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10 ans pour construire un nouveau chemin

Keerthigan Sikakumar à l’ECAL. Auteur: Eddietaz

10 ans de l’Evam – Le parcours de Keerthigan Sivakumar en Suisse

Voici presque 10 ans que Keerthigan Sivakumar est arrivé en Suisse. Passé par les structures de l’Evam, autonome et déterminé, il a su construire son chemin pour réaliser aujourd’hui son rêve : étudier le cinéma. Retour sur un parcours épatant.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils est allée à la rencontre d’un de ses anciens membres : Keerthigan. Très enthousiaste, ouvert et sympa il nous a fièrement accordé cette interview à l’Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL).

« J’ai suivi des études secondaires pendant six mois dans mon pays d’origine, le Sri Lanka. Ensuite j’ai fui mon pays en 2009 et je me suis réfugié en Suisse. Les premières trois années, j’ai commencé par apprendre le français et j’ai participé au programme Voix d’Exils jusqu’en 2013. Entre 2014 et 2016, j’ai suivi ma première formation professionnelle à l’Ecole cantonale d’art et de communication de Lausanne (l’éracom). En 2017, j’ai réussi à commencer une formation en cinéma à l’ECAL.

« Les cours de français m’ont permis de sortir du foyer »

Quand je suis arrivé en Suisse, j’habitais au foyer de Sainte-Croix dans une montagne isolée et c’est là que j’ai appris le français en commençant par l’alphabet pendant six mois. C’était très dur, surtout la prononciation. Les cours n’étaient pas intenses, on avait trois jours de cours par semaine. Après six mois, j’ai dépassé le niveau de français des cours qu’on donnait au foyer et on m’a alors proposé de suivre les cours à Renens. Et c’est là où j’ai eu la chance de sortir du foyer pour la première fois. Avec ça, je me suis dit que les cours de français, ce n’est pas seulement pour apprendre une langue, mais aussi pour sortir du foyer, voir, observer, écouter et intégrer la communauté suisse. Donc les cours de français m’ont donné toutes ces opportunités.

« Les cours de français m’ont permis de réaliser mes études professionnelles »

Au début, je voyais le français comme une langue très bizarre. Des gens me disaient que c’est une langue qui est un peu similaire à l’anglais et que si tu parles l’anglais, tu pourras vite l’apprendre. Comme je parle l’anglais, je pensais que ça serait facile pour moi. Mais tel n’a pas été le cas. Les professeurs de français ne parlaient pas l’anglais pendant les cours de français pour définir les mots et nous aider à comprendre. Tout se disait en français. En plus, à cette époque, on n’utilisait pas les smartphones pour chercher la définition des mots. C’est une méthode très dure et difficile pour apprendre la langue. Mais, j’apprécie beaucoup cette méthode, car aujourd’hui elle m’a permis d’être bon en français et de pouvoir faire mes études professionnelles.

« Quand les vaudois parlent, ils parlent très vite »

J’ai eu la facilité d’apprendre cette langue car j’avais l’opportunité de suivre des cours intensifs de français, une demi-journée tous les jours de la semaine à Ecublens. Ensuite, j’ai eu la chance d’être soutenu par une bourse d’études d’une association qui s’appelle ENVOL pour suivre des cours jusqu’au niveau B2. Toute langue est comme un océan, une mer. L’une des difficultés que je rencontre est de me familiariser avec l’accent vaudois. Quand les vaudois parlent, ils parlent très vite. Je me sens toujours comme un débutant dans cette langue. J’ai toujours des difficultés et des défis à relever. Maintenant à l’école, on écrit beaucoup, on rédige des textes. Alors pour faire ça, il me faut d’abord les rédiger dans ma langue maternelle, pour les traduire en français ensuite. Après, je les donne pour relecture à d’autres personnes.

« Voix d’Exils est un vrai emploi »

Je trouve que Voix d’Exils n’est pas un programme d’activités, c’est un vrai emploi. Car à travers ce programme, nous apprenons les vraies techniques du journalisme en Suisse. Alors, il nous donne beaucoup d’expérience et c’est bénéfique. Il nous permet aussi d’avoir la confiance et une grande motivation pour aller rencontrer des gens, faire des interviews et écrire des articles. Voix d’Exils m’a beaucoup aidé à développer mes compétences pour pouvoir suivre ma première formation réussie à l’Eracom. Ce programme m’a aussi appris à connaître la vie politique, sociale, culturelle et professionnelle en Suisse.

« Ce qui facilite l’intégration, c’est d’être toujours ouvert et d’avoir la persévérance d’apprendre »

L’intégration c’est le vivre ensemble des communautés différentes en respectant ces différences. Je ne me sens pas intégré en Suisse et je ne pense pas réussir à m’intégrer un jour, car l’environnement social et politique change tous les jours. Donc, avec ces changements constants, nous n’arriverons jamais à nous intégrer. Mais ce qui facilite cette intégration, c’est d’être toujours ouvert et avoir la persévérance d’apprendre.

Une saveur, un goût qui te parle ?

La crêpe au chocolat. Au Sri Lanka il y des crêpes : les Dosa, mais on ne les mélange jamais avec du chocolat.

Une expression dans ta langue qui t’es chère, qui te ressemble ?

Nous sommes tous citoyens du monde donc nous écoutons.

En tamil : யாதும் ஊரே! யாவரும் கேளீர்! »

Propos receuillis par:

Lamine

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Bio expresse de Keerthigan Sivakumar

1988 : naissance au Sri Lanka, âge actuel : 29 ans

Langue maternelle : Tamil

2009 : Arrivée en Suisse

2014-2016 : Ecole romande d’art et communication (éracom)

2017 : Ecole cantonale d’art de Lausanne (ECAL)

 

 




Les Rencontres d’ici et d’ailleurs à Sion

Le défilé des communautés. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Le défilé des communautés. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Un 10ème anniversaire très festif

Cela fait 10 ans que les Rencontres d’ici et d’ailleurs (REDIDA) favorisent la bonne entente interculturelle dans la ville de Sion, où 120 nationalités cohabitent paisiblement. Une décennie, cela se fête !  

Au terme d’une semaine culturelle du 20 au 27 août, le week-end a fait place à de nombreuses animations. Le vendredi soir, la place du Scex à Sion était noire de monde, certes avec plus de gens d’ailleurs que d’ici : une vraie mosaïque humaine composée d’Asiatiques, d’Occidentaux, d’Africains, de Latino-américains. Tous les âges étaient représentés. Les gens se pressaient pour voir le défilé des communautés en costumes traditionnels, apprécier la danse, la musique et aussi déguster les cuisines du monde. Les enfants, de leur côté, avaient accès à un espace de loisirs et à un jardin de rencontre avec des conteurs.

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils a pu rencontrer les organisateurs, Monsieur Jean-Pascal Fournier, Président de REDIDA et Madame Christel Jost Sawadogo, déléguée à l’intégration de la Ville de Sion et coordinatrice des événements organisés par REDIDA. Elle a aussi approché quelques communautés participantes pour leur demander quel sens elles donnaient à cette fête.

Un langage universel

Dans son discours d’ouverture, Jean-Pascal Fournier a souligné que tous ces ingrédients de la fête avaient un langage universel. Il a souligné que la manifestation était vivante et que le côté novateur de l’édition 2016 se remarquait à travers le défilé et la présentation des communautés étrangères dans leurs habits traditionnels.

En expliquant les objectifs de REDIDA, Christel Jost Sawadogo a, quant à elle, insisté sur l’importance de « la sensibilisation de la population aux questions de rencontre, de diversité culturelle et du vivre ensemble ». A travers la participation d’une trentaine de communautés étrangères aux côtés des Suisses avec leur légendaire raclette, il y a lieu de se dire que le fruit est palpable.

Pour perpétuer son festival culinaire, REDIDA a mis à disposition de chaque communauté deux tentes pour « leur permettre […] d’échanger et de discuter avec le public», comme l’a souligné Christel Jost Sawadogo. Et Jean-Pascal Fournier de poursuivre : « si vous voulez réunir les gens, […] la cuisine est une porte d’entrée, […] un bon moyen de rentrer en contact avec eux ».

Un régal

La fête a été un régal, non seulement pour le palais, mais aussi pour les yeux, le nez, les oreilles, bref, l’humain avec ses cinq sens était convié. Dans une ambiance chaleureuse, Valaisans et étrangers ont pu trouver ce qui les rassemble et amène leurs cœurs à communier.

Pour le président et la coordinatrice des REDIDA, le bilan est positif malgré la mauvaise surprise faite par la pluie le samedi soir. L’échange, la discussion et le dialogue avec le public ont bel et bien eu lieu. La satisfaction est de mise également pour les communautés étrangères.

Que vive REDIDA!!!

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Christel Jost Sawadogo et Jean-Pascal Fournier.

Christel Jost Sawadogo et Jean-Pascal Fournier.

 

Angola. C’est leur première participation. « Cette fête permet aux gens de se connaître et de se rapprocher des autres communautés. Nos enfants en grandissant connaîtront ainsi d’autres cultures. ». Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Angola. C’est leur première participation. « Cette fête permet aux gens de se connaître et de se rapprocher des autres communautés. Nos enfants en grandissant connaîtront ainsi d’autres cultures. ». Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

Communauté tamoule originaire du nord du Sri-Lanka. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Communauté tamoule originaire du nord du Sri-Lanka. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

Thaïlande. Cette dame qui participe aux REDIDA pour la quatrième fois apprécie beaucoup et trouve qu’il y a une belle équipe organisatrice. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Thaïlande. Cette dame qui participe aux REDIDA pour la quatrième fois apprécie beaucoup et trouve qu’il y a une belle équipe organisatrice. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

Quelques spécialités d’ailleurs. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Quelques spécialités d’ailleurs. Photo : rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

 

 




« Le film « L’ESCALE » fait écho à ma trajectoire de requérant d’asile »

Les affiches de l'ESCALE à la gare de Lausanne. Photo: Saras Pages

Les affiches du film l’ESCALE à la gare de Lausanne. Photo: Saras Pages / Voix d’Exils.

Fin janvier-début février 2014, 20 demandeurs d’asile Iraniens font la grève de la faim devant l’ODM à Berne. Le 30 janvier, le film « L’ESCALE », qui raconte la vie de sept clandestins Iraniens réunis à Athènes dans l’espoir de passer dans la partie occidentale de l’Europe, reçoit le Prix du jury des 49ème Journées de Soleure. Requérant d’asile d’origine tamoul, Kumar, lui, a été touché par les similitudes entre sa propre trajectoire et celle des Iraniens qui témoignent dans « L’ESCALE ». Notre rédacteur Saras Pages a recueilli son témoignage.

« Dans ce film, tourné par le réalisateur genevois Kaveh Bakhtiari, il y a une scène qui est très touchante, non seulement pour moi mais aussi pour les 300 spectateurs présents à la projection en avant-première le 27 janvier à Lausanne, souligne Kumar. Cette scène montre un Iranien clandestin qui a fait une grève de la faim devant la Commission des droits humains à Athènes pendant plus de 35 jours. ». Athènes, Berne, deux réalités comparables qui se déroulent sous des latitudes différentes, comme l’explique Kaveh Bakhtiari: « On ne peut pas coller le film, le scotcher à un territoire ».

« Excusez-moi, dans quel pays sommes-nous, Monsieur ? »

« Personnellement, des passages m’ont fait sourire plutôt que pleurer, note Kumar. Je pouvais facilement prédire ce qui allait se passer ensuite, étant donné que certains dialogues et certaines actions ressemblaient à ce que mes amis et moi avions endurés. Notamment, les scènes qui concernent la route jusqu’en Europe. En tant que Suisse, que penseriez-vous si une personne que vous ne connaissez pas venait vers vous et vous demandait : « Excusez-moi, dans quel pays sommes-nous, Monsieur ? ». C’est la scène qu’a vécue un conducteur de taxi à Bâle lorsque j’ai pris son taxi à la gare pour qu’il me conduise au Centre d’enregistrement et de procédure d’asile, à près de deux kilomètres de là. »

Selon leur origine, les points de chute des migrants s’avèrent différent. Ainsi, pour les Iraniens et les gens en provenance du Moyen-Orient, L’ESCALE se fait en Grèce. Pour beaucoup de Tamouls, L’ESCALE a lieu plutôt en Thaïlande ou dans certains pays d’Afrique, plus rarement en Grèce.

Garder l’espoir sur la route de l’exil

Kumar confie son inquiétude quant au sort d’amis toujours à Bangkok, alors qu’ils ont pris le chemin de l’exil en même temps que lui, en 2009. « Imaginez leur vie : ils sont bloqués en Thaïlande, un pays qui n’accueille pas les migrants plus de quatre ans. C’est pourquoi, ces derniers vivent dans la clandestinité en attendant la réponse d’un passeur… »

Au début de l’année 2010, le jeune homme a rencontré des Tamouls requérants d’asile au Centre d’accueil de Sainte-Croix, dans le canton de Vaud. L’un d’eux lui a raconté une histoire qui restera à jamais gravée dans sa mémoire. « En voyant le film, le souvenir m’est revenu. Ce compatriote avait fui le  Sri-Lanka. Il avait traversé plusieurs pays d’Afrique et avait été détenu trois jours dans une prison d’un village du Maroc. Le premier jour, il avait eu très peur en raison de sa solitude, mais, les jours suivants, il avait repris l’espoir qu’un jour il serait libéré. La raison de ce changement était simple : sur un vieux mur de sa prison, il avait pu lire cette phrase écrite en langue tamoule : «தமிழன் இங்கும் உறங்கியுள்ளான் (« Un Tamoul a aussi dormi ici »). En visionnant « L’ESCALE », Kumar a réalisé que « ce n’était pas uniquement un film destiné aux gens qui accueillent les migrants, mais également un film pour les personnes qui ont fui leur pays. »

« Avant de partir, on ne sait pas qu’on risque sa vie »

Il partage l’avis de Kaveh Bakhtiari lorsqu’il affirme : « Évidement, avant de partir, on ne se rend pas compte des difficultés que ça représente, on ne sait pas qu’on risque sa vie. » Et aussi lorsque le réalisateur déclare : « Je pense que l’accumulation d’informations peut aider à sensibiliser les gens, mais je ne suis pas naïf, un film ça ne change pas le monde malheureusement. » Pour sa part, Kumar s’inscrit dans la même ligne : « Je ne suis pas naïf non plus, mon témoignage ne changera pas le monde malheureusement, mais j’espère qu’il donnera envie aux lecteurs de Voix d’Exils d’aller voir « L’ESCALE » qui est en salle actuellement. »

Saras Pages

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

Pour obtenir les horaires des projections du film L’ESCALE, cliquez ici

 




Des artistes mettent à nu les crimes abominables perpétrés au Sri Lanka

Exposition "Chercher". Photo: Voix d'Exils.

Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils.

Trois jeunes artistes ont pris l’initiative d’aborder des sujets tabous dont aucun Sri-Lankais n’ose parler à haute voix et qui sont tus par la communauté internationale à l’occasion d’une exposition de dessins. Cette exposition – offrant une vision crue sur la situation politique qui sévit actuellement au Sri Lanka – s’est tenue du samedi 26 au mardi 29 octobre au centre socioculturel Pôle Sud.

 

Samedi 26 octobre 18:00. Les curieux se pressent à l’entrée de l’une des salles d’exposition du centre socioculturel Pôle Sud située au 1er étage du bâtiment pour assister au vernissage de l’exposition de dessins intitulée «Chercher». Les œuvres sont disposées le long des murs de la salle et sont accompagnées de légendes fournies. L’un des jeunes artistes prend la parole pour expliquer les sens de chaque image ainsi que le fil rouge de l’exposition qui aborde, de manière émouvante et troublante, les horreurs consécutives au bafouement des droits humains perpétrés par le gouvernement sri-lankais. La démarche est à la fois simple et efficace : c’est à travers les étapes du parcours biographique d’une femme, qui se lisent comme les chapitres d’un livre, que les visiteurs s’immergent dans la situation dépeinte. L’histoire débute avec la représentation d’une femme enceinte et se termine par un tableau qui évoque sa fin tragique, quelques années après la disparition de sa fille unique. A travers cette initiative, les artistes cherchent à sensibiliser le public à propos de la situation alarmante qui sévit actuellement au Sri Lanka, qui a succédé à une guerre civile qui a ravagé le pays entre 1983 et 2009. Nombreux sont celles et ceux qui ont entendu parler de la guerre au Sri Lanka, mais peu sont informés des faits horribles qui continuent à se produire encore aujourd’hui. Derrière les cocotiers et les plages de sable fin, que peut apprécier le touriste qui se rend au Sri Lanka, se cache certaines réalités mortifères. Ainsi, depuis la fin de la guerre en mai 2009, le taux de disparitions forcées de la population tamoule n’a cessé d’augmenter. Ainsi, en 2013, le Sri Lanka est classé en deuxième position après l’Irak dans la catégorie des États qui voient le plus grand nombre de leurs ressortissants disparaître dans un rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires du Conseil des droits de l’homme édité au début de l’année. L’exposition mentionne aussi que le Sri Lanka est l’un des pays les plus hostiles aux journalistes au monde. En parallèle, les visiteurs de l’exposition étaient invités à signer une pétition d’Amnesty International dont le but est de suspendre définitivement la campagne d’expulsion des personnes déboutées de la communauté sri-lankaise vivant en Suisse. Rappelons ici que dernièrement, au courant du mois de septembre, des requérants Sri-Lankais déboutés de la Suisse se sont faits arrêtés lorsqu’ils sont rentrés dans leur pays d’origine. James*, l’un des trois jeunes artistes, a accepté de répondre aux questions de Voix d’Exils.

Exposition "Chercher". Photo: Voix d'Exils.

Exposition « Chercher ». Photo: 

Voix d’Exils : Pourquoi avez-vous choisi le dessin pour vous exprimer?

James : Nous avons choisi le dessin, car à travers ce dernier, le message est plus vite transmis qu’à travers un long texte. Le dessin est plus facilement enregistré par la mémoire de l’être humain et il dépasse les frontières langagières. Ainsi, grâce au dessin, le message de l’exposition peut aussi être transmis aux personnes qui ne maîtrisent pars les langues française ou tamoul.

Pourquoi vos œuvres sont-elles toutes en noir et blanc, alors que juste quelques éléments comme les bijoux et les broderies sont en couleur ? Quelle est la signification de ce choix artistique ?

Nos œuvres sont en noir et blanc pour marquer le temps passé et l’état d’angoisse des personnages représentés. La couleur sur les bijoux et les broderies vise à attirer l’attention des visiteurs afin de les inviter à questionner davantage les images et pour montrer la particularité culturelle de la femme tamoule sri-lankaise.

Combien de temps cela vous a-t-il pris pour réaliser ces œuvres d’art et d’où proviennent vos sources d’inspiration ?

Exposition "Chercher". Photo: Voix d'Exils.

Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils.

La création de ces œuvres d’art nous a pris 5 week-ends de travail à raison d’un jour par week-end, vu que nous avons d’autres occupations durant la semaine. En ce qui concerne nos sources d’inspiration, nous avons-nous-même vécu au Sri Lanka et observé plusieurs scènes représentées dans nos œuvres qui sont restées gravées dans nos mémoires. Aujourd’hui, nous recevons encore des témoignages de gens qui évoquent les situations que nous décrivons dans nos dessins.

Comment votre collectif d’artiste s’est-il formé et qu’est-ce qui vous a inspiré pour initier cette exposition ?

Nous nous sommes rencontrés ici en Suisse en 2010 et nous avons tous des intérêts en commun. Nous parlons souvent de sujets en lien avec le Sri Lanka. Nous avons décidé de monter cette exposition après avoir entendu parlé de la campagne du 22 septembre dernier sur le Sri Lanka qui avait eu lieu à Olten et qui était organisée par des jeunes Sri-Lankais et des jeune militants d‘Amnesty International.

Exposition "Chercher". Photo: Voix d'Exils.

Exposition « Chercher ». Photo: Voix d’Exils.

Quelles sont les difficultés auxquelles vous avez été confrontés lors de la production de vos œuvres?

La plus grande difficulté que nous avons rencontré était d’assembler simultanément et de manière cohérente dans nos tableaux nos interventions individuelles, car il s’agit d’œuvres collectives. Parfois, le dessin ne correspondait pas à l’idée de l’un ou de l’autre et, du coup, l’on devait le refaire entièrement.

Combien de visiteurs avez-vous reçu depuis le début de l’exposition ? Quelles ont été leurs réactions et quelles sont vos impressions ?

Nous avons déjà reçu une quarantaine de visiteurs jusqu’à maintenant. Tous étaient prêts à nous écouter et ont appréciés cette initiative. Plusieurs d’entre eux nous ont encouragés. Pour notre part, nous sommes très satisfaits de la réussite de cette première exposition et, en particulier, du fait que notre message puisse passer auprès de la population suisse.

Quel est votre mot de la fin ?

Si nous nous taisons, qui parlera à notre place ? Nous sommes prêts à courir ce risque pour amener un changement au Sri Lanka. Toutes ces informations ont un lien direct avec la situation actuelle de notre pays. Je tiens aussi à vous informer que l’exposition se poursuivra dans d’autres lieux du canton de Vaud et dans d’autres cantons également.

* Nom d’emprunt.

Propos recueillis par :

Pastodelou

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

Pour visionner le film sur l’exposition réalisé par 4TamilMedia cliquez ici

Lire aussi sur Voix d’Exils «Pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants en Suisse




Pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants en Suisse

Logo de la campagne d'Amnesty International

Logo de la campagne « Protection, vérité et justice pour la population sri-lankais »

Amnesty International, en collaboration avec la Société pour les peuples menacés et l’Organisation suisse d’aide aux réfugiés (OSAR), a lancé la campagne «Protection, vérité et justice pour la population sri-lankaise». Une pétition et un documentaire entendent sensibiliser la population suisse à la situation délicate dans laquelle se trouvent les réfugiés tamouls.

Quatre ans après la fin de la guerre civile entre les forces gouvernementales et les Tigres tamouls, la situation des droits humains au Sri Lanka reste alarmante. 26 ans de conflit armé ont laissé des traces profondes et la paix a un goût amer. Selon Amnesty International «Le gouvernement refuse toujours qu’une enquête indépendante soit menée sur les crimes de guerre commis par l’armée et les Tigres tamouls. Les voix critiques sont menacées, emprisonnées ou victimes de disparitions forcées.»

Soupçonnée d’entretenir des liens avec les Tigres tamouls, la communauté tamoule est la plus touchée par ces violences. C’est pourquoi les Tamouls de Suisse vivent dans la crainte d’être renvoyés au Sri Lanka. En 2011, un arrêt du Tribunal administratif fédéral prétendait que toutes les régions tamoules du Sri Lanka étaient en sécurité ce qui justifiait des expulsions. Entre temps, et au vu des risques encourus suite au renvoi et à l’arrestation de plusieurs personnes lors de leur arrivée sur le sol sri-lankais, la Suisse a provisoirement suspendu les renvois.

Mais cela ne suffit pas. Amnesty International, l’OSAR et la Société pour les peuples menacés dénoncent la violation des droits humains, l’absence d’enquête fiable sur les crimes de guerre et la situation des requérants d’asile en détresse. Ces organisations ont lancé une pétition afin que la Suisse s’engage pour le renforcement des droits humains au Sri Lanka et la protection des requérants.

La campagne prévoit encore la projection d’un documentaire sur les crimes de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre civile en 2009 : « No Fire Zone : Les champs de la mort du Sri Lanka » (2013). Prévue le 4 novembre à 18:30, au Casino de Montbenon, à Lausanne, la séance est gratuite et sera précédée d’un cocktail sri-lankais, occasion d’une rencontre avec la communauté sri-lankaise de Suisse romande.

Pour mieux comprendre la situation de la grande communauté sri-lankaise, composée pour la Suisse de 50’000 personnes dont 22’000 naturalisés, Voix d’Exils a interviewé David Cornut, coordinateur de campagne d’Amnesty International, et vous propose de partager l’histoire de Vignesh qui explique comment il a évité in extremis d’être renvoyé au Sri Lanka après avoir été débouté.

Interview de David Cornut, Coordinateur de la campagne «Protection, vérité et justice pour la population sri-lankaise» d’Amnesty International

David Cornut et

Ganimete Heseti et David Cornut

Voix d’Exils : Quel est le but principal de votre campagne ?

David Cornut : Amnesty International veut dénoncer la situation qui prévaut au Sri Lanka, un pays qui viole les droits humains, est coupable de persécutions, de tortures et d’atteintes à la liberté d’expression. Pourtant, la Suisse considère le Sri Lanka comme un pays sûr. Des accords de facilitation des réadmissions entre la Suisse et le Sri Lanka sont actuellement en cours. Or, les renvois dans un pays qui n’est pas sûr sont complètement interdits par la loi suisse.

Pourtant, le gouvernement suisse a décidé de stopper l’exécution de renvois vers le Sri Lanka…

Cette mesure est provisoire et ne suffit pas. Amnesty demande que la Suisse stoppe tous les renvois sur le long terme, et pas seulement de cas en cas, tant que la situation au Sri Lanka n’est pas sûre pour tout le monde.

Comment peut-on aider la population du Sri Lanka?

Il faut faire toute la lumière sur les crimes de guerre et rendre la justice dans les deux camps : l’armée officielle et les Tigres tamouls. Grâce aux pressions politiques et économiques de la communauté internationale, qui observe en permanence le Sri Lanka, la situation de la population sri-lankaise va pouvoir changer. L’Inde, par exemple, a passé une résolution sur la violation des droits humains au Sri Lanka. Et l’inde est un partenaire important.

Quelles sont les chances de succès de votre campagne ?

L’arrêt – même provisoire – des renvois au Sri-Lanka est un premier succès. Maintenant, on a besoin que les gens signent la pétition pour la Suisse. On a besoin que les gens parlent du Sri Lanka, car le pire c’est le silence. C’est important que l’opinion publique pense au Sri Lanka autrement que comme une destination pour passer des vacances. Et aussi, pour que la population suisse sache qui sont les Tamouls.

A votre avis, quelles seront les réactions du gouvernement du Sri Lanka vis-à-vis de votre campagne ?

Il est difficile de faire des pronostics… Le gouvernement du Sri Lanka est très sensible à la critique. Il essaie de se construire une nouvelle image et il a essayé d’empêcher la projection du film «No Fire Zone : Les champs de la mort du Sri Lanka» à Genève.

Propos recueillis par Lamin et Sara Pages

Membres de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Vignesh, débouté Sri-Lankais, évite in extremis d’être renvoyé de Suisse

Vignesh*, 25 ans, est un demandeur d’asile Sri-Lankais. Arrivé en Suisse en 2009, il a reçu une décision négative à sa demande d’asile à deux reprises, et aurait dû être renvoyé au Sri Lanka le 8 août dernier.

Mis sous pression, Vignesh appose sa signature pour l’obtention d’un passeport provisoire valide pour trois jours et, de manière inattendue, se voit remettre immédiatement un ticket de vol pour le 8 août avec l’ordre de se présenter à l’aéroport de Cointrin à Genève pour son rapatriement.

Lorsque le jour du vol arrive, il ne se présente pas à l’aéroport. Il se cache dans différents lieux : chez des amis, à la gare ferroviaire de Genève ou dans un arrêt de bus, ce par temps froid comme par temps chaud.

Durant la même période, deux familles renvoyées par le canton de Saint Gall sont arrêtées sur le sol sri-lankais. Suite à ces événements, le gouvernement suisse décide de geler immédiatement tous les rapatriements des ressortissants Sri-Lankais.

Vignesh prend connaissance de cette nouvelle, en parle à un avocat social, se rend au Service de la population du canton de Vaud (SPOP), et demande à nouveau l’aide d’urgence. Le SPOP refuse de répondre favorablement à sa demande, car il n’a pas été notifié de la décision de l’Office fédéral des migrations (ODM) et lui reproche de séjourner de manière illégale en Suisse à partir de la date arrêtée pour son renvoi.

Un jour plus tard, le SPOP prend contact avec son avocat pour l’informer qu’il entre en matière à propos de l’octroi de l’aide d’urgence. Ce retournement de situation est tout à fait exceptionnel par rapport à la situation des Sri-Lankais déboutés résidant en Suisse et témoigne de la force de la décision de l’ODM. A nouveau, Vignesh est logé dans l’abri de la protection civile où il séjournait auparavant et, de surcroît, il a obtenu un permis N.

Que lui serait-il arrivé s’il avait été renvoyé le jour prévu au Sri Lanka ? Le gouvernement suisse affirmait à l’époque être en mesure de conserver le contact avec les personnes renvoyées. Dans les faits, ce contrôle s’est avéré très difficile à mettre en œuvre, en particulier en dehors de Colombo, la capitale, à fortiori après que plusieurs mois se soient écoulés depuis la date du renvoi. Mentionnons également qu’une loi anti-terroriste promulguée par le gouvernement sri-lankais menace potentiellement quiconque appartenant à la diaspora sri-lankaise, dont les membres sont suspectés presque systématiquement de collaborer avec les Tigres tamouls. La suspicion concerne, en particulier, les personnes provenant de Suisse ; et celles-ci s’exposent à des peines d’emprisonnement de 12 ans au minimum.

Pour l’heure, Vignesh est satisfait de sa situation et espère pouvoir rester en Suisse. Il pense qu’il obtiendra un statut de réfugié ou que son autorisation de séjour temporaire sera prolongée sur le long terme, étant donné que la situation au Sri Lanka met en danger les populations tamoules. Il est également persuadé que le gouvernement et le peuple suisses comprennent aujourd’hui la dangerosité de la situation qui règne dans son pays.

L. et S.P.

*Nom d’emprunt

Informations

NO FIRE ZONE : LES CHAMPS DE LA MORT DU SRI LANKA, documentaire, 2013, Vo/St.fr, Callum Macrae

Affiche du film "No fire zone"

Affiche du film « No fire zone »

Présenté par Amnesty International, ce film braque les projecteurs sur les crimes de guerre commis pendant la dernière phase de la guerre civile, en 2009. Le documentaire, dont les réalisateurs ont été nominés au Prix Nobel de la Paix, a provoqué une vive émotion lors de sa projection en marge du Conseil des droits de l’homme des Nations unies. Avec une introduction de Manon Schick, directrice d’Amnesty International Suisse  et Namasivayam Thambipillai, conseiller communal de la ville de Lausanne.

Quand      4.11.2013

                      18h30 Cocktail sri lankais, 19h00 Film

Où               Casino de Montbenon – Salle des Fêtes

                      Allée Ernest-Ansermet 3

                      1003 Lausanne

                      m1: Vigie; m2, LEB: Lausanne-Flon; tl 3, 6, 21: Cécil

Entrée      Entrée libre – inscription préalable : info@amnesty.ch

                      Scènes choquantes, destiné à un public adulte.