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FLASH INFOS #73

Kristine Kostava / Voix d’Exils.

Sous la loupe : Logements et salaires moins bons pour les personnes migrantes en Suisse / Camps de réfugiés Rohingyas submergés au Bangladesh / 196 personnes secourues en Méditerranée par l’Ocean Viking

Logements et salaires moins bons pour les personnes migrantes en Suisse

RTS, le 28 juillet 2021

Selon les données de 2019 de l’Office fédéral de la statistique, l’on constate en Suisse des différences de conditions sociales entre les personnes immigrées et les autochtones : les suisses·ses vivent dans des appartements plus confortables, tandis que la population immigrée vit dans des quartiers plus bruyants et dans des appartements plus exigus et plus chers. Autre observation : les personnes issues de l’immigration perçoivent des salaires inférieurs à ceux des suisses·ses de manière générale, bien que la situation migratoire ne soit pas le seul facteur explicatif de ces différences. Reste que pour un niveau d’éducation similaire, la proportion de ces travailleur·se·s dont le salaire est entièrement épuisé à la fin du mois est nettement supérieure à celle des personnes suisses.

Ravages des pluies dans les camps de réfugié·e·s Rohingyas

OIM, le 30 juillet 2021

Les fortes pluies qui se sont abattues au Bangladesh sans arrêt pendant trois jours ont affecté des milliers de réfugié·e·s Rohingyas, tuant six personnes et causant d’importants dégâts dans les camps, notamment dans les centres de distribution alimentaire et les établissements de santé. L’Organisation internationale pour les migrations (OIM) craint que ces fortes précipitations ne se poursuivent, ce qui entraînerait de nouveaux effondrements et la fermeture de routes nécessaires pour l’acheminement de l’aide humanitaire et médicale. L’OIM a lancé un appel à l’aide afin de poursuivre le travail et maintenir les mesures sanitaires mises en place pour nettoyer les conduits d’eau ou fournir des abris. Le travail bénévole de nombreux·se·s Rohingyas a contribué à fournir l’aide nécessaire dans les différents camps.

Près de 200 personnes migrantes secourues en Méditerranée

RTS, le 1er août 2021

Samedi 31 juillet, le navire Ocean Viking a porté secours à 196 personnes migrantes au cours de quatre opérations en Méditerranée. Ils et elles se trouvaient sur des embarcations qui tentaient de rejoindre l’Europe depuis la Libye.

Selon SOS Méditerranée, l’Ocean Viking a secouru, dans la matinée, 57 personnes à bord d’une « embarcation pneumatique en détresse ». Dans l’après-midi, deux autres sauvetages ont eu lieu dans la même zone : 54 personnes qui se trouvaient dans un bateau pneumatique ont d’abord été secourues. « Certains des rescapés souffraient de brûlures dues au carburant », selon l’ONG. Peu de temps après, 64 autres personnes ont été sauvées d’une autre embarcation en difficultés. La dernière opération a été effectuée grâce à l’alerte donnée par un avion de l’ONG Sea Watch : 21 personnes ont ainsi été secourues, dont sept femmes et trois jeunes enfants.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




Revue de presse #41

La revue de presse, la nouvelle rubrique de Voix d’Exils. Auteur: Damon / Voix d’Exils.

Sous la loupe : Écart salarial entre migrants et nationaux en hausse selon l’OIT / Inquiétudes autour de l’initiative contre la burqa / Status quo pour les personnes admises provisoirement en Suisse

Ecart salarial entre migrants et nationaux en hausse selon l’OIT

Organisation internationale du Travail, le 14 décembre 2020.

Au cours des cinq dernières années, les inégalités salariales entre les personnes migrantes et les travailleurs nationaux n’ont cessé de se creuser dans plusieurs pays à revenus élevés selon une nouvelle étude menée par l’Organisation internationale du Travail (OIT). Les écarts entre les salaires sont les plus élevés à Chypre (42%), en Italie (30%) ou encore en Autriche (25%). Dans l’ensemble de l’Union européenne (UE), cet écart approche les 9%. D’un point de vue temporel, en Italie par exemple, les travailleurs immigrés gagnent 30% de moins que les travailleurs nationaux, contre 27 % en 2015. Au Portugal, l’écart salarial est de 29 % contre 25 % en 2015. En Irlande, il est de 21 % contre 19 % en 2015. Le rapport met également en lumière que les travailleuses migrantes font l’objet d’une double peine: en tant que migrantes et en tant que femmes. Plus récemment, c’est le même constat dans tous les pays étudiés: les personnes migrantes sont confrontées à des problèmes de discrimination et d’exclusion qui se sont aggravés avec la pandémie de la COVID-19.

Inquiétudes autour de l’initiative fédérale contre la burqa

Le Temps, le 11 décembre 2020.

L’initiative « anti-burqa », soumise au vote populaire le 7 mars prochain, sera l’un des thèmes politiques phares du début de l’année prochaine en Suisse. Dans le cadre d’une interview accordée au journal Le Temps Etienne Piguet, vice-président de la Commission fédérale des migrations, n’a pas caché son inquiétude avant la votation qui aura lieu le 7 mars prochain et en appelle à une discussion sereine. L’initiative « Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage », plus communément appelée « anti-burqa », a été lancée par le Comité d’Egerkingen, proche de l’UDC, qui était déjà à l’origine de l’initiative contre les minarets qui avait été acceptée à la surprise générale par 57% des votants le 29 novembre 2009 .

Status quo pour les personnes admises provisoirement

swissinfo.ch, le 16 décembre 2020

Les personnes au bénéfice d’une admission provisoire (permis F) en Suisse ne devraient pas voir leur statut changer. En effet, le 16 décembre 2020, le Conseil national a refusé d’entrer en matière sur un projet du gouvernement visant à durcir les règles pour les voyages et à les assouplir pour les déménagements. A cet effet, la Chambre du peuple s’est prononcée par 117 voix contre 72. La gauche et l’UDC se sont opposés au projet du Conseil fédéral pour des raisons différentes. Ce projet se base sur deux motions approuvées par le parlement. La première, déposée par Gerhard Pfister (PDC/ZG), voulait interdire aux détenteurs d’un permis F d’aller dans leur pays d’origine. La seconde, soutenue par la commission du Conseil des Etats, demande au Conseil fédéral de modifier ponctuellement le statut de l’admission provisoire afin notamment de lever les obstacles à l’intégration sur le marché du travail.

Masar Hoti

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 




«Séquestrée et contrainte à me prostituer en Suisse»

Galerie de Ira Gelb. (CC BY-ND 2.0)

Photo: galerie d’Ira Gelb. (CC BY-ND 2.0)

Certaines « filles de joie » essaient d’échapper à la spirale de la prostitution. Tant bien que mal. C’est le cas de Sonia, que nous avions rencontré l’année passée dans le cadre de notre enquête sur la prostitution et ses dangereuses illusions. Aujourd’hui, Sonia n’est plus dans la rue. Elle est sortie de cet enfer et se bat pour ne plus y sombrer à nouveau. Témoignage d’une difficile reconversion.

Il y a un monde où les femmes ne sont pas considérées comme des êtres humains, mais comme de simples objets, presque comme des papiers hygiéniques. « Utilisées » par toutes sortes d’hommes : mariés, célibataires, riches, pauvres, intellos, malades mentaux et autres. Ce monde, c’est celui des maisons closes, aussi appelées bordels. Ces bordels cachent une réalité sociale aussi ancienne qu’invisible.  Les maîtresses authentiques de ces corps qui se déshabillent pour de l’argent sont emplies de sentiments et de souffrances; de cauchemars et de rêves, de désirs et d’amour. Elles se retrouvent, parfois malgré elles, dans un monde impitoyable fait de masques, toutes seules. Un monde dans lequel il est beaucoup plus facile d’y entrer que d’en sortir… Mais Sonia a réussi à s’extraire de ce cauchemar et nous raconte son histoire.

« Seule dans la rue, la nuit, avec mon fils de cinq ans »

 « Mon cauchemar n’a pas commencé dans un trottoir pour prostituées, mais dans un centre de demandeurs d’asile en Suisse. Un jour, alors que j’étais sur le point de me rendre à l’hôpital, car j’avais rendez-vous avec le médecin de mon fils de cinq ans qui était malade, je reçois un coup de fil de mon avocat. Il me dit « d’être prête » car à tout moment je risquais d’être expulsée. En effet, l’ambassade de mon pays avait signé un « laissez-passer » : le document permettant mon expulsion de Suisse. Sur le coup, je me suis sentie sonnée, abattue, dépassée par la situation. La nuit tombée, sans réfléchir, j’ai pris mon fils sous le bras et nous sommes partis sans savoir où nous allions nous rendre. Une fois dans la rue, le froid, la fatigue de mon fils qui était convalescent, la peur d’être interpellée par une patrouille de police, tellement de sentiments différents, mélangés en une seule et même nuit, que j’ai songé à me suicider. Mais, le fait d’abandonner mon fils, qui n’avait pas demandé à venir dans ce monde, m’avait dissuadée de commettre l’irréparable ».

« J’aurais pu en tuer un. Je me voyais avec un couteau »

« Alors que ces pensées noires me taraudaient l’esprit, J’ai vu une voiture garée. Un monsieur en sort et me demande ce que nous faisons mon fils et moi en pleine rue, tard dans la nuit. Je lui explique brièvement notre situation et il nous emmène dans un café. Il nous offre à boire et me propose de nous héberger chez lui, le temps qu’il faut. Sans réfléchir, j’accepte. C’est en réalité le début d’un autre calvaire. Ce monsieur va me forcer à me prostituer. Il va aller jusqu’à me menacer de me livrer à la police ou de tuer mon fils, si je n’accepte pas de me prostituer pour lui. Il exige alors que je le lui ramène au moins 2000 francs suisse par jour. Je me retrouve donc séquestrée et contrainte à me prostituer, malgré moi, pour ensuite lui remettre cet argent. Lui, il reste à la maison avec mon fils. Il me dépose les premières nuits « là où ça se passe ». Entre le quartier des Pâquis à Genève et la rue de Genève à Lausanne et même parfois à Zurich.

Je découvre alors l’univers du trottoir, la violence, les agressions par des clients, les vols, la concurrence entre les filles, le déchaînement des passants… Chacune d’entre nous – les prostituées – garde en mémoire une poignée d’agressions qui lui a marqué le cœur ou la peau. Mais très peu d’entre nous les racontent, ou les dénoncent. La plupart préfèrent se terrer dans le silence. La prostitution, c’est un gigantesque mensonge : la prostituée ment, le client ment. L’ouvrier devient patron et le mari célibataire. Il faut se « livrer à tous », y compris à des malfrats, à des assassins, des drogués et autres. On a envie de leur dire que ce sont des abrutis, mais on est obligées de leur faire des compliments. De devoir supporter ces types, ça me prenait aux tripes. J’aurais pu en tuer un. Je me voyais avec un couteau ».

 

« Je vis aujourd’hui avec le minimum, mais je suis en accord avec moi-même »

« C’était terrible, je n’en pouvais plus. Je pleurais, j’implorais mon Dieu. Un jour, une dame, Mme Mbog, qui distribuait souvent des préservatifs aux prostituées m’a demandé de lui dire pourquoi je pleure tout le temps. Face à mon hésitation, elle s’est montrée très convaincante et digne de confiance. M’assurant notamment qu’elle dirigeait une ONG, qu’elle pouvait m’aider et qu’elle était là pour ça. Je lui ai alors raconté mon histoire. Elle m’a demandé si mon fils était toujours là-bas, chez le proxénète. La réponse était oui. Elle m’a demandé de rentrer, comme si de rien n’était, tout en prenant mon adresse complète (ou plutôt l’adresse de mon proxénète puisque je vivais chez lui avec mon fils). Mme Mbog est arrivée le lendemain accompagnée de deux autres personnes. Heureusement ou malheureusement, le proxénète était absent. Je ne voulais pas qu’elle appelle la police, car j’avais peur d’être rapatriée. Elle nous a alors amené chez elle en France.

Elle m’a aidé à trouver un logement, mon fils est scolarisé, je travaille et suit une formation en informatique. J’essaie d’oublier cet enfer, mais ce n’est pas facile. Pendant toutes ces années, j’ai vu des psychologues, je suis allée aux centres pour personnes dépendantes car je buvais pas mal. Mais je trouvais des excuses bidons et racontais des faux problèmes, parce que je ne pouvais pas dire que j’étais une prostituée. En fait, je me rends compte maintenant que je lançais des appels au secours en permanence. Mais les réponses, les aides, on ne les obtient pas, parce qu’on ne peut pas dire l’essentiel. J’ai toujours eu honte de ce passé. Il n’y a personne pour le comprendre, pour le déchiffrer. Mais, Mme Mbog elle est toujours là, bien qu’elle ne puisse pas m’aider en tout, vu qu’elle suit aussi d’autres filles et qu’elle dispose de moyens limités. J’ai eu des problèmes de retards de loyer et j’ai été menacée d’expulsion par le propriétaire de mon logement ; car des gens ont raconté que je menais des activités de prostitution dans mon appartement, alors que je ne recevais jamais personne. J’avais commis l’erreur de parler de mon passé en Suisse à une voisine que je considérais comme une amie. Elle a alors raconté cela aux autres voisines. Tout le quartier sait désormais que j’étais une prostituée. Elle n’a rien compris et c’est très dur à vivre. Je n’aurais jamais imaginé que même le concierge où je vis allait s’en servir pour tenter de me détruire. Certaines croient que j’ai de l’argent, car j’ai été une prostituée en Suisse. Mon passé douloureux dans ce pays me suit jusqu’ici. Tout est un combat. Si on avait de l’argent, on n’irait pas se prostituer. Aujourd’hui, je suis dans une situation très précaire financièrement. Mais je n’y retournerai pas. C’est irréversible. Je réapprends à vivre. Je travaille. Je suis contente de toucher un salaire, même si je gagnais en deux jours ce que je gagne aujourd’hui en deux semaines. Mais je donnais presque tout à mon proxénète, et même si c’était pour moi, je considère ça comme de l’argent sale. Je vis actuellement avec le minimum, mais je suis en accord avec moi-même ».

Propos recueillis par :

FBradley Roland

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Lire aussi: « Les dangereuses illusions de la prostitution », article publié sur Voix d’Exils le  27.04.2012, en cliquant ici




« Créer un business était la seule solution pour nous »

M. Mathiyarasan, propriétaire du S.M.T. New Asia Shop. Photo: Sara

Fuyant la guerre civile au Sri Lanka qui opposait le gouvernement Sri lankais aux Tigres tamouls, les premiers Tamouls ont trouvé refuge en Suisse dans les années quatre-vingt. A cette époque, la majorité des Tamouls travaillait dans des restaurants comme aides-cuisiniers et plongeurs. Avec le temps et grâce à leur travail acharné, certains ont réussi à devenir chef de cuisine ou propriétaire de restaurants et à servir leurs propres clientèles. D’autres ont ouvert des épiceries. Les entreprises dirigées par des Tamouls se multiplient à partir des années 90 et occupent une bonne place dans les commerces tenus par des étrangers en Suisse. Voix d’Exils est allé à la rencontre de Mathiayarasan, le patron du plus ancien magasin sri-lankais de Lausanne sis à la rue du Simplon 12 : le S.M.T New Asia Shop.

Nous sommes le jeudi 24 mai 2012, il est 14 heures et c’est le moment creux de la journée. Renseignant les clients présents dans le magasin tout en déballant des palettes de marchandises qui viennent d’être réceptionnées, Mathiayarasan est néanmoins disponible pour répondre à quelques questions.

Photo: Sara

Voix d’Exils : Pouvez-vous retracer l’histoire du S.M.T. New Asia Shop?

Mathiyarasan : J’étais soldat et j’ai été blessé durant la guerre civile. J’ai donc dû quitter mon pays en 2003. Lorsque ma femme et moi sommes arrivés en tant que demandeurs d’asile en Suisse, j’étais vraiment triste pour elle car elle cherchait du travail et n’en trouvait pas. Elle ne voulait pas rester à l’aide sociale. Mais je ne voulais pas qu’elle fasse un travail de nettoyeuse dans un restaurant ou un bureau. A ce moment-là, je travaillais dans un autre magasin. Cela me révoltait, qu’en général, les employeurs chargent les employés Tamouls pour réaliser les travaux les plus durs. Moi, j’étais souvent submergé de travail. Ma femme et moi, nous avons alors songé à créer notre propre business. C’était la seule solution pour nous. Après des efforts acharnés pendant huit ans, j’ai enfin ouvert mon propre magasin en reprenant le S.M.T New Asia Shop. Jusqu’à maintenant, nous n’avons pas fait de grands bénéfices, mais ma femme jouit de son indépendance et elle semble très contente.

Photo: Sara

Est-ce un bon travail ?

Notre revenu ne suffit pas. Si on avait des enfants, il faudrait que l’un de nous trouve un autre travail. Pour le moment, on dégage des bénéfices pour payer un salaire. C’est tout. A cause des préparatifs nécessaires pour le lendemain, ma femme et moi travaillons de 06h00 jusqu’à 20h00 tous les jours, week-ends compris. Nous n’avons pas de temps pour nous, même pour cuisiner. Il est parfois arrivé qu’on doive jeter une grande partie des produits à la poubelle à cause du retard d’une livraison de légumes du Sri Lanka par exemple. En outre, ma femme se retrouve souvent face un problème grave l’après-midi. Il arrive que lorsqu’elle est seule dans le magasin, des jeunes gens ivres entrent et la perturbent. Quelques fois, ils ont essayé de voler des produits du magasin et on a dû déposer plainte auprès de la police.

Photo: Sara

Quels genres de produits vendez-vous le plus ?

Le riz, les épices, les fruits en conserve, les légumes frais, les exhausteurs de goût, le dal, les haricots, les lentilles et les poissons Indiens. Nous vendons aussi du Siddhalepa, qui est une baume à base de plantes très populaire an Sri Lanka.

Qui sont vos clients ?

Des Européens, des Suisses, des Sri Lankais, des Africains, des touristes…On reçoit plus de 150 personnes chaque jour.

Où avez-vous trouvé les fonds pour ouvrir votre magasin ?

J’ai vendu le terrain résidentiel que j’avais chez moi et j’ai investi l’argent dans ce magasin. Cela m’a coûté plus de CHF 8000.- pour réaliser les travaux de rénovation qui étaient nécessaires pour la reprise du magasin.

Quels sont vos plans d’avenir ?

J’aimerais retourner chez moi, je l’espère dans moins de 10 ans. Je conseille aux jeunes de ne pas ouvrir leur propre négoce avant d’avoir acquis les connaissances nécessaires. Je leur conseille aussi d’étudier dur et de choisir un métier qui leur permette de ne pas travailler plus de huit heures par jour et de profiter de la vie.

Propos recueillis par :

Sara

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils 




Comment les requérants d’asile vivent-ils l’intégration et ses difficultés en Suisse ?

L’intégration est considérée, dans le domaine de la migration, comme un processus par lequel l’étranger arrivant dans un nouveau pays accède aux ressources économiques, culturelles, sociales et politiques du pays d’accueil. L’idée qui guide la rédaction de cet article est d’aider les requérants d’asile à comprendre l’intégration dans sa globalité et de soulever les difficultés qu’ils rencontrent à s’intégrer en Suisse, pays auquel ils ont demandé protection.

Le 5 juillet 2011, je réalise ma première interview avec Georges, 25 ans, Egyptien, requérant d’asile à Couvet (NE). Selon lui  « les requérants d’asile doivent respecter la société dans laquelle ils font une demande d’asile, même si leur demande est rejetée. Ils doivent s’intégrer dans le système et ne pas devenir un autre, ne pas changer de personnalité ». Dans ce même registre, un jeune homme de 27 ans, de nationalité togolaise, affirme que « de nos jours, l’intégration perd de sa valeur même chez les sujets nationaux. Je vois aussi des Suisses qui travaillent « au noir » pour ne pas payer d’impôts, qui n’achètent pas de billets avant de monter dans les transports publics, qui ne respectent pas les lieux communs, qui abusent de l’aide sociale.

Ce que nous demandons, déclare un requérant Ivoirien âgé de 30 ans vivant au centre d’accueil de Fontainemelon (NE), « c’est un esprit d’accueil de la part du canton dans lequel nous résidons. Nous sommes des êtres humains dans ce monde et devons nous adapter à toutes ces nouvelles choses qui nous sont étrangères. Cela prendra un certain temps, mais c’est pour mieux nous intégrer et espérer par la suite trouver un travail ».

Au centre des préoccupations des requérants d’asile : le travail

Le travail reste la grande préoccupation du requérant d’asile. L’Ivoirien trentenaire interviewé ci-dessus affirme ainsi qu’il a « l’impression que les employeurs des agences de placement du canton ne veulent plus engager de permis N et ne donnent pas de travail à ces derniers. Cela empire encore avec le chômage qui augmente et la crise actuelle qui touche toute l’Europe ». Cela a pour conséquence que les requérants qui, un classeur sous le bras, avec des documents, un CV, qui se rendent dans les entreprises, dans les bureaux de placement qui cherchent pendant des mois du travail finissent par se décourager et déprimer…Les seuls emplois a leur portée restent les travaux d’utilité publique proposés par le canton qui sont payés Frs. 30.- par journée de 8 heures de travail…

Une difficulté majeure que rencontre aussi les requérants d’asile est l’attente, parfois très longue, du développement de leur procédure d’asile. Ne trouvant pas de travail à cause de leur permis N, ils se sentent rejetés par la société. Par exemple, lors de la fête du 1er août 2011 (la fête nationale suisse), j’ai interviewé trois requérants d’asile de nationalités nigériane, congolaise et guinéenne sur des questions relatives au thème de l’intégration. Ma recherche de témoignages concernant l’intégration et le travail me conduit à penser aujourd’hui que ceux qui ont une activité lucrative sont au bénéfice d’une meilleure intégration. Les autres, qui n’ont pas cette chance, sont des proies faciles pour le travail au noir, le vol, le deal et peuvent tomber dans les filières interdites et dangereuses de l’argent facile.

Pour savoir ce qui pousse bon nombre de requérants à travailler au noir, j’ai interviewé l’un d’entre eux, Mamadou, Guinéen de 30 ans, qui affirme que « je n’ai rien à cacher et je vous dis la vérité! Je voulais travailler, je voulais être déclaré selon la loi, mais c’est comme si les autorités suisses avaient signé un accord avec les responsables des agences de placement afin qu’ils n’engagent plus de permis N. Je suis découragé! Ceux qui trouvent du travail, ce sont ceux qui sont en Suisse depuis plus de 5 ans et qui ont obtenu le permis B. Pour  moi, voilà ce qui m’a poussé à travailler au noir. Je gagne Frs. 2500 par mois, en plus des Frs 480.- de l’assistance financière, ce qui fait un total de Frs. 2980.-. En plus je ne paie pas d’impôts et je bénéficie d’un studio pendant 3 ans en Suisse. Je pose la question suivante à la Suisse : qui perd et qui gagne dans cette situation? A vous de juger, mais vos lois sont bloquantes ».

Dans ce même ordre d’idées, un Congolais, âgé de 35 ans, ne bénéficiant ni d’un permis de séjour ni d’un travail, depuis deux ans, déclare que les autorités « nous privent de nos droits à nous intégrer en Suisse pour que nous retournions dans nos pays ».

« Il ne faut pas mettre tous les requérants dans le même panier »

Voici le témoignage d’un requérant qui a la volonté  de travailler mais qui est contraint de prendre ce qui lui est proposé. Il suit actuellement un programme d’occupation du nom de « Neuchâtelroule »*. Il est très déçu car il a reçu une lettre du service de la main d’œuvre qui lui annonçait qu’il a le droit de travailler 10 jours par mois, ce qui lui permet de réunir la somme de Frs. 300.-. Somme qu’il ne doit pas dépasser, car il reçoit déjà l’assistance. C’est un dédommagement plus qu’un salaire. Pourquoi? Parce qu’il a un permis N.

Dans ces circonstances, un autre requérant m’a avoué avoir vendu de la drogue ce qui lui rapportait Frs. 2000.- par jour. Il m’a rétorqué, pour expliquer le motif de son trafic, que « j’ai une famille et je suis responsable, mais le système m’a poussé à faire ça ».

Encore un autre requérant, un nigérian âge de 32 ans me dit : « arrêtez de nous appeler « envahisseurs, profiteurs » : c’est la politique de la procédure de demande d’asile et le travail qui ne nous encourage pas et nous amènent dans l’illégalité pour avoir une meilleure vie… Écoutez-nous, certains de nous veulent garder une bonne réputation dans la société d’accueil, c’est pourquoi le permis B est la première condition pour nous pour trouver un emploi, faciliter notre intégration et pour que la population ne nous juge pas comme des « envahisseurs et des profiteurs ».

En effet, chaque jour, nous pensons au permis B. L’attente est très longue et décourageante. Nous sommes obligés de rester à l’assistance financière en gagnant Frs. 480.- par mois (dans le canton de Neuchâtel), ce qui ne couvre pas nos besoins journaliers. Ce que nous demandons, c’est que L’ODM accélère la procédure et améliore l’ouverture au marché du travail pour les requérants au bénéfice d’un permis N. Il ne faut pas mettre tous les requérants dans le même panier. Il faut ainsi cibler ceux qui ont la bonne volonté de s’intégrer au sens de la lois ».

Nous remercions certaines autorités suisses et associations qui luttent, défendent les réfugiés et qui crient haut et fort que déposer une demande d’asile en Suisse est un droit, malgré la forte pression de la politique de L’UDC quant à « l’immigration massive ».

Le fait de recueillir tous ces propos auprès des requérants d’asile m’a poussé à réaliser cet article sur le blog Voix d’Exils et me conduit, pour conclure, à poser la question suivante:

Que veulent les autorités suisses ? Pousser les étrangers hors de la Suisse ou trouver des solutions pour une meilleure intégration ?

Joseph

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Informations:

*Neuchâtelroule donne la possibilité d’emprunter des vélos, d’avril à octobre, en déposant une caution de 20 frs, pour une durée de 4h.