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Une manifestation exige l’ouverture d’une enquête internationale sur les crimes perpétrés au Sri Lanka durant la guerre civile

Le cortège. Photo: Sara

Environ 2500 Tamouls ont manifesté à Genève le 5 mars dernier pour demander la mise sur pied d’une enquête internationale sur les crimes perpétrés au Sri Lanka pendant la guerre civile qui a sévi de 1983 à 2009. Cette manifestation marque l’aboutissement d’une marche d’un mois intitulée « Walk for justice » (Marche pour la justice) qui a conduit trois exilés Tamouls deBruxellesà Genève.

Des Tamouls venant de toute l’Europe ont marché de la gare Cornavin à Genève au siège des Nations Unies, en agitant les drapeaux de l’Eelam Tamoul et de l’Union Européenne. Sur des pancartes, l’on pouvait par exemple lire: « Nous avons la preuve des crimes de guerre. Nous exigeons la justice ». D’autres enjoignaient le gouvernement Sri Lankais à publier la liste des 18 000 prisonniers rebelles Tamoul. « Trois ans se sont écoulés depuis que le gouvernement Sri Lankais a annoncé la fin du conflit. Mais, à ce jour, il n’y a eu aucune mesure prise en vue d’une solution politique permanente pour répondre aux aspirations de la population du nord de l’île », a déclaré l’un des organisateurs.

Photo: Sara

1200 Tamouls foulent le sol genevois pour faire entendre leur voix 

Un train spécial avait été affrété par les Tamouls vivant à Paris pour participer à la manifestation. 1200 personnes ont ainsi débarqué à la gare Cornavin créant la surprise des autres usagers. Les réfugiés Sri Lankais vivant dans le canton de Vaud et de Genève ont également apporté leur soutien. « Quand je suis arrivé en France en tant que réfugié, j’ai décidé de témoigner pour mon peuple qui souffre. Quand j’ai entendu parler de l’action « Walk for justice », j’ai tout de suite pris la décision de me joindre à l’aventure», déclare Jocomuthu, l’un des trois marcheurs de la la justice. Un autre requérant d’asile Sri Lankais ajoute que« C’est la troisième fois que nous faisons une manifestation devant les Nations Unies. Malheureusement, nos demandes pour qu’une enquête internationale soit menée sur les crimes perpétrés durant la guerre au Sri Lanka n’ont jamais abouti. Nous continuerons notre lutte jusqu’à ce que nous obtenions satisfaction Il est important que nos revendications ne tombent pas dans l’oubli ».

Photo: Sara

« Nous avons l’impression que l’ONU ne veut pas faire son travail »

Nous avons également rencontré un militant des droits de l’homme du Chili qui a accepté de nous faire part de son ressentiment après avoir tenu un discours qui a vivement dénoncé la passivité des Nations Unies envers ces massacres.« Cette manifestation d’aujourd’hui est très importante. L’organisation d’un tel événement devant le siège des Nations Unies à Genève permet au peuple Tamoul de s’exprimer. Cela pourrait influencer les critères sur lesquels l’institution examine aujourd’hui l’état des droits de l’Homme. Nous avons l’impression que l’ONU ne veut pas faire son travail et qu’elle ne veut pas bouger pour faire face aux crimes perpétrés contre le peuple Tamoul.On a un grand problème par rapport à la reconnaissance du peuple Tamoul en tant que peuple qui a souffert d’un génocide et d’une guerre influencée par les puissances internationales ».

Plusieurs représentants d’organisation de défense des droits de l’homme de plusieurs pays ainsi que des eurodéputés du parti travailliste anglais ont également vivement appuyé la revendication des manifestants.

Pour clore l’événement, des démonstrations de danses tamouls ont été présentées par des jeunes Tamouls et tous les manifestants ont juré de poursuivre leur lutte pour dénoncer les crimes perpétrés durant la fin de la guerre civile.

Sara

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Les Tamouls vivant en Suisse craignent d’être renvoyés

Situation géographique du Sri Lanka.

Depuis le 1er mars 2011, les Tamouls dont la demande d’asile a été rejetée doivent quitter la Suisse. Cette décision est manifestement prématurée, car la fin de la guerre, en 2009, ne signifie pas que les droits de l’Homme sont respectés au Sri Lanka.

Selon l’OSAR (l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés), la situation dans le Sri Lanka d’après-guerre reste précaire, notamment dans la région Tamoul où la présence militaire est forte, ce qui incite ses habitants à quitter le pays encore aujourd’hui. « Le nord et l’est de l’île sont toujours le théâtre d’arrestations, d’enlèvements, de meurtres, de sévices sexuels, et de la disparition de dizaines de milliers de veuves et de femmes célibataires », souligne l’OSAR, dans un rapport daté du 22 septembre 2011

Selon ce même rapport, 11’000 personnes ont été arrêtées en 2009 car soupçonnées d’appartenir au mouvement de libération des Tigres Tamouls, et placées dans des centres dits de « réhabilitation ». En juillet 2011, on estimait à environ 3’000 le nombre de personnes encore détenues dans ces centres. Pour l’heure, le gouvernement Sri Lankais refuse de publier la liste des noms des détenus. D’une façon générale, il rejette les accusations de violences, alors même que des exécutions filmées et photographiées par des médias étrangers prouvent le contraire.

Pour faire taire les critiques, le gouvernement Sri Lankais déclare assurer les soins et la protection des Tamouls qui sont retournés au pays après des années d’exil, et il montre une version présentable des centres de réhabilitation aux diplomates étrangers en visite dans l’île.

Le rêve d’une nouvelle vie en Suisse

Dans les pays européens, le nombre de Tamouls demandeurs d’asile a fortement diminué. Ils étaient  de 470 en Suisse en 2011, contre 939 en 2010, et 1415 en 2009. Si le nombre de demandeurs a diminué, le nombre de Tamouls dont la demande d’asile a été rejetée a doublé.

En 2011, 175 Tamouls à qui la Suisse a refusé l’asile ont fait recours. Un de mes amis, appelé Thinesh, est l’un de ceux-là. Il passe beaucoup de temps à proximité des boîtes aux lettres de son bâtiment. Un jour, je lui ai demandé : « Tu attends un courrier avec de bonnes nouvelles? ». Il m’a répondu : « Je suis heureux quand je ne reçois pas de lettres » « Pourquoi? » « J’ai peur… Je m’attends toujours à de mauvaises nouvelles de la part de l’Office fédérales des Migrations de Berne. »

Il y a beaucoup de Tamouls qui s’inquiètent comme Thinesh. Lorsqu’ils sont arrivés en Suisse, ils ont appris la langue, ils ont cherché un emploi pour subvenir à leurs besoins, ils ont envoyé leurs enfants à l’école. Maintenant, ils rêvent de recommencer une nouvelle vie en Suisse. Pour eux, le Sri Lanka est une perle de l’océan Indien qu’ils ne peuvent plus enfiler dans leur collier!

Sara

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils