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Une mère retrouve miraculeusement son fils après six ans de séparation !

Rehema et son fils OmarSéparés durant six ans par la guerre qui fit rage en Somalie, une maman et son fils se sont retrouvés récemment grâce au service de recherche de la Croix-Rouge. Dans les rues de Sierre (Valais), Igor, âgé de 7 ans, et sa mère goûtent enfin à un bonheur familial auquel ils n’ont jamais eu droit. Il a fallu beaucoup d’espoir et bien des péripéties pour en arriver là. Maria*, mère courageuse, nous livre ici le récit des faits ayant conduits à ces retrouvailles qu’elle appelle « un miracle de la vie ».

VDE. Comment se portent le petit Omar et sa maman ?

Maria : Hum ! (silence) Igor* a commencé une nouvelle vie. Il essaie de parler à une mère qu’il ne connaît pas. Il a une nouvelle langue : le français, qu’il apprend, un nouvel environnement à découvrir, une nouvelle école. Bref, il a toute une nouvelle vie pleine de défis à relever. La découverte de son pays d’accueil a été un choc. En voyant du haut de notre immeuble le sol couvert de neige et les rues presque désertes un soir d’hiver, il m’a demandé : « Maman, ici les enfants ne s’amusent pas comme en Afrique? » Je lui ai répondu que nous étions en hiver et qu’il faisait beaucoup trop froid pour que les enfants s’amusent dehors le soir.

Au début, ce n’était pas facile pour lui de comprendre pourquoi il devait aller à l’école, car il n’y était jamais allé. J’ai demandé à ses professeurs de lui accorder une attention particulière. Maintenant, il s’est fait des amis et il change énormément. Quant à moi, je suis comblée de l’avoir à mes côtés et cela me suffit pour aller mieux.

Par quel miracle avez-vous pu retrouver votre fils six années après que la guerre vous a séparés l’un de l’autre ?

Je dois nos retrouvailles au service de la Croix-Rouge qui se charge de rechercher les personnes dont la famille est sans nouvelles. Les faits remontent à 2009, année où je suis arrivée en Suisse, en pleine dépression. Lors d’une consultation, mon docteur m’a demandé de lui raconter mon histoire. Sans hésiter, je lui ai ouvert mon cœur et traduit toute la douleur que pouvait éprouver une mère qui a perdu tout contact avec son unique fils, âgé d’à peine un an. J’ai aussi parlé des autres membres de ma famille dont j’étais sans nouvelles à cause de la guerre en Somalie.

Ému, le docteur m’a informée de l’existence d’un service de la Croix-Rouge avec lequel il proposait de me mettre en relation. Mais à ce moment-là, j’avais besoin de tout, sauf de promesses. Je me suis dit que c’était encore une parole d’espoir que l’on me donnait, faute de m’offrir une solution. Par conséquent, je n’y ai accordé aucune importance.

Contre toute attente, j’ai reçu un jour une lettre de la Croix-Rouge qui m’invitait à Berne. J’ai été reçue par une dame qui m’a demandé de lui raconter mon histoire dans ses moindres détails. Réveiller ce passé douloureux n’a pas été aisé, mais j’ai collaboré autant que possible. A la fin de l’entretien, mon interlocutrice m’a prévenue que les recherches concernant la Somalie étaient difficiles et n’aboutissaient pas toujours. Au lieu de me désespérer, ces paroles ont suscité en moi un espoir insoupçonné. De retour à mon domicile, je me suis mise à prier très fort pour que ce miracle qui se produisait si rarement avec la Somalie se réalise dans ma vie. En fin de compte, il s’est réalisé.

Comment ce miracle a-t-il été possible ?

J’appelais régulièrement la Croix-Rouge pour avoir des nouvelles. Mon interlocutrice m’a fait savoir que des annonces étaient diffusées tant dans leur réseau que sur la radio BBC. Il m’arrivait parfois de perdre patience mais cette démarche étant ma seule raison d’espérer, je n’ai jamais lâché prise… Jusqu’au 19 mars 2010 quand j’ai reçu un message de la Croix-Rouge qui a fait tout basculer. Au bout du fil, mon interlocutrice m’annonçait posément : « Madame, nous avons des indices qui portent à croire que nous avons retrouvé votre fils ». Mais je n’ai pas pu en savoir plus à ce moment-là. La porteuse de la nouvelle s’est refusée à me donner plus de détails tant que toutes les vérifications attestant que j’étais la mère biologique de l’enfant ne seraient pas effectuées.

Cette nouvelle m’a donné du baume au cœur, mais elle m’a aussitôt plongée dans l’angoisse. Je passais des jours entiers à monologuer et à me questionner sans fin. Qu’allait-il se passer si ces vérifications n’aboutissaient pas? Cette flamme d’espoir qui s’éveillait en moi allait-elle s’éteindre subitement ? Aurais-je encore des raisons de vivre ? Je me donnais du courage en me disant : « Si Dieu a permis que l’on retrouve mon enfant, c’est parce qu’il veut nous donner la chance de goûter un jour au bonheur de vivre ensemble ».

Quelque temps après, j’ai reçu la photo de mon fils. A vrai dire, je ne l’ai pas reconnu. Je l’avais perdu lorsqu’il avait à peine un an. Je ne disposais pas d’indices pour le reconnaître six ans plus tard. Mais pour moi, ce n’était pas le plus important : j’avais perdu mon fils, on l’avait retrouvé, donc il devait me rejoindre immédiatement. Mais les choses ne se sont pas passées comme cela. Tant que les résultats du test ADN ne seraient pas connus, nous devions rester séparés l’un de l’autre par des milliers de kilomètres.

Comment avez-vous vécu cette attente ?

Cette attente a été un véritable supplice. Je passais des nuits blanches, les yeux rivés sur la photo de l’enfant, à me demander quand je le verrais. Un jour, comme je m’enfonçais encore dans l’angoisse, la dame de la Croix-Rouge m’a annoncé que le test ADN était positif et que mon fils arriverait en Suisse le 18 novembre 2010. Une immense joie m’a envahie. J’avais reçu la lettre m’annonçant qu’on l’avait retrouvé le 19 mars 2010 et il aura fallu presque neuf mois pour que je le tienne dans mes bras. Tout s’est passé un peu comme lors de ma grossesse, lorsque, jour après jour, je me demandais comment mon enfant se développait dans mon ventre. Mais cette fois-ci, je m’interrogeais sur ses conditions d’existence, si loin de moi. A chaque fois que je mangeais, je me demandais par exemple si lui aussi avait trouvé quelque chose à manger.

Je devais aller l’accueillir à l’aéroport de Zurich. Compte tenu de l’horaire d’arrivée de l’avion, la seule alternative dont je disposais était d’y passer la nuit pour espérer le voir à sa sortie.

Comment se sont passées vos retrouvailles ?

Ce fut l’un des jours inoubliables de ma vie. N’ayant personne, j’ai fait toute seule le déplacement jusqu’à l’aéroport de Zurich. « Igor va-t-il m’accepter comme sa mère ou me renier ? ». La question me tourmentait sans que je puisse y répondre. Debout, partagée entre joie et angoisse, je voyais les heures, les minutes et les secondes s’égrener. Tout d’un coup, j’ai vu une fine silhouette sortir du hall. Mon instinct maternel s’est éveillée d’un coup, je me suis dit sans hésiter : « C’est mon fils ! ». Il était un peu perdu, nos regards se sont croisés. Il m’a regardée comme si j’étais une inconnue. Après un court moment d’hésitation, j’ai couru à sa rencontre, puis je l’ai embrassé. Je l’ai serré fort, très fort dans mes bras, comme si je pouvais rattraper toutes ces longues années de séparation.

Nos yeux se sont embués de larmes. L’émotion était grande. J’aurais aimé avoir quelqu’un avec moi pour garder une photo de cet instant unique. Malheureusement, cela n’a pas été le cas. Mon fils et moi avons réalisé que nous n’avions personne. Dieu merci, il vit aujourd’hui avec moi. Au fil des jours, nous apprenons à nous connaître.

Comment Omar a-t-il survécu durant vos années de séparation ?

Après notre séparation en Somalie, il a été recueilli par une dame qui, fuyant aussi la guerre, s’est réfugiée au Kenya. Suite à l’avis de recherche lancé sur la radio BBC, la bienfaitrice a accepté de donner des nouvelles d’Igor.

Je ne saurais suffisamment la remercier car elle a aimé mon fils comme si elle était sa mère biologique. Elle avait, de son côté, un garçon qu’elle a d’ailleurs présenté à Omar comme son frère de sang. Tous vivaient une vie modeste dont la chaleur familiale était le ciment. Le projet de départ d’Omar pour la Suisse a été un coup de massue qui a bouleversé cette harmonie. J’ai dû convaincre cette femme de laisser Omar me rejoindre. Cela a été pénible mais elle ne s’y est pas opposée. Nous avons pris conscience que nous formons désormais une seule famille. De ce fait, Igor et moi appelons souvent son frère et sa seconde mère qui vivent au Kenya.

Avez-vous quelque chose d’autre à ajouter ?

J’aimerais, à travers vos colonnes, crier ma joie, la joie d’une mère qui a retrouvé son fils. J’ai accepté de témoigner pour apporter un message d’espoir à tous ceux qui ont perdu des proches et qui tentent désespérément de les retrouver. J’ai appris récemment le décès de mon père, mais je suis toujours sans nouvelles de mes trois frères que je recherche activement. Je propose à tous ceux qui recherchent des proches de se joindre à moi pour entretenir la flamme de l’espoir, cette flamme qui nous maintient debout même si tout semble nous faire croire le contraire. Que ceux qui auront l’occasion de faire une démarche de recherche de leurs proches disparus auprès de la Croix-Rouge le fassent avec une ferme conviction, et le miracle qui s’est produit dans ma vie se produira dans la leur.

Par ailleurs, je n’ai jamais revu le docteur qui, à Vallorbe, m’a mise en relation avec la Croix-Rouge. En attendant de le rencontrer un jour, je voudrais profiter de votre tribune pour lui adresser, où qu’il soit, un immense « Merci ! » Merci infiniment d’avoir redonné du sens à ma vie.

* Noms d’emprunt

Interview réalisée par CDM

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Informations :

Les prestations du service de recherche de la Croix-Rouge sont gratuites

www.redcross.ch

‘’Life is not a straight line. Miracles happen when you believe’’

Currently enjoying the happiness to be together with her son, Maria has accepted  to share in English with our readers a short message coming from her heart.

“First of all, I would like to thank God for giving me the chance to be with my son. Secondly, I would like to thank the Swiss government for allowing me to stay in this country and the doctor who came to my rescue when I was depressed and when I had lost hope in life. I would also like to give a lot of thanks to the Swiss Redcross and especially to the Redcross tracing Service and to my social assistant who I used to call all the time. She was always kind with me and she could always give me hope. I would like to pass a message to all the parents and families who have lost their beloved one’s by wars or natural disasters that life is not a straightline. Miracles happen when you believe, so they should have faith in God and when the time comes they will be united together again. I also pray and hope that one day I will find my other three brothers”.

Maria