« Faciliter le regroupement familial est dans l’intérêt de tous »
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Le projet Opinions! de Voix d’Exils #3 : le thème du regroupement familial
En Suisse depuis 2 ans, Eddy-Claude Nininahazwe est au bénéfice d’un permis B mais est séparé de sa famille. Dans son intervention, il décrit sa situation et explique en quoi faciliter le regroupement familial bénéficierait autant aux personnes réfugiées, à leur famille qu’au pays d’accueil. Dans un second temps, il répond à trois questions que lui adresse Kristine Kostava
Que pensent les personnes migrantes de l’intégration ?
Le projet « Opinions ! » est né d’une discussion interne au sein de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils lors de laquelle a émergé un constat: les opinions des personnes migrantes sont trop peu représentées dans l’espace public. C’est ainsi qu’est né le projet « Opinions ! ».
Ce projet novateur et collaboratif a été élaboré lors de la formation multimédia de Voix d’Exils qui a eu lieu les 31 mai, 7 juin et 14 juin à l’EVAM. La formation multimédia est dispensée chaque année depuis 2011 aux rédacteurs et rédactrices de Voix d’Exils par les encadrant·e·s des trois rédactions. Elle vise à leur transmettre des compétences en journalisme et en expression orale afin de les outiller pour réaliser les contenus qui alimentent notre site internet.
Lors de la formation de cette année, l’équipe a commencé par déterminer un thème commun suffisamment large afin que chaque rédacteur et rédactrice puisse développer un sujet spécifique. Le thème de l’intégration a fait l’unanimité. C’est ainsi que chaque participant·e a commencé par développer une réflexion sur un sujet en lien avec l’intégration comme la formation, le regroupement familial ou l’emploi. Dans un second temps, chacun·e a pris la parole durant 7 minutes devant ses collègues lors d’une interview radio en différé afin de partager son opinion, ses expériences ou ses observations en matière d’intégration en Suisse et faire ainsi entendre sa voix.
Cette « formation-projet » poursuivait ainsi trois objectifs spécifiques:
– Faire entendre les opinions des personnes migrantes à propos d’un sujet d’actualité.
– Travailler les compétences transversales transférables dans divers contextes socioprofessionnels comme : s’exprimer en public ou structurer sa pensée.
– Travailler des compétences spécifiques comme réaliser une interview journalistique ou monter un podcast.
L’innovation de la démarche réside dans la co-construction du projet de formation entre les membres des rédactions de Voix d’Exils et les animateurs de la formation. Cette modalité de travail a permis d’identifier la thématique centrale de la formation et de rester au plus près des intérêts des participant·e·s qui se sont fortement investi·e·s dans le projet.
Nous avons le plaisir de vous présenter les résultats de cette formation sous la forme d’une série de podcasts qui seront publiés sur notre site entre fin 2023 et début 2024. Rendez-vous sur Voix d’Exils le vendredi 1er décembre pour découvrir le premier podcast.
Laureen Gueissaz
Stagiaire HES à Voix d’Exils en 2023
Omar Odermatt
Responsable de la rédaction
Flash Infos #159
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Sous la loupe : Trois bateaux transportant 300 personnes migrantes portés disparus / Aux Pays-Bas, la coalition au pouvoir se disloque sur fond de luttes autour de la politique d’intégration / Les Etats doivent élargir les voies de la régularisation des personnes migrantes
En route pour la réalisation de mes rêves, je ne savais pas qu’il y aurait un prix à payer et à quel point celui-ci serait élevé. Je ne m’en préoccupais pas. J’ai travaillé dur pour concrétiser mes rêves, avec de belles couleurs roses, des éclats brillants et des surprises.
Quand j’étais jeune, tout le monde décrivait son rêve personnel de vie. Moi, je rêvais d’une belle maison, entourée d’un beau jardin que je cultiverai en silence, avec ma femme commentant l’actualité de notre quartier, avec nos enfants qui joueraient autour de nous. En route vers la réalisation de mon rêve, j’ai payé mon aller simple en dollars. Maintenant, je paie le double du prix avec de la culpabilité, de l’anxiété et de l’angoisse.
Je vis le rêve suisse : ma maison donne sur une rue animée qui bourdonne de tambours pendant les festivals. Mon esprit, lui aussi plein du bourdonnement de mes pensées, est rempli de confusion. Je rembourse le prix de la réalisation de mon rêve. Ce prix comprend le sentiment du vide, la solitude et le silence avec, en plus, la souffrance de l’éloignement de ma famille et le mal du pays.
Je suis confus et inquiet. J’ai quatre enfants dans mon cœur, ils me manquent et je paie le prix d’être loin d’eux ; je me sens coupable quand ils font des cauchemars et que je ne suis pas là pour les rassurer. Quand on est un père, on ne rêve pas pour soi, on rêve plutôt pour ses enfants. Mon angoisse augmente à chaque conflit qui éclate dans mon pays et je regrette l’insistance avec laquelle j’ai tenu à réaliser mon rêve, sans en connaître le prix.
Originaire du Burundi, réfugié en Suisse, Eddy-Claude est avocat et journaliste de formation. Père d’une jeune famille en exil au Rwanda depuis près de 8 ans, il partage avec nous son expérience, loin des siens.
« Nous sommes en exil depuis que les médias burundais ont été la cible du régime qui ne supporte pas la critique de voix discordantes. »
Réfugié statutaire depuis fin août 2022, j’ai été attribué en septembre au canton du Valais pour poursuive ma destinée de vie d’exil. Avec cette chance de ne pas être obligé d’apprendre le français, je m’attèle à mon intégration. Bien que cela ne soit pas facile, je fais des recherches sur le marché de l’emploi dans les domaines compatibles avec ma formation. Je m’y mets à chaque fois qu’une offre se présente et envoie une postulation. Ne dit-on pas « qui ne tente rien n’a rien ! » ?
« Bienvenue à la cuisine ! »
Je me réjouis des découvertes que je ne cesse de faire dans ce canton viticole et riche de cultures variées. C’est une expérience nouvelle dans les domaines de la religion, des sports d’hiver, de la gastronomie, etc.
Arrivé fraîchement dans les montagnes de la belle commune touristique de Crans-Montana, je découvre une autre vie au foyer Sanaval: une vie différente de celle de chez moi et des centres d’accueil pour requérants d’asile en Suisse car je dois me préparer à manger en faisant moi-même les commissions. C’est un vrai défi quand on n’a jamais été à la cuisine ou au marché faire des achats de denrées alimentaires. Je demande parfois conseil à des amis et pourquoi pas en téléphonant à mon épouse qui doit être informée de la vie quotidienne du père de ses enfants !
Je n’oublierai jamais ma première soirée dans la cuisine quand je me suis blessé le doigt en épluchant des pommes de terre. Et pour compatir, mon épouse m’a simplement dit en rigolant : « Bienvenue à la cuisine ! ».
Peu à peu, on apprend et l’intégration se fait.
L’obligation d’entretien de la famille en exil : un grand souci !
Le père en exil doit veiller coûte que coûte à sa survie personnelle quotidienne et à celle des siens, également en exil. La responsabilité est grande, sans travail des deux côtés puisque mon épouse elle aussi est sans emploi. Il faut payer le loyer mensuel, l’eau et l’électricité, les frais de scolarité de nos deux enfants, etc… L’obligation d’entretien parental se pose comme une équation à plusieurs inconnues.
Je perçois une aide sociale du fait de mon statut de réfugié en Suisse. Lors du premier versement du mois, je réserve une part à ma famille en exil pour assurer entre autre le paiement du loyer mensuel tous les débuts du mois, l’eau et l’électricité à hauteur de 250 CHF. Lors du deuxième versement du mois, une part sera réservée à la ration alimentaire. Par chance, les enfants ne tombent pas souvent malade et les coûts mensuels de la ration alimentaire sont minimisés.
Le regroupement familial : notre espoir
Depuis que j’ai obtenu le statut de réfugié, la suite très attendue est le regroupement familial. J’ai constitué à la mi-novembre un dossier de demande avec l’aide du Centre Suisses-Immigrés à Sion. Cependant, la patience est de mise avant d’avoir une réponse positive pour passer au regroupement effectif de ma famille.
J’espère que ma femme et mes enfants me rejoindront bientôt. Je me réjouis de pouvoir leur présenter leur nouveau pays!