1

« Les épreuves m’ont fait découvrir ma force intérieure »

Deux ans de guerre en Ukraine #1

Le 24 février 2022, la Russie envahit l’Ukraine. Dans quelques jours, cela fera deux ans que la guerre a éclaté. Voix d’Exils a décidé de publier une série d’articles autour de cet événement marquant.

Lorsque votre vie est brisée, vous avez l’impression de vivre la disparition d’un être cher. Au début de mon arrivée en Suisse suite à l’invasion russe de l’Ukraine du 24 février 2022, je pensais que je pouvais seulement communiquer avec les gens qui m’aimaient énormément. Mais j’ai finalement compris que l’amour est un sentiment particulier, non clair et égoïste. J’ai oscillé entre la haine et l’amour à maintes reprises, comme une spirale d’évolutions. Bien que j’aie toujours été entourée d’amis, je me sentais distante, perdue dans mes pensées, à des milliers de kilomètres d’ici.

Les épreuves ont été terribles. J’ai dû abandonner mes animaux auxquels je tenais tant, ma maison ainsi que mon indépendance. Il est arrivé un moment où je me suis retrouvée sans travail, sans le soutien de mes proches, sans parler de l’incapacité à communiquer en français.

« Une force intérieure insoupçonnée »

Cependant, ces épreuves m’ont fait découvrir ma force intérieure. Pour survivre et trouver la motivation de continuer, j’ai compris que l’essentiel, c’est nous-mêmes. La vie est un instant fragile entre le passé et le futur. Dans cette lutte pour la survie, j’ai développé une résilience incassable. Les circonstances m’ont poussé au-delà de mes limites et j’ai ainsi découvert une force intérieure insoupçonnée. Chaque épreuve a été une occasion d’apprendre et de grandir. J’ai appris à m’adapter, à trouver des solutions créatives et à rebondir face à l’adversité.

C’est pourquoi, j’ai embrassé le concept d’antifragilité. J’ai réalisé que chaque épreuve était une occasion de devenir plus forte, de me renforcer et de m’épanouir. Les chocs m’ont obligé à remettre en question mes croyances, à repenser mes priorités et à explorer de nouvelles voies. J’ai trouvé la capacité de prospérer dans l’incertitude et de transformer les défis en opportunités.

« L’antifragilité m’a permis de transcender mes limites »

Ma vie, autrefois brisée est maintenant une œuvre en constante évolution. Je me suis reconstruite sur les ruines de mon passé en embrassant chaque instant présent avec gratitude et détermination. Les épreuves ont forgé ma résilience, tandis que l’antifragilité m’a permis de transcender mes limites et de devenir une version plus forte et plus épanouie de moi-même.

Ainsi, je continue de marcher sur ce chemin, consciente que la vie peut être imprévisible et que de nouveaux défis se présenteront à moi. Mais je suis armée maintenant. Chaque fois que je suis confrontée à un nouvel obstacle, je puise dans ma force intérieure pour trouver des solutions créatives et innovantes. Je ne me laisse pas décourager par les revers, car je sais qu’ils font partie intégrante du voyage de la vie. Par exemple, lorsque les temps sont difficiles, je me tourne vers les personnes qui m’aiment et me soutiennent. Leur présence et leur soutien inconditionnel me rappelle que je ne suis pas seule dans cette lutte. Ensemble, nous formons un réseau de résilience, nous nous soutenons mutuellement et nous trouvons la force de continuer. Je ne me laisse pas submerger par les regrets du passé ou les inquiétudes sur l’avenir. Je me concentre sur ce que je peux contrôler dans le moment présent et j’essaie de créer des souvenirs autant précieux que significatifs.

Ma vie a été marquée par des pertes, des sacrifices et des épreuves inimaginables. Mais, au-delà de ces expériences déchirantes, j’ai découvert ma véritable force intérieure. Je choisis donc de vivre ma vie avec détermination, courage et gratitude. Peu importe ce que l’avenir me réserve, je sais que je peux surmonter les obstacles et prospérer dans l’adversité. Car, au fond de moi, je porte la flamme de la résilience et de l’antifragilité qui brûlera toujours intensément, prête à illuminer mon chemin vers un avenir meilleur.

Nadiia Kutzina

Membre de la rédaction vaudoise Voix d’Exils




La responsabilité politique de l’Europe en Afrique

De gauche à droite: Charles Soumah et Sébastien Kopumi

Grand débat entre deux rédacteurs de Voix d’Exils  

Alors que le président français Emmanuel Macron a achevé sa tournée éclair de 4 jours en Afrique le 5 mars, la rédaction de Voix d’Exils a organisé le lendemain un grand débat autour d’un article publié sur Voix d’Exils le 28 novembre 2022 intitulé « La responsabilité politique de l’Europe » le cas de la migration issue de l’Afrique » signé Sébastien Kopoumi, ancien rédacteur de Voix d’Exils. Dans cet article, l’auteur dénonce notamment « une politique agressive néo-coloniale » des pays occidentaux ayant jadis colonisé l’Afrique. Suite à cet article, Charles Soumah, rédacteur actuel de Voix d’Exils, a posté sur notre site un commentaire caustique qui affirme que « les dirigeants africains – tous confondus – sont responsables majoritairement à 99 pourcents des bouteilles remplies de tous les maux plus que l’Occident ». Les deux auteurs ont souhaité prolonger cette réflexion à l’occasion d’un débat radiophonique.

 

Source:

La responsabilité politique de l’Europe. Le cas de la migration issue de l’Afrique

Article publié sur Voix d’Exils le 28 novembre 2022

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Quand la seule option est d’être fort

 

Même les expériences les plus difficiles peuvent être surmontées

Parfois, les étapes de notre vie sont difficiles. Nous traversons des moments ou des situations que nous ne voulons vraiment pas traverser, des expériences que nous ne voulons pas vivre, des moments de douleur et d’angoisse, des moments de déracinement, de deuil, de peur ou de colère. Toutes ces situations que n’importe quelle personne disposant d’un jugement sain souhaiterait vraiment éviter.

Mais ces moments sont là: ils font partie de la vie de beaucoup de gens, de différentes manières, mais ils sont là.

Sous l’angle plus précis de la migration, il y a des moments très durs et difficiles que nous qui avons dû fuir nos pays devons affronter. Je peux en énumérer certains que j’ai dû vivre comme le décès de ma petite-fille, l’abandon de nos proches, le déracinement familial, culturel, social, politique, avec le lâcher prise de la réalité de qui nous sommes, de ce que nous avons construit, de nos avancées, de ce que chaque jour de notre vie nous considérons comme notre bien-être, la construction d’un projet de vie qui nous garantirait une stabilité future. Cette dure expérience, je l’ai faite à l’âge de 45 ans après un parcours familial et professionnel organisé et réussi.

Nous pouvons nommer un grand nombre de situations tristes et tragiques vécues bien avant que chacun ne prenne la décision de fuir son pays, et la profondeur de la douleur et des dommages que ces situations causent en chacun de nous, mais surtout ce dont je veux parler c’est de résilience: cette capacité que nous avons toutes et tous à construire une nouvelle vie, à apprendre et à surmonter les douleurs du passé.

Ces situations passées ne sont jamais oubliées; mais peut-être que ça fait un peu moins mal, ou peut-être apprenons-nous à cacher la douleur, ou peut-être encore apprenons-nous chaque jour à contrôler nos émotions. Et cela signifie être plus forts que nos propres peurs ou angoisses, c’est être plus forts que la solitude, que le déracinement, que l’abandon, c’est être plus forts que les traumatismes psychiques, c’est être plus forts que les cauchemars ou même les souvenirs, c’est tenir tête à soi-même, à sa faiblesse.

Et c’est là que nous trouvons notre résilience, qui est la capacité d’une personne à surmonter des circonstances traumatisantes, et cela ne peut être réalisé qu’avec la seule option que nous ayons: être forts.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Où est notre maison ?

Harith Ekneligoda / rédaction valaisanne de Voix d’Exils

L’exil comme recherche d’un chez-soi

Des milliers de personnes désespérées face aux destructions causées par la guerre sont obligées de quitter leur terre, leurs souvenirs et de laisser toute leur vie derrière elles.

Quand on voit tant de personnes abandonner leurs souvenirs d’enfance aux quatre coins de leur Terre ou laisser derrière elles leurs premiers amours et amis, on ne peut s’empêcher de se demander où elles vont pouvoir trouver leur nouvelle maison.

Avant de trouver une réponse à cette question, nous devons nous en poser une autre : qu’est-ce qu’une maison pour nous ?

Est-ce que un endroit avec des murs, des rideaux ou des meubles est une maison? Que signifient pour nous les quatre murs dans lesquels nous inscrivons nos joies et nos peines? Ou faut-il plutôt dire que nos maisons sont notre zone protégée, le lieu où nous nous sentons en sécurité et à l’aise, et que nous considérons comme un refuge pour nous reposer lorsque nous sommes fatigués ?

Au cœur de la vie en exil, chaque question porte un sens profond, parce que l’exil est un état de recherche d’un « chez-soi ».

Une cassure spirituelle

Là où elles arrivent, ces milliers de personnes qui ont quitté leur foyer et leur pays pour différentes raisons, et laissé derrière elles les périodes les plus importantes de leur vie, essaient de se construire une nouvelle vie. Cette grande lutte conduit à un profond fossé spirituel entre leurs deux vies.

Cette cassure spirituelle amène de grands traumatismes. Les exilé.e.s doivent parcourir des chemins difficiles, surmonter les traumatismes de la guerre, de la destruction et de la persécution et trouver la force de prendre un nouveau départ.

Arrivé.e.s dans un nouveau lieu, ils et elles pensent tout d’abord que les difficultés sont dépassées et qu’une nouvelle vie va pouvoir commencer. Mais, avec le temps, il devient de plus en plus clair que la vérité ne ressemble pas à ça. C’est à ce moment-là que commencent des défis différents et plus complexes.

Lorsque les personnes exilées ont surmonté, d’une manière ou d’une autre, les obstacles majeurs et qu’elles arrivent dans un pays où elles se sentent en sécurité, la plus grande difficulté qui les attend est le processus d’obtention d’un permis de séjour. Dans ce processus, elles sont confrontées à une société différente, à une langue étrangère et ont du mal à satisfaire même leurs besoins de base. Elles doivent lutter contre des difficultés économiques tout en affrontant une grande solitude. Durant cette période, elles ne peuvent pas créer leur propre équilibre émotionnel et se sentent toujours comme si elles étaient dans le vide.

La maison symbolique

L’une des personnes qui s’est exprimée avec le plus de force sur cette question est le réalisateur grec Theo Angelopoulos, qui a souvent mis en scène dans ses films des travailleurs, des immigrés, des exilés et des frontaliers. Il a évoqué le concept de maison pour les personnes migrantes dans une interview : « Les héros sont à la recherche de la maison symbolique dans leur tête. Je me concentre sur le concept de chez-soi car les gens ont constamment besoin de voyager. Ils pensent qu’en se déplaçant, ils atteindront le concept de chez-soi dans leur esprit, même pour un instant. Ce qu’ils recherchent, c’est un lieu où s’établissent des équilibres entre eux et le monde. Cet équilibre est assez difficile à atteindre… de plus, il est très rare… » et il ajoute : « Personnellement, je n’ai pas trouvé ma maison, c’est-à-dire l’endroit où je peux vivre en harmonie avec moi-même et avec le monde ».

Ainsi, pour le célèbre réalisateur, le domicile d’une personne est le lieu où s’établit un équilibre émotionnel entre la vie et la survie. Il me semble que c’est la définition la plus juste du « chez soi ». En même temps, cela nous a fait réaliser une fois de plus combien il est difficile de trouver notre « maison », c’est-à-dire de trouver cet équilibre entre nous et le monde en raison de la fragmentation émotionnelle provoquée par la migration. Mais, bien sûr, le désir de chercher son chez-soi et l’effort pour le retrouver continuent de nous animer. Ce désir et cet effort sont très précieux pour nous les personnes migrantes.

Esra Sheherli

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 




Marcher sur un chemin de liberté

Harith Ekneligoda / rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Vais-je réussir ?

À partir d’aujourd’hui, j’ai décidé de me débarrasser de tous les soucis du monde. Je vais arrêter de regarder les informations et bloquer les numéros de téléphone des pessimistes parmi mes connaissances.

J’ai décidé d’arrêter de marchander avec les vendeurs pauvres, pour quelques francs de plus, car cela ne va pas me pousser vers la faillite, mais cela fera certainement plaisir au vendeur pauvre et l’aidera à payer les frais de scolarité de ses enfants.

J’ai décidé d’arrêter d’interrompre les gens quand ils me racontent une histoire ridicule, je ne leur dirai pas qu’ils l’ont déjà racontée deux fois, pourquoi gâcher leur journée ?

Je suis moins enclin à corriger les fausses informations que j’entends des gens, ou à donner des conseils, même si je suis certain que ce que j’entends n’est pas vrai, tous les êtres humains ne sont pas nés parfaits !

J’ai décidé d’augmenter le nombre de salutations et de compliments, même envers les personnes hostiles, car cela améliore l’humeur des autres et ne me coûte rien.

J’ai décidé de ne plus être délicat avec les couleurs et la forme de mes vêtements, de ne plus faire attention aux plis, ni à la présence d’une tache, car j’attends que les autres me respectent non pas pour mon élégance, mais plutôt pour ma personnalité.

J’ai décidé de ne pas m’intégrer aux gens qui ne m’apprécient pas, car ma valeur est importante et, s’ils ne le savent pas, je le sais.

J’ai décidé d’arrêter de m’engager dans des arguments stériles, car certaines personnes aiment les arguments par manque de personnalité et de réalisation de soi.

Désormais, je vais essayer d’être heureux et d’envoyer ce bonheur à mes amis à travers une belle parole, un sourire ou un moment d’optimisme. Les jours qui passent ne reviendront jamais!

Voilà ce que j’ai décidé. Le problème n’est pas là…  Le problème est ici : vais-je réussir ?

Wael Afana

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils