1

Une Bibliothèque vivante à Romainmôtier

Photo 1 : arrangement des postes pour les dialogues avec les intervenants. Photo : Voix d’Exils

Vaud – La manifestation Migration in Mind a réuni plus d’une centaine de visiteurs pour une approche 360° de la migration.

Le 3 septembre 2017, la Résidence d’artistes Arc, l’association Romainmôtier Contemporain et l’espace dAM en collaboration avec le ciné-club Croy et la cinémathèque Suisse ont organisé Migration in mind: un événement artistique participatif autour de la migration dans la maison des moines à Romainmôtier.

Cet événement artistique était basé sur le principe de la rencontre et du dialogue. Il portait sur 28 sujets différents liés à la problématique de la migration. Des rangées de petites tables éclairées avaient été installées, autant de postes pour favoriser les rencontres et les échanges. Cela a permis de proposer des tête-à-tête de 30 minutes autour d’un thème précis, d’une expérience donnée ou d’un savoir pointu préalablement choisi par le visiteur ou le lecteur. Des hôtes (artistes, migrants, spécialistes de la migration, chercheurs, organisateurs, autorités, etc.) spécialisés dans divers domaines  sélectionnés et établis sur de nombreux postes ont accueilli chaque visiteur ou lecteur, l’invitant au dialogue interpersonnel.

Photo 1 : arrangement des postes pour les dialogues avec les intervenants. Photo : Voix d’Exils

S’en est suivi des projections de films ayant pour thème « la migration » sélectionnés par Caroline Fournier et Miguel Alarcon du Ciné-club Croy, en collaboration avec la Cinémathèque Suisse.

Cette manifestation artistique a favorisé des rencontres et des échanges solidaires.

Rencontre avec Sébastien Mettraux, artiste peintre et membre de l’Espace Voie 3 de la gare de Vallorbe

Sébastien Mettraux, artiste peintre

Lors de Migration in Mind, la rédaction de Voix d’Exils a rencontré Sebastien Mettraux, un artiste peintre de l’Espace Voie 3 de la gare de Vallorbe, commissaire de la première exposition sur l’art contemporain (expositions sur les machines «Ex Machina» : une série de 21 peintures à l’huile) qui a eu lieu du 21 mai au 18 juin à Vallorbe et co-organisée avec le centre d’art d’Yverdon. Celui-ci nous raconte l’histoire de la gare qui est un symbole de puissance suisse :

«La gare de Vallorbe, édifice centenaire qui fut autrefois la 6ème plus grande gare du pays, fait partie de la vingtaine de lieux programmés dans le canton de Vaud pour les journées du patrimoine 2017 autour du thème «l’héritage du pouvoir». Les dimensions démesurées de ce bâtiment visaient à impressionner le voyageur lors de son arrivée en Suisse, cette ancienne gare internationale a été construite comme un symbole de puissance. L’exposition réunit les travaux de 6 artistes. Leurs sculptures et peintures dialoguent avec ce lieu historique et questionnent son rapport à la notion de pouvoir. Les œuvres présentées font référence à de nombreuses anecdotes de l’histoire du lieu : autrefois chantier colossal défiant la nature, zone frontière et de contrôle, lieu de passage international de l’Orient Express.»

Lamine

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Diversités des intervenants lors de la manifestation

De nombreux corps de métiers et domaines d’activités étaient représentés à Migration in Mind. Parmi ceux-ci, participaient des spécialistes de domaines suivants : histoire, politique, humanitaire, biographie, arts vivants, plantes invasives, tourisme, architecture, exil, géologie, chorégraphie, photographie, militantisme, sociologie, bénévolat, etc.

En plus de toutes ces personnes, ont participé des représentants de Voix d’Exils : Omar, Niangu et Lamine. Ils ont évoqué leur expérience de Voix d’Exils et témoigné des conditions de vie des requérant d’asile en Suisse.

L.S

 

 




Les mots pour se dire

Auteur: rédaction neuchâteloise de Voix d'Exils.

Auteur: rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils.

Le lundi 29 mai 15 personnes se sont réunies dans le centre d’accueil de Fontainemelon pour partager un atelier d’écriture avec l’écrivaine Marina Skalova dans le cadre de son projet « Silence de l’exil ». Un moment de partage, d’échange, d’écoute attentive et de résilience importante. L’espace de trouver sa place, de se dire, de se reconnaître dans les paroles des autres et d’être reconnu dans sa singularité. Le temps de mettre des mots sur des maux, des espoirs, des souvenirs. Nous partageons ici un exercice d’écriture collective sur le thème de la chambre.  

La chambre de mon enfance est bleue.

Notre chambre à Fontainemelon: D8.

Nous sommes au nombre de cinq dans notre chambre à Fontainemelon.

Ma nouvelle chambre, elle est parfois joyeuse, parfois triste mais en réalité, elle me fait surtout penser à la chambre que j’avais avant, dans mon pays.

Je me souviens toujours, au pays, dans ma chambre, j’accueillais cinq à six amis, des filles et des garçons; il y en a qui se couchent au lit et les autres par terre.

Mon ami de la chambre est effrayant.

La chambre à Couvet : numéro 26.

My room in Gambia : one salon, one bedroom. It’s fine. I miss my room very much.

Ma chambre est toute seule et très calme.

Dans mon village natal, j’ai toujours une case pour moi seul. Elle est en couleur blanche. Je révise toujours là-bas.

J’habite à Couvet. Ma chambre, elle est bleue.

A Fontainemelon, dans ma chambre, debout sur la chaise, je regarde les voitures, la ville, et je suis très content.

Je me rappelle de la chambre où j’étais, tout près de la frontière, elle était couverte de paille. Quand il pleuvait, j’avais toujours peur.

Notre chambre C6 est grande.

Ma chambre, maintenant, elle a une fenêtre sur le toit et ça me rappelle mon autre chambre, avant ; cette chambre, avant, elle donnait sur la mer… Il y avait la vie. Il y avait tout. Et c’était magnifique. Maintenant, dans ma chambre, je ne vois plus rien. Mais il y a les chants des oiseaux.

Avant, en Italie, quatre personnes dans la chambre. Ça va.

Chaque fois, j’observe la présence de la police à Fontainemelon, à cinq heures, depuis la fenêtre de ma chambre.

J’habitais à la Chaux-de-Fonds avant. La chambre était très, très propre.

Je me rappelle, la chambre dans mon pays, c’était formidable. Mais elle me manque beaucoup.

Trois mois à Vallorbe, dix-huit personnes dans ma chambre.

Au pays, j’habitais auprès de la route, dans ma chambre, quand je m’arrêtais auprès de l’armoire, je voyais par la petite fenêtre des voitures qui passent de gauche à droite et des enfants qui allaient à l’école et nos mamans qui part au marché et les enclos des moutons, et des chèvres, parfois même des vaches.

Avant, au Rochat : neuf personnes dans la chambre, trois petites fenêtres; je vois le cheval.

Quand j’étais petit, je me couchais très tôt dans ma toute petite chambre qui est un peu chaud à la saison sèche, mais je dormais toujours avec ma poupée.

Je manque ma fenêtre d’avant, avant, c’était mon confident.

La fenêtre de notre chambre nous facilite d’identifier toute entrée ou sortie clandestine dans le centre. J’ai rien à parler.
 

Rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

étudiants de Fontainemelon et de Couvet




Berne et Dublin tétanisent les requérants d’asile

Courrier du Secrétariat d'Etat aux migration annonçant que la Suisse est responsable du traitement de la demande d'asile du recourant. Par conséquent, la procédure d'asile sera poursuivie en Suisse.

Courrier du Secrétariat d’Etat aux migration annonçant que la Suisse est responsable du traitement de la demande d’asile du recourant. Par conséquent, sa procédure d’asile sera poursuivie en Suisse.

Venus de divers horizons, certains demandeurs d’asile du Canton de Vaud sont accueillis dans des abris de protection civile (abris PC). Les pensionnaires de ces « bunkers », généralement adultes, sont encore visiblement marqués par les stigmates de leurs voyages difficiles. Loin d’être sorti de l’auberge, un fait nouveau vient s’ajouter à leurs inquiétudes : la réception quotidienne de courriers administratifs. Parmi ces plis, ceux estampillés « Berne » génèrent une véritable psychose dans les centres d’accueils.

De Vallorbe aux abris PC

Dans le Canton de Vaud, le centre d’enregistrement et de procédures (CEP) de Vallorbe reste, parmi d’autres, un lieu de passage obligatoire. Ce centre est célèbre pour les migrants qui cherchent la protection de la Suisse contre les persécutions politiques dans leurs pays. Certains y passent même trois mois pour les besoins des interviews sur leurs motifs d’asile.

Après les transferts dans les cantons d’attribution, la déception se lit toujours sur les visages une fois arrivés dans les abris souterrains. Une nouvelle vie commence, mieux que celle dans les CEP, mais moins attrayante que dans un lieu d’habitation normal. Le séjour prolongé dans les abris PC est unanimement décrié par les requérants d’asile à cause des mauvaises conditions d’aération et d’hygiène. Surtout en période estivale où on assiste souvent à l’accroissement du nombre de pensionnaires dû aux entrées massives de migrants en Suisse. Une chaleur infernale change l’atmosphère des lieux, d’où la fréquence de rixes et de mouvements d’humeurs.

En sus de toutes ces considérations sur l’accueil, un autre facteur s’invite dans cette angoisse qui ne cesse de saper leur moral : la réception quasi quotidienne de correspondances administratives. Pour cela, deux noms hantent le sommeil des demandeurs d’asile : Berne et Dublin.

La sentence Dublin

Dans les abris PC, l’anxiété rôde tous les soirs, aux heures d’ouvertures (18 heures). Les regards se fixent sur les courriers distribués par les agents de sécurité avant l’accès aux dortoirs et aux autres locaux. La plupart d’entre eux, venant de pays non-francophones, ont souvent du mal à déchiffrer les messages contenus dans ces enveloppes blanches. Très souvent, les quelques rares camarades bilingues (français-anglais) s’improvisent en traducteurs pour annoncer « la sentence Dublin ».

La réalité est que, parmi les migrants, presque tous ont transité légalement ou illégalement par un pays de l’Union européenne pour venir déposer leur demande d’asile en Suisse. Certains ayant même entamés une procédure d’asile dans le pays de transit, choisissent finalement de continuer leur chemin vers un autre pays. Cette situation les plonge au cœur de cette loi européenne appelée le Règlement Dublin. En effet, la procédure Dublin vise à « déterminer rapidement l’État membre responsable [pour une demande d’asile ndlr] », et prévoit le transfert du demandeur d’asile vers cet État membre. Habituellement, l’État membre responsable sera l’État par lequel le demandeur d’asile a premièrement fait son entrée dans l’Union européenne.

La loi sur le retour au pays de transit n’est pas sans effets sur le quotidien du nouveau migrant. Les très mauvaises conditions d’accueil dans certains pays de l’Espace Schengen, ou la nécessité de rejoindre des membres de la famille, les poussent à poursuivre leurs chemins, affirment certains. Cet état de fait, qui n’est pas une alternative sage, est souvent l’objet de non-entrée en matière sur beaucoup demandes d’asile, surtout pour ceux qui ont déjà effectué un premier dépôt.

Invitation de la Poste à retirer au guichet un courrier recommandé de Berne. Photo: Voix d'Exils.

Invitation de la Poste à retirer au guichet un courrier recommandé de Berne. Photo: Voix d’Exils.

Berne : « La missive Janus »

Comme un jour fatidique qui s’annonce, les avis (en bande jaune) de retrait de courriers recommandés envoyés par la Poste sont très redoutés dans les abris PC, car représentant la venue d’une décision administrative plus ou moins bonne. Ils font souvent l’objet d’intenses conciliabules. La seule mention du nom de Berne, Vallorbe, Lausanne permet à chacun de développer son propre commentaire sur le contenu du pli encore au bureau de Poste. Pour plus d’assurance sur le sens véritable de ces lettres juridiquement codifiées, les bureaux des assistants sociaux dans les structures de jour sont toujours pris d’assaut.

Dans la société des hommes, les différentes perceptions des terminologies peuvent révéler des comportements sociologiques insoupçonnés. A cause de certains courriers, on ne mange plus, on est stressé, déprimé et parfois même suicidaire. Pour le migrant, Berne est un nom tabou, un colis porteur de joie ou de tristesse. Une bureaucratie peu clémente à l’endroit de ceux qui viennent chercher protection sous les cieux de l’Helvétie. Il est comme les deux faces de Janus: l’une tournée vers le passé (retour à la case de départ) et l’autre vers le futur (espoir d’une vie nouvelle plus sereine).

Gravées dans les mémoires des demandeurs d’asile, la grande Berne et la lointaine Dublin ne sont plus seulement les métropoles de la Suisse et de l’Irlande. Ces noms sonnent désormais comme un appel à la potence ou l’obtention de sésames annonçant les débuts d’une autre vie. Une vie qui correspond à l’attente de ceux qui sont venus d’ailleurs avec l’espoir de renaître.

Issa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




Edward Snowden demandant l’asile en Suisse

Carricature signée:r Sara et Pastodelou, membres de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils

Caricature signée: Sara et Pastodelou, membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils