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Tout travail mérite le respect

Mohamed Shadan. Rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Merci et bravo aux femmes de ménage !

Il est de coutume dans les médias d’écrire sur les célébrités et les personnes qui ont « réussi » . J’aimerais parler, aujourd’hui, des femmes exilées en Suisse qui effectuent un travail non qualifié qui n’est pourtant pas à la portée de tout le monde.

Ce métier attire peu de candidates, beaucoup de femmes le considèrent comme l’un des domaines d’activité des plus désagréables. Je parle du métier de nettoyeur.

L’idée d’écrire cet article m’a été donnée par un collègue de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils qui a relevé la diligence des femmes de ménage du Centre de formation Le Botza, à Vétroz en Valais. Il me confie: « Ces femmes exécutent un travail difficile, peu reconnu et, malgré tout, elles ont toujours le sourire aux lèvres ».

Les raisons pour lesquelles des personnes quittent leur pays sont très diverses : chacun.e a sa propre histoire mais, souvent, c’est à cause d’une guerre. L’adaptation à un nouveau pays, avec une culture et une langue différentes, n’est pas facile. Le travail représente l’un des principaux facteur d’intégration et, à contrario, c’est le manque de travail qui est le principal problème sur la voie de l’adaptation sociale.

Roman Mekonen. Photo: Rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Ma première interlocutrice s’appelle Roman Mekonen. Ethiopienne de 38 ans, elle a une posture  modeste et timide. Elle est arrivée en Suisse en 2016. Cela n’a pas été facile pour elle au début… Trois mois après son arrivée, sa mère est décédée. En cette heure difficile, Roman a été soutenue par des amis qui l’ont aidée à faire face au chagrin. Mais on dit que les difficultés ne viennent pas seules, et bientôt Roman a divorcé de son mari et a reçu plusieurs réponses négatives à sa demande d’asile. 

Roman a refusé le découragement; elle a pris sa volonté dans son poing et a commencé à étudier le français et s’est inscrite à des cours de coiffure. Très vite, elle a réalisé que le meilleur remède contre la dépression est le travail. En Ethiopie, elle n’avait pas eu l’occasion d’étudier ni de travailler, donc le choix à sa disposition était limité. Elle a ainsi accepté de travailler comme femme de ménage, d’abord dans un bureau à Martigny, puis au Centre de formation du Botza.

Lorsqu’on lui demande pourquoi elle a choisi ce métier, Roman répond avec le sourire :

« Je sais comment nettoyer – ma mère me l’a appris depuis l’enfance. C’est très difficile de trouver un emploi dans notre canton, alors je suis satisfaite de ce que Dieu m’a donné ». Elle ajoute: « J’aime mon travail, malgré le fait qu’il soit pénible, non seulement parce que je dois travailler huit heures par jour mais, psychologiquement, ce n’est pas toujours facile, quand on nettoie les toilettes, par exemple. Malgré tout, je fais bien mon travail, car j’aime la propreté. »

 

Shadan Mohamed. Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Ma deuxième interlocutrice s’appelle Shadan Mohamed. Elle est Kurde d’Irak et a des yeux bruns pleins de bonne humeur. Elle est arrivée en Suisse en 2016. Shadan a 35 ans, elle est mariée et habite à Monthey. Elle travaille comme femme de ménage au Centre du Botza depuis 2018. Lorsqu’on lui demande pourquoi elle a choisi le métier de femme de ménage, elle répond : « Ce qu’on m’a proposé, je l’ai accepté. Je n’avais pas d’autre choix, parce que ma demande d’asile a été rejetée et que je n’ai pas accès à un véritable emploi ». Elle précise: « Dans mon métier, c’est le repassage que je préfère. Cette activité m’apaise. Nous avons une très bonne cheffe, très gentille, prévenante et réactive. Travailler sous sa direction est facile. En cas de problème, elle vous aidera et vous guidera toujours ». Et d’ajouter:  « Aussi je suis heureuse en Suisse. C’est un pays magnifique avec une nature incroyable, où les gens sont gentils. Mon mari et moi allons souvent nous promener à la montagne. Ma seule tristesse est notre situation administrative. »  A ces mots, son sourire s’efface. Shadan espère malgré tout qu’un jour son dossier soit accepté. Ce jour-là, elle respirera l’air alpin la poitrine grande ouverte.

Peu importe votre profession, il est important d’aimer ce que vous faites, tout comme Roman et Shadan. Le principal avantage de la profession de nettoyeur est la possibilité de travailler sans expérience de travail ni formation professionnelle. Ce métier a aussi des inconvénients : c’est le manque d’évolution de carrière et le bas salaire.

J’espère qu’un jour le travail des nettoyeurs et nettoyeuses sera mieux reconnu et mieux payé, car tout travail doit être tenu en haute estime et celui de nettoyeur ne fait pas exception.

Tamara Akhtaeva

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 




« Le migrant le plus connu de la Suisse »

Exposition Chaplin en correspondance avec la Suisse mai 2018, Sion. Photo: Voix d’Exils

Exercice grandeur nature et montre en main lors de la formation multimédia de Voix d’Exils

Lors de la formation multimédia de Voix d’Exils du 16 mai dernier, les rédacteurs expérimentés ayant déjà suivi les dix modules de la formation étaient invités à mettre en pratique leurs connaissances en relevant un défi: réaliser un reportage sur un événement en une petite après-midi.

La formation multimédia de Voix d’Exils se tient une journée par mois au Centre de formation du Botza à Vétroz en Valais. Elle offre des cours d’écriture journalistique, d’informatique et de photographie aux rédactrices et rédacteurs des trois rédactions cantonales de Voix d’Exils. Deux rédacteurs de la rédaction vaudoise, avaient en tout trois heures à disposition pour réaliser un reportage sur l’exposition Chaplin en correspondance avec la Suisse qui s’est tenue du 1er mai au 26 mai 2018 à Sion en Valais.

Durant le temps qui leur était imparti, les rédacteurs avaient pour mission de se rendre à Sion pour couvrir l’exposition, de restituer puis organiser la matière, d’exposer leur travail aux trois rédactions réunies en plénière et de répondre aux questions des formatrices, des formateurs et du public. Top chrono! Et voilà le résultat tel qu’il a été présenté le 18 mai dernier sans aucune retouche :

Le migrant le plus connu de la Suisse

La Médiathèque à Sion organise une exposition intitulée « Chaplin en correspondance avec la Suisse » pendant ces jours. Le 16 mai, la rédaction valaisanne de Voix d’Exils a organisé la visite de deux rédacteurs vaudois à cette exposition dans le cadre de la formation multimédia pour les rédactions de trois cantons. Les rédacteurs ont découvert que l’idole du cinéma muet était exclue des Etats-Unis et arrivée en Suisse. Ils ont également saisi les raisons de son immigration, ainsi que la vie de sa famille en Suisse, présentées dans l’exposition à travers des lettres, des photos, des documents et des archives numérisés. Le photoreportage ci-dessous donne une idée générale sur l’exposition.

 Charlie Chaplin et sa famille

Photo de la famille devant leur maison le Manoir de Ban (1957)

 

Lecture de l’autobiographie de Charles Chaplin (1964)

 

La vie de la famille et l’apprentissage du ski

 

Charlie Chaplin dans les films et le cirque

 

Chambre ronde pour regarder des films muets du grand comédien

 

A l’intérieur de la chambre ronde pour regarder des films

 

Le film « Le Cirque »

 

Le film « Le Cirque »

 

Clowns de Cirque Knie devant Charlie Chaplin (1964)

 

La rédaction de Voix d’Exils

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 




« Devenir acteur de sa vie »

Photo: Moumouni Ibrahim, membre de la rédaction valaisanne de Voix d'Exils

Photo: Moumouni Ibrahim, membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

« Égalité des chances dès l’enfance ». C’est sous ce nom que l’OSEO Valais a lancé un projet d’intégration avec les réfugiés érythréens installés sur la commune de Sion. Voix d’Exils est allé à la rencontre de Véronique Barras, sa coordinatrice, pour en savoir un peu plus. 

La section valaisanne de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) est une organisation centrée sur l’insertion socio-professionnelle, dont celle des migrants. C’est dans ce cadre que le projet « Égalité des chances dès l’enfance » a été mis sur pied. Il repose sur le principe de « parents-relais », à savoir des personnes-ressources, formées par l’OSEO Valais sur l’éducation préscolaire et sur le système scolaire en Valais, avec un petit regard sur ce qui se passe après l’école primaire. Les supports de cours ont été créés par l’OSEO Valais en collaboration avec des partenaires tels que la direction des écoles, la Consultation parents-enfants, l’Office éducatif itinérant.

Identifier les familles ayant besoin d’un accompagnement

Plusieurs communautés ont été ciblées dont, en premier lieu, celle des Erythréens. Treize parents-relais ont été formés pour accompagner les familles installées sur la commune de Sion. Véronique Barras explique : «Quand une direction des écoles de la Ville de Sion organise une réunion, seuls les parents qui ont un niveau de formation assez élevé se déplacent. On se rend compte que les personnes qui ont le plus besoin d’aide ne viennent pas; c’est donc à nous d’aller vers elles ». Dans le cas de la communauté érythréenne, la première séance de rencontre a été organisée en 2014 ; le projet a été présenté aux parents, il leur a été expliqué comment les parents-relais pouvaient les aider dans l’éducation de leurs enfants, notamment pour comprendre tous les documents qu’ils reçoivent de l’école et qu’ils ne comprennent pas mais aussi pour apprendre les bonnes pratiques en termes d’alimentation ou de stimulation. La majorité des familles a adhéré au projet. Elles ont été invitées à compléter un questionnaire visant à déterminer leurs besoins. Une fois les données recueillies et analysées, il s’est avéré qu’une quinzaine de familles avait réellement besoin d’accompagnement. L’OSEO Valais s’est concentrée sur elles et, à la dernière rencontre du printemps 2016, elles ont pu s’inscrire à différents ateliers.

En 2017, l’accompagnement des parents-relais sera également proposé à d’autres communautés. Chaque parent-relais se verra confier cinq ou six familles.

Un délicat travail d’approche des communautés

Il n’a pas été facile d’aller chercher les personnes-ressources dans les différentes communautés. Pour chacune, il a fallu trouver la bonne approche, en tenant compte des particularités et des sensibilités.

Pour la communauté arabe (qui regroupe les pays du Moyen-Orient et certains pays d’Afrique), le fait que plusieurs pays partagent une même langue semble être un avantage; il permet d’appliquer un croisement des interventions, c’est-à-dire qu’on fera intervenir de préférence un parent-relais irakien dans une famille syrienne, par exemple. On note que, très souvent, il est plus facile de recevoir un conseil d’une personne qui ne fait pas partie de son cercle connu.

Chez les Erythréens, la problématique est différente : ici, beaucoup de complications et de points de frictions se manifestent entre les anciens et les nouveaux arrivés.

Dans la communauté turque c’est encore différent, car le contexte de cette population en Valais est particulier. Véronique Barras précise : « Ce sont des gens qui se sont installés il y a une trentaine d’années, majoritairement du côté d’Ardon et de Vétroz, pour travailler dans la fonderie. Actuellement, on est à la troisième génération, mais des problématiques d’intégration persistent parce que les enfants et même les petits-enfants continuent d’aller chercher maris et femmes en Turquie ».

« Pour la communauté somalienne, c’est une autre réalité. C’est une communauté où le poids des anciens est écrasant. On a dû apprendre à slalomer pour pouvoir atteindre les personnes qui allaient être efficaces dans le projet, en donnant l’impression à ceux qui contrôlent tout qu’on s’adressait à eux ».

Un projet qui s’adresse à tous les migrants sans discrimination

L’objectif est d’arriver à l’égalité des chances pour tous les enfants. Pour l’OSEO Valais, les enfants ne doivent pas attendre que les parents aient un permis de séjour durable avant de commencer à s’intégrer. Le statut de résidence en Suisse d’un migrant n’est pas son affaire ; ce qui compte, ce sont les personnes.

Des migrants qui prennent leur destin en main

Véronique Barras décrit le cœur du projet : « notre objectif final est de permettre aux migrants de devenir les acteurs de leur vie, de casser cette image qui les place toujours dans la posture de recevoir. On donne au migrant un appartement, de l’aide sociale, alors que là, c’est la communauté qui se mobilise, c’est elle qui prend en charge ses propres compatriotes, avec le soutien des professionnels de l’intégration. On peut avoir une intégration réussie sans renier sa culture, ses origines et en partageant une vie associative très forte au sein de sa communauté. Pour moi, c’est une évidence ». Véronique Barras tient aussi à adresser, en conclusion, un message aux Suisses : « L’intégration, ça prend du temps ; les Italiens ne se sont pas intégrés du jour au lendemain, ni les Portugais, ni les gens des Balkans. Aujourd’hui, je crois que c’était déjà le cas avec le Kosovo, les migrants arrivent chez nous, en plus, avec des traumatismes, avec des expériences de vie très rudes et cela constitue une difficulté supplémentaire dans leur processus d’intégration ». Un appel à la mémoire, à la patience et à la confiance.

Moumouni Ibrahim,

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Ibrahim Moumouni est très actif dans le bénévolat auprès des requérants d’asile valaisans. De ce fait, il collabore régulièrement avec plusieurs projets d’entraide.




Le restaurant La Fourchette

Le restaurant la Fourchette. Photo: la rédaction valaisanne de Voix d'Exils.

Le restaurant la Fourchette. Photo: la rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Plus de quarante nationalités derrière les assiettes 

Le restaurant « La Fourchette » accueille pour le repas de midi les requérants d’asile en formation au Centre du Botza, à Vétroz. A chaque service, cela représente environ 100 convives d’une quarantaine de nationalités ! Pas simple, dans ces conditions, de faire plaisir à tout le monde, tant les goûts peuvent être différents selon l’origine.

Voix d’Exils Valais a rencontré Gérard Trombert et Fabien Cleusix, les deux cuisiniers qui relèvent ce défi tous les matins, avec Jean Philippe Josso, chef d’équipe du service de salle.

VDE : Comment le personnel du restaurant arrive-t-il à satisfaire tout le monde ?

Gérard Trombert : « Nous devons composer avec plusieurs cultures et traditions différentes, avec plusieurs religions qui peuvent avoir leurs interdits. Si la garniture, c’est-à-dire le riz, le pain et la pomme de terre, met tout le monde d’accord, par contre avec les viandes, les poissons et les sauces on entre dans un registre très complexe. Les musulman ne mangent pas du porc et exigent que les autres animaux soient égorgés selon leurs rituels religieux. Les Africains du Sud saharien ne supportent pas la sauce blanche et le fromage pendant le repas ; ils veulent leur poisson grillé avec une huile végétale, sans retirer la peau, alors que cela convient moins aux Européens.

Est-il juste de dire que vous essayez d’apporter une « touche suisse » pour proposer un terrain plus neutre et également pour faciliter l’adaptation des personnes à leur pays d’accueil ?

C’est exactement ça. Nous sommes en présence de deux modèles: d’un côté, la cuisine aromatisée avec les épices fines, très parfumée de la cuisine exotique, la nourriture étant servie en une fois dans l’assiette ; de l’autre, la cuisine européenne qui porte beaucoup d’attention à la présentation et la « scénographie » du repas : entrée, repas, dessert, café et où beaucoup de choses se jouent sur l’esthétique.

Mais, dans l’une ou l’autre cuisine, l’objectif principal est le même : apporter au corps ce qui est nécessaire à son épanouissement. C’est la mission primordiale du personnel du restaurant. Un autre objectif important est d’éviter le gaspillage.

La Fourchette apporte aussi bien plus à chaque requérant : un moment convivial autour de tables soigneusement dressées qui invitent à bien se tenir pour partager un moment d’échange avec des personnes de tous les horizons.

Pour notre part, nous souhaitons à tous : bon appétit!

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils