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Un café au goût unique

Bénévoles au Café-Contact de Ste-Croix

Deux bénévoles du « Café-contact » au foyer de Ste-Croix

Aux abords des centres d’enregistrement et des foyers pour requérants d’asile, des acteurs de l’ombre sont une source de lumière dans les ténèbres : les bénévoles réchauffent le cœur et le corps des migrants qui débarquent.

 

Ils ne font pas partie des fonctionnaires de l’Office fédéral des Migrations (ODM) qui traitent les procédures d’asile à Vallorbe. Ils ne ressemblent en rien aux agents de sécurité qui nous effrayent avec leur uniforme, nous fouillent et vont même jusqu’à exiger que l’on baisse nos sous-vêtements, histoire de contrôler nos sexes, se substituant aux policiers ou aux gardiens de prison, abusant de leur fonction dans l’application brutale des instructions vis-à-vis des pauvres gens qui débarquent pour trouver un abri en Suisse. Ils n’ont rien à voir non plus avec les assistants sociaux, qui dans leur majorité voudraient objectivement faire leur travail mais qui ont très peu de crédibilité auprès des requérants en raison de l’ambiguïté de leur statut.

Ce sont simplement des personnes dotées d’un grand sens de l’humanisme et dont le pragmatisme est sans limites. Pour eux le mot égoïsme n’existe pas. Leur soutien moral sans faille, à deux pas du Centre d’enregistrement et de procédure (CEP) et à travers l’Association auprès des Requérants d’Asile de Vallorbe, Œcuménique et Humanitaire (ARAVOH), communément appelée « Mama Africa », donne une lueur d’espoir aux migrants alors qu’ils se trouvent dans le collimateur de l’ODM.

Ces bénévoles nous ont montré un autre côté de l’existence. Ils n’ont pas eu peur de nous approcher et de nous offrir présence, écoute et partage de nos désarrois et de nos angoisses, répondant dans la mesure du possible à nos innombrables questions. Ainsi témoigne Idrissou, jeune requérant guinéen de 22 ans, qui assure leur devoir sa survie en Suisse : frappé d’une décision de non-entrée en matière à son arrivée et très bouleversé par la suite, ce solitaire a été informé par le biais des bénévoles qu’il avait la possibilité de déposer un recours, ce qui lui permet aujourd’hui de continuer non seulement de résister, mais aussi et surtout d’espérer.

Les requérants se rendent fréquemment dans le local spacieux de la gare de Vallorbe où ces prophètes du bonheur offrent le sourire qui leur manquent profondément. Ainsi, autour d’un café au goût magique et unique gracieusement offert par ces chefs de familles, mères au foyer et travailleurs, ils reçoivent chaleur et convivialité. Des dons qu’ils affirment ne jamais pouvoir rembourser s’il le fallait, même après des décennies  de travail en Suisse. Aucun requérant d’asile passé par Vallorbe n’est près d’oublier Mama Africa, avec qui ils sont devenus une famille. C’est ainsi qu’un requérant burkinabé nous confie qu’il garde jalousement son premier et unique bonnet ainsi qu’une veste offerts par l’association.

Certains de ses membres vont même accompagner les migrants dans le périlleux chemin de l’intégration. Ils tentent par tous les moyens de leur faire oublier les événements violents vécus dans leur pays de provenance et la solitude du pays d’accueil, afin de ne pas les laisser plonger dans la déprime.

Au foyer de Sainte-Croix, même dévouement tous les lundis au « Café-contact » : des bénévoles nous offrent des collations, occasion de rencontres et d’échanges pouvant déboucher très souvent sur des aides personnelles, avec en plus un vestiaire qui nous permet de nous vêtir au prix de rien. Alors qu’à l’extérieur nous faisons face à des visages froids et rigides, là par contre ils nous aident à franchir les multiples obstacles qui sont dressés devant nous, diminuant la hauteur des murs de séparation et luttant contre les préjugés. Selon leur président, Paul Schneider, leur motivation est tout d’abord chrétienne : pour eux, l’amour du prochain prime.

Ces personnes, légions de par la Suisse, sont des humanistes qui ne demandent rien en retour aux requérants, si ce n’est de mener une vie digne et de se conformer à la législation helvétique, intégration à laquelle ils participent. Il est vrai que les migrants ne se conforment pas toujours comme il faut pour mériter leurs sacrifices, quand on sait que beaucoup ignorent les règles les plus élémentaires de la politesse, le mot merci n’existant pas dans le vocabulaire de certains. D’autres restent réticents et vont jusqu’à croire que le milieu regorge de personnes belliqueuses qui jouent les marionnettes de l’ODM. Cependant, globalement, on est satisfait et on se sent redevable vis-à-vis de ces envoyés de Dieu.

Gervais NJINGO DONGMO