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Flash Infos #78

Kristie Kostava / Voix d’Exils

Sous la loupe: Lafarge poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité en Syrie / Les enfants: premières victimes de la politique migratoire grecque / Des camps de migrants high-tech dénoncés en Grèce

Le groupe français Lafarge poursuivi pour complicité de crimes contre l’humanité en Syrie

BFM TV, le mardi 7 septembre 2021

Par sa décision du 7 septembre 2021, la Cour de cassation française remet en examen le Groupe Lafarge SA accusé de «complicité de crimes contre l’humanité» en Syrie, annulant ainsi la décision prise par la Cour d’appel de Paris en novembre 2019.

Lafarge est également accusé de financer le terrorisme. Pour maintenir l’activité de ses usines en Syrie le géant français du ciment, à travers sa filial Lafarge Cement Syria (LCS), aurait versé, entre 2013 et 2014, 13 millions d’euros environ aux groupes armés, dont l’organisation État islamique (EI), alors que le pays s’enfonçait dans la guerre.

Cette affaire remonte à l’année 2017, suite à l’ouverture d’une enquête judiciaire sur les activités du cimentier en Syrie l’impliquant dans des crimes de «financement du terrorisme», de «violation d’embargo», de «mise en danger de la vie d’autrui» et de «complicité de crimes contre l’humanité». Lafarge était suspecté, dans ce dossier, d’avoir vendu du ciment de ses usines à l’EI et d’avoir payé des intermédiaires pour s’approvisionner en matières premières auprès de factions djihadistes.

La plus haute juridiction judiciaire française a donc estimé qu’il y a des éléments substantiels qui justifient les poursuites du Groupe Lafarge pour «complicité de crimes contre l’humanité».

Kristine Kostava / Voix d’Exils

Les enfants: premières victimes de la politique migratoire grecque

Infomigrants, le 10 septembre 2021

Les conditions de vie des enfants migrants qui vivent dans le camp de Kara Tepe sur l’île de Lesbos en Grèce sont très difficiles. Kare Tepe est le nouveau camp qui a été construit après le gigantesque incendie qui a ravagé le camp de Moria sur cette même île. Les enfants qui vivent dans le camp n’ont pas accès à une scolarité normale et à des activités sportives. A cela s’ajoute que l’environnement dans lequel ils vivent n’est pas sûr. Les ONG essaient d’aider ces enfants pour qu’ils puissent aller à l’école publique grecque, mais il est compliqué de les faire acceptés. «Seul un très petit pourcentage d’enfants va dans les écoles publiques […] Certaines ONG organisent un peu d’éducation informelle. Mais ce n’est pas le but, le but c’est que les enfants puissent aller à l’école publique» relève Babis Petsikos, de l’association Lesvos Solidarity. Les ONG sur place tentent de les aidés comme elles peuvent, comme Unicef qui donne des cours quelques heures par jour. Mais ce qui inquiète le plus les ONG, ce sont les conditions de vie des enfants dans le camp de Kara Tepe. Artémis Christodoulou, psychologue chez Médecins sans frontières (MSF), prévient: «Plus les enfants sont jeunes, plus le stress affecte leur cerveau. Donc si les enfants et les adolescents vivent constamment dans un état de stress, leur développement s’en ressentira forcément.»

Des camps de migrants high-tech dénoncés en Grèce

L’Express, le 20 septembre 2021

Plusieurs ONG, dont Amnesty International, considèrent le camp de migrants qui a ouvert le 18 septembre sur l’île grecque de Samos comme une prison exposant les réfugiés à la maladie mentale. Or, les autorités grecques considèrent cette réalisation comme la première du genre et la plus propre, et ont indiqué qu’elles disposent de procédures d’examen strictes pour s’assurer que les réfugiés qui vivent à l’intérieur sont exempts d’éléments terroristes et de faux documents.

Les infrastructure du camp sont confortables, mais ce qui le distingue aussi est le fait qu’il soit protégé comme un bunker high-tech pour filtrer les éventuels terroristes. «Le but est de suivre la loi, et la loi dit que nous devons les filtrer et les enregistrer pour nous assurer qu’ils n’ont pas de faux [papiers] et qu’ils ne sont pas des terroristes, ne sont pas un danger et cela prend du temps», justifie Manos Logothetis qui supervise l’accueil des réfugiés au ministère grec des migrations.

Les ONG ont également dénoncé le caractère fermé du nouveau camp et les conséquences sanitaires de l’incarcération. Médecins sans frontières a également condamné cet ouvrage et le considère comme «une honte» et «un cauchemar dystopique». Quant à la la Commission européenne, elle s’engage à fournir une somme importante pour financer cinq camps recevant des arrivées en provenance de la côte turque afin d’éviter les conditions insalubres que Samos a connue ces dernières années avec le camp de Moria.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




Revue de presse #35

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur; Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : Les centres d’asile fédéraux menacés de surcharge / Macron renforce la lutte contre l’immigration clandestine / Malte accusée de « traitements inhumains » par 50 migrants

Les centres d’asile fédéraux menacés de surcharge

Le Journal du Jura, le 05 novembre 2020

En temps normal, environ 4’400 places sont disponibles dans les centres fédéraux d’hébergement pour requérants d’asile suisses. En pleine pandémie du Covid-19, des mesures d’hygiène et de distanciation ont dû être prises. Du coup, les places disponibles ont été divisées par deux a annoncé jeudi 5 novembre Mario Gattiker, le directeur du Secrétariat d’État aux migrations (SEM).

Néanmoins, les demandes d’asile sont reparties à la hausse ces dernières semaines et le taux d’occupation des centres d’asile s’élève désormais à plus de 90%. « Il n’y a pratiquement plus de marge de manœuvre. Nos structures sont menacées de surcharge » a averti Claudio Martelli, le directeur adjoint du SEM. Pour éviter les surcharges, des mesures supplémentaires ont été prises. Désormais, tous les nouveaux arrivés sont testés et doivent s’isoler jusqu’à la réception des résultats. Les personnes à risque sont séparées. Le port du masque est obligatoire dans les salles communes. La température est prise avant chaque repas et les autorisations de sortie pendant le week-end sont suspendues. En outre, des capacités supplémentaires étant nécessaires pour que les centres continuent de fonctionner conformément aux mesures sanitaires, le SEM a réaménagé les halles du service des automobiles du site de Ländi de Brugg (AG). D’autres places d’hébergement sont en préparation à Sulgen (TG) et Reinach (BL).

Emmanuel Macron annonce des renforts pour lutter contre l’immigration clandestine

Les Echos, le 5 novembre 2020

Une semaine après l’attaque de la basilique Notre-Dame de Nice, le jeudi 5 novembre, le chef de l’État français a annoncé le doublement des forces de contrôle aux frontières, qui passeront de 2’400 à 4’800 hommes pour lutter contre l’immigration clandestine. Évoquant une « intensification de la menace », le président français a déclaré que « lutter efficacement contre ce terrorisme islamiste, c’est lutter également contre des réseaux de trafiquants qui ont des liens avec ces terroristes, qui parfois sont des terroristes eux-mêmes, qui utilisent le trafic de stupéfiants et le trafic d’êtres humains pour renforcer leur action et parfois agir directement ».

En outre, le chef d’État français a soutenu que « faire le lien [entre terrorisme et immigration ndlr.] ne veut pas dire qu’on doit tout confondre. Il ne faut pas tout confondre. Nous ne sommes pas une île et nous vivons dans un continent qui est fait de migrations ». A cet effet, il a évoqué « une refonte en profondeur de l’Espace Schengen » dont il souhaite repenser l’organisation et intensifier la protection commune aux frontières avec une véritable police de sécurité aux frontières extérieures.

Le gouvernement maltais accusé de « traitements inhumains » par 50 migrants

InfoMigrants, le 06 novembre 2020

En avril dernier, le Dar As Salam 1, un canot transportant une cinquantaine de personnes migrantes a été intercepté en mer par un navire marchand alors qu’il naviguait dans les eaux maltaises. Le bateau commercial a ensuite remis les personnes migrantes aux garde-côtes libyens qui les ont acheminés au port de Tripoli (LY). Cinq cadavres se trouvaient également à bord.

Suite à cet événement, les principaux concernés ainsi que les proches des deux hommes morts en mer ont porté plainte contre le Premier ministre maltais, le ministre de l’intérieur et le chef de l’armée maltaise pour non-respect de la Constitution maltaise et de la Convention relative aux droits de l’Homme. Les plaignants accusent le gouvernement maltais de « traitements inhumains et dégradants » qu’ils ont subis après leur renvoi en Libye et leur placement en centre de détention. Ils reprochent également au gouvernement maltais d’avoir violé leur « droit à la vie » et de n’avoir pas respecté les obligations du pays qui l’obligent à examiner les demandes d’asile.

L’Organisation internationale des migrations (OIM) avait à l’époque condamné l’action menée par Malte, rappelant que « les personnes secourues en mer ne doivent pas être renvoyées dans un port dangereux ».

 

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 




Après la mort des idées

La lumière au bout du tunnel. Pixabay License.

S’exprimer pour rester en vie

Afkar Altmbashi est Yéménite. Elle exerçait la profession d’avocate des droits humains dans son pays. Elle a dû fuir Al-Quaïda et est en attente d’un statut de réfugiée en Suisse. Elle a récemment rejoint l’équipe de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils et raconte comment l’écriture peut être vécue comme une renaissance.

« J’étais sûre que la pensée et l’opinion ne meurent jamais, même si les corps meurent. J’ai beaucoup douté après ma demande d’asile en Suisse. La dépression s’était installée car je croyais que je n’aurai plus la liberté d’exprimer mon opinion, alors que j’ai toujours été une combattante des droits humains.

Puis j’ai eu la surprise d’être invitée à participer à Voix d’Exils pour exprimer mes idées. A ce moment-là, j’ai senti qu’après la mort des idées, il y a une nouvelle vie pour toutes les personnes requérantes d’asile qui peuvent, avec ce média, continuer à défendre leurs idées. »

Afkar Altmbashi

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Guerre contre le terrorisme

Auteur: Skeeze Pixabay.com – CC0 Creative Commons Skeeze

Le rôle trouble du Pakistan

 

Le premier janvier dernier, Donald J. Trump, le Président des Etats–Unis, a écrit un tweet dénonçant le rôle trouble du Pakistan dans la guerre contre le terrorisme :”The United States has foolishly given Pakistan more than 33 billion dollars in aid over the last 15 years, and they have given us nothing but lies & deceit, thinking of our leaders as fools. They give safe haven to the terrorists we hunt in Afghanistan, with little help. No more! »

Donald Trump exprime clairement la frustration des États-Unis d’Amérique, qui ont investi beaucoup d’argent au Pakistan depuis des années pour lutter contre le terrorisme. Comme le Pakistan a toujours soutenu les talibans, le résultat final est une recrudescence des attaques contre les troupes afghanes, américaines et de l’OTAN en Afghanistan.

Le tweet du président Donald Trump a soulevé la colère au Pakistan, avec beaucoup de manifestations contre les Etats-Unis. Les manifestants ont brûlé des drapeaux américains et appelé à la mort de l’Amérique, disant que, comme l’Amérique a perdu la guerre en Afghanistan, elle cherche un bouc émissaire.

Selon le Pakistan, rien ne prouve que le pays soutienne et protège les terroristes. Quel genre de preuve faut-il pour faire la démonstration que c’est bel et bien le cas ?

Des questions troublantes

Le 2 mai 2011, le chef d’Al-Qaïda Oussama bin Laden, le terroriste le plus recherché dans le monde, a été assassiné par les commandos du SEAL de la marine américaine dans la ville pakistanaise d’Abbottabad, à seulement 1,3 kilo mètres de l’académie militaire pakistanaise. Pendant des années, il a vécu dans un complexe remarquable avec ses trois épouses et ses enfants.

Est-ce qu’il vivait sans aucune forme de soutien de la part de l’appareil d’État ou est-ce qu’il y a quelque chose que les États-Unis et le Pakistan cachent à leur population et au reste du monde?

Même si l’on accepte l’argument selon lequel les responsables pakistanais et les organismes de l’Etat n’étaient pas au courant de sa présence dans le pays, il reste beaucoup de questions sans réponse. Si l’État pakistanais ne soutenait pas Oussama, alors pourquoi le Dr. Shakil Afridi, l’homme qui a aidé les États-Unis à le localiser, est-il toujours en prison ? Sa seule faute est d’avoir aidé les Etats-Unis à cibler le terroriste le plus recherché d’Al-Qaïda.

Le Mollah Omar, le dirigeant et fondateur des talibans afghans, est décédé en 2013 dans un hôpital de Karachi. Sa mort n’a été annoncée officiellement ni par les talibans ni par les Etats-Unis. On peut donner ici le bénéfice du doute au Pakistan.

Mais comment le Pakistan peut-il nier la présence du mollah Akhtar Mansour, chef des talibans afghans après le Mollah Omar, tué par un drone américain le 22 mai 2016 dans la province pakistanaise du Baloutchistan ? Il avait un passeport pakistanais avec de nombreuses mentions de départ et d’entrée depuis un aéroport pakistanais. Comment a-t-il obtenu son passeport ? Qui l’a aidé à se le procurer ? Qui lui a donné l’assurance de voyager en toute sécurité ? Ces questions suffisent à prouver l’implication de l’État pakistanais.

Un homme comme le Mollah Mansour peut-il voyager sans être certain de ne pas être arrêté et remis à l’Amérique au risque de subir des tortures dans la baie de Guantanamo? Il est peut-être courageux, mais il ne prendrait jamais de tels risques. Comment se fait-il que la personne la plus recherchée du monde vive paisiblement avec sa famille près d’une base militaire, voilà la question qui devrait être posée à l’Amérique et aux pays de l’OTAN.

Une autre coïncidence est le fait que le chef taliban Afghan nouvellement élu, Mullah Hibatullah Akhundzada, était auparavant professeur de religion à Quetta, au Baloutchistan, province du Pakistan.

Il n’y aura pas de paix si l’on ne s’attaque pas aux racines du terrorisme. Le peuple afghan continuera de souffrir et les soldats américains et l’OTAN continueront de mourir, il n’y aura pas de paix en Afghanistan.

Il convient de reconnaître que la population pakistanaise a beaucoup souffert du terrorisme : on ne peut pas oublier le meurtre des écoliers de Peshawar ni le fait que des milliers d’autres personnes ont perdu la vie dans cette guerre. Mais d’une certaine manière, le pays soutient les terroristes au nom de la religion et de l’intérêt national.

Bugti Jamal Khan

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 




Malgré tout, je vais continuer à me battre!

Auteur: Moaz Sabbagh

Auteur: Moaz Sabbagh

 

Un périple d’Afghanistan jusqu’en Suisse

J’hésite à raconter mon histoire, tant il est difficile de parler de la réalité de ma vie si douloureuse. Mais cela pourrait être une leçon intéressante pour celles et ceux qui rêvent de venir en Europe, même s’ils sont confrontés à de réelles menaces dans leur pays. 

J’ai vécu la pire expérience de ma vie le jour où deux de mes enfants ont été pris au piège dans leur école lors d’une attaque terroriste à Kaboul. J’ai reçu un appel me disant que mes enfants étaient en danger et il m’a été extrêmement difficile d’arriver jusqu’à eux. Une fois récupérés, nous sommes rentrés à la maison ; mes enfants étaient tellement choqués qu’ils ont refusé de retourner à l’école pendant plusieurs jours.

Nos vies en danger

Afin de mettre notre famille en sécurité, ma femme est partie avec nos enfants chez sa mère, au Pakistan. Puis j’ai voulu les rejoindre et les ramener en ce jour du 16 octobre 2015, un jour qui a marqué ma vie à jamais. En effet, comme c’était un voyage risqué, j’ai pris un taxi collectif, sans arme et sans documents. À un moment donné, le chauffeur a reçu un appel et a donné sa position à son interlocuteur: c’était une embuscade. J’ai pensé mourir ce jour-là. Le chauffeur, étant complice, fut libéré. Mes ravisseurs m’ont frappé, malgré mes supplications, et m’ont laissé pour mort. Je me suis réveillé avec mes vêtements souillés de sang et le nez cassé. J’ai pu rentrer avec l’aide des habitants de la région. Je ne me suis pas plaint auprès des autorités car la suite m’était déjà connue: « Nous vous avons donné un droit de port d’arme, vous pouvez vous défendre et protéger votre famille » même s’ils savent que ceux qui se font prendre avec une arme par les Talibans se font tuer immédiatement.

Les préparatifs

J’ai décidé de quitter le pays mais je n’avais pas grand-chose. Le peu de biens que j’avais, je l’ai bradé. Avec l’argent reçu j’ai réglé mes dettes. Je voulais utiliser le reste de cette somme pour acquérir un visa turc pour toute la famille, mais je n’en ai finalement obtenu que trois : pour ma femme, mon plus jeune enfant et moi. Ce fut une décision très difficile à prendre mais j’ai dû laisser mes deux enfants plus âgés à ma belle-mère. C’était la seule alternative possible.

La fuite

En octobre 2015, nous avons quitté le pays, sans avoir averti ma mère, car je ne voulais pas la mettre en danger ni la bouleverser. Nous sommes partis pour la Turquie. Nous avons risqué la mort en venant en Grèce dans un petit bateau en caoutchouc transportant plus de cinquante personnes, mais nous n’avions pas le choix. Plus tard, nous avons pris le train pour la Hongrie, un pays dangereux pour les demandeurs d’asile. Je redécouvrais une Europe différente de celle que je connaissais à travers les voyages officiels et les protocoles diplomatiques.

La Suisse

J’ai décidé de venir en Suisse à cause de sa réputation de neutralité et de démocratie: presque le ciel sur la terre. Arrivés à Buchs en train, nous avons été envoyés à Glaubenberg, près de Lucerne et de là nous avons été transférés au CEP de Vallorbe. Une semaine plus tard, nous avons passé notre première audition. La femme qui nous a écoutés s’est montrée très compréhensive et nous a promis de relayer notre requête de regroupement familial à qui de droit.

L’arrivée en Valais

Le Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM) a décidé de nous envoyer à St-Gingolph, dans le Canton du Valais. Mon épouse, déjà déprimée, s’isolait car elle pensait beaucoup à nos enfants. Je suis allé voir une conseillère juridique pour trouver une solution au problème de mes enfants. Je suis tombé de haut car sa première question a été: « Qui vous a conseillé de venir en Suisse ? Vous devriez savoir que la Suisse accorde difficilement l’asile ; vous risquez aussi d’avoir une décision Dublin ». Je suis sorti bouleversé de son bureau. J’ai pensé qu’il valait mieux me mettre au travail plutôt que de rester dans ma chambre et j’ai demandé une occupation. J’ai commencé par la cuisine, même si je suis une personne diplômée, avec 8 ans d’expérience professionnelle au niveau national et international.

Des démarches sans résultat

Les multiples démarches auprès de la Croix-Rouge, de l’OIM, du HCR et de l’ambassade Suisse à Islamabad pour faire venir mes enfants restent vaines et cette incertitude pèse sur nous au point qu’il nous semble vivre comme des étrangers sous le même toit. J’ai pensé rentrer au pays, mais cela signifiait, pour moi, un suicide. J’ai finalement renoncé. J’essaie de survivre mais cette souffrance me consume. Comment résister aux cris de mon fils qui dans ses cauchemars appelle son frère et sa sœur? Au téléphone, mes deux enfants pensent que je les ai trahis et refusent de me parler. Je suis à bout d’explications.

Je suis une personne désespérée sur cette Terre : j’ai perdu ma dignité, mon statut social, ma fierté, ma richesse, mes amis et mes parents. Je voudrais dire à mes enfants: «Pardon, je n’ai pas réussi à sauver notre famille et à vous emmener avec moi». Je place mon seul espoir en Allah. Je me sens faible et je suis fatigué de donner le change en société, en me forçant à sourire. Mais malgré tout, je vais continuer à me battre et j’espère que nous trouverons une solution à tous nos problèmes.

Kakar Mohammad Tariq

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils