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« Grâce à Skype, je peux voir grandir mon fils et communiquer avec lui en direct »

Grâce à Internet, Uthayanan peut rester proche de sa famille. Photo: Keerthigan SIVAKUMAR

Le fait d’être séparés de leur famille rend la situation des requérants d’asile encore plus douloureuse. Lorsqu’ils quittent leur pays, ils rêvent déjà du moment où ils pourront revoir leurs proches. En attendant, ils essaient par tous les moyens de garder le contact coûte que coûte.

Les nouvelles technologies permettent à certains de maintenir le lien, d’échanger des nouvelles, d’annuler la distance géographique. Pour d’autres, communiquer avec leurs proches reste

Pema. Photo: Keerthigan SIVAKUMAR

un exercice difficile, voire impossible. C’est le cas de Pema. Cette jeune Tibétaine de 29 ans est arrivée en Suisse en octobre 2011. Voilà deux ans qu’elle a dû quitter son pays et qu’elle ne peut pas entrer en contact direct avec ses parents et son frère restés au pays. « Le gouvernement chinois pense que les Tibétains complotent depuis l’étranger » précise Pema. « Si l’armée chinoise trouve mon lieu de vie actuel à travers ma communication avec mes parents, mes parents seront en danger ». L’armée chinoise a d’ailleurs molesté les parents de Pema pour savoir où se cachait leur fille. En vain. « Mon père et mon frère sont impliqués politiquement. Ils sont accusés de soutenir les rebelles qui veulent un Tibet libre. Mon frère a été capturé par l’armée chinoise » soupire-t-elle. Et les autres Tibétains qui vivent en Suisse, sont-ils dans la même situation ? « Certains de mes amis peuvent parler avec leur famille par téléphone. Cela dépend des raisons pour lesquelles ils ont quitté le pays et aussi du lieu où vit leur famille ».

Pema a tout de même obtenu à deux reprises des nouvelles de ses parents par l’intermédiaire de son oncle qui habite au Népal, et qui va de temps en temps au Tibet pour ses affaires. « Lors de notre dernier contact, il m’a dit que mes parents allaient bien. Mais je n’ai aucune nouvelle de mon frère. Est-il vivant ? Est-il en prison ? Je n’en sais rien… » Séparée de sa famille et de son pays, Pema ne regrette pourtant pas d’avoir tout quitté pour venir s’établir en Suisse.

Bien que douloureuse, la situation d’Uthayanan, 32 ans, est très différente de celle de Pema. Originaire du Sri Lanka,où habitent toujours sa femme et son petit garçon, il est arrivé en Suisse en août 2010 et travaille actuellement comme aide-cuisinier dans le Nord Vaudois. Interview.

Voix d’Exils : Où vit votre famille aujourd’hui?

Uthayanan : Ma femme, mon fils âgé de deux ans et mes beaux-parents habitent Kilinochi, près de Jaffna, la capitale de la province du nord du Sri-Lanka. C’est une petite ville qui a été en grande partie détruite par la guerre.

Êtes-vous régulièrement en contact avec elle?

Habituellement, je téléphone tous les deux jours à ma femme le matin avant de partir au travail et une fois par semaine, nous communiquons à travers Skype. J’ai la chance d’avoir un ordinateur à la maison depuis deux mois. Avant, j’utilisais les ordinateurs de l’espace internet de l’EVAM à Yverdon.

Votre femme a-t-elle facilement accès aux communications là où elle habite ?

A mon arrivée en Suisse, elle habitait la ville portuaire de Trincomalee, où elle avait déménagé après la guerre. J’ai pu la contacter facilement pendant trois mois. A Trincomalee, on trouve les facilités nécessaires pour communiquer en toute sécurité et liberté. Mais, ensuite, ma femme a dû déménager et retourner à Kilinochi où c’est plus compliqué, car elle n’a pas l’électricité pour recharger son téléphone à la maison.

Lorsque vous lui parlez à travers Skype, utilisez-vous une Webcam ?

Je me sens très l’aise avec la webcam. Mais, à cause de problèmes techniques, je ne peux pas toujours l’utiliser alors je me sers du chat vocal. Je ne peux pas chatter par écrit, car je n’ai pas le clavier qui me permet de communiquer dans ma langue : le tamoul.

Et pour votre femme, ça se passe comment ?

Elle n’a pas d’ordinateur à la maison. Le cybercafé dans lequel elle va est toujours plein. Des fois, elle attend plus d’une heure pour avoir accès à un écran.

Quels sont les avantages de communiquer par Internet et de voir ses interlocuteurs ?

La première fois que mon fils m’a vu sur Skype, il ne m’a pas reconnu, il était trop petit. Maintenant, il a presque 2 ans. Quand il me voit, il crie « Appa! » (Papa, ndlr) et il rit.

Racontez-nous une anecdote avec votre fils ?

Un jour, il ne voulait pas manger et ma femme ne savait plus que faire. Elle l’a amené devant l’écran, je lui ai dit qu’il devait manger et il l’a fait. Depuis lors, à chaque fois qu’il refuse de manger, c’est moi qui l’incite à le faire.

Que pensez-vous des espaces internet que met gratuitement à disposition l’EVAM ?

C’est un système qui fonctionne. Mais tout ce que l’on dit peut être entendu par les autres personnes. Comme il n’y a pas de cabine personnelle, il n’y a pas d’intimité.

Arrivez-vous à créer de la proximité grâce à Skype ?

Grâce à Skype et au téléphone, je peux voir grandir mon fils, communiquer avec lui et je maintiens avec ma femme un lien qui reste fort.

Propos recueillis par:

Keerthigan SIVAKUMAR

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils