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Snowden obtient provisoirement l’asile en Russie

Edward Snowden obtient un asile proviroire d'un an en Russie. Illustration: rédaction vaudoise de Voix d'Exils.

L’ancien consultant du renseignement américain Edward Snowden obtient le 1er août l’asile temporaire en Russie pour un an renouvelable. Illustration: la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.




« La situation est devenue ingérable dans les camps kenyans de Dadaab»

Julien Rey. Photo: Hochardan

Situé à la frontière entre le Kenya et la Somalie, Dadaab est le plus grand complexe de camps de réfugiés du monde. Peuplé de plus de 400’000 réfugiés somaliens – alors qu’il était initialement prévu pour 90’000 personnes – sa construction date du début des années 90 et est la conséquence de l’éclatement de l’Etat somalien et du début de la guerre civile. En automne 2011, Médecin Sans Frontière (MSF) a organisé un projet de reportage sous la forme d’une bande dessinée intitulée « Out of Somalia » qui retrace le quotidien de quelques-uns de ses habitants. Interview de Julien Rey qui travaille au sein du département communication de MSF à Genève et qui a accompagné les auteurs de la BD lors d’un séjour dans ces camps.

Voix d’Exils : Quelles sont les motivations qui vous ont conduit à réaliser cette BD ?

La BD est un medium qui est devenu très à la mode aujourd’hui. Ce projet est né parce que MSF est présent au Fumetto, un festival de bande dessinée à Lucerne qui a lieu chaque année au printemps. La BD « Out of Somalia » a mis près deux ans avant de paraître et notre volonté est de commémorer cette année le vingtième anniversaire des camps de Dadaab. Le but est aussi de communiquer d’une manière différente et de toucher un public large afin de sensibiliser des gens qui ne sont pas forcément en contact avec ce genre d’informations au quotidien.

Le projet a donc débuté en automne 2010, lorsqu’on a décidé de réaliser un reportage illustré sur les camps de réfugiés de Dadaab au Kenya, afin de parler la crise somalienne d’une manière indirecte. A cette fin, MSF a donc pris contact avec deux dessinateurs zurichois : Andrea Caprez et Christoph Schuler. Durant le mois de février 2011, on a organisé une visite du camp. D’abord, ce livre est paru en allemand et en français au printemps 2012. La version anglaise est sortie après et a été distribuée au Kenya à l’occasion de la journée des réfugiés la même année.

 

Quel est le message que vous voulez faire passer à travers cette BD ?

Notre message est de dire au monde : regardez la réalité des camps de Dadaab qui représentent la plus grande concentration de réfugiés au monde, où l’on ne voit toujours pas de solutions qui se profilent, alors que le camp a plus de vingt ans. En effet, lorsque ces camps ont été créés dans les années 90, ils étaient destinés à accueillir 90’000 réfugiés. Aujourd’hui, l’on en compte près d’un demi million. D’où notre message d’alerter le public, car la situation est devenue ingérable aujourd’hui. On parle souvent des réfugiés en Suisse, malheureusement plutôt d’une façon négative. En collaboration avec ces dessinateurs, nous avons aussi la volonté de présenter la réalité à laquelle ces personnes sont confrontées, avant que quelques unes d’entre elles aient la possibilité de se rendre en Europe.

 

Pourriez-vous décrire, de manière générale comment vivent les réfugiés dans les camps de Dadaab depuis vingt-ans ?

Le camp de Dagahaley, où MSF travaille et que nous avons visité à Dadaab, est un camp où il n’y a ni barbelés, ni barrières, ni murs. C’est une sorte de petite ville qui fonctionne en vase clos. Avec Hagadera, Ifo, Ifo 2 et Kambios, ces camps représentent la troisième « ville » du Kenya. Les gens sont libres d’aller et de venir autour des camps et certains retournent même en Somalie et reviennent ensuite. On peut classer grossièrement les réfugiés en deux groupes : ceux qui s’y sont installés depuis longtemps et ceux qui viennent d’arriver. Le premier groupe s’est installé et a construit des maisons en terre. On voit aujourd’hui l’arrivée de la nouvelle génération qui est née dans les camps. Ils n’ont pas un avenir enviable et les jeunes sont dans un état de désœuvrement total. Le deuxième groupe, composé des nouveaux arrivants, s’installe en bordure des camps et là on voit l’arrivée de familles fatiguées, épuisées qui fuient le conflit somalien et la sécheresse. Ils sont démunis et n’ont rien, hormis le peu de choses qu’ils ont pu ramener de Somalie. Le trajet qui les mène aux camps se fait rarement sans problèmes, avec notamment des agressions. Les points d’eau étant inexistants dans la zone des nouveaux arrivants, l’on peut voir des petits enfants qui traînent des bidons de 20 litres sur plusieurs centaines de mètres, et cela plusieurs fois par jour. On y voit aussi des gens en très mauvaise santé. Par exemple, nous avons rencontré une famille dont le père, la mère et les enfants étaient tous malades dans un état catastrophique.

 

Pensez-vous qu’avec ce travail vous avez vraiment réussi à refléter la réalité comme elle est sur le terrain ?

La réalité est multiple. Notre ambition n’est pas de montrer toute la complexité de ces camps. Notre but est de présenter le quotidien de ces réfugiés et de mettre en évidence le travail de MSF. Nous avons plutôt montré des petits flashs pris à droite et à gauche sur certains aspects, certaines personnes, pour donner un aperçu de moments de la vie là-bas. Donc, loin de nous l’idée de faire un reportage exhaustif.

 

Quels sont vos futurs projets ? Allez-vous revenir dans ce camp ou vous rendre à nouveau en Somalie pour enrichir votre travail ?

MSF travaille depuis 30 ans en Somalie dans des conditions qui sont toujours très difficiles, pour nos équipes et surtout pour la population somalienne et je rêve qu’un beau jour, la situation en Somalie s’améliore. On ne va pas tout de suite refaire une bande dessinée sur les camps de Dadaab, vu qu’on vient d’en faire une. On envisage plutôt de traiter d’autres thématiques qui sont intéressantes pour MSF, telle que la lutte contre le SIDA.

Propos recueillis par Hochardan.

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Infos :

BD onlinede MSF « Out of Somalia » réalisée par Andrea Caprez et Christoph Schulerau. Cliquez ici

Médecins Sans Frontières (MSF)

Médecins Sans Frontières (Suisse)

Médecins Sans Frontières (projets au Kenya)

 




Perspectives post-formation au Botza: entre espoirs et désillusions des requérants d’asile

Dramane k en train de souder. Photo: CDM

Animés par l’envie se prendre en charge, de nombreux requérants d’asile se forment au centre valaisan de formation le Botza. Mais, au final, ils se heurtent à des difficultés d’accès au marché du travail entraînant souvent chez eux incompréhension et déceptions ; ce que tente de dissiper, sans relâche, le personnel des foyers d’accueil.

Courbé sur une machine, lunettes de soudeur sur les yeux, Dramane k* a l’air bien concentré. « La moindre erreur de découpage des barres de fer risque de compromettre les marches d’escaliers métalliques que je fabrique », lance-t-il. Cela fait plus de huit mois que ce requérant d’asile d’origine africaine est en formation en serrurerie au Botza, centre valaisan de formation pour requérants d’asile. L’homme, d’une vingtaine d’années, accorde beaucoup d’importance à cet apprentissage car « j’espère vivement que l’attestation que je recevrai à la fin me permettra de trouver facilement un emploi et de gagner ma vie » confie-t-il.

Cette phrase semble ne pas faire l’unanimité parmi ses camarades d’atelier. « Il faut arrêter de rêver, les attestations du Botza ne sont pas reconnues par les entreprises. J’ai beaucoup d’amis qui sont passés par ici. Ils sont tous à la maison aujourd’hui », réplique le requérant d’asile Babel F*. Notre enquête nous a permis de rencontrer Lawal W*., requérant africain qui a suivi, neuf mois durant, une formation en peinture dans ce centre. « Depuis un an que j’ai fini mon apprentissage, je cherche en vain du boulot. Je suis réduit à cueillir occasionnellement de la vigne. Une activité qui n’a rien à voir avec la peinture que j’ai apprise. Ça fait mal de rester à ne rien faire alors qu’on a l’envie de travailler ». Ces propos mitigés, mêlant espoir et désillusion résume l’état d’âme de nombreux requérants qui s’interrogent sur l’opportunité que leur offrent les formations qu’ils reçoivent au Botza. A en croire leurs propos, cette interrogation s’accompagne souvent d’une dose de déception. « On ne comprend pas pourquoi on nous forme si on ne peut pas trouver du travail avec nos attestations », déclare Babel F., l’air visiblement dépité.

« Ça fait mal de rester à rien faire »

Pour Roger Fontannaz, directeur du Botza,« C’est une erreur d’assimiler l’attestation de fin de formation que nous délivrons à des diplômes reconnus par les entreprises à l’embauche ». « Nos formations », explique-t-il, « ont pour objectif d’occuper les requérants en les mettant à l’abri des effets pervers de l’inactivité. Elles visent aussi à leur permettre d’organiser leur vie en fonction de l’issue de leur demande d’asile ». Selon lui, les connaissances dispensées visent à éviter à ceux qui n’obtiendront pas l’asile de retourner dans leur pays sans aucune capacité, mais au contraire avec des connaissances qu’ils pourront développer pour vivre chez eux en travaillant pour se réinsérer. Quant à ceux qui auront l’asile, cela leur permettra une meilleure adaptation au marché suisse de l’emploi.

C’est d’ailleurs le cas de l’Irakien, Rafik D.* qui, au bénéfice d’un permis F, a pu décrocher son premier emploi d’aide-cuisinier grâce à la formation reçue au Botza. « Ce travail se déroulait en montagne et il fallait avoir, au préalable, des connaissances en cuisine », se rappelle-t-il. « J’ai pu convaincre mon employeur grâce à l’attestation que j’ai eue après mes douze mois de formation ».

Il faut souligner que la législation reste l’un des obstacles majeurs qui empêche les requérants d’asile d’accéder aisément au marché du travail. L’emploi des détenteurs de permis N (autorisation provisoire de séjour pour requérants d’asile, ndlr) étant géré par le Service des populations et des migrations, la pratique a montré que les requérants sont plus souvent autorisés à travailler en montagne qu’en plaine. Très souvent, il y a peu de possibilités de décrocher son premier emploi sans passer par le secteur de l’agriculture ou des activités ayant trait avec la montagne.

« Les requérants refusent d’accepter la réalité »

Jusque-là, le Botza dispense aux requérants une panoplie de formations allant des métiers du bâtiment à la restauration en passant par la maçonnerie, la menuiserie et la peinture. Des cours de couture, de coiffure, de langue française, d’informatique et même d’initiation au métier de journaliste y sont également disponibles. Loin de s’arrêter là, le centre envisage de diversifier davantage ses offres avec un programme d’agriculture – précisément l’horticulture – qui sera mis en route d’ici quelques mois.

Mais en même temps, il importe de prendre des mesures pour éviter aux requérants d’asile des désillusions sur les perspectives après leur formation. « Nos collègues qui administrent les foyers d’accueil ne cessent et ne cesseront de répéter aux requérants la faiblesse des possibilités d’accès au marché de l’emploi avec un permis N », déclare Roger Fontannaz. Et de conclure : « La vérité, c’est que les requérants croient tellement à un futur en Suisse qu’ils refusent d’accepter la réalité qu’on a beau leur expliquer. Néanmoins, leur faire accepter cela est l’un des défis que tente de relever au quotidien tout le personnel travaillant dans l’asile. C’est un travail de longue haleine ».

Constant Couadjio et CDM

Membres de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

*Noms d’emprunt