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Exclues du monde du travail à cause d’un voile

Table-ronde organisée à l'occasion de la journée mondiale de la femme du 8 mars par l'UVAM et le le CCML. Photo: Voix d'Exils

Table-ronde organisée à l’occasion de la journée mondiale de la femme du 8 mars par l’UVAM et le le CCML. Photo: Voix d’Exils.

Le 8 mars dernier – journée internationale de la femme – a été pour les musulmanes de Lausanne une journée particulièrement importante. Elles étaient invitées à participer à une table-ronde organisée par le Complexe Culturel des Musulmans de Lausanne (le CCML) et l’Union Vaudoise des Associations Musulmanes l’UVAM, à la Haute école de travail social et de la santé de Lausanne, sur le thème : « Femmes musulmanes et vie professionnelle ». Compte-rendu des échanges qui ont eu lieu à cette occasion.

Des discussions entre les six intervenantes et le public sur le thème des discriminations subies par les femmes musulmanes qui portent le foulard, il ressort que celles-ci sont discriminées dans leurs recherches d’emploi et sur leur lieu de travail. Souvent, elles doivent renoncer à leurs projets professionnels. Il en est d’ailleurs de même pour les femmes nées en Suisse qui décident de porter le voile après s’être converties à l’islam et qui, de ce fait, doivent arrêter de travailler ou se voient obligées d’enlever leur voile sur leur lieu de travail.

Selon une étude menée par Patricia Roux, Professeure en Études genre à l’Université de Lausanne, et intervenante lors de la table-ronde, l’Islam est perçu comme une religion rétrograde et sexiste. Seul 44% des Suisses sont favorables au port du foulard. 70% des Suisses pensent que les musulmans ne peuvent pas s’intégrer culturellement car 65% des musulmanes sont voilées et considérées comme moins émancipées que les Suissesses. D’une façon générale, les musulmanes voilées sont la cible d’un regard particulier qui frôle l’exclusion sociale. Le port du foulard est considéré comme une atteinte aux normes sociales.

Cependant, la question n’est pas de s’interroger seulement sur l’islam ou sur les musulmans et les musulmanes, mais plutôt sur les pratiques de ces femmes dans les milieux urbain, social et professionnel. Certaines d’entre elles ont pris des initiatives, elles ont mis en place un collectif qui a pour objectifs la visibilité religieuse, la lutte contre la stigmatisation, la mobilisation contre le racisme et le sexisme.

El Sam et Samir

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 « Le port du foulard m’a carrément isolée de la société » Témoignage

Safwa Aïssa, Vice-présidente de l’UVAM. Photo: Voix d'Exils

Safwa Aïssa, Vice-présidente de l’UVAM. Photo: Voix d’Exils

Originaire de Tunisie, Safwa Aïssa est la Vice-présidente de l’UVAM et formatrice en communication interculturelle. Elle témoigne de son vécu en tant que femme voilée.

« Après avoir suivi une formation en journalisme, j’ai travaillé dans ce domaine pendant plusieurs années en Tunisie. Suite à des circonstances privées, j’ai dû quitter mon pays. Je suis arrivée en Suisse en 1999, où j’ai cru pouvoir continuer dans le journalisme, je comptais sur mes diplômes et mes compétences acquises dans l’exercice de ce métier. J’ai vite renoncé à ce rêve, car la Suisse n’était pas ce à quoi je m’attendais. Le port du foulard m’a conduit à tirer trois pistes de réflexion : Comment les gens perçoivent-ils le foulard ? Quel est le rapport entre la différence et la normalité ? Quel est l’impact du foulard sur le travail ?

J’ai postulé dans plusieurs entreprises et sociétés de la place, mais c’était du temps perdu. Les remarques qui m’ont été faites étaient presque toutes focalisées sur mon foulard. Je me suis alors redirigée dans le secrétariat. J’ai travaillé dans la migration interculturelle dans le canton de Vaud. Dans l’un des services, où j’ai par ailleurs été bien accueillie, quelques collègues me tenaient des propos racistes et contestaient ma présence. Ce qui m’a le plus marquée tout au long de ma vie est cette phrase d’un collègue qui disait : « Pourquoi engage-t-on des femmes qui nous rappellent le Moyen Âge ? ». Au fil des années j’ai développé un comportement qui m’a permis de me libérer de la peur des critiques, de ce que peuvent penser les gens sur mon foulard. Pour moi, le foulard c’est le témoignage de ma foi en Dieu. Mes collèges ont fini par comprendre que je suis une femme ordinaire. Au final, j’ai fait un Master en communication interculturelle à l’Université de Lugano pour renforcer mes compétences dans le domaine de la santé. Bref, grâce à ma persévérance, je suis parvenue à mon but. Aujourd’hui, je suis fière d’être musulmane, de porter le foulard et déterminée à lutter pour promouvoir l’égalité des musulmanes voilées par rapport aux autres femmes. »

Propos recueillis par El Sam et Samir