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« On part toujours de l’expérience professionnelle, car elle est la richesse de la personne »

Table ronde organisée par Mode d'emploi le 16.11.12 à l'Université de Lausanne pour célébrer ses 20 ans d'existence. Photo: Pastodelou.

Table ronde organisée par Mode d’emploi le 16.11.12 à l’Université de Lausanne dans le cadre d’un événement à l’occasion de son 20 ème anniversaire. Photo: Pastodelou.

Au service de l’insertion professionnelle et sociale depuis 20 ans, la fondation Mode d’emploi a pour principale mission d’œuvrer contre l’exclusion sociale et professionnelle. Elle s’occupe, en Suisse romande, des personnes en difficultés sur le marché du travail.

 

Voix d’Exils s’est donc penché sur les activités de cette fondation, étant donné que les requérants d’asile sont confrontés à l’exclusion professionnelle. Plus particulièrement, nous avons tenté d’éclairer le cas de ceux qui ont le droit de travailler, mais qui parviennent trop rarement à décrocher un emploi. Patricia Hurzeler, responsable de prestations et membre du comité de direction de la fondation Mode d’emploi a répondu à nos questions.

Voix d’Exils : Mode d’emploi propose aux migrants des cours de mise à niveau et des cours de techniques de recherche d’emploi. Quand tout se déroule bien, le migrant trouve un stage en entreprise dans l’économie privée et reçoit ensuite un certificat qui contribue à son intégration.

Patricia Hurzeler : Quand cela se passe mieux encore, la personne est engagée ! On a eu plusieurs fois des personnes qui ont fait des stages et l’employeur nous a dit «  sur dossier, on ne l’aurait pas engagé mais, par contre, maintenant qu’on l’a vu travailler, on peut l’engager. »

Tenez-vous compte de l’expérience professionnelle acquise à l’étranger par les personnes migrantes?

Oui bien sûr. Je peux vous donner l’exemple d’un monsieur d’origine vietnamienne qui nous avait été adressé par l’Office Régional de Placement avec un projet professionnel de nettoyeur. En essayant de discuter avec lui pour élaborer un CV, j’apprends qu’il était professeur d’université et journaliste au Vietnam, mais qu’il ne l’avait jamais mentionné car quelqu’un lui avait dit que ça ne comptait pas. Nous avons discuté à ce sujet et, le lendemain, il m’a amené sa carte de journaliste ; il écrivait encore dans une revue vietnamienne située au Canada. Nous avons alors pu orienter la recherche d’une place de travail sous un autre angle, d’autant que ce monsieur savait bien lire et écrire en français. Par contre, sa prononciation rendait la compréhension difficile, ce qui ne nous a pas permis d’envisager un projet professionnel dans l’enseignement. En revanche, il a pu réaliser un stage dans une bibliothèque et bénéficier d’un excellent certificat de travail validant ses compétences dans ce domaine.

Les exigences des entreprises sont-elles différentes en Suisse ?

Le niveau exigé dans le pays d’origine des migrants n’est pas forcément le même qu’en Suisse, ce dont nous devons tenir compte. Dans certains cas, le stage permet de valider auprès d’un employeur suisse l’employabilité de la personne dans un domaine, voire d’identifier les formations possibles qui lui permettrait de postuler pour un poste similaire. Mais on part toujours de l’expérience professionnelle, car elle est la richesse de la personne.

Les diplômes étrangers sont-ils reconnus par Mode d’emploi ?

On aide les migrants à faire une demande d’équivalence à Berne, cela nous permet de savoir à quoi correspondent leurs diplômes en Suisse. Mais, la plupart des requérants arrivent sans leurs diplômes et cela pour différentes raisons. C’est le cas, par exemple, des réfugiés politiques qui sont partis précipitamment et qui n’ont pas pu prendre leurs papiers avec eux.

Quels sont les éléments qui maximisent les chances d’un migrant d’obtenir du travail grâce à l’aide de Mode d’emploi ?

Premièrement, la langue française. Un bon nombre des gens que nous avons reçus l’année passée avaient un niveau de français insuffisant. Ils avaient juste bénéficié d’un cours qui les a amenés à un niveau A2. Ils ont fait, pour certains, de très bons stages dans des professions qui n’exigent pas beaucoup de qualifications, mais souvent l’employeur nous disait : « Si son français était meilleur on pourrait envisager de l’engager, mais pas aujourd’hui, il y a trop de choses qu’il ne comprend pas… » Deuxièmement, le permis de travail. Pour une personne titulaire d’un permis F ou N, par exemple, deux éléments font souvent hésiter l’employeur : le risque de départ précipité et les démarches à entreprendre même si, pour ces dernières, nous sommes prêts à apporter notre aide à l’employeur.

Propos recueillis par :

Pastodelou et Chulio

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Des requérants d’asile participent à la retraite annuelle œcuménique romande de Montbarry

Les délégués des associations romandes réunis à Montbarry

Les délégués des associations romandes réunis à Montbarry

Au moins neuf requérants d’asile, de confessions catholique, réformée, musulmane, orthodoxe et bouddhiste, habitant les cantons de Fribourg, Genève, Neuchâtel et Vaud ont participé du vendredi 2 au samedi 3 novembre 2012 à la retraite annuelle œcuménique à Montbarry, dans le canton de Fribourg. Organisée par l’association Point d’Ancrage de Fribourg et destinée aux requérants d’asile ou réfugiés ainsi qu’aux bénévoles et aumôniers impliqués à leurs côtés, la retraite a réuni une soixantaine de participants autour du thème « sur les pas des prophètes, la parole source de notre engagement ».
Le vendredi soir et le samedi matin, les participants ont suivi avec intérêt l’exposé de l’animatrice principale de la retraite, la bibliste Barbara Francey, axée sur la mission du prophète. Après cet exposé, les participants se sont scindés en six groupes de neuf personnes dans lesquels ils ont échangé sur la façon de se ressourcer, de puiser de la force ou, encore, de trouver un soutien. A cette question, ils ont unanimement souligné le silence, la parole de Dieu et la présence de ceux qui luttent à leurs côtés. Ces différents groupes ont également proposé des pistes de solutions pour améliorer leur lutte dans le domaine de l’asile. Ils ont suggéré que la présence de l’Église soit renforcée dans les centres d’accueil pour requérants d’asile. L’après-midi a été consacré à l’échange inter-cantonal. Les associations présentes étaient AGORA (Aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile et des réfugiés) pour Genève, le Centre Suisses-Immigrés pour le Valais, Point d’Appui, ARAVOH (Association auprès des requérants d’asile de Vallorbe œcuménique et humanitaire), Café Contact, les Tisserands du monde, le SAJE (Service d’aide juridique aux exilés) pour Vaud, sans oublier Point d’Ancrage pour Fribourg, l’association hôtesse. Les organismes ont présenté leurs délégués et ont expliqué les peines et les joies qu’ils rencontrent dans l’encadrement et l’intégration des requérants d’asile. Citons le cas de l’association Les Tisserands du monde, basée à Yverdon-les-Bains, dans le canton de Vaud. Les délégués de cette association ont affirmé qu’ils trouvent de la joie en distribuant chaque jeudi dès 15 heures de la nourriture à toute personne ou famille dont la demande d’asile a été refusée et qui vit avec l’aide d’urgence ou, encore, à toute personne sans papiers. « Chaque mercredi, nous organisons également un café contact où on peut venir boire un café. C’est un temps d’échanges pour faire connaissance, prendre et donner des nouvelles, accompagner, rire et plaisanter », a indiqué un membre de Tisserands du monde. Comme peines, les participants sont revenus sur le découragement et l’incompréhension. « Que les requérants d’asile sachent qu’en Suisse, il y a des gens qui les accueillent comme personnes et ensemble, on a un combat commun », a déclaré une participante.

Échanger et se ressourcer ensemble

Dans leurs déclarations, les délégués de différents cantons ont reconnu la lourdeur de leurs tâches, se sentant souvent trop seul, et ont promis de se « serrer les coudes ». Une célébration œcuménique, dirigée par le père Jean-Pierre Barbey, a clôturé cette retraite. Une belle occasion pour échanger et se ressourcer. Deux requérants d’asile, de confession musulmane et bouddhiste, ont même pris part à la sainte scène.
Malek Agh, un requérant d’asile iranien habitant Fribourg, a confié à Voix d’Exils sa joie de participer à la retraite: « C’est très intéressant, tout est bon et ça m’intéresse vraiment » ; tandis qu’un requérant d’asile camerounais habitant Neuchâtel, qui a requis l’anonymat, a trouvé l’enseignement « très enrichissant ». « C’est la première fois que j’y participe et c’est comme si j’y avais toujours participé. J’apprécie les efforts qui aboutissent avec des difficultés. Quand je vois comment des gens pieux sont en train de se battre pour défendre les droits, non pas des Suisses ou des requérants d’asile mais de la race humaine, ça me procure de la joie ».
Pour le père Jean-Pierre Barbey, de l’association Point d’Ancrage, « la retraite est venue au bon moment, parce qu’on sent dans les milieux d’accompagnement des requérants d’asile une certaine inquiétude, parfois même du découragement, devant des discours toujours négatifs et exclusifs qui s’imposent de plus en plus en Suisse ; alors que nous qui connaissons les requérants d’asile, nous savons ce qu’ils vivent et par où ils sont passés et ça ne correspond absolument pas à ces discours qui sont majoritaires en Suisse. »
Marianne Buhler, mandataire bénévole et cheffe de la délégation de Neuchâtel, estime, quant à elle, que la retraite lui a permis de « recharger ses batteries ». « Elle me remplit toujours de courage et je suis sidérée de voir combien de bénévoles âgés continuent de travailler. Leur dynamisme me touche », renchérit-elle.
La prochaine retraite aura lieu en 2013 dans le canton de Vaud, les deuxièmes vendredi et samedi du mois de novembre.

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

 

La maison d’accueil de Montbarry en bref

« Le silence, quoique dur à la nature, nous est absolument nécessaire », disait père Antoine Sylvestre DSC01633Receveur (1750-1804), fondateur de la Retraite chrétienne, dont la congrégation est propriétaire de Montbarry ; une pittoresque bâtisse érigée en 1880 au cœur de la verte Gruyère. Elle comprend 50 chambres pour 60 lits, une salle à manger, des salles de réunion et des salons. Elle accueille des groupes, des entreprises, des familles, des couples ou des personnes seules. Montbarry, c’est aussi un lieu de spiritualité basée sur la foi, la pensée et la pratique du père Receveur. On y trouve aussi une chapelle, une grotte dédiée à la Vierge et un oratoire. Cette maison d’accueil, dirigée par le couple Zamofing (Imelda et André), sera fermée dès décembre 2012 pour des travaux de rénovation qui s’élèvent à un montant de 3,5 millions de francs.

P.K.

Infos et contacts

AGORA (Aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile et des réfugiés), Genève : http://www.protestant.ch/enpg/enpg_web.nsf/0/22549a746bf70089c12569170076ba64?OpenDocument

Le Centre Suisses-Immigrés, Valais

http://www.guidesocial.ch/fr/adresse/1292/

Point d’Appui, Vaud

http://eglisemigrationvd.com/web/pages/main.php?page=page3b&lang=FR&title=Point d’Appui#a1

ARAVOH (Association auprès des requérants d’asile de Vallorbe œcuménique et humanitaire), Vaud

http://www.aravoh.ch/

Café Contact, Vaud

http://voixdexils.ch/2011/11/10/%C2%AB%C2%A0nous-contribuons-a-creer-une-harmonie-entre-les-requerants-d%E2%80%99asile-et-la-population-locale%C2%A0%C2%BB/

Les Tisserands du monde, Vaud

http://www.tisserandsdumonde.ch/

le SAJE (Service d’aide juridique aux exilés), Vaud

http://www.heks.ch/fr/suisse/secretariat-romand/saje-service-daide-juridique-aux-exiles/

Point d’Ancrage, Fribourg

http://www.cath-fr.ch/etresolidaire/autressolidarites/pointdancrage

Maison d’accueil de Montbarry

http://montbarry.ch/




Bonne année 2013!

Auteur : Osanpo (CC BY-NC-ND 2.0)

Auteur : Osanpo (CC BY-NC-ND 2.0)

 

Les rédactions valaisanne, vaudoise et neuchâteloise de Voix d’Exils vous souhaitent une belle et heureuse année 2013!