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PWG booste les compétences féminines

Liza Brenda Sekaggya.

« Notre objectif est l’acquisition par les femmes des capacités de leadership »

Liza Sekaggya est co-fondatrice de Phenomenal Women Organisation, une ONG basée en Suisse et en Ouganda. Lors de cette interview menée par notre rédactrice Marie-Cécile Inarukundo, elle présente les différents projets et actions mises en œuvre par son organisation pour que les femmes africaines, les migrantes et les laissées pour compte puissent trouver leur place dans la vie professionnelle et s’épanouir dans leur vie personnelle. 

The english version of the interview is available at the end of the article

Quelle nécessité vous a poussée à fonder cette organisation  ?

J’ai lancé le concept de Phenomenal Women avec quelques autres femmes parce que nous pensions qu’il était nécessaire pour celles d’origine africaine, pour les migrantes et toutes celles qui ne bénéficient pas des mêmes privilèges que les Européennes, de se serrer les coudes pour promouvoir leur vie professionnelle et personnelle ici en Suisse. Alors, en 2018, nous avons organisé une première conférence à Genève. Nous avons mis en avant la solidarité et le soutien mutuel comme moyens d’atteindre le succès professionnel et personnel. S’en sont suivies 4 autres conférences en Ouganda, au Zimbabwe, en Afrique du Sud et à Boston, où nous avons aujourd’hui des points focaux chargés d’exécuter le mandat de notre organisation.

Quand l’organisation a-t-elle commencé et combien de femmes exactement sont à la base de sa création ?

Notre organisation a été officiellement enregistrée en 2019, mais déjà en 2018 le concept était né. Nous avons environ 100 membres, et au niveau du leadership nous comptons 3 membres exécutifs ici en Suisse et une équipe de 5 en Ouganda où nous sommes également enregistrées.

Comment l’idée a-t-elle émergé ? Peut-on avancer que les fondatrices ont eu à gérer les mêmes problèmes ?

Oui, vous avez parfaitement raison. De mon expérience personnelle, comme Human Rights Officer basée à Genève, il m’a été très difficile d’évoluer en termes de carrière aussi rapidement que les Européennes. On peut se retrouver au même poste pendant des années, parfois parce que notre ethnie et notre genre nous empêchent de profiter des mêmes opportunités que les autres. Ou encore, de potentiels employeurs répondent à notre manifestation d’intérêt en nous proposant un poste pour lequel on est surqualifiées. Pour les postes en lien avec nos compétences, il est très frustrant de se voir recalées. Je partage cette expérience avec nombre d’autres femmes pour lesquelles la promotion professionnelle à des postes de responsabilité est quasi impossible, ou celles pour qui le marché du travail est carrément fermé.

Dans ce contexte précis, comment expliquez-vous la présence de votre organisation sur le continent africain ? Est-elle judicieuse ?

Notre présence en Afrique est encore plus nécessaire, car même si elles ne font pas l’objet de racisme, les femmes y ont d’autres défis à relever en matière d’emploi et de carrière. Des défis liés à la violence basée sur le genre, défis liés à aux usages culturels qui peuvent les empêcher d’aller à l’école ou de terminer leurs études, les forcer au mariage précoce, etc. Comme les défis peuvent varier d’un endroit à un autre, les objectifs des conférences que nous animons en Afrique sont différents. Mais dans tous les cas de figure, notre objectif est l’acquisition par les femmes des capacités de leadership. Nous désirons qu’elles soient outillées pour avancer, être autonomes et indépendantes où qu’elles soient. Nous avons également réalisé que partout dans le monde, les femmes avaient à relever pratiquement les mêmes défis liés à la violence et à la ségrégation basées sur le genre.

L’implantation de l’organisation en Suisse a naturellement découlé du fait que vous vivez ici, n’est-ce pas ? Qu’en est-il de son expansion ? De quoi s’est-elle inspirée ?

Notre expansion s’est inspirée des intérêts des unes et des autres parmi nos membres, ainsi que de l’importance de la diaspora féminine là où nous sommes présentes. D’abord, l’Ouganda étant mon pays d’origine, c’est tout naturellement qu’il a été le deuxième pays d’implantation et d’enregistrement. Mon réseau de contacts dans l’économie, la finance et l’administration du pays nous a facilité la tâche. A Boston, nous avons tenu compte de l’immense communauté de femmes africaines et de la présence d’une grande université. Quant au Zimbabwe et à Londres, nous y sommes présentes car j’y ai travaillé.

Quelle est la stratégie pour atteindre les femmes qui ont besoin de votre appui dans des pays comme la Suisse, l’Angleterre ou les USA ?

Notre première stratégie consiste en une Conférence annuelle qui se tient en septembre, mais qui a été annulée en raison du Covid-19 en 2020. Nous avons également une liste de distribution – la mailing list – qui est régulièrement mise à jour et informe sur nos activités. Nous utilisons également les médias sociaux et les webinaires, soit les séminaires sur le web. Nous avons organisé 10 webinaires sur les finances, la santé mentale, ainsi que sur d’autres sujets d’intérêt pour notre population cible. Et nous projetons en 2021 de lancer un programme de mentorat qui donnera lieu à des séances en face à face selon les besoins de nos membres qui pourront profiter de l’accompagnement par nos intervenantes.

Certaines des personnes que vous ciblez sont des migrantes ou des femmes défavorisées vivant dans des conditions difficiles malgré leurs capacités et aptitudes pour être actives sur le marché du travail, et qui gagneraient à bénéficier de votre appui pour sortir du marasme dans lequel elles se trouvent. Quelque chose sera-t-il fait ou est-il fait pour les atteindre ?

Je dois reconnaître que nous ne pouvons pas atteindre tout le monde. Mais nous croyons à l’impact que peuvent avoir sur les autres l’histoire et le parcours personnels par exemple d’une migrante qui a pu s’en sortir et lancer son business ou trouver du travail. Nous comptons ouvrir en 2021 un Centre pour Femmes pour lequel nous devons réunir l’argent nécessaire à son financement. Il servira de centre de formation, d’accompagnement et de mentorat. Ce sera aussi une plateforme de partage, car beaucoup de nos membres travaillent avec des organisations internationales et nous les appelons à partager leurs histoires de réussites, donner quelques conseils, ou même donner aux participantes l’opportunité de faire des rencontres professionnelles intéressantes. J’en connais qui ont lancé leur propre business après s’être rencontrées à l’une de nos conférences, d’autres ont trouvé du travail après avoir été présentées, d’autres encore ont décroché un rendez-vous. Je pense qu’il appartient aux femmes d’être proactives.

Votre Centre, sera-t-il accessible à votre population cible qui a des difficultés financières ?

Notre projet n’étant pas à but lucratif, nous allons tenir compte des conditions de notre groupe cible et appliquer un tarif léger pour pouvoir payer le loyer, l’entretien des locaux, les conférenciers et conférencières, ainsi que les formateurs et formatrices. Mais les formations et autres activités seront gratuites.

Étant moi-même issue de la migration, je suis bien placée pour savoir que certaines femmes qui sont en Suisse avec leurs diplômes et certifications pourraient être intéressées mais se trouvent dans l’incapacité financière d’intégrer votre projet. Pensez-vous qu’il sera possible de les accueillir gratuitement?

Oui, cette option peut être considérée si par ailleurs nous comptons suffisamment de femmes qui sont en position de payer. Nous avons l’intention de collaborer avec les organisations travaillant avec les migrantes.

Ma dernière question concerne votre réseau. Êtes-vous en partenariat avec les associations de femmes ici en Suisse, les institutions œuvrant avec les femmes et la migration ?

Oui, nous venons de lancer des contacts avec celles qui travaillent avec les réfugiées et les migrantes, nous sommes en contacts avec le Canton de Genève, plus précisément le département en charge de la cohésion sociale et de la solidarité, nous travaillons ensemble sur un documentaire sur le racisme qui doit sortir en 2021. Nous essayons également de mettre en place des partenariats avec les organisations qui fournissent des espaces de coworking ainsi que celles qui s’occupent des migrant.e.s. Et certains partenariats vont appuyer notre Centre pour Femmes, afin de pouvoir encadrer les femmes au mieux. Si par exemple nous ne sommes pas en mesure de prodiguer une formation, nous pourrons passer le relai pour qu’une organisation partenaire puisse la prendre en charge.

Propos recueillis et traduits de l’anglais vers le français par:

Marie-Cécile INARUKUNDO

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

The interview of Liza Sekaggya in english is below:

Pour aller plus loin:

Retrouvez PWG sur son site internet: PhenomenalWomenGlobal.com, ou sur ses réseaux sociaux:  facebook, LinkedIn, Twitter




14 ème Sommet de la Francophonie : retour sur un événement aux enjeux considérables

Joseph Kabila, président du la RDC. Photo Galerie du Parlement Européen (CC BY-NC-ND 2.0)

Le 14 octobre dernier, les projecteurs s’éteignaient sur le 14ème Sommet de la Francophonie, qui s’est tenu du 13 au 14 octobre 2012 à Kinshasa, la capitale de la République Démocratique du Congo, sur le thème des « enjeux environnementaux et économiques face à la gouvernance mondiale ». Bilan politique, diplomatique et économique de ce Sommet controversé.

Seize chefs d’Etat ont fait le déplacement à Kinshasa. Dès le vendredi 12 octobre, on a noté l’arrivée du président du Gabon, Ali Bongo, du Cameroun, Paul Biya, du Niger, Mahamadou Issoufou, de la Côte d’Ivoire Alassane Ouattara, de la Guinée, Alpha Condé, de Centrafrique, François Bozizé, du Burkina Faso, Blaise Compaoré, du Burundi, Pierre Nkurunziza, et de la Tunisie, Moncef Marzouki, de Haïtie, Michel Martelly. Le président français François Hollande, est arrivé le samedi 13 octobre. On notera aussi la présence du président Denis Sassou Nguessodu du Congo Brazza, du président comorien, Ikililou Dhoinine, du premier ministre canadien, Stephen Harper. La Suisse était représentée par le vice-président du Conseil fédéral, Ueli Maurer.

Mais si ce dernier ce Sommet a fait couler tant d’encre et de salive, c’est justement à cause de son caractère hyper politisé, car les enjeux étaient considérables, tant pour ses organisateurs que pour ses détracteurs. Revenons sur cet événement afin de comprendre les raisons de cet excès de politisation et d’en dresser le bilan.

Les contestations

Avant le Sommet, plusieurs voix se sont levées pour condamner sa tenue dans un pays qui a connu « les pires élections du monde » à en croire Radio France Internationale. Des Congolais de l’intérieur du pays et ceux de la diaspora se sont mobilisés, en France, en Belgique, au Canada, en Suisse et ailleurs, pour dire non à ce qu’ils appellent « la francophonie du sang » ; celle qui, en organisant son Sommet au Congo, est une insulte à la misère du peuple congolais dans le contexte politique actuel.

Si les appels de ses contestataires n’ont pas réussi à faire délocaliser le Sommet, ils ont néanmoins contribué à sa sur-médiatisation et surtout à semer le doute, à entretenir l’incertitude, à faire durer le suspens et à montrer que le Congo va mal, au point qu’à un certain moment, la thèse de délocaliser le Sommet à l’Ile Maurice avait été évoquée dans certains milieux proches des organisateurs. Abordons maintenant les raisons qui ont contribué à l’hyper politisation du 14eme Sommet de la Francophonie. Pour commencer, le contexte politique international a beaucoup joué dans l’appréciation de ce Sommet.

La France a un nouveau président Hollande

Monsieur François Hollande a été élu à la tête de la France sur la base d’un programme de campagne qui prône « le changement ». Une fois arrivé au pouvoir, il a voulu prendre ses distances avec son prédécesseur, Monsieur N. Sarkozy. Homme de « la présidence normale », le nouveau locataire de Élysée doit prendre ses marques sur toutes les questions, tant sur le plan  de la politique nationale qu’internationale.

En perte de vitesse quant à sa côte de popularité et faisant face à l’écart entre les promesses de campagne et les réalités politiques qui dictent les contraintes du terrain, François Hollande doit inventer un mode de gouvernance qui entretient, tant que faire se peut, l’image de celui qui peut tirer la France de la crise, la sauver du spectre des possibles délocalisations des entreprises, de ses multiples plans sociaux, bref, arrêter l’hémorragie d’un mécontentement qui risque de se généraliser.

Dans ce contexte, le Sommet de la Francophonie est une tribune toute trouvée pour le président français afin de réaffirmer sa détermination pour le changement, dont il se veut le garant pour la France et toutes les zones où s’entend sa sphère d’influence.

Mais ce Sommet est en même temps un test pour le « président normal ». Aller à Kinshasa, c’est honorer la Francophonie. Dans ce contexte de crise, ce voyage est aussi un soutien aux entreprises françaises présentes au Congo comme AREVA et bien d’autres. Mais, en même temps, le Congo est présenté par plusieurs observateurs comme un pays qui s’est construit sur une dictature, à en croire le dernier rapport d’Amnesty International sur les droits de l’homme au Congo.

Devant ce dilemme, Monsieur Hollande décide alors de jouer le morceau à sa manière. Le 9 octobre, soit cinq jours avant l’ouverture du Sommet et devant le Secrétaire Général de l’ONU, Monsieur Ban Ki-moon, il critique ouvertement le pouvoir en place au Congo : « la situation dans ce pays est tout à fait inacceptable sur le plan des droits, de la démocratie et de la reconnaissance de l’opposition. » Cette prise de position avait suscité plusieurs réactions. Certains trouvaient les propos du président français adéquats, tandis que d’autres les trouvaient inutiles et mal placés.

On notera la réaction du gouvernement congolais à travers son ministre de l’information, Monsieur Lambert Mende, qui a affirmé que Monsieur Hollande ne connaissait rien de la réalité congolaise. Alors qu’un des membres de l’opposition, Monsieur Vital Kamerhe, invitait les proches du président Kabila à voir dans les propos du président français une correction fraternelle.

Dans les milieux proches de la présidence française, on affirme qu’il s’agit d’une détermination de François Hollande qui a une autre approche de la Françafrique. Mais pour Jean-Pierre Mbelu, un analyste politique congolais vivant en Belgique, les propos de Monsieur Hollande étaient destinés à la consommation de l’opinion internationale et aux médias français, confie-t-il à Etienne Ngandu du blog CongoOne  .

Kabila et sa quête de légitimité

Les dernières élections présidentielles et législatives au Congo avait suscité un immense espoir au sein de la population, plus que jamais assoiffée de changement démocratique, gage d’un développement qui la tirerait de sa misère injuste. Mais ce rêve a vite tourné au cauchemar, car le changement tant attendu n’a pas eu lieu. Monsieur Kabila s’est maintenu à la tête du pays à l’issue d’un processus électoral qualifié de « chaotique », selon l’expression de la rédaction de Radio France International du 29.11.2011.

La contestation qui s’en est suivie était sans précédent. La violence et les arrestations arbitraires au sein de l’opposition qui revendiquait la victoire de son leader Etienne Tshisekedi, ont contribué à décrédibiliser ce processus. A cela s’ajoute, l’absence de la liberté d’expression, l’emprisonnement des opposants et les assassinats politiques que connaît le pays, qui ont fini par ternir l’image d’un pouvoir qui avait déjà du mal à se faire accepter. Et même si le soutien tacite à Kabila s’est fait par le silence de la communauté internationale, son régime est considéré par une certaine opinion comme infréquentable.

A sa prestation de serment, sur tous les chefs d’Etat étrangers attendus, seul le très controversé Robert Mugabé du Zimbabwe était venu à Kinshasa. Notons que son voisin le plus proche de Kinshasa, Congo Brazzaville, n’avait délégué que son ministre des transports. Cela fut perçu comme une sorte de boycott.

Ainsi, le Sommet de la Francophonie était une occasion toute trouvée pour Joseph Kabila et ses proches d’essayer de redevenir un État fréquentable, ne serait-ce que l’espace d’un weekend. C’est aussi cela qui explique la détermination du pouvoir de Kinshasa à organiser ce Sommet au Congo par tous les moyens.

Bilan économique

Les travaux préparatifs du 14ème Sommet de la Francophonie ont coûté la bagatelle de 22,6 millions de dollars, soit 17 millions d’euros pour un pays dont le budget 2012 est de près de 8 milliards de dollars. Dans un pays où des enseignants, des fonctionnaires de l’Etat, des médecins et bien d’autres travailleurs totalisent plusieurs mois impayés, un tel luxe pose un sérieux problème de priorités et de choix du pouvoir de Kinshasa. D’autant plus que toutes les dépenses n’ont concerné que l’aspect extérieur de la capitale et les endroits que devaient visiter les caméras occidentales.

A ce jour, il est difficile de parler de retombées financières pour le pays, tellement tout a été centré sur la récupération politique du Sommet. Aucune annonce des investisseurs à qui le Sommet aurait permis de signer des contrats dans le sens de la création d’emplois par exemple. Aucun rapport sur les retombées touristiques et culturelles. Ce qui justifie le scepticisme du Congolais moyen pour qui ce Sommet ne peut rien apporter à la population. «Tous ces beaux discours des participants changent quoi dans la vie des Congolais qui continuent à verser le sang? Ce Sommet ne peut déboucher que sur une « grande messe » inutile pour la population congolaise », commente un congolais sur le site de Radio Okapi , une radio locale.

Sur le plan politique

Sur le plan politique, le gouvernement de Kinshasa peut être satisfait d’avoir relevé le défi dans un contexte extrêmement incertain et tendu, avec la guerre de l’Est que mène la rébellion du M 23 : le Mouvement du 23 mars; celle dans le Kasaï avec Jonh Tshibangu ainsi que les contestations à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Comme l’exprime Monsieur Alain Simoubam, du groupe de presse Liberté, « jamais Sommet de la francophonie n’aura autant suscité de polémiques et autant mis mal à l’aise les autorités du pays hôte. » Braver tout cela et réussir le Sommet sur le plan des infrastructures et de la sécurité, peut être considéré comme un succès pour le pouvoir de Kinshasa. Mais les objectifs politiques de ce dernier ont-ils été atteints ?

A ce niveau, avoir réussi à organiser le Sommet à Kinshasa ne semble pas avoir tout arrangé pour Joseph Kabila. L’équilibriste François Hollande n’a pas manqué de gestes peu diplomatiques et pour le moins humiliants à l’encontre de Monsieur Kabila. Devant la presse internationale et à côté de Kabila, il affirme espérer voir le processus en cours au Congo aller jusqu’à son terme. Il fait attendre Kabila pendant près de 42 minutes au Palais du Peuple où se tient le Sommet et ne se donne pas la peine d’applaudir Kabila à la fin de son discours comme le fait toute l’assistance. Bref, cela a créé plutôt le malaise que le triomphe. Et l’inauguration par François Hollande de la médiathèque du Centre culturel français de Kinshasa baptisée du nom de Floribert Chebeya, ce militant et défenseur des droits de l’Homme assassiné en juin 2010, est gênant pour Kinshasa qui semble avoir des choses à cacher dans cet assassinat que d’aucun qualifie de crime d’Etat.

Et pour couper court à l’illusion de se faire reconnaître par des chefs d’Etat étrangers, le leader de l’opposition, Monsieur Etienne Tshisekedi, celui qui s’est toujours considéré comme le vainqueur des élections du 28 novembre 2012, enfonce le clou et affirme, à l’issue de son entretien avec François Hollande, que « la légitimité du pouvoir au Congo ne peut venir que du peuple congolais. » Le président du parti politique l’UDPS (Union pour la Démocratie et le Progrès Social), s’est dit satisfait de son entretien avec le président français, entretien qu’il a qualifié de fraternel.

Pour Vital Kamrhe qui s’exprimait sur les ondes de Radio Okapi, à Kinshasa, « le Sommet de Kinshasa a été un échec. Il a permis au peuple congolais de comprendre qu’il se pose en RDC un problème de déliquescence de l’Etat et de leadership responsable ».

Sur le plan diplomatique

Une chose est d’accueillir les autres dirigeants chez soi, mais en tirer des dividendes diplomatiques en est une autre. Le bilan diplomatique ne pourrait pas être un succès. Si le pouvoir de Kinshasa peut se targuer d’avoir reçu le soutien de quelques présidents étrangers, notamment de Blaise Kampaoré du Burkina-Faso, les attitudes et les propos du président français sont restés dans toutes les têtes comme les moments importants de ce Sommet, qui ne sont pas glorieux pour Kinshasa.

En outre, le conflit à l’Est de la RDC a fait l’objet d’un traitement diplomatiquement discutable. Pour l’opposant Vital Kamerhe, «la qualification de ce conflit laisse voir la faiblesse de la diplomatie congolaise.»  Le mystère sur les vrais soutiens des rebelles demeure entier. « Comment expliquer, se demande Kamerhe, que de l’avis du ministre de l’information de la RDC et de beaucoup d’autres acteurs, on parle de l’agression de la RDC. Le ministre nomme le Rwanda comme l’agresseur ; mais quand nous suivons le président de la République, il dit que la paix est troublée à l’Est par des forces négatives avec un appui extérieur d’un Etat voisin, sans dire lequel alors que nous avons neuf voisins. »

Même le fait que Kinshasa ait réussi à faire rédiger une déclaration qui demande au Conseil de sécurité de Nations Unies de condamner l’agression dont est victime l’Est du Congo, ceci n’a pas été un franc succès dans la mesure où le plus grand accusé comme soutien de cette rébellion, le Rwanda, n’a pas signé le communiqué final.

Ainsi, le 14ème Sommet de la francophonie aura été un pari réussi par ses organisateurs, mais son bilan laisse un goût amer qui a contribué plus à mettre à nu les problèmes congolais sans la moindre lueur de solution. En même temps, ce Sommet a une fois de plus montré l’incapacité de toutes ces organisations internationales à rencontrer les préoccupations existentielles des peuples sans défense. Au point que ce même dimanche 14, pendant que se clôturait le Sommet, un congolais de la base à qui une télévision étrangère a tendu le micro, s’est exclamé en ces termes : « il s’agit d’un Sommet pour eux ; eux les puissants de ce monde qui se moquent de nos malheurs. Ils partiront et rien ne changera à notre situation. Nous continuerons à souffrir au vue de tout le monde. Nos femmes et nos filles continueront d’être violées et nos ressources alimenteront toujours de nouvelles guerres. Le changement au Congo ne doit venir que de nous-mêmes.»

Ainsi va le monde : les uns gémissent, les autres jubilent et l’histoire suit son cours.

Angèle BAWUMUE NKONGOLO

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Édito. Monde civilisé ? Du n’importe quoi !

l’Édito est une nouvelle rubrique qui fait aujourd’hui son apparition dans Voix d’Exils.

On vit dans un monde où les pays dits « civilisés » dictent ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Ils nous dictent aussi ce qui est politiquement correct de dire/faire et même de penser en société et au nom de leur civilisation. Dans ce monde on assassine même en direct des prisonniers de guerre et on sourit quand on voit ces choses horribles.

Le monde civilisé est champion de la politique deux poids deux mesures. Capable de diaboliser Mugabe du Zimbabwe. De chasser Gbagbo de la Côte d’ivoire et de l’incarcérer à la Haye. D’organiser l’assassinat de Kadhafi en direct et en mondovision. Pour quelles raisons? Au nom de la démocratie? De la civilisation? Au nom d’intérêts économiques inavoués ? Allez savoir.

Ce qui est sûr, c’est que les réels motifs de ces acharnements n’ont rien à voir avec l’envie des pays civilisés de restaurer la démocratie et le bien-être dans ces pays. Sinon, comment expliquer que les dictateurs les plus féroces et les plus sanguinaires comme Paul Biya du Cameroun, Teodoro Obiang Nguema de la Guinée Equatoriale, Sassou Nguesso du Congo, Joseph Kabila de la République Démocratique du Congo, continuent à séjourner en Occident et sont reçus en grandes pompes par les pays dits « civilisés » et sans la moindre gêne? « On va vous aider avec une coopération policière ». Propos de Michèle Alliot-Marie, alors ministre français des Affaires étrangères, tenus pendant que le printemps arabe battait son plein en Tunisie et que les morts se comptaient par dizaines déjà. Cela avait montré aux yeux du monde entier une insensibilité incroyable de ce pays dit « civilisé ». Le dictateur Ben Ali était un « ami » (leur ami). Réveillez-vous ! Le monde est déjà un enfer ou des humains dansent autour des cadavres et où des gens se considérant comme « civilisés » fêtent avec un grand sourire la mort. Pourquoi ferment-ils les yeux sur ce qui se passe dans les autres pays comme le Gabon, l’Ethiopie, l’Erythrée, la Guinée équatoriale, le Maroc, le Swaziland, la République centrafricaine, l’Ouganda, le Soudan, le Cameroun, la République Démocratique du Congo, le Congo, le Burkina Faso ou le Togo? Et pourtant, nombre de ces régimes dictatoriaux (en Afrique, au Moyen-Orient, au Sri Lanka, à Cuba…) pourraient être renversés sans difficultés majeures si les occidentaux (monde civilisé) fournissaient les moyens adéquats comme la mise en place de sanctions diplomatiques, politiques et économiques contre ces dictatures ; grâce auxquelles les populations et les institutions indépendantes pourraient, au nom de la démocratie, restreindre les sources de pouvoir des dirigeants en place et, ainsi, endiguer leur nuisance. Ce qui n’est pas le cas. Pourquoi ?

Il y a vingt ans, la jeunesse africaine de la plupart des pays susmentionnés était déjà descendue dans la rue pour manifester son exaspération contre les dictateurs. Malheureusement, à l’époque, cette jeunesse africaine connaissait moins de succès. En fait, la jeunesse africaine avait été sacrifiée sur l’autel de la « realpolitik », autrement dit, par le cynisme des Occidentaux (le monde civilisé) en terre africaine. Les despotes africains, ayant eu plus de soutiens de la part des pays occidentaux (le monde civilisé) qui défendirent dans les années 90 leurs intérêts impérialistes, y compris à coups d’interventions militaires. Ils se sont offerts le luxe de ne pas céder à la pression de la rue. En lieu et place, il y a eu des milliers de meurtres perpétrés en plein jour par des forces armées.

On a organisé des conférences nationales dites souveraines par ici, composées des gouvernements de transition démocratique par là. Malgré tout cela, le changement espéré est demeuré une utopie. Pire, lorsque les tensions ont baissé, les dictateurs sont revenus au-devant de la scène, en force. Certains sont même morts de vieillesse au pouvoir comme Omar Bongo Ondimba du Gabon après… 42 années de règne sans partage ou encore Gnassingbé Eyadema du Togo après… 38 années de dictature. Et ils se sont faits remplacer à la tête de ces Républiques par leurs fils avec la bienveillance et la bénédiction des pays dits civilisés !

Ces régimes sont notoirement imperméables au changement, à l’alternance et ils répriment lourdement la dissidence. La corruption (y compris le détournement de l’argent du fond mondial destiné aux interventions contre la pauvreté et les maladies) et les atteintes massives aux droits humains sont le lot quotidien de millions de citoyens dans ces pays qui sont à la peine économiquement et qui, pourtant, recèlent d’immenses richesses naturelles, comme des gisements de diamants, de pétrole, d’or, ou la culture du cacao, du café etc. En parlant de la corruption, elle est si répandue que les conditions de vie dans ces pays, pour la majorité de la population, sont révoltantes. Le prix abordable des produits de première nécessité, l’accès à l’eau potable, à l’électricité, aux services de santé, de l’éducation, à l’emploi et à la sécurité sont de véritables gageures.

Face à ça, l’extravagance du train de vie de la classe dirigeante. Par exemple, le dictateur Paul Barthelemy Biya Bi Mvondo du Cameroun vit trois quarts de l’année à l’Hôtel InterContinental de Genève en Suisse, l’un des hôtels les plus chers du monde. Les ressortissants camerounais établis en Europe organisent d’ailleurs régulièrement des marches de protestation devant cet hôtel. La facture exorbitante que dégage ses séjours prolongés là-bas (plusieurs millions de francs suisses par… mois) est bien entendu assurée par le contribuable camerounais. Rien que ça. Il n’est ni Kadhafi, ni Gbagbo. Il n’a pas tenu tête aux Occidentaux (monde civilisé). On ferme les yeux tant qu’il protège nos intérêts en Afrique. On s’en fout, même s’il massacre les siens.

Monde civilisé ? Du n’importe quoi !

Edito signé :

Fbradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils