre. Nous avons développé une consultation psycho-thérapeutique pour personnes migrantes, un réseau d’interprètes communautaires, ainsi que  des espaces sociaux, comme l’Espace Mozaïk ouvert aux hommes et le Centre Femmes pour les migrantes. Sans oublier les formations que l’on propose aussi à des professionnels extérieurs à l’association.

Avez-vous tissé des liens avec d’autres acteurs de la vie publique ?

Nos interprètes communautaires, qui traduisent lors des consultations psycho-thérapeutiques, répondent aussi aux besoins du réseau, que ce soit au sein des hôpitaux, des écoles ou des services sociaux. Nous avons aussi développé  des formations en lien avec la migration pour partager les connaissances d’Appartenances acquises sur le terrain avec les collègues du réseau.

Comment a évolué l’association ? Ses objectifs ont-ils changé au fil du temps ?

La source d’Appartenances, c’est vraiment cette rencontre entre un projet socioculturel de formation et un projet

Photo: Voix d'Exils

Photo: Voix d’Exils.

thérapeutique, ainsi que l’envie de travailler ensemble sur ces deux aspects qui sont indissociables. Appartenances, c’est un projet qui est actif dans les domaines de l’accueil, du conseil social, de la formation, et du suivi thérapeutique pour les personnes qui en ont besoin. C’est aussi un tremplin pour celles qui arrivent ici. Chez nous, elles sont accueillies, on leur donne les moyens de surmonter la crise que peut être la migration. Elles peuvent reconstruire quelque chose ici ou parfois repartir ailleurs, que ce soit dans leur pays d’origine ou un autre pays où elles ont la de la famille. Finalement, les objectifs n’ont pas tellement changé. En revanche, l’association s’est considérablement agrandie.

Peut-on dire que votre action est un succès ?

Il y avait et il y a toujours un besoin réel d’accueillir les migrants, de faciliter la rencontre et également d’offrir le soutien aux personnes qui arrivent des pays en guerre. Les pays d’origine changent, mais les souffrances, quant à elles, ne changent pas.

Qu’est-ce qui a changé en 20 ans ?

Nous sommes devenus petit à petit partie prenante des programmes d’intégration du Canton et de la Confédération. Il y a actuellement une volonté de mieux accueillir les personnes migrantes et de travailler davantage ensemble avec d’autres institutions comme l’école et l’État. Volonté qui n’existait pas il y a vingt ans.

Gisèle et Élisabeth

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exil

Exposition «Talents aiguilles»

 «L’expression artistique nous touche tous, elle nous relie les uns aux autres et nous emmène à partager», a souligné Claude Schwab, Président d’Appartenances, lors du vernissage de l’exposition «Talents aiguilles», le 4 octobre au Magasin du Monde de Vevey.

Photo: Voix d'Exils

Photo: Voix d’Exils.

Dans cette exposition originale, on peut voir et acheter, jusqu’au 2 novembre, les créations d’art et d’artisanat proposées par des participantes de l’Espace Femmes Riviera. Mirabelle Bailly d’Appartenances nous raconte la concrétisation d’une belle idée : «Les femmes qui se rencontrent dans la petite cuisine de l’espace de Vevey pour des activités artisanales et des échanges ont exprimé le désir d’élargir le cercle. Une bénévole d’Appartenances en a alors parlé à une connaissance active au Magasin du Monde qui a proposé l’idée d’une exposition.» Mirabelle Bailly relève par ailleurs la diversité des chemins empruntés par les diverses créations: «Le travail de certaines femmes qui exposent est le témoin d’un parcours difficile et montre la force qu’elles déploient pour s’inscrire dans le moment présent. Pour d’autres, il s’agit essentiellement d’une tradition à perpétrer ou d’un passe-temps inscrits dans le cadre du partage. Il y a toujours quelque chose qui relie à qui on est, d’où on vient, donc quelque chose de personnel. Quand on creuse un peu, on se rend compte que ce travail est très riche, très fort. Mais, le plus touchant, c’est de partager tout ça. J’aimerais que l’on rebondisse et que les femmes qui exposent puissent transmettre leur savoir-faire à d’autres femmes, comme cela se fait déjà à Appartenances et, pourquoi pas, s’organisent pour faire des stands. »

Gisèle et Élisabeth