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A la découverte des combats de reines en Valais

Manathan versus Fleuron lors de la finale

Des journalistes de Voix d’exils – l’un Serbe du Kosovo, l’autre Togolais – ont assisté à la finale nationale des combats de reines, les 7 et 8 mai derniers à Aproz. Tandis que les animaux bataillaient pour gagner des trophées, ils ont mené leur propre bataille, dans la poussière et les clameurs, pour comprendre les règles de ces combats dont ils ignoraient tout.

Un après-midi de mai, en pleine séance de rédaction, une discussion démarre devant l’affiche annonçant la prochaine finale des combats de reines. L’image montre deux vaches, sonnette au cou, s’affrontant avec hargne. Des vaches qui se battent entre elles? Nous avions connaissance des combats de taureaux mais pour les vaches, c’est du jamais vu. Intrigués, nous décidons de nous rendre sur place.

Le public en liesse

Deux jours durant, nous avons donc arpenté l’arène d’Aproz. Sous un soleil de plomb, nous avons pu observer la combativité des vaches d’Hérens et mesurer l’attachement que les Valaisans éprouvent pour cette race et ces combats traditionnels.

 

 

 

Le triomphe de Manathan

Manathan tirée par un rabatteur

Manathan! Retenez ce nom, c’est celui de la vache d’Alain Balet, déclarée victorieuse à l’issue des joutes. Elle y a vraiment fait sensation. Solidement bâtie avec ses 806 kg, elle a tout d’abord joué avec le public et feint une sortie. Rattrapée à toute vitesse par son maître et des rabatteurs, la bête a malgré tout fait demi-tour et s’est positionnée pour le combat. Cette fois-ci, non plus pour faire défection, mais pour donner du fil à retordre à toutes ses adversaires, jusqu’à la victoire finale. L’enjeu était de taille. Manathan le savait probablement, à en juger par la manière dont elle s’est montrée sans pitié vis-à-vis de ses adversaires. Alors que Veielett, tout effrayée, venait de déclarer forfait contre elle, Flora s’est avancée pour l’affronter. Mais pas pour longtemps, le combat n’a duré que le temps d’un éclair. Les commentaires vont bon train dans le public. Un spectateur apprécie le courage des bêtes en compétition et rappelle tout particulièrement, concernant Veielett, qu’elle a fait de son mieux. Cette bête de Williner Anton, dit-il, est à peine à 90% de sa forme. Elle ne s’est pas totalement remise de son hospitalisation, il y a deux ans, à l’hôpital vétérinaire de Berne. Manathan, au top des pronostics s’est plu à regarder le duel entre Natty et Simba de Samuel Dorsaz. Un combat serré que Simba va gagner, mais dont elle sortira épuisée. Après quelques minutes de pause, elle affrontera Manathan qui va triompher, s’octroyant ainsi le ticket de la finale nationale des reines. Mais, jusque-là, rien n’est encore gagné.

Un entrainement d’athlète

Le combat final

Il sonne 18h20. Nous sommes à quelques minutes de la finale. Dans le stade, 12000 spectateurs sont impatients de connaître la reine des reines. Le présentateur annonce le contrôle antidopage des concurrentes. Un trompettiste met de l’ambiance. Les minutes s’égrènent. Un groupe de spectateurs rend hommage aux éleveurs sans lesquels ce spectacle n’aurait pas été possible. Ces derniers entraînent leurs bêtes comme des athlètes, spécialement à l’approche des combats : course d’une demi-heure par jour sur des terrains pentus pour la musculature, alimentation équilibrée, riche en foin, céréales, vitamines… sans compter les petites recettes personnelles. Le moment tant attendu arrive enfin. Pouky, Versailles, Fleuron et Manathan, les quatre vaches qualifiées pour la finale, font leur entrée dans l’arène. Ces bêtes, bien connues pour leur performance, ont toutes été une fois reine. L’heure n’est donc pas à l’amateurisme. La moindre erreur peut s’avérer fatale. Très vite, Manathan et Fleuron éliminent leurs adversaires respectives. Maintenant vient le dernier face à face. Alors que Fleuron, dont Mikael Udry est l’heureux propriètaire, présente des signes de fatigue et n’arrête pas de baver, Manathan, elle, est pleine forme. Le dernier duel sera vraiment court. Manathan enchaîne les coups de cornes et Fleuron abandonne la partie en l’espace de trois minutes, consacrant ainsi la victoire de la redoutable Manathan. Sous les ovations d’un public passionné, constitué de politiciens et de citoyens ordinaires, cette dernière fait ses adieux, fière d’avoir livré avec brio le dernier combat de sa carrière. Le calme revenu, nous réalisons qu’après bien des fatigues, nous avons progressé dans notre connaissance de notre pays d’accueil. Nous avons touché l’âme du Valais, nos cœurs battant à l’unisson au fil des combats. C’est confirmé : l’intégration peut passer par des voies bien étranges en terre valaisanne !

Dusan et CDM

Membres de la rédaction de Voix d’Exils


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Les règles du combat

Rencontres sportives drainant des foules, les combats se déroulent entre deux vaches qui se dressent l’une en face de l’autre et se poussent avec acharnement front contre front jusqu’à ce que l’une d’entre elles se détourne. Celle qui a gagné va en affronter une autre et, après maintes joutes, la meilleure combattante est déclarée « Reine » par un jury.

Ce sont les vaches de la race d’Hérens qui s’affrontent durant les combats de reines. Ces dernières sont dotées d’un tempérament vif et belliqueux qui se traduit par l’exercice d’un rituel de domination. En effet, lorsqu’elles rencontrent une congénère pour la première fois ou qu’elles ne se sont pas vues pendant un moment, la plupart d’entre elles se battent avec hargne. Cette aptitude est la base des combats de reines qui ont lieu chaque printemps. Les affrontements sont donc naturels et occasionnent rarement des blessures. Les combats auxquels se livrent naturellement les vaches lors de la mise à l’herbe, de la montée à l’alpage (inalpe) ou lors de la réunion de deux troupeaux en témoignent.

En Valais, ils opposent des centaines d’animaux répartis en diverses catégories selon l’âge et le poids. Des combats similaires ont lieu depuis quelques années en France, notamment dans la vallée de Chamonix qui jouxte d’ailleurs la Suisse.




Les habitants du quartier lausannois de Montelly s’unissent pour une meilleure qualité de vie

Montelly en fête

Un chemin sécurisé pour les enfants et des jardins familiaux : ces deux nouveautés, qui font la fierté des habitants de Montelly, ont été fêtées le samedi 14 mai dernier. D’autres améliorations, elles aussi impulsées par un « contrat de quartier », devraient suivre prochainement.

A 14 heures, le Brass Band X-Five a lancé en musique – et sous la pluie ! – l’ouverture des festivités. Les enfants de 5 à 12 ans avaient l’embarras du choix : passer à l’atelier Pousses Urbaines, se faire maquiller, participer à une fresque murale ou écouter des contes avant de savourer le goûter offert par les commerçants du quartier.

Les curieux de tous les âges étaient invités à une visite guidée du nouveau chemin piétonnier destiné aux jeunes enfants ainsi que du site du futur « plantage ». Puis, les promeneurs et les autres se sont restaurés à l’un des stands installés devant la garderie. Les requérants d’asile de la Tour grise, un immeuble de Montelly qui appartient à l’EVAM (Etablissement vaudoise d’accueil des migrants), ont eux aussi pris part à la fête.

Ces deux réalisations s’inscrivent dans une démarche participative liée à des projets de développement urbain et activement soutenus par la ville de Lausanne. C’est dans ce contexte, qu’a été créée, en juin 2010, à Montelly, une commission de quartier. Forte de 12 membres, elle a organisé quatre groupes de travail qui ont planché avec l’aide des habitants sur des thèmes qui les concernent de près : la mobilité, la solidarité, les espaces publics et les services de proximité.

Trois regards sur un quartier en mutation 

Geneviève Ziegler, travaille pour la ville de Lausanne sur le projet du quartier de Montelly :

« 12 habitants se sont mobilisés pour essayer d’améliorer les conditions de vie du quartier. On a commencé par faire une enquête en demandant aux habitants ce qu’ils voulaient changer. On a alors recensé une liste de 18 projets. Aujourd’hui, c’est la fête pour mieux se connaître, pour marquer une année de réflexions et d’initiatives des habitants. On fait la fête aussi pour inaugurer les deux premiers projets soit : la liaison piétonne qui permet aux enfants d’aller à l’école en empruntant un chemin sécurisé et le jardin de plantage à Florency, où on va planter un arbre et des tournesols aujourd’hui. Ce grand jardin s’ouvrira cet automne. Des petits terrains seront ainsi mis à disposition des personnes qui habitent le quartier dans un rayon de cinq minutes à pieds, pour qu’elles puissent venir régulièrement s’en occuper. »

Andréa Aigui, habite le quartier depuis 1975, membre de la commission :

« La liaison piétonne entre la garderie et l’école de Montois était vraiment une nécessité. Avant, les deux groupes de vingt enfants, qui font le trajet quatre fois par jour, devaient emprunter un trottoir qui, par endroits, devient très étroit. Vers 11h00-12h00, il y a beaucoup de circulation, les voitures entrent, sortent, sont mal parquées et tout cela empêchait les enfants de passer en sécurité. Alors, on a créé un chemin de liaison, comme ça les enfants ne sont plus au bord de la route, ils ne sont plus en contact avec les voitures. Cette question de sécurité est très importante ».

Raphaelle Deshayes, habite le quartier, membre de la commission :

 « Le contrat de quartier est une démarche initiée par la ville de Lausanne dans le but d’aller à la rencontre des habitants de Montelly pour qu’ils puissent faire des propositions pour améliorer la qualité de vie de leur quartier. Avec eux, on a travaillé sur différents thèmes, comme les liaisons entre les bus, la mobilité douce. On a aussi travaillé sur les questions de solidarité, sur comment favoriser les relations entre les jeunes et les personnes âgées, les relations entre les différentes nationalités. On a planché sur la question des aménagements urbains en réfléchissant notamment à comment, avec de petits aménagements, on peut améliorer la qualité de vie du quartier. D’où l’idée du plantage. Aujourd’hui, c’est la première fête du quartier. Elle répond aux envies des habitants. J’espère que notre démarche va perdurer et se développer ».

Niangu NGINAMAU & Javkhlan TUMURBAATAR

Membres de la rédaction lausannoise de Voix d’Exils




Les cybercafés de l’EVAM fleurissent à la vitesse supersonique

Le cybercafé de Leysin

Un septième espace internet doté de quatre postes informatiques a ouvert ses portes le 2 mars 2011 au  foyer Sainte-Agnès de Leysin. Il offre la possibilité aux migrants et à la population autochtone de surfer gratuitement sur le web.


Les cybercafés se sont développés dans le but de permettre aux seniors, aux personnes défavorisées et aux jeunes en formation d’accéder aux ressources d’Internet, ce en partenariat avec feu l’association Jocker qui a cessé ses activités à la fin de l’année 2010. Après Renens en 2007, Moudon en 2008, Yverdon-les-Bains et Sainte-Croix en 2009, Bex et Aubépines en 2010, c’est au tour de Leysin de s’accrocher à la toile au début du mois de mars de cette année. L’ouverture de ce nouveau cybercafé s’inscrit actuellement dans une dynamique impulsée par Pierre Imhof, Directeur de l’EVAM.

L’inauguration du nouveau cyberespace de Leysin a eu lieu en présence d’invités de marque dont des conseillers municipaux, le préfet du district d’Aigle, des bénévoles et de nombreux collaborateurs de l’EVAM dont Christine Blatti Villalon, responsable du Secteur Est et Afif Ghanmi. La cérémonie a débuté avec un discours soigneusement mijoté par Christine Blatti Villalon qui a gratifié les personnes ayant répondu à l’invitation ainsi que celles qui ont contribué à la réalisation de l’ouvrage. Puis Pierre Imhof a remercié à son tour les animateurs des Programmes d’occupation Peinture et Nettoyage pour leur contribution, ainsi que le Programme cuisine qui s’était occupé du buffet avant de « couper le ruban inaugural » en invitant les convives à tester la nouvelle installation. Lors de son intervention, le Directeur de l’EVAM a souligné qu’au début « c’était les routes qu’il fallait désenclaver.  Aujourd’hui, c’est internet. Internet permettra aux migrants de garder le contact avec leur pays, de se faire des contacts, de s’intégrer ou de se créer des projets de retour au pays ».

Comme pour lui donner raison, hommes, femmes et enfants, transportés par leur joie, se sont bousculés pour être les premiers à découvrir le joyau et pour pianoter sur les quatre postes informatiques reliés à une imprimante dans un espace entièrement rénové et spécialement aménagé à cet effet.

Favoriser les échanges entre migrants et population locale

L’expérience l’a démontré, internet peut changer radicalement la façon dont les requérants vivent, travaillent, communiquent, se divertissent et participent à la vie publique dans la société d’accueil, note Christian Vago coordinateur en charge des cyberespaces. L’introduction d’internet dans leur quotidien, grâce à la mise à disposition de cybercafés, porte ses fruits en les éloignant de l’ennui. Sans compter que l’ouverture à la population locale favorise et facilite le rapprochement entre les requérants et les gens du lieu.

Les cybercafés de l’EVAM sont animés par des médiateurs inscrits au Programme d’occupation Communication. Programme qui offre notamment une formation et des cours pour débutants aux personnes intéressées. Le cybercafé de Moudon a ainsi proposé huit séances d’initiation à l’informatique pour les seniors, fruit d’une parfaite collaboration entre l’EVAM et Pro Senectute.

Les utilisateurs doivent parfois surmonter une série d’obstacles qui les empêchent d’utiliser internet de manière efficace : le faible niveau d’alphabétisation pour certains, les lacunes en langues anglaise ou française pour d’autres ou, simplement, le manque de connaissances en informfatique. Aufta, Somalien de 25 ans, vivant à Leysin depuis seulement trois mois, compte saisir l’opportunité de la venue de ce cybercafé pour progresser : « ça va me permettre de trouver des sites pour l’apprentissage du français. Je vais développer mon vocabulaire ce qui pourrait, plus tard, me permettre de trouver un travail ». Quant à Mouindin Bdoulkhadir, d’origine somalienne et pensionnaire du foyer EVAM de Leysin depuis plus de deux ans, il exprime sa satisfaction sans réserve : « un cybercafé, c’est bien, je peux communiquer avec ma famille qui est restée au pays ».

18 052 usagers en 2010

Sept cybercafés EVAM ont vu le jour depuis 2007. Celui de Sainte-Croix caracole en tête des cafés les plus fréquentés avec 8768 usagers sur l’année et qui comptabilise aussi, curieusement, les frais d’impression par usager les plus bas. Il est suivi par le cybercafé de Renens avec ses 4242 utilisateurs, puis Yverdon avec qui en compte 2635 et qui est talonné par celui de Moudon avec ses 1974 usagers. Bex, qui a ouvert en novembre dernier, s’affirme déjà avec 308 usagers et pour boucler notre classement, le cybercafé des Aubépines à Lausanne qui en compte 125. Rien qu’en 2010, les utilisateurs se sont connectés 33’99o fois aux 36 postes mis à disposition.

A Leysin, comme dans tous les cybercafés EVAM, les utilisateurs peuvent s’inscrire pour des périodes d’une demi-heure renouvelables en cas de disponibilité des postes informatiques. En plus de cela, une aide et un soutien peuvent être apportés par l’équipe des médiateurs EVAM aux utilisateurs si ces derniers rencontrent des problèmes. Tout se passe sous la responsabilité d’un médiateur, lui-même requérant d’asile du Programme d’occupation Communication, qui assure la gestion des lieux et garantit le respect du matériel et du règlement.

Gervais Njingo Dongmo

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils





« La Suisse doit valoriser les savoirs des requérants d’asile »

Marianne Ebel. Photo: CDM

Professeure de philosophie au lycée à la retraite, Marianne Ebel affirme que les migrants, particulièrement les requérants et requérantes d’asile, disposent de mines inexploitées de savoirs. S’exprimant en marge d’un cours-séminaire organisé le 5 mai dernier à l’Université Ouvrière de Genève intitulé « Repenser l’exil », cette neuchâteloise exhorte les autorités helvétiques à trouver le moyen de valoriser ces ressources au lieu de les négliger.

Voix d’Exils : Quel regard portez-vous sur les savoirs des requérants d’asile ou des personnes migrantes ?

Marianne Ebel : Les personnes migrantes, en particulier les requérant-e-s, disposent de mines de savoirs qui sont malheureusement inexploitées et ignorées dans nos pays. Le monde occidental, dont la Suisse fait partie intégrante, s’appauvrit en ne prenant pas en compte toutes les connaissances des requérant-e-s qu’il accueille.

Je voudrais illustrer mes propos avec une des nombreuses expériences auxquelles j’ai été confrontée durant ma carrière d’enseignante de philosophie. Un jour, mes élèves m’ont demandé de leur enseigner la philosophie chinoise en plus de la philosophie occidentale. Je ne lis pas le chinois et je ne pouvais donc pas prétendre enseigner valablement la philosophie chinoise. Je connaissais un requérant d’asile chinois qui avait fait des hautes études en la matière et qui aurait volontiers accepté de faire part de sa science à cette classe. Mais l’administration de mon lycée n’y a pas été favorable, au motif qu’il n’avait pas les diplômes requis. Les élèves, qui étaient pourtant enthousiastes à l’idée d’approcher la philosophie chinoise, ont en fin de compte été privés de cette découverte. Vous pouvez imaginer leur frustration.

Des expériences de ce genre, on peut sans doute les multiplier à volonté. Il faut préciser que le savoir dont il est question ici n’est pas seulement académique. Nous gagnerions beaucoup si nous savions mieux prendre en compte non seulement les connaissances, mais aussi les expériences de vie des requérant-e-s d’asile. Ce qui en fait la richesse, c’est que ce sont des personnes qui proviennent de cultures, d’origines et d’horizons divers, qui ont traversé des expériences bonnes comme mauvaises et qui ont des histoires uniques et enrichissantes à raconter, si seulement on leur en donnait la possibilité. C’est clair que nous nous enrichirions mutuellement en valorisant les ressources des requérant-e-s d’asile et plus généralement des migrant-e-s au lieu de les négliger.

Qu’est-ce qui explique cette négligence des compétences des requérant-e-s d’asile ?

Les causes sont multiples, mais il ne fait pas de doute que cette situation a des origines politiques. Les lois, telles quelles sont élaborées, n’offrent pas une grande marge de manœuvre aux migrant-e-s, surtout quand ils sont requérant-e-s d’asile, pour partager de manière formelle leurs savoirs avec notre société. A cela s’ajoutent les préjugés que nous développons à tort vis-à-vis de ces derniers. Voilà qui empêche aussi bien une reconnaissance de leurs savoirs, qu’un examen sérieux pour voir de quelle manière nous pourrions en tirer profit. Ce à quoi on assiste le plus souvent, c’est que des migrant-e-s ou réfugié-e-s reconnu-e-s, animé-e-s du désir de réussir en Suisse, se trouvent de fait dans l’obligation d’assimiler nos valeurs et nos savoirs académiques. Nous tous, mais en particulier nos élèves et étudiant-e-s, perdons beaucoup à devoir nous limiter au point de vue dominant de notre pays et du monde occidental, et à n’avoir qu’une notion vague, voire aucune, des autres parties du monde. Le savoir est non seulement vital pour l’épanouissement de l’être mais de surcroît, à l’ère de la mondialisation, il constitue une force dont nous ne devrions pas priver nos jeunes. Pendant qu’il est encore temps, profitons de la présence des requérant-e-s autour de nous pour instaurer un cadre d’échanges enrichissant entre leurs savoirs et les nôtres.

Que faire pour changer la donne ?

C’est avant tout une question de volonté politique. Nous avons des lois qui excluent les requérant-e-s d’asile que l’on qualifie souvent de sans-papiers. Pour donner l’opportunité à ces derniers de partager avec nous leurs expériences et d’apprendre en retour de nous, il faudrait donc agir sur nos lois en les rendant plus souples de manière à favoriser un échange véritable. Je demeure convaincue que la Suisse doit valoriser le savoir des requérant-e-s d’asile. Nous devons, pour ce faire, avoir le courage de poser le sujet sur la table et d’en débattre avec franchise. Je lance un appel aux acteurs du monde universitaire, mais aussi du monde politique pour œuvrer afin que cette réflexion soit menée. Pour cerner l’importance de la problématique, il est important de nous interroger constamment sur ce que nous perdons à ne pas prendre mieux en considération les savoirs des personnes migrantes et spécialement des requérant-e-s d’asile.

Je mesure la forte dimension politique du sujet, mais je trouve que l’instauration d’un cadre d’échanges de savoirs serait bénéfique pour tout le monde. Pour nous, l’apport d’un tel partage serait évident, quant aux requérant-e-s d’asile ils se sentiraient sans doute ainsi un peu mieux compris et mis en valeur. Nous devrions donner à celles et ceux qui le désirent la possibilité d’accéder librement à nos universités et à nos centres de formation. Jusqu’ici, le monde occidental, dans son ensemble, semble traîner les pieds en la matière, mais la Suisse pourrait montrer l’exemple en trouvant un mécanisme adéquat pour valoriser les savoirs des requérant-e-s d’asile qu’elle accueille sur son sol. Je suis persuadée que nous avons tout à y gagner, il nous suffit d’oser.

Interview réalisée par CDM

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

Infos :

Cours-séminaire « Repenser l’exil » animé par la Prof. Marie-Claire Caloz-Tschopp. Dernière séance printemps 2011 ce soir, jeudi 19 mai, 17:45, à l’Université Ouvrière de Genève (Place des Grottes 3, 1201 Genève).

Entrée libre.

Descriptif du cours-séminaire « Repenser l’exil »






Des jeunes requérants découvrent le monde agricole

Le petit Ebenezer en compagnie de « sa vache »

Un groupe de treize enfants requérants d’asile du foyer de Martigny est allé à la découverte des réalités de la campagne en avril dernier. Au programme : visite aux vaches, aux poules et, pour finir, jeux en plein air… Retour sur une rencontre instructive à plus d’un titre.

« Connaissez-vous le rôle de l’agriculture ? », lance tout gaillard le propriétaire fermier, Jean Moulin, à un groupe de jeunes requérants d’asile. « Ben… L’agriculture sert à produire de quoi manger », répond spontanément un enfant. « C’est vrai ! Mais à part ça, elle permet de protéger la nature », ajoute l’agriculteur.

C’est par ce dialogue instructif que commence le 27 avril à Etiez, dans le canton du Valais, la visite effectuée par un groupe de treize enfants, hébergés au foyer de Martigny. Initiée par quatre étudiantes de l’école de commerce de Martigny, à savoir Emily, Sarah, Monica et Aline, la sortie fait partie d’un projet d’études : « Il nous a été demandé, dans le cadre de notre formation, de monter un projet. Nous avons choisi de le faire avec des enfants requérants d’asile », explique Emily. Toute souriante, sa camarade Sarah livre ensuite les autres objectifs de la rencontre: « On s’est dit que ces enfants vivent tous en ville et qu’il fallait leur faire découvrir les merveilles de la campagne valaisanne. On s’attend donc à ce qu’ils s’amusent bien. »

Parlant de s’amuser, le pari est visiblement gagné. Car les enfants, très dégourdis, ont beaucoup apprécié les découvertes faites à la campagne. Ils n’ont pas caché leur joie lors de la visite de la ferme dans la matinée ou lors des jeux concours dans l’après-midi.

« Je t’aime bien ! »

« Oh, je t’aime bien toi !» Ces paroles du petit Ebenezer ne s’adressent pas à une personne mais à une vache. Pour la première fois de sa vie, tout comme beaucoup de ses camarades, il se trouve nez à mufle avec une vache. Les autres enfants aussi multiplient caresses, paroles douces et manifestations de tendresse à l’endroit des animaux. Outre l’étable et les vaches, ils visiteront également les poules dans le poulailler. Là encore, ils ne font pas mystère de leur joie. Une intimité se crée même entre eux et le monde animal. Pour preuve, une petite fille est au bord des larmes lorsqu’elle réalise qu’elle devra se séparer d’une poule qu’elle a, pour la première fois de sa vie, tenue dans ses bras une bonne partie de la visite.

La rencontre sera l’occasion, pour les enfants, de poser toutes sortes de questions visant à mieux connaître l’univers agricole. Combien pèse une vache à la naissance ? Donne-t-on des produits spéciaux aux vaches qui livrent des combats ? Combien d’œufs une poule peut-elle pondre par jour ? A quelle heure se lèvent les paysans?

« Ces enfants sont comme tous les enfants : débordants de curiosité. Cela m’amène à dire combien il est important d’éviter toute discrimination ou tout préjugé entre enfants requérants d’asile, enfants Suisses ou d’ailleurs. Pour moi, un enfant est un enfant et je souhaite qu’il en soit ainsi pour tout le monde », déclare Jean Moulin. De son côté, sa femme Fabienne, confesse : «  En voyant comment ces enfants ont tenu avec tendresse la poule entre leurs mains, je n’ai pas eu le courage de leur dire la vérité quand une petite fille m’a demandé : Est-ce que ce sont ces poules si charmantes que vous tuez pour la vente dans les supermarchés ? » Et de poursuivre : «  Je me suis contentée de déformer la vérité en disant : Non ! Les poules que vous achetez sont produites différemment. »

Après la visite de la ferme, la journée se poursuit avec des jeux et des concours tels la course au sac, les mots mêlés, le jeu du touché, du goût… toutes activités qui enthousiasment les enfants.

Rendez-vous l’hiver prochain

Il est presque 15 heures, le moment de quitter la campagne pour la gare d’Etiez afin de ne pas rater le train à destination de Martigny. Sur le chemin du retour, les enfants font le bilan de leur sortie : « C’était super », déclare l’un. « Moi j’ai particulièrement aimé le jeu du touché »,’ renchérit un autre. « Je voyais les poules dans mon cahier de dessin, mais jamais je n’aurais imaginé que je les verrais de mes propres yeux », conclut une autre.

Tous ou presque manifestent le désir de retourner à Etiez une autre fois ou tout au moins de renouer avec l’ambiance de la campagne. D’ailleurs, lorsque Monsieur Moulin leur pose la question, « Est-ce que quelqu’un voudrait venir travailler ici l’hiver prochain ? », une dizaine de candidats se portent spontanément volontaires. Un enfant poussé par le bons sens et la malice prend néanmoins le soin de s’informer : « Monsieur, combien nous paierez-vous ? » Et Monsieur Moulin de répondre : « Passez-moi un coup de fil le moment venu et on en discutera. »

Attendons donc l’hiver prochain pour voir ceux qui renoueront avec la campagne en répondant présents au rendez-vous hivernal.

Constant et CDM

Membres de la rédaction de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils