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L’Evénement syndical publie un article sur Voix d’Exils

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L’Evénement syndical, journal romand suivant l’actualité du monde du travail avec un tirage de 62’000 exemplaires par numéro, a publié un article sur Voix d’Exils dans son édition du 27 février 2013. Intitulé La voix des « sans voix », l’article d’Aline Andrey donne la parole aux membres de la rédaction vaudoise et les questionne, notamment, sur leurs motivations à s’exprimer dans le blog.

Téléchargez la version PDF de l’article en cliquant sur le lien ci-dessous:

Evénement syndical




Syrian refugees : the suffering continues

Le foyer d'hébergement pour requérants d'asile La Pinède, à Conthey Valais, sous la neige. Photo: Voix d'Exils

Le foyer d’hébergement pour requérants d’asile La Pinède, à Conthey en Valais, sous la neige. Photo: Voix d’Exils

In the past two years, a lucky number of refugees from Syria were able to escape from the horrific conditions in the war torn nation. Most of the refugees ended up in countries like Turkey, Jordan, Lebanon, and  some hundreds made it to Europe. In January 2013, Turkey is having 150’000 registered refugees followed closely by Jordan and Lebanon.

In the first week of January 2013, the temperatures of Middle East started to fall, and, in the second week, it started snowing and raining heavily and this has added another stress on the already stressed refugees in camps made out of tents with not proper winter clothing. Images of shaking bare-footed children walking on snow and water in refugee camps give the real conditions and suffering happening to those who have been able to flee the two years old war.

In September of 2012, the United Nation ambassador Angelina Jolie visited a camp in Jordan and the journalist’s cameras that followed her, as a renowned actress and movie director, informed more to the world about the suffering of Syrian refugees. In one of her press briefings, she said “the amount of innocent children that have been reported dead, the amount of innocent children I’ve met here who are wounded and unaccompanied – with their parents being killed and now they’re on their own – it’s impossible to imagine any mother standing by and not stepping up and doing something to prevent this » Such words from someone who visited the camps reflect the situation that needs not only to be aware of but to be acted on.

The Syrian refugees face not only cold and poor housing but also the camps in Turkey near the border with Syria have faced fire outbreaks leading to loss of lives. There are efforts by the United Nation Refugee Agency (UNHCR) and the Red Cross to provide what they can. Many children, especially those who were injured during the war, still need better medical care and feeding.

A few months ago, when I wrote my impressions on Switzerland, I included the challenges of my first winter and then the proper housing given to refugees. Now, on looking at what is taking place with the unfortunate Syrians, who are sleeping in unheated tents with hardly nothing to cover them, I come to appreciate more the unending efforts of the Swiss towards the refugee care.

In Switzerland, during the first 6 months of 2012, 777 Syrian refugees applied for asylum. In September, 36 refugees arrived in Bern and were granted asylum and resident permits immediately. With changes on Immigration laws in Switzerland, the Syrian Refugees have to be directly recommended by the UNHCR to confirm their vulnerable conditions.

With Syrian President Bashar al-Assad, swearing to continue fighting what he called terrorists, and the rebels also determined to overthrow him, it seems the world is going to continue watching refugees running out of their country to save their lives.

Marcus

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Une traversée funeste

Un jeune homme traversant clandestinement la méditerranée en 2009. Photo exclusive: Voix d'Exils.

Un jeune homme traversant clandestinement la Méditerranée en 2009. Photo exclusive: Voix d’Exils.

J’étais un peu seul pendant les vacances d’été, c’est la raison pour laquelle j’ai pu suivre les Jeux Olympiques de Londres, de la cérémonie d’ouverture jusqu’à leur clôture. Les Jeux de Londres allaient rester un souvenir mémorable, si ce n’est que quelques jours après la cérémonie de clôture, j’ai appris que le rêve d’une athlète somalienne , Samia Yusuf Omar, s’était arrêté en mer Méditerranée. 

Je dois avouer que je suis seulement venu à connaître Samia après l’annonce de sa mort tragique en mer Méditerranée, lors de sa tentative de rejoindre l’Europe, et Londres en particulier, pour représenter son pays à l’occasion des Jeux Olympiques. Je me demande si elle aurait pu participer, ou si elle aurait même pu s’en sortir avec les questions d’immigration. Les ambitions du sport expliquent non seulement le courage de Samia de la Somalie, un pays déchiré par la guerre, mais aussi son envie de survivre!
Depuis que le printemps arabe a éclaté au début de l’année 2011 en Afrique du Nord, le monde porte davantage d’intérêt aux accidents qui ont lieu lors des traversées de migrants en mer Méditerranée. Pendant que les italiens et les français se disputent de la manière dont ils vont se partager le fardeau des réfugiés, la préoccupation majeure des refugiés est la lutte désespérée qu’ils mènent pour survivre. Les réfugiés n’hésitent pas à entreprendre des voyages dangereux, dans des bateaux surchargés, et à courir le risque de se noyer en mer. Plus je m’informe sur le sort des clandestins qui traversent la mer, plus grand est mon étonnement et mon chagrin d’apprendre qu’en moyenne 1500 personnes se noient par an dans leurs tentatives de rejoindre l’Europe en traversant la mer Méditerranée. Ceci fait de ces eaux les pires du monde, avec le plus grand nombre de morts par an. Quelques médias soupçonnent que leur nombre pourrait être même doublé, car il y a beaucoup d’embarcations qui disparaissent sans que le nombre de personnes à bord ne soit enregistré.
Quand je suis arrivé en Suisse, en août 2011, j’ai rencontré un jeune homme du nom d’Abu, qui m’a donné plus de détails à propos des dangers encourus lors de la traversée de la mer Méditerranée. Abu a 25 ans, il est célibataire et originaire du Nigeria, où il travaillait dans une imprimerie avant de rencontrer les problèmes qui l’ont forcé à quitter son pays. Il m’a parlé des détails terrifiants de son voyage, qui l’a mené du Nigeria au Maroc et puis sa traversée de la mer Méditerranée pour l’Europe.
Le voyage d’Abu a commencé avec la traversée du désert de Sahara. Il m’a dit comment le groupe de huit personnes, dont il faisait partie, s’est réduit au fur et à mesure du voyage, par la mort des uns et des autres en raison du sable du désert et de la déshydratation. Ils avaient commencé leur périple en recourant aux services d’un gang qui avait un véhicule tout-terrain, une Land Rover Defender, qui devait leur permettre de traverser le Sahara. Ils avaient de l’eau et d’autres provisions nécessaires et la destination initiale était le Maroc, où ils espéraient trouver des réseaux de passeurs afin de regagner l’Europe par voie navale.

Perdu au milieu du désert du Sahara

Après une traversée de plusieurs centaines de kilomètres, lors de laquelle ils avaient probablement traversé

Le désert du Sahara. Photo: Dan.be. (CC BY-NC-ND 2.0)

Le désert du Sahara. Photo: Dan.be. (CC BY-NC-ND 2.0)

un quart du désert du Sahara, la voiture est tombée en panne. Après plusieurs manœuvres pour réparer le moteur, les passeurs ont demandé aux réfugiés de sortir de la voiture, pour voir si celle-ci pouvait être poussée avec moins de charges. Une fois que la voiture a redémarré, les passeurs sont partis, emportant avec eux les milliers de dollars qu’avaient payé les voyageurs et, surtout, en abandonnant les réfugiés en pleine désert du Sahara. C’était le début de l’horreur. Les 6 hommes et les 2 filles affaiblis, qui composaient le groupe, venaient tout juste de se rendre compte qu’ils avaient été dupés et qu’ils étaient condamnés à une mort certaine en y passant un par un.
Après quatre jours de marche (d’habitude pendant les nuits, pour éviter le soleil insupportable de la journée dans le désert), seulement 3 personnes étaient toujours vivantes. Ils avaient survécu en buvant leur urine et avaient strictement rationné la nourriture. Parmi eux, l’on comptait une fille, Abu et un autre homme. C’était pendant la nuit du quatrième jour qu’ils ont été sauvés par une patrouille de gardes-frontières marocains. Fatigués, déshydratés, avec des corps squelétiques, ils ont étés immédiatement admis dans un centre de la Croix-Rouge pour y recevoir une assistance médicale d’urgence. La fille avait par la suite perdu la tête, car parmi les morts du groupe figuraient son frère et son petit ami.

Perdu en mer

Abu s’est remit du traumatisme du désert et a passé deux années difficiles de sa vie au Maroc : dormant dans les rues d’un port, vivant de la mendicité et de petits boulots au noir, en espérant un jour réunir la somme d’argent exigée par les passeurs qui organisent les voyages clandestins en bateau pour l’Espagne.

Un jeune homme du Kurdistan traversant clandestinement la Méditerranée. Photo exclusive: Voix d'Exils

Un jeune homme du Kurdistan traversant clandestinement la Méditerranée. Photo exclusive: Voix d’Exils

Après avoir essuyé plusieurs refus, du fait qu’il ne disposait pas de la somme requise par les passeurs qui organisent des voyages clandestins en Espagne, la chance finit par sourire à Abu. Le leader du gang lui dit : « Je te prends dans mon bateau, parce que j’éprouve de la pitié pour toi. Tu aurais dû retourner dans ton pays, mais je sais que tu ne peux pas traverser le désert à nouveau. Convenons d’une chose : en cas d’ennuis en mer et si nous devions jeter des bagages du bateau, tu seras le premier à être jeté par-dessus bord, parce que tu as payé très peu d’argent pour la traversée. Abu promet à l’homme qu’il sauterait dans l’eau volontairement, avant même d’être jeté par-dessus bord pour leur éviter des ennuis. Le voyage était prévu pour durer 15 heures, si tout se passait comme prévu.
Juste la vue du bateau a suscité les premières craintes d’Abu, car le bateau était surchargé. Ils ont levé l’encre en début d’après-midi avec 70 personnes à bord. Parmi les réfugiés se trouvait un pasteur, qui a commencé à prier et à rassurer les passagers de la protection de Dieu, qui étaient tous apeurés. Après quoi, chacun a commencé à prier dans sa propre langue. Ils savaient tous que des milliers de personnes étaient mortes dans cette mer lors de leur tentative de la traverser pour rejoindre l’Europe.

Les premières heures du voyage se sont déroulées tranquillement, à part les sanglots d’enfants ainsi que le hurlement constant du moteur du bateau. La majorité des femmes avaient des enfants, et certains avaient été conçus suite à des viols au Maroc ou d’autres endroits où elles étaient passées sur la route de l’Europe. Il y a aussi les gangs qui utilisent les filles désespérées comme des esclaves sexuels, en les forçant à se prostituer et certaines finissent par tomber enceinte.
C’était tard dans la nuit, la mer était sombre comme les ténèbres, des étoiles brillaient dans le ciel quand, soudain, le moteur s’arrêta, créant une panique dans le bateau! Après plusieurs tentatives pour réparer le moteur, en vain, Abu a pensé que son heure de plonger volontairement dans la Méditerranée était venue. Le capitaine a ordonné que tous les bagages soient jetés dans l’eau, tout en continuant à essayer de réparer le moteur. Entre temps, les passagers criaient désespérément, dans l’attente d’une mort possible.
Les passeurs comptent toujours sur deux choses : la boussole et la patrouille espagnole. Il y a un point dans l’océan où le réseau téléphonique est coupé. Les passeurs ont d’habitude de prendre avec eux deux téléphones : un pour le réseau marocain et un autre pour le réseau espagnol.
Mais, manque de chance, le moteur est tombé en panne à l’endroit où ni le Maroc et ni l’Espagne ne pouvaientt être atteints. L’option pour l’Espagne est toujours la meilleure, parce que s’ils peuvent appeler les services espagnols de secours, cela signifie qu’ils sont déjà dans les eaux espagnoles, et donc sur le territoire espagnol. Malheureusement, ils étaient ni du côté marocain, et encore moins du côté espagnol.
Trois heures plus tard, alors que l’embarcation sombrait dans la mer, ils sont repérés par une patrouille espagnole, héliportés puis enregistrés en Espagne comme refugiés. Cinq mois dans une  Espagne frappée par la crise économique ont une fois de plus transformé Abu en mendiant, comme il avait été au Maroc.

La désagréable surprise de l’Europe

Les Alpes. Photo: f-l-e-x (CC BY-NC-ND 2.0)

Les Alpes. Photo: f-l-e-x (CC BY-NC-ND 2.0)

Tandis qu’Abu relatait cette histoire, il n’était plus en Espagne mais en Suisse. Un jeune homme intelligent aux bords de la dépression, car l’Europe lui avait réservé une surprise désagréable, comme à beaucoup d’autres immigrés africains qui vivaient en Espagne dans des conditions  inhumaines,  dans des maisons abandonnées, et ainsi de suite. En terminant son histoire, n’étant pas sûr de son destin dans le pays alpin où il s’était déplacé, fuyant les difficultés de l’Espagne, il m’a demandé : « Marcus, penses-tu que c’est normal que tous les africains passent par ces difficultés juste pour aller en Europe? » Je lui ai répondu : « Certains n’ont aucun choix, que de fuir, peu importe où ». Il se mit à pleurer, murmurant comment il avait gaspillé trois années de sa jeunesse. Abu a été finalement arrêté, puis expulsé en Espagne, en raison de la Convention de Dublin, car il avait déjà sollicité l’asile en Espagne. Quand j’ai appris son arrestation, les larmes ont commencé à couler sur mes joues. La question qui m’est venue à l’esprit est: qui  doit être blâmé pour tout ça? Les guerres ? La pauvreté ? Les violations massives des droits de l’homme qui amènent des milliers de réfugiés à fuir? Soudain, j’ai cessé de réfléchir à cela, parce que je me suis rappelé la citation de Luc dans la Bible: « Ne jugez pas, et vous ne serez pas jugé. Ne condamnez pas, et vous ne serez pas condamné. Pardonnez, et vous serez pardonné ».

Marcus

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Traduction de l’anglais de l’article original publié sur Voix d’Exils le 15.01.2013:

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




« Le régime fait disparaître les opposants pour terroriser la population »

Une prison d’Etat dans l’Etat du Tennessee au USA. Photo:  kelseywynns (CC BY-ND 2.0)

Une prison d’Etat dans l’Etat du Tennessee aux USA. Photo: kelseywynns (CC BY-ND 2.0)

Jacques*, 30 ans, marié et père de deux enfants, était responsable d’une petite entreprise de transport dans son pays d’origine, en Afrique. Opposant politique au régime en place, il est arrêté puis donné pour mort… avant de s’exiler. En Suisse depuis trois ans, il raconte les événements qui l’ont condamné à quitter son pays pour sauver sa vie. Témoignage.

« Tout a commencé le jour ou je suis entré dans un centre commercial pour m’acheter du matériel informatique. Un vendeur ambulant me propose du matériel d’occasion à un prix très abordable et je lui achète un support de données. En arrivant à la maison, je jette un coup d’œil au contenu avant de le formater. Je trouve alors plusieurs fichiers avec, entre autres, des photos faisant état de graves violations des droits humains par une autorité politique de mon pays. Autorité qui pose sur des photos dans une situation compromettante, entourée par ses gardes du corps. Comme il s’agit de photos amateur, je me dis qu’elles ont certainement été prises secrètement par l’un des gardes.

Étant moi-même membre d’un parti politique de l’opposition, cela représente une bonne source d’informations pour rédiger un article. Je l’écris mais, par crainte des représailles. Je prévois alors de le publier après le changement du régime en place, vu qu’on est en période de préélectorale.

Plusieurs mois après, lors d’une manifestation de mon parti politique, à laquelle je participe, survient des affrontements entre nous et des militants du parti du gouvernement en place. Il y a beaucoup de blessés, des morts et plusieurs arrestations de notre côté. Suite à cela, des ordres sont donnés de mettre aux arrêts tous les militants de mon parti identifiés lors de cette manifestation. Une semaine après, la paix commence à revenir en moi, je pense ne pas avoir été pris pour cible. C’est alors que je reçois la visite d’hommes armés. Je leur propose une somme d’argent pour tenter de négocier une non arrestation. Comme ils l’estiment pas suffisante, ils me prennent des bijoux en or, mon téléphone cellulaire et mon ordinateur portable.

Un malheur ne venant jamais sans un autre, le support qui contient mon article est entre des mains ennemies. N’ayant plus de paix après leur départ, je quitte mon domicile et me prépare à fuir vers un pays voisin. Le jour de mon départ, je suis reconnu par les gardes-frontières. On me transfère dans un camp militaire pour être identifié par un officier de la garde républicaine chargé de me retrouver. Mon dossier n’est pas celui d’un simple manifestant, et je suis inculpé pour avoir réalisé des photomontages dans le but de discréditer l’autorité de mon pays.

Pour terroriser les opposants et dissuader la population de se rebeller, le régime en place fait disparaître les opposants. Je suis alors séquestré avec d’autres personnes pendant plusieurs jours dans des conditions inhumaines et dans un lieu inconnu. Comme je ne me suis pas présenté pendant 48 heures à l’appel du misérable repas journalier, les gardes croient que je suis peut-être comateux et que je vais mourir comme cela a été le cas d’un codétenu dont on a évacué le corps. Je me laisse évacuer à mon tour de la cellule noire où l’on ne peut distinguer le jour de la nuit, car durant mon séjour, seul les morts peuvent quitter ce lieu détention. Il faut préciser que, pour se débarrasser des corps des prisonniers détenus illégalement, le personnel de la prison ne fait généralement pas recours aux médecins pour attester du décès d’un détenu ou soigner les malades.

Dans la cellule déjà, les corps sont mis dans des sacs à cadavres, desquels ils sont extraits avant d’être jetés dans le fleuve pour simuler une noyade. Et c’est dans l’eau que j’ai repris mes esprits et que j’ai recouvert la liberté. Après ces événements, j’ai vécu en cachette pendant plusieurs mois dans mon pays d’origine avant de m’exiler et de rejoindre la Suisse. »

*Étant toujours en cavale, nous lui avons donné un nom d’emprunt. Nous avons également modifié certains éléments de son histoire qui pourraient donner des indications trop précises sur son identité.

Propos recueillis par :

Pastodelou,

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Pas facile d’éduquer des enfants dans les circuits de l’asile

Des enfants du Centre de Perreux à Neuchâtel. Photo: Voix d'Exils

Des enfants du Centre de Perreux à Neuchâtel. Photo: Voix d’Exils

Dans différents centres pour requérants d’asile, nous découvrons que les adultes sont préoccupés par l’issue de leur procédure d’asile. En même temps, le sort de leurs enfants – en termes d’éducation et d’avenir – se trouve lié à leurs soucis quotidiens. Comment s’y prennent-ils pour assurer l’éducation de leurs enfants dans ces milieux plutôt difficiles où se côtoient, sans préparation préalable, des cultures, des religions, des aspirations et des origines qui, parfois, n’ont rien en commun ? Voix d’Exils a exploré cette question en se rendant au Centre de Perreux à Neuchâtel

La loi suisse stipule que l’enfant d’un étranger obtient le statut juridique de ses parents. Ainsi, les enfants de requérants d’asile reçoivent le statut consécutif au processus d’asile de leurs parents. Ils sont admis avec eux dans les centres d’enregistrement, où seul un billet de sortie fait office de pièce d’identité. Ici, on dort dans un dortoir avec pour unique distinction le sexe et non l’âge. Quelque soit le sexe de l’enfant, jusqu’à l’âge de 10 ans, il reste avec sa mère. Avec les dames, il partage les mêmes douches, fréquentent les mêmes toilettes. Avec le reste des requérants, dont il partage désormais le statut, il occupe le réfectoire et les espaces communs où l’on passe le temps quand les dortoirs sont fermés. Il retrouve les autres enfants qui viennent de plusieurs pays et partage avec eux les espaces de jeux mis à leur disposition.

Si les parents passent « l’épreuve du feu » lors de la première interview, qui est menée par les services de l’Office fédéral des migration peu de temps après l’entrée sur le territoire suisse, et qu’ils sont envoyés dans l’un des centres de premier accueil, où ils reçoivent le permis de séjour temporaire – le permis N-, les enfants reçoivent alors le même permis. Dans ces centres aussi, même si les conditions se modifient un peu du fait que les enfants vivent dans des chambres avec leurs parents, il n’en demeure pas moins qu’ils sont toujours confrontés à la cohabitation avec d’autres enfants, dans un espace où éduquer son enfant comme on le souhaite est difficile. Pour en savoir davantage, nous nous sommes rendus au Centre de Perreux, situé dans le canton de Neuchâtel, pour nous entretenir avec les parents, les enfants et leurs encadrants afin de découvrir la réalité éducative des enfants de requérants d’asile.

Un contexte éducatif difficile

Comme tous les enfants, « les nôtres ont les mêmes envies, les mêmes désirs. Ils nous demandent des

Le Centre de Perreux à Neuchâtel

Le Centre de Perreux à Neuchâtel. Photo: Voix d’Exils.

jouets, veulent aller au cinéma pour enfants, à la piscine, sortir de temps en temps. Seulement, ils n’ont pas la possibilité de vivre comme tous les autres enfants et leur donner une éducation saine est un casse-tête pour nous », nous a confié un couple béninois s’occupant de trois enfants qui vit dans le Centre de Perreux.

Malgré toute la bonne volonté des responsables des centres pour apporter une attention particulière aux enfants des requérants d’asile, le contexte reste difficile pour assurer une bonne éducation. L’enfant est un être fragile, mais qui apprend vite par l’observation et le mimétisme. De ce point de vue, la situation dans laquelle vivent les parents, avec une incertitude permanente quant à l’issue de leurs procédures d’asile, ne leur permet pas d’assumer un projet éducatif stable et serein. Ce qui présente le risque de voir les enfants se forger des habitudes de l’environnement ambiant, sans que cela soit forcément du goût éducatif de leurs parents.

C’est ainsi que nous avons voulu savoir comment les parents font concrètement pour éduquer leurs enfants

Des enfants du Centre de Perreux appliqués à bricoler. Photo: Voix d'Exils

Des enfants du Centre de Perreux appliqués à bricoler. Photo: Voix d’Exils

dans un tel contexte. Notre couple béninois n’a eu que deux mots pour exprimer son angoisse : « c’est difficile » mais, poursuit-il, « nous faisons un effort pour parler régulièrement à notre enfant chaque fois que nous sommes seuls dans notre chambre ». En plus, ce couple nous a avoué n’être pas capable de satisfaire les désirs de leur fillette de cinq ans en matière de loisirs : « quand nous allons dans des magasins, par exemple, elle voit des jouets dont elle a envie, mais nous ne pouvons pas les lui offrir par manque de moyens. Elle doit se contenter des jouets mis à la disposition des enfants par le Centre ». Mais leur préoccupation majeure reste la scolarisation de leur enfant: « pourra-t-elle avoir un niveau scolaire qui ne compromet pas son avenir ? », nous a demandé sa mère. C’est à ce sujet que nous nous sommes entretenus avec la responsable du Centre de Perreux, Mme Françoise Robert.

La scolarisation des enfants au Centre de Perreux

Mme Robert, directrice du Centre de Perreux

Mme Françoise Robert, directrice du CAPE. Photo: Voix d’Exils

Selon Mme Françoise Robert, il s’agit d’un programme spécial destiné aux enfants requérants d’asile. Il a été mis sur pied quand les enfants ne pouvaient plus aller à l’école de la commune de Boudry. Le fait que la plupart des enfants ne parlent pas français était une contrainte supplémentaire pour les enseignants qui devaient disposer de plus de temps et de matériel pour ces enfants. Des difficultés financières avec la commune sont venues compliquer la scolarisation des enfants à Boudry.

C’est ainsi que les responsables du programme de l’enseignement obligatoire ont décidé que les enfants requérant d’asile seraient scolarisés dans le Centre, en y ouvrant une classe. Ce qui est regrettable, de l’avis de Mme Françoise Robert car, explique-t-elle, « les enfants prennent l’école au Centre comme un moment de divertissement. Ils arrivent en retard et des fois il faut courir dans les corridors pour les obliger à aller en classe. » En plus, poursuit-elle, « les enfants qui ont connu l’école de la commune sont un peu perdus quand il faut suivre la nouvelle initiative. Ces rencontres avec d’autres enfants de leur âge leur manquent, des enfants francophones avec qui ils assimilaient rapidement le français, sans oublier le manque d’activités comme le sport et la piscine. »

Cependant, sans s’abandonner à des regrets interminables, les responsables du Centre essaient de faire de leur mieux pour que les enfants ne soient pas totalement coupés de la réalité scolaire dans le contexte particulier qu’est le leur. En ce sens, la contribution du Centre consiste à veiller au bon fonctionnement de cette scolarisation en sensibilisant toujours les enfants et en responsabilisant de plus en plus les parents, étant donné qu’il s’agit de l’avenir de leurs enfants. Le Centre veille aussi au maintien de la parfaite collaboration qui existe entre les enseignants et la direction du Centre pour le bien des enfants dont la situation est déjà particulièrement difficile.

Un programme scolaire spécial

On l’aura deviné : à situation scolaire spéciale, programme scolaire spécial. Donné par deux enseignantes, à

Caroline et Geneviève, les deux enseignantes du CAPE. Photo: Voix d'Exils

Caroline et Geneviève, les deux enseignantes du CAPE. Photo: Voix d’Exils

raison de trois matins par semaine pour l’une et de trois après-midis par semaine pour l’autre, les enseignantes font plus de l’encadrement scolaire qu’un programme scolaire précis pour des enfants compris entre 4 et 14 ans.

D’ailleurs cet accompagnement « n’a aucun objectif comme dans une école normale. Il vise juste à donner aux enfants une petite base en français ainsi qu’en en mathématiques, et à disposer d’une approche de l’école suisse afin de pouvoir éventuellement se débrouiller plus tard », nous a confié Mme Marie-Jeanne Tripet, l’une des maîtresses des enfants. Ce qui fait qu’il n’y a pas de méthodologie définie au préalable. Elle est contextuelle et adaptée à la situation de chaque enfant. A noter que certains enfants arrivent sans avoir été scolarisés auparavant : « ils ne savent pas tenir un crayon, écrire sur un papier. Si cela est déjà difficile pour un enfant qui connaît le français, on peut imaginer la situation d’un enfant qui arrive sans connaître un mot de français! », précise Mme Marie-Jeanne. La limite de la langue reste la difficulté majeure de cette classe à domicile, car elle empêche les enfants d’apprendre rapidement.

Le reste du temps

Des enfants du Centre de Perreux

Des enfants du Centre de Perreux. Photo: Voix d’Exils

Les enfants qui se réveillent d’habitude entre 6h30 et 7h00 et occupent leur journée selon leur âge. Ceux qui atteignent l’âge de quatre ans rejoignent l’école, pendant que les autres restent avec leurs parents ou se rendent à la salle de jeux. En dehors des heures de scolarisation, les enfants jouent entre eux. Leur nombre est souvent un facteur de socialisation, car ils s’adonnent plus facilement à des jeux en groupe, ce qui diminue l’envie d’avoir plus de jouets, comme c’est le cas pour des familles à un ou deux enfants.

Il ne leur reste plus qu’à espérer qu’un jour, ils trouveront des conditions plus favorables pour leur vie future. Mais, en attendant, ils supportent mieux leur situation que leurs parents qui se font davantage de soucis pour leur avenir. Ce qui semble loin des préoccupations des enfants. A les voir jouer entre eux, de fois sans se comprendre à cause des différences de langues, on les imagine heureux à leur manière. Pourvu que leur avenir ne leur réserve pas de mauvaises surprises.

Angèle BAWUMUE NKONGOLO

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils