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« L’immigré n’est pas une personne dangereuse, l’immigré est une personne en danger »

Selon une idée reçue largement répandue en Suisse, les immigrés seraient responsables d’un pourcentage élevé de délits. Il en résulte que la criminalisation, la marginalisation et la stigmatisation sont le lot quotidien d’immigrés injustement dénigrés. Témoignages et analyse.

Le sport favori des partis politiques de droite est la stigmatisation des étrangers. L’UDC (Union démocratique du centre) et d’autres partis, aidés en cela par certains médias qui véhiculent et font de cette stigmatisation leurs choux gras, n’hésitent pas à dresser les citoyens suisses contre les étrangers. Pour arriver à leur funeste objectif, ces partis organisent des campagnes racistes, islamophobes et xénophobes pour semer la haine, diviser pour mieux régner ou plutôt pour mieux gouverner.

Le racisme : panache d’ignorance et de bêtise

Une série de stéréotypes concernant les immigrants sont véhiculés par ces politiciens sans scrupules qui présentent les immigrés comme une menace pour la société suisse en leur attribuant tous les maux, entre autres des problèmes d’intégration sociale. D’où de nombreux dérapages.

Flore est une réfugiée d’origine érythréenne. Elle nous dit avoir souffert dans sa chair de la stigmatisation et nous raconte comment, un jour, elle est entrée dans un magasin de vêtements situé au Flon, à Lausanne. Lorsqu’elle a pris un article pour le regarder de plus près, le vendeur lui a dit de « faire gaffe avec ses mains noires ». Aziz nous confie avoir, pour sa part, été prié de « quitter un bar » lausannois où il était allé boire un verre, parce qu’il était, selon lui, « un Arabe ».

« Les thèmes de l’invasion et de la contamination sont courants. Les réfugiés subissent une stigmatisation en Suisse », confirme sous couvert d’anonymat Carla*, une psychologue qui travaille depuis plus de sept ans pour une organisation d’entraide au service des réfugiés dans le canton de Vaud. « Ce qui est reproché aux immigrés c’est de voler les emplois des Suisses et d’envahir leur beau pays ».

Une Suissesse, qui a posté un commentaire dans une pétition en ligne contre l’immigration, affirme qu’elle a quitté l’hôpital un jour, car elle ne supportait pas de partager une chambre avec une « sale » immigrée.

La stigmatisation des immigrés « institutionnalisée » ?

D’après la psychologue Carla, la stigmatisation est principalement provoquée par le fait que « l’individu ne correspond pas à l’attente préconçue de la façon dont les gens devraient être. Les personnes stigmatisées sont considérées comme inférieures, ce qui les place dans une position sociale défavorisée et ce qui conduit à la ségrégation et à une restriction de leurs droits.»

De nombreux immigrés disent qu’ils ont connu la discrimination en matière d’emploi. Qu’ils ont eu du mal à décrocher « de bons emplois » et quand ils ont trouvé un emploi, qu’ils étaient moins bien payés que les nationaux. « Je nuirais à mes parents restés au pays, s’ils apprenaient que je nettoie les maisons des gens en Suisse après avoir étudié pendant de nombreuses années à l’université », confie une femme Camerounaise dont les diplômes ne sont pas reconnus en Suisse. « Nous sommes marginalisés à tous les niveaux. Nos diplômes ne sont pas considérés ici, se plaint Thierry, un immigré d’origine africaine. Les immigrants sont aussi discriminés en matière d’accès au logement. D’autres ne sont pas autorisés à entrer dans les clubs en raison de leur couleur de peau ».

Christophe, immigré Africain vivant en Suisse depuis huit ans, nous raconte avoir été victime d’une discrimination à peine voilée dans un train alors qu’il se rendait à son lieu de travail. « Un jour, alors que je venais de monter dans le train, à peine je m’assois que la contrôleuse se dirige vers moi et me demande mon billet. Surpris par son ton arrogant et méprisant, je lui demande pourquoi elle n’a pas contrôlé les autres passagers avant moi. Elle me rétorque : « parce que vous, les immigrés, vous n’achetez jamais de billets. Sidéré par sa réponse, je présente mon billet valide. Elle vérifie et me le rend sans mot. J’exige des excuses pour son comportement teinté de racisme et de xénophobie et elle me demande carrément de rentrer chez moi si je ne suis pas content ! », conclut Christophe, apparemment très affecté par cette triste expérience. Anita, immigrée d’origine ivoirienne, nous confie que « c’est particulièrement difficile de faire face, car il est impossible de cacher sa couleur de peau. Nul ne choisit de naître blanc, noir, rouge, jaune ou violet. Pour moi un raciste est égal à un terroriste », dit-elle avec amertume.

Selon Marjorie*, assistante sociale suisse travaillant pour une ONG à Lausanne, « les gens ont tendance à regrouper tous les immigrés ensemble selon leur couleur de peau. Il y a des idées stéréotypées et, pourtant, parmi les immigrés, on croise des gens intègres, des gens très cultivés, des intellectuels, des médecins, des journalistes, des hauts fonctionnaires dans leur pays qui, un jour, se sont vus obligés de tout laisser tomber et fuir pour diverses raisons… Le plus souvent pour sauver leur peau. Ce n’est pas juste de les traiter mal juste parce qu’ils viennent d’ailleurs. Penser que les Noirs sont tous des trafiquants de drogue et, par conséquent une menace, est absurde », relève-t-elle.

Comme le dit Jean-Luc Mélenchon, politicien français d’extrême gauche, «  la stigmatisation des migrants est le résultat de l’ignorance et de la haine (en lieu et place de la fraternité) qui guident les débats publics et les discours politiques. Le problème, c’est le banquier, pas l’immigré ! » insiste-t-il. A quand un Jean-Luc Mélenchon en Suisse ?

Fbradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

* Prénom d’emprunt