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La « taxe poubelle » grève le budget des requérants d’asile du canton de Vaud

Photo: Pastodelou, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Un sac taxé à 2 francs. Photo: Pastodelou, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Une grande partie de la population vaudoise s’est déjà acclimatée à la généralisation de la nouvelle mesure entrée en vigueur dans la quasi totalité du canton de Vaud le 1er janvier 2013 visant à améliorer le tri des déchets. Dorénavant, la majeure partie de la population du canton doit utiliser des sacs poubelles taxés dont le prix s’élève à 20 francs suisse le rouleau de 10 sacs de 35 litres. Or, cette nouvelle taxe est une charge supplémentaire importante pour les requérants d’asile du canton, ce compte tenu de l’indemnité de plus ou moins 400 francs par mois qu’ils perçoivent, en dehors des prestations en nature fournies par l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), comme le logement ou les soins médicaux.

A ce jour, aucune majoration n’a été évoquée dans le guide d’assistance financière de l’EVAM – dans lequel est détaillé l’ensemble des prestations financières destinées aux requérants d’asile du canton de Vaud – pour éponger l’arrivée de la taxe poubelle qui ponctionne les requérants et requérantes d’asile vivant dans des logements mis à leur disposition par l’EVAM. De même, aucune information n’a été transmise aux requérants d’asile à ce sujet. Cependant, des interrogations persistent au sein de cette population pour savoir si le guide d’assistance a été modifié.

Joindre les deux bouts

Esther, requérante d’asile habitant la commune de Moudon, en colocation dans un appartement privé et mère d’un petit garçon en bas âge s’exclame : « Je n’arrive pas à m’en sortir, car j’utilise deux sacs de 35 litres par semaine. A cause des couches de mon bébé, je suis obligée de soustraire 20 francs de l’assistance financière que je perçois mensuellement pour acquérir des sacs poubelles taxés – ce qui équivaut à l’achat d’un rouleau de dix sacs poubelles ». Quant à Louvain, requérant d’asile habitant la commune de Grandson, ce dernier souligne : « qu’en dehors des sacs taxés que j’achète péniblement, j’ai reçu dans ma boîte à lettre une facture de 135.- francs pour la taxe forfaitaire sur les déchets qui s’applique à tous les habitants de ma commune. Heureusement que cette dernière est négociable pour les personnes ayant des difficultés financières. Mais, malgré cela, je ne sais pas comment m’en sortir ».

Qui couvrira la nouvelle charge ?

La question que se posent les requérants d’asiles est de savoir par qui cette nouvelle charge sera couverte ? Si des personnes

La commune de Renens est restée libérale. Dessin signé

La commune de Renens est restée « libérale ». Dessin signé Sara, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

en situation régulière franchissent parfois les frontières communales pour se débarrasser de leurs déchets dans certaines communes voisines où la mesure n’est pas encore appliquée (comme la commune de Renens), afin de contourner la taxe, on peut s’imaginer le poids que cette nouvelle charge sur les requérants d’asile.

Si l’on se réfère à un document interne de l’EVAM, l’on peut lire « qu’aucune participation financière supplémentaire de l’EVAM n’est envisagée. Il s’agit du meilleur moyen d’inciter les personnes à trier leurs déchets. Aucune modification du guide d’assistance n’est nécessaire ». Il est aussi prévu dans le même document qu’un rouleau de 10 sacs de 35 litres taxés soit donné par le gérant technique, lors de l’emménagement d’une personne dans un appartement de l’EVAM. Le rouleau ainsi que les explications en lien avec le tri sont fournis au bénéficiaire une seule fois.

Aucune exception prévue

Pour approfondir la question, l’on s’est adressé à M. Yves Tschanz, responsable de la logistique de l’EVAM, pour savoir d’une part, si le guide d’assistance a été modifié pour prendre en considération la taxe poubelle et d’autre part, dans quelle mesure le guide d’assistance pourrait prévoir des exceptions pour alléger la charge de cas individuels particuliers.

A la question de savoir s’il serait possible de réviser l’article 42 du guide d’assistance de l’EVAM qui stipule que « les taxes communales individuelles d’évacuation des ordures ménagères, sous quelque forme que ce soit, sont à la charge des bénéficiaires », M. Tschanz répond que « L’article 42 a été émis dans des versions précédentes du guide d’assistance, alors que des communes pratiquaient déjà la taxe au sac, bien avant que cette dernière ne soit introduite dans la quasi-totalité du canton. C’est le cas par exemple de Villeneuve, Orbe, Payerne, Moudon, Yverdon, Champagne, Grandson, etc… Les bénéficiaires logés dans ces communes, avant le 1er janvier 2013, assumaient déjà les frais d’évacuation des ordures ménagères au moyen de sacs taxés. Il n’est donc pas prévu de révision, car cet article tient compte d’une réalité cantonale ».

A la question de savoir si des exceptions sont prévues pour les personnes ayant des enfants à charge, dont l’évacuation des couches est très gourmande en sacs poubelles, M. Tschanz rétorque « qu’il n’est pas prévu que l’EVAM se substitue aux prestations offertes ou non au bon vouloir des communes. En effet, certaines communes octroient une certaine quantité de sacs pour les familles, tandis que d’autres ne prévoient rien à ce niveau. Ce qui peut ressembler à des différences de traitement existe dans d’autres cas ne dépendant pas de l’EVAM. Par exemple, pour l’accessibilité au téléréseau : certains logements en sont pourvus, d’autres non. Cela peut impliquer des frais supplémentaires pour le bénéficiaire qui souhaiterait disposer d’un bouquet de chaînes TV. »

En bref, nous comprenons à travers cette clarification qu’il n’y aura aucune prise en charge supplémentaire par l’EVAM des frais engendrés par les déchets ménagers des requérants d’asile.

Pastodelou

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




« J’ai fui la Guinée car j’étais menacé de mort par des militaires et un imam »

Photo: Bruno Ben MOUBAMBA (CC BY-NC-SA 2.0)

Photo: Bruno Ben MOUBAMBA (CC BY-NC-SA 2.0)

Moussa Diallo, Peul guinéen de 21 ans, était éleveur de vaches dans son Fouta-Djalon natal. Membre d’un parti politique d’opposition, il a échappé à la mort lors d’un rassemblement politique dans le plus grand stade de Conakry réprimé dans le sang par le pouvoir en place. Il sera poursuivi avant de s’exiler en Suisse. Témoignage.

Logé au centre d’accueil de Perreux, dans le canton de Neuchâtel,  depuis moins d’un mois, en passant par le centre d’enregistrement pour requérants d’asile de Vallorbe et le cantonnement militaire des Pradières, toujours à Neuchâtel, il raconte les motifs qui l’ont poussés à s’exiler et comment il est arrivé en Europe.

Le tournant du rassemblement du 28 septembre 2009 à Conakry
« Je suis fils unique. Ma mère est décédée alors que je n’avais que trois mois. Un jour, je participais avec mon père aux réunions politiques de l’Union des Forces Démocratiques de Guinée (UFDG), principal parti d’opposition dirigé par Celou Dalein Diallo, challenger du président guinéen Alpha Condé lors de la présidentielle de 2010. Après ces réunions, les militaires nous agressaient et nous menaçaient de mort. C’est ainsi que lors d’un rassemblement en date du 28 septembre 2009, j’étais sur les gradins du plus grand stade de Conakry en compagnie de mon père. Il y avait beaucoup d’opposants, comme Cellou Dalein Diallo, Sydia Touré et Mouctar Diallo. La foule avait littéralement envahi le stade. Les bérets rouges sont alors entrés dans le stade et ont commencé à tirer à bout portant, à lancer des gaz lacrymogènes et à violer des femmes. Une balle a alors touché mon père aux côtes et il est tombé. Dans cette cacophonie, j’ai fui de peur d’être touché à mon tour. On a emmené mon père à l’hôpital national de Donka et je l’ai retrouvé là-bas. Il ne parlait plus. Hormis le 1er janvier 2010 lorsqu’il me dit ceci: « Abdoulaye (c’est le nom de son petit frère qui vit en Angola), je te confie les vaches ». Après, il rendit l’âme. J’ai fui l’hôpital et Conakry, car j’étais recherché par les militaires du capitaine Claude Pivi, devenu entre-temps lieutenant-colonel, qui voulaient me supprimer.

 

En fuite pour l’Europe
Rentré à Fouta-Djalon pour élever les sept vaches laissées par mon père, j’ai été obligé de quitter mon village en octobre 2012, suite aux menaces de mort de l’imam local. Ce dernier, qui ne s’entendait pas avec mon père, m’accusait d’avoir mis enceinte sa troisième épouse, qui avait le même âge que moi, surtout que le bébé me ressemblait comme deux gouttes d’eau. Il faut ici préciser que la femme de l’imam me nourrissait et m’aidait à élever les chevaux. Face aux menaces de mort de l’imam, j’ai alors fui le village le 1er octobre 2012, en marchant huit kilomètres à pieds jusqu’à Labe et, de là, je suis monté à bord d’une voiture pour me rendre au Sénégal, où je suis arrivé le 3 octobre 2012. Dans un parc à Dakar, j’ai rencontré une Guinéenne, mariée à un Mauritanien. Elle m’a amené à Nouakchott, en Mauritanie, où j’y ai passé un mois et 26 jours. A Nouakchott, je subsistais en travaillant dans la menuiserie. Un jour, une personne venue m’acheter des armoires m’a proposé de me rendre en Europe. Je n’y croyait pas mais il avait tout préparé. Le 1er décembre 2012, j’ai quitté Nouakchott pour Nouadibo où j’embarquais gratuitement pour l’Espagne.
La traversée dura sept jours. Mon sac de voyage, où se trouvaient ma carte d’identité et ma carte de membre de l’UFDG, ainsi que mes habits sont passés par dessus bord. Arrivé à Malaga, en Espagne, on m’a dit de fuir. J’ai passé la nuit dans une maison abandonnée. Le matin, un Noir m’a vu et m’a invité chez lui, où j’ai passé huit jours en sa compagnie. Le huitième jour, nous avons pris un bus en partance pour Madrid en Espagne. De Madrid, nous avons pris un train pour Lyon, en France et, de Lyon, nous avons changé de train pour atteindre Genève, en Suisse, le 17 décembre 2012.

Nous avons passé la nuit à Genève chez un ami du Noir rencontré en Espagne. Le 18 décembre, je me suis présenté à Vallorbe, où je suis resté quatre jours, avant d’être transféré au cantonnement militaire des Pradières à Neuchâtel, où j’ai logé pendant deux mois et six jours.

Aux Pradières, on mangeait de la nourriture non cuite, parfois de la viande pourrie. J’ai vu des gens qui cassaient leurs assiettes pour protester contre la mauvaise qualité des aliments qu’on nous servait. A Vallorbe, on était 16 personnes dans une chambre mais, aux Pradières, on était 20. De la gare des Geneveys, sur Coffrane, pour atteindre les Pradières, on faisait une heure et demie de marche, sauf le week-end où le bus nous déposait à la gare.

Pour conclure, je peux dire que mon arrivée en Europe est une aubaine pour moi car je n’ai rien dépensé et j’ai tout laissé derrière moi. Je suis persuadé que c’est Dieu qui m’a aidé. J’aimerais apprendre n’importe quel métier pour ne pas vendre de la drogue. Aujourd’hui, j’ai peur de circuler avec des amis requérants d’asile parce qu’ils peuvent être des dealers sans que je le sache et si on nous arrête ensemble, on peut aussi m’accuser de dealer alors que je ne suis pas un dealer. En Guinée, je n’ai plus de famille depuis la mort de mon père. Il me disait qu’il avait un frère qui vit en Angola, mais je ne l’ai jamais rencontré et je ne sais pas s’il est toujours en vie. Les Peuls sont menacés par le pouvoir politique, du fait qu’ils ont le pouvoir économique. En Suisse, j’ai trouvé la sécurité, la paix et tout est beau ici. En Guinée, je vivais tout le temps dans la peur d’être tué, soit par les militaires du lieutenant colonel Pivi ou les gris-gris de l’imam de Fouta-Djalon ».

Propos recueillis par :

Paul Kiesse
Membre de la rédaction neuchâteloise




« Les noirs sont vulnérables et mis à l’index par le système politique »

Derou Georges Blezon, Président de MouReDiN. Photo: Voix d'Exils

Derou Georges Blezon, Président de MouReDiN. Photo: Voix d’Exils.

Le Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir (MouReDiN), est une association à but non lucratif basée à Lausanne depuis 2006. Elle défend une cohabitation dans le respect de la différence, des libertés et des droits de l’Homme entre étrangers et autochtones vivant en Suisse. Elle a aussi pour but de réorienter et d’aider les jeunes grâce à des projets créés et soutenus par des partenaires associatifs comme ACOR SOS-Racisme ou la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA). Ces projets visent essentiellement à éveiller les consciences et à encourager les jeunes noirs et étrangers à s’intégrer et à organiser leur avenir professionnel. Derou Georges Blézon, Président et responsable de MouReDiN, répond aux questions de Voix d’Exils.

Voix d’Exils : Quand et pourquoi avez-vous créé MouReDin?

Derou Georges Blézon : MouReDin a été créé le 1er août 2006, à la suite d’une intervention de la police chez moi, à Lausanne, où j’habitais à l’époque. Je recevais la visite de jeunes qui sollicitaient mes conseils, il y avait des sans papiers comme moi, des jeunes ayant des permis C ou B et des jeunes requérants d’asile. La police a fait l’amalgame entre les jeunes et moi, parmi lesquels il y avait des vendeurs de drogue. L’un d’entre eux a été interpellé d’une façon que j’ai jugé indigne et très violente. Cette indignation a suscité de la colère et de la frustration. Nous avons alors décidé, avec ACOR SOS-Racisme et Point d’Appui, de créer un mouvement politique : le Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir (MouReDiN). Pourquoi un mouvement politique? Parce que le comportement de certaines personnes vis-à-vis des noirs n’est autre qu’un comportement purement politique.

Quelle est la mission principale de votre association ?

Sa mission principale est de véhiculer un message du bien vivre ensemble, quelle que soit la couleur de la peau et d’éviter les amalgames. Si on y regarde de près, on s’aperçoit que l’Etat est davantage raciste que la population. C’est pourquoi, face à une telle situation, il fallait une association crédible et digne de ce nom.

Quelles sont concrètement les actions et activités de votre association ?

On a un conseil juridique, un conseil social et une orientation au niveau de la formation, ainsi qu’un conseil d’ordre administratif pour les déboutés. Dans ce cas, MouReDiN intervient compte tenu de l’ancienneté et des bonnes relations qu’il dispose auprès des associations alliées.

A qui s’adressent vos services ?

Nos services s’adressent aux noirs en priorité, parce qu’ils sont très vulnérables et mis à l’index par le système d’accueil et politique. Pour la simple raison qu’ils sont la minorité la plus visible et la moins défendue. En effet, les noirs ont presque toujours des emplois subalternes, comme: nettoyeurs, aides en cuisine, peintres en bâtiment, et mécaniciens… La précarité de leur situation économique, sociale et administrative a de nombreuses retombées directes sur la vie des parents et sur celle de leurs enfants. Les enfants qui veulent poursuivre des études – ce qui n’est pas envisageable dans la majeure partie des cas parce qu’ils sont trop tôt livrés à la rue par manque de contrôle parental -, sont confrontés à un périple sans issue.

Quels sont les secteurs ou régions où vous êtes le plus actifs ?

Le mouvement est basé actuellement à Lausanne, mais il a une ambition internationale. Au regard de toutes les associations ou ligues de défense des droits de l’Homme en Europe, dont MouReDiN lui-même est partenaire, MouReDiN veut se faire connaître en élargissant le champ de ses actions dans les années à venir. Ainsi, nous avons davantage travaillé du côté de la Suisse romande qu’au niveau de la Suisse alémanique.

Comment fonctionne votre association ?

Nous disposons de 15 membres actifs et sommes en collaboration avec des partenaires associatifs comme ACOR SOS-Racisme, la Ligue Internationale contre le Racisme et l’Antisémitisme (LICRA), le Forum des Etrangères et Etrangers de Lausanne (FEEL), Point d’Appui, le Centre Social Protestant FRAT- CSP et certains partis politiques comme les Verts, et le Syndicat Unia dont je suis membre.

En 2008, vous avez lancé le projet « Jeunes MouRedin 2008 », et en 2009 « Quelle valeur a mon permis / ma nationalité ? ». Depuis, plus rien, le silence… Pour quelle raison?

En réalité ce n’est pas un silence absolu, ces deux projets ont été confrontés à plusieurs problèmes d’ordre administratif d’où le silence. Le projet « Jeunes MouReDiN 2008 » était soutenu par le canton de Vaud et la Confédération Suisse. Notre objectif était d’aider les jeunes en rupture scolaire, de les appeler à faire preuve de retenue, à les ramener à la raison pour qu’ils retrouvent la voie de la scolarisation. Tout d’abord, on a assisté au silence de nos jeunes à qui le projet était destiné, ensuite nous avons découvert que le service d’orientation en Suisse, auquel les jeunes sont assignés, n’était pas tout à fait ce l’on pensait, en ce sens que ce dernier est un espace de blocage et de stockage pour les jeunes noirs et étrangers.

Aujourd’hui, quel bilan tirez-vous de votre action et quel avenir pour MouReDin?

De 2006 à 2013 le bilan n’a été ni négatif ni positif. Nous sommes actuellement dans un moment de turbulence. Pour assurer une permanence qui réponde aux préoccupations des jeunes en rupture scolaire et aux parents en difficultés, face à la complexité du problème, il nous faut environ 30’000 francs de fonds. Mais nous sommes sereins quant à l’avenir de MouReDiN. Si, depuis un certain temps, nous avons disparu de la scène politique et administrative, il s’agit d’un recul préparatoire, car actuellement les membres du mouvement ainsi que moi-même sommes en formation. La plupart des membres du mouvement sont des jeunes qui ont grandi en Suisse, qui ont le permis C ou le passeport suisse. Ils sont actuellement en préparation d’examens. A la création du mouvement, nous avions comme objectif d’aller sur le terrain. En 2006 a eu lieu pour la toute première fois en Suisse « la Marche des Noirs » qui a compté 250 manifestants, avec également le soutien de nombreux partenaires comme le parti communiste et ACOR SOS-Racisme. Dans cette marche des noirs, on a compté non seulement des dealers, des personnes déboutées, mais aussi des noirs et étrangers qui sont employés en Suisse depuis plusieurs années.

Quel est votre message à l’endroit des populations étrangères ?

En faisant référence à mon ex-président Laurent Gbagbo qui disait : « Le bon ambassadeur, c’est chaque individu qui représente son pays dans un autre pays ». Autrement dit, c’est par ton comportement que tu incites au respect de ton pays d’origine. Nous, les étrangers, disposons de différents canaux pour arriver en Suisse et en Europe, comme la voie de la clandestinité que j’ai moi-même empruntée, la voie de l’asile et d’autres formes. Et je pense que la manière dont nous nous comportons individuellement montre qui nous sommes et d’où nous venons. Nous venons avec nos cultures et nos mentalités, mais une fois ici, nous sommes appelés à nous intégrer, à cohabiter. Je ne dis pas « devenir blancs », mais il faut être responsable de notre vie en sachant faire la part des choses. Ne fais pas dans le pays d’accueil ce que tu ne ferais pas dans ton pays.

Propos recueillis par El sam

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 Infos:

Mouvement pour le Respect et la Dignité du Noir (MouReDiN)

c/o Dérou Georges Blézon

Route de la Clochatte 9

1018 Lausanne

Email: mouredin@dignitenoire.ch

Email: blezonderougeorges@dignitenoire.ch

Site web: http://www.dignitenoire.ch

Tél: 079 385 92 59




Guerre au Mali : le dessous des cartes

Le peuple malien fuit les affrontements. Photo: Ferdinand Reus (CC BY-NC-ND 2.0)

Le Mali. Photo: Ferdinand Reus (CC BY-NC-ND 2.0)

Il n’y a pas si longtemps, le Pays Dogon, région du Mali, était un paradis pour les marcheurs. On n’y croisait aucune voiture, on avait envie d’y passer toute sa vie. Mais, il y a deux ou trois ans, on a senti que quelque chose était en train de changer. Par exemple, on croisait de plus en plus de femmes voilées de la tête aux pieds, on sentait que ce paradis était condamné à disparaître  assez rapidement… Aujourd’hui, la situation est dramatique.

La région où se joue le conflit actuel se nomme l’Azawad. Elle regroupe les zones de Gao, Tombouctou et Kidal, dans le nord du Mali. Elle se situe intégralement dans le Sahara et échappe au contrôle de l’État malien, car désertique et peu densément peuplée.

Le théâtre et les acteurs

Les forces en présence sont multiples. Il y a, d’une part, le gouvernement malien, instable car très récemment formé, en août 2012. Son but est de préserver l’unité du Mali. Et d’autre part, nous trouvons: le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), touareg et laïc qui a pour but de faire de l’Azawad, un nouvel État indépendant; l’organisation terroriste AQMI, bras africain d’Al Quaida qui se bat pour faire appliquer la Charia dans le nord du Mali; Ansar Edine – «défenseurs de l’islam» en langue arabe – qui est un groupe islamiste touareg cherchant également à appliquer la Charia dans la région. Nous trouvons également d’autres groupes armés qui interviennent dans le nord Mali, parmi lesquels les islamistes du Mouvement pour l’Unicité et le Jihad en Afrique de l’Ouest (MUJAO ) et les autonomistes du Mouvement arabe de l’Azawad (MAA).

Les racines du conflit

Les velléités indépendantistes des Touaregs X1 ne sont pas récentes. La première rébellion touareg advient en 1963, seulement 3 ans après l’indépendance du Mali, puis est dissoute dans le sang par l’armée. En 1990, de nouveaux soulèvements donnent lieu aux accords de Tamanrasset. En mars 2012, le président Amadou Toumani Toure (appelé familièrement ATT) est renversé par un coup d’État militaire à peine deux mois avant la prochaine élection présidentielle à laquelle il ne se représentait pas. Allié à plusieurs groupes islamistes, le MNLA profite alors de la situation politique confuse pour  prendre le contrôle des trois grandes villes du nord. Début avril, il déclare l’indépendance  de l’Azawad, qui est immédiatement rejetée par l’Union africaine comme par l’Union européenne. Fin mai, le MNLA et l’Ansar Edine, qui s’étaient alliés, se séparent, ne parvenant pas à trouver un accord au sujet de  l’administration de la région. Le MNLA se fait peu à peu écarter du territoire par les différents groupes islamistes.

Une zone clé

Mais pourquoi donc tout le monde s’intéresse au nord du Mali ? Les réserves pétrolières et gazières sont assez importantes. Elle sont pour l’instant inexploitées et convoitées. C’est également une région stratégique, frontalière de la Mauritanie et de l’Algérie, proche de la Libye et de la Tunisie. C’est donc une zone clé pour le contrôle de l’Afrique de l’Ouest et du Sahel. Par exemple, les armes venues de Libye et passées par le Nord Mali pourraient demain déstabiliser l’Algérie et même, pourquoi pas, le Sénégal. En effet, après l’intervention  occidentale les Touaregs, qui se battaient aux côtés de feu Khadafi, ont quitté la Libye et sont revenus dans la région avec des stocks d’armes importants. A ce moment-là, ils proposèrent le deal suivant au président ATT : « On t’assure la paix si tu nous donnes de l’argent. ». Le  président  a refusé leur proposition et le conflit a débuté.

L’intervention militaire: une solution inadéquate

La poussée islamiste dans la région s’explique par le fait que, pendant dix ans, tout le monde a parlé du miracle de la démocratie malienne, mais ce n’était en réalité qu’une façade. Les hommes politiques achetaient leurs élections. Les pauvres, déçus, faisaient remarquer que la démocratie ne se mange pas, car ils ne voyaient pas d’amélioration dans leurs conditions de vie. Les populations du nord étaient particulièrement déshéritées et elles se sont détournées de la démocratie pour épouser l’islam radical. D’un idéal à un autre, en somme.

L’intervention armée en cours n’est pas la meilleure solution. Paul Collier X2 affirme ainsi que  « les données sur les causes de conflit indiquent que les facteurs économiques en sont les principaux moteurs. La combinaison d’importantes exportations de matières premières, d’un bas niveau d’enseignement, d’un pourcentage élevé d’hommes jeunes et d’un déclin économique augmentent énormément les risques. L’inefficacité militaire et politique est révélatrice d’une évolution plus vaste quant aux capacités et à l’organisation des insurrections cherchant à renverser les dirigeants d’États faillis (failed states). Ces insurrections exploitent des ressources – « diamants de guerre », négoces avec des réseaux clandestins, pillages, nouveaux circuits de trafic d’armes – qui contribuent à leur survie. C’est un fait maintenant bien connu, qui a été médiatisé par des campagnes comme celle menée contre les « diamants du sang ».

Ces exemples malheureux ne sont pas très encourageants pour l’avenir, et ceux qui placent leurs espoirs dans les mains des « sauveteurs » français ont bien des chances de perdre rapidement leurs illusions.

X1 : Les Touaregs  sont des tribus nomades  qui vivent entre cinq (5) pays : l’Algérie, la Libye, le Niger, le Mali et le Burkina Faso.

X2 :  P. Collier, « Doing well out of war : an economic perspective », in M. Berdal et D. Malone, Greed and Grievance. Economic Agendas in Civil Wars, Boulder, Co., Lynne Rienner, 2000, p. 110.

Yembering

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Agenda. Une fête dédiée aux migrants en lutte, le samedi 20 avril à Lausanne

Affiche de la fête du 20 avril 2013

Affiche de la fête du 20 avril 2013

Le collectif Droit de rester, composé de requérants d’asile et de personnes qui leur sont solidaires, organise le samedi 20 avril à La Frat, place Arlaud 2, à Lausanne, une fête dédiée aux migrants en lutte. Cet événement a pour objectif de mener une réflexion sur le projet de durcissement de la politique migratoire suisse et sera également l’occasion de renforcer le réseau associatif local impliqué dans la défense des droits des migrants. Une partie conviviale et festive clôturera l’événement. Entrée libre.

Programme:

15h: Film «Mare chiuso – mer close» d’Andrea Segre et Stefano Liberti, en présence de ce dernier.

17h: Table ronde : «Immigration: des réalités sans stigmatisations» avec André Kuhn, criminologue et Professeur à l’Université de Lausanne, et Stefano Liberti, réalisateur du film «Mare chiuso».

Repas

20h: Concerts de Joël Woguia ; Nya ; Raggumbians.

Sara Pages

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Plus d’Informations :

Site du collectif Droit de rester : cliquez ici