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« La salle de fitness est un lieu d’intégration »

Le coach Demiri Mesret

Ancien requérant d’asile d’origine kosovare, Demiri Mesret est le responsable de la salle de fitness du Centre sportif de Sainte-Croix. Selon cet adepte de l’exercice physique, le sport aurait de nombreuses vertus. Témoignage.

 

 

 

Lorsqu’il arrive en Suisse pour demander l’asile, Demiri Mesret a 18 ans. Vingt ans plus tard, il a obtenu la naturalisation, s’est marié, est l’heureux père de deux jeunes enfants et exerce comme moniteur de fitness au Centre sportif des Champs de la Joux, centre qui accueille gracieusement les requérants d’asile. Pour cet homme volontaire et dynamique, le sport en salle est une des clés qui ouvre sur l’équilibre et l’intégration.

Comment êtes-vous devenu moniteur de fitness à Sainte-Croix?

Dès mon arrivée en Suisse, j’ai fait du fitness et j’ai étudié le fitness, d’abord par moi-même à la maison. Ensuite j’ai suivi une formation de moniteur à l’International Fitness Aerobic School de Nyon. Et depuis environ huit ans, je travaille dans la salle de musculation du Centre sportif de Sainte-Croix.

S’agit-il d’un travail ou d’un loisir ?

J’ai un autre travail qui me permet de vivre : je suis boulanger. Mon activité de moniteur de fitness est d’avantage un travail accessoire ou un hobby.

Lorsque vous étiez vous-même requérant d’asile, y avait-il une salle de sport ou de fitness disponible pour les requérants ?

J’ai d’abord vécu pendant trois mois à Kreuzlingen dans le canton de Thurgovie. Il y avait des salles de musculation, mais elles étaient payantes. A Sainte-Croix, ça fait environ huit ans que la salle de sport s’est ouverte et à peu près un an que les requérants ont le droit d’y faire gratuitement du fitness quatre jours par semaine de 17h30 à 20h00. Cette salle est également fréquentée par des étudiants du Centre Professionnel du Nord-Vaudois et par les membres des Sociétés de volley, de badminton, de tennis, de foot, de hockey ainsi que par les pompiers et les employés communaux.

Quelles sont les relations entre les requérants qui viennent faire de la musculation et les habitants de Sainte-Croix qui fréquentent la salle de sport?

Ils s’entendent bien. Il n’y a aucun problème entre eux.

Que faites-vous concrètement en tant que responsable de la salle de fitness pour que ces deux mondes communiquent entre eux?

A la fin de chaque journée, je leur propose de jouer ensemble requérants et gens d’ici. Au volley avec les équipes de volley féminin et au football avec les élèves du Centre Professionnel du Nord Vaudois. Ce sont des moments très appréciés.

En quoi l’accès à la salle de musculation a changé la vie des requérants d’asile qui la fréquentent?

Si on parle des requérants qui sont actuellement à Sainte-Croix, je dirais que c’est un très bon moyen de s’adapter à la Suisse, de rencontrer des gens d’ici. En tout cas, ils ont l’air d’être contents d’avoir une salle à disposition. Ce n’est pas partout qu’ils ont cette chance-là.

Combien de personnes fréquentent la salle de fitness ?

Il en vient une vingtaine par jour. Une dizaine de requérants et un peu plus d’habitants de Sainte-Croix et d’élèves du Centre Professionnel du Nord Vaudois qui viennent, eux, des quatre coins du canton de Vaud.

Est-ce qu’il y a des femmes ?

Il y a deux à six femmes qui fréquent la salle de fitness quotidiennement, pour beaucoup des Erythréennes.

Et vous, qu’est ce que cela vous apporte d’entraîner des requérants?

En tant qu’ancien requérant, je sais que faire du sport c’est se faire du bien. Rester tout le temps enfermé dans le Centre d’accueil, ce n’est pas vraiment l’idéal. Je suis bien placé pour savoir que leur vie n’est pas facile. Cela me fait donc plaisir de pouvoir les aider. La salle de fitness est vraiment un lieu où on peut se relaxer, s’occuper de soi, de sa mise en forme.

Quelle est la place du sport dans la vie des requérants?

La plupart ne font pas de sport parce qu’ils ont l’esprit occupé ailleurs et qu’ils ont beaucoup de soucis. Pourtant, les efforts physiques aident à se remonter le moral, à se motiver.

Est-ce que le fitness joue un rôle dans l’intégration ?

Oui, le sport permet de rencontrer du monde. Le sport permet de s’adapter aussi au pays dans lequel on vit, parce qu’on rencontre des gens qui ne sont pas tous des requérants. On discute, on fait connaissance.

Propos recueillis par :

 Javkhlan TUMURBAATAR

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils