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FLASH INFOS #137

Sous la loupe : Les Verts proposent le droit de sol pour les naturalisations / Projet de loi « immigration et intégration » : l’Afrique redoute un exode plus massif de ses médecins / L’armée s’implique dans le monde de l’asile en Suisse

 

Voici nos sources pour creuser les sujets:

 

Les verts proposent le droit de sol pour les naturalisations

Blick News, le 25 janvier 2023

 

Projet de loi « immigration et intégration » : l’Afrique redoute un exode plus massif de ses médecins

Le Monde, le 1 février 2023

 

L’armée s’implique dans le monde de l’asile

Admin.ch, le 1 février 2023




Aujourd’hui, c’est la fête des mères

Aimez vos mères, prenez soin d’elles!

Pour chaque personne, sa mère est la plus merveilleuse du monde. Pour moi, ma mère a toujours été et la plus gentille, la plus belle, la plus attentionnée et la plus forte.

Si votre mère est en vie, vous êtes la personne la plus heureuse du monde!

Profitez de chaque jour à ses côtés. Appréciez chaque instant sans le perdre de vue. Profitez de sa compagnie. Donnez-lui de l’amour, de l’attention et des soins… Ne manquez pas les moments heureux, le temps passe inexorablement…

Aimez-la aujourd’hui pour que demain il ne soit pas trop tard.

J’ai écrit ce poème en tchétchène à ma mère il y a vingt ans. Lorsque j’étais étudiante, je vivais loin d’elle et elle me manquait beaucoup.

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Ma chère Maman

Je n’ai personne de plus doux que toi, ma douce Maman

Je n’ai personne d’aussi bon que toi, ma bonne Maman

Plus belle que toi, je n’ai personne, ma jolie Maman

Vis longtemps, j’ai besoin de toi pour toujours Maman

Ne dis pas que tu es vieille, ma jeune Maman…

Sur tes joues le rose ne s’est pas estompé, Maman

Ne dis pas que ta tête est couverte de gris, ma belle Maman,

C’est juste la tristesse qui a saupoudré tes boucles, ma chère Maman

Souris plus souvent, ma gentille Maman,

Tresse la tristesse dans ta longue tresse, Maman…

Depuis l’enfance, entourée de chagrin,

Ton destin n’a pas été facile, mа courageuse Maman

Je suis heureuse tant que tu respires, Maman

Ta santé est ma richesse, Maman

Ne pas te voir est une épreuve terrible, Maman

Mon cœur est rempli d’amour pour toi, Maman

Mon cœur bat pour cet amour, ma chère Maman…

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A propos de ma mère

Son nom était Napsat (l’orthographe correcte de Nafisat). Un nom qui a des racines arabes et qui signifie dans de nombreuses langues du Caucase: « gracieux », « sophistiqué », « précieux ».

Elle n’était pas grande, elle était mince, avec de longs cheveux épais et bouclés, des yeux bruns et une peau blanche.

Depuis l’enfance, elle avait un esprit extraordinaire. Les gens plus âgés lui demandaient des conseils parce qu’elle était sage.

Ce ne sont pas de petites épreuves qui tombèrent sur ses fragiles épaules.  Sa vie fut pleine de chagrin et de souffrance.

Cependant, derrière ses fragiles épaules, elle cachait un courage et une résilience indescriptibles avec lesquels elle a résisté aux coups du destin.

Expulsion de la patrie vers les steppes froides du Kazakhstan

Ma mère a eu une enfance très difficile. Elle avait quatre ans lorsqu’elle et sa famille ont été expulsés de leur pays d’origine avec tous les Tchétchènes sur ordre de Joseph Staline (alors secrétaire général de L’URSS) vers l’Asie centrale et le Kazakhstan.

Le matin glacial du 23 février 1944 a laissé dans sa mémoire toute sa tragédie:

« C’était une matinée terrible » m’a raconté ma mère.

« Tout le monde paniquait… De la rue venaient les cris des voisins. Des soldats armés de mitrailleuses et accompagnés de chiens étaient partout, ils chassaient tout le monde hors des maisons à la hâte .

Nos parents, moi, mes deux sœurs aînées et mon petit frère nouveau-né avons commencé à nous habiller dans la précipitation. Maman essayait de calmer le bébé qui pleurait, les sœurs aînées ont rassemblé de la nourriture dans un paquet et moi, j’ai regardé le soldat qui se tenait dans l’embrasure de la porte avec un gros chien. Les soldats ont dit quelque chose en russe, ils exigeaient d’une voix imposante, mais peu de Tchétchènes comprenaient le russe et ce que les soldats attendaient d’eux…

Papa a essayé de découvrir ce qu’il se passait et a compris que, sur ordre de Staline, tous les Tchétchènes seraient expulsés pour trahison.

Comment peut-on nous expulser pour trahison? demanda-t-il.

Comment est-ce possible alors que tous les hommes en bonne santé – jeunes et vieux – sont au front depuis les premiers jours du début de la Seconde Guerre mondiale? Quand tant de personnes sont mortes en défendant la patrie… Il répétait encore et encore : « Comment est-il possible de nous expulser? »

Un malentendu… une erreur ?

Beaucoup se posaient la même question ; ils finissaient par penser qu’il devait s’agir d’un malentend… d’une erreur.

De nombreux Tchétchènes ont pensé que les autorités soviétiques voulaient leur annoncer des nouvelles importantes et qu’ensuite tout le monde rentrerait à la maison. Mais personne ne pouvait penser que tout le peuple, y compris les femmes, les enfants, les personnes âgées et même les malades, seraient expulsés de leur maison et de leur patrie.

Ils ont tous été forcés de quitter leurs richesses, leur bétail, leur maison – tout ce qui avait été acquis par un travail éreintant pendant de nombreuses années – pour repartir les mains vides. On ne pouvait prendre qu’un peu de nourriture. Les enfants et les personnes âgées pleuraient. Les familles étaient divisées. Certains enfants étaient à moitié nus et sans parents. Un père était allé rendre visite à des proches, une mère était allée au magasin. Après tout, personne ne savait que ce matin-là allait être si fatal…

Tous les habitants et toutes les habitantes ont été chassés des rues, conduits à la gare et forcés de monter dans des wagons froids qui étaient destinés au bétail.

Quiconque refusait de se conformer aux ordres était abattu sur place.

C’était un cauchemar.

Tamara Akhtaeva

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Qui vole le pétrole du Kurdistan irakien ?

Photo : auteur Aso Ali, photographe irakien. Photo prise à Kalar, 2005. Photo primée en novembre 2012 au Kurdistan, Heartland Alliance.

Photo : auteur Aso Ali, photographe irakien. Photo prise à Kalar, 2005. Photo primée en novembre 2012 au Kurdistan, Heartland Alliance.

De la fumée pour les habitants, le pétrole pour les dirigeants !

Les difficultés de la vie quotidienne au Kurdistan irakien sont nombreuses. Par exemple les habitants doivent courir derrière les camions citerne quand arrive l’été pour se procurer du pétrole afin de se chauffer durant l’hiver. Si on ne parvient pas à en trouver en été, on risque de mourir de froid ou alors de devoir l’acheter à un prix exorbitant.

En 2016, le gouvernement kurde n’a pas livré une goutte de pétrole à la population bien qu’il ait encaissé l’argent que les gens avaient versé pour l’obtenir. Et sur le marché libre, le prix du pétrole est monté à 110 dollars le baril. Les gens n’ont pas pu l’acheter à un tel prix notamment parce que les salaires n’ont été versés que partiellement par le gouvernement. En raison de cette situation, chaque jour des gens risquent de mourir de froid comme ce fut le cas en janvier 2017 où, dans la ville de Sulaymainia, plusieurs personnes ont péri. J’écris ça parce que j’ai grandi avec les maux de mon pays ayant vécu à Sulaymania où habite encore une partie de ma famille.

Le Kurdistan Irakien regorge de pétrole

Et pourtant, le Kurdistan irakien est très riche en ressources naturelles : le pétrole et le gaz. Pour les seules villes d’Erbil, Dhok et Sulaymania on compte une réserve de plus de 45 milliards de barils de pétrole. A quoi s’ajoutent les champs de Kirkuk, d’Hamrin, de Bay Hasan et de Xanaqine qui sont revendiqués par l’Irak et le Kurdistan irakien. Après l’arrivée de Daech en Irak, cette région a été dirigée par le Kurdistan irakien. Elle contient à elle seule une réserve de 25 milliards de barils. Pour comprendre ce que ce chiffre signifie, on peut rappeler qu’en Irak, de 1934 à aujourd’hui, on a extrait 9 milliards de barils. Par ailleurs, dans les villes d’Erbil, de Dhok et de Sulaymania on a 5,7 billions de m3 de gaz naturel soit les 3% de la réserve mondiale.

La mainmise de la famille Barzani

Malgré ces immenses ressources, la population n’obtient pas de pétrole pour le chauffage, car le pays est dirigé, depuis 26 ans, par la famille Barzani qui est un vrai cauchemar pour la population qu’elle prive des richesses naturelles du pays. Cette famille dirige un parti politique (le PDK) qui détient, de notoriété publique, une fortune énorme, ce qui fait de lui le parti le plus riche du monde. « Si vous ne marchez pas avec les autorités, il est impossible de faire du business » comme l’affirme Niazy Brahim ingénieur et homme d’affaires d’Erbil. Il est seul à décider de tout ce qui touche à l’exploitation du pétrole et du gaz. Ainsi il a signé un contrat d’une durée de 50 ans avec la Turquie pour le transport et la vente de pétrole, sans consulter aucun des autres partis politiques. Depuis les 26 ans qu’elle est au pouvoir, elle n’est toujours pas rassasiée par les richesses du pays qu’elle s’approprie. Et en plus, elle est en train de vendre le pays. Comme on peut le lire dans un rapport publié sur Wikileaks qui révèle que Ashti Hawrami, ministre des ressources naturelles du Kurdistan irakien, en date du 19 mars 2016, a envoyé un e-mail à Birat Bairaqdar ministre de l’énergie et des ressources naturelles de Turquie pour lui proposer la vente de quelques champs de pétrole pour 5 milliards de dollars. On peut vraiment dire que le pétrole est un cadeau empoisonné pour les habitants du Kurdistan irakien. Pour moi il y a encore un espoir. Comment rendre propre mon pays ? L’unique solution c’est la révolution.

Un billet de

Revan Noori

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Regard d’un kurde Syrien sur son pays

Le Tunisien Bouazizi a allumé l’arc-en-ciel qui a coloré le ciel arabe d’est en ouest. Suite à l’immolation de Bouazizi, alors que les premiers éclats de révolte crépitaient en Tunisie, les dirigeants des autres pays arabes se croyaient encore à l’abri. Mais l’inondation a dépassé les prédictions et les ondes de la liberté se sont propagées pour faire tomber tous les dictateurs.

Un organisateur inattendu a surgi : Facebook. D’une part, Facebook a ouvert un grand champ de bataille médiatique aux personnes favorables au pouvoir en place qui ont accusé l’Ouest de vouloir se mêler des affaires internes des pays arabes. D’autre part, Facebook a offert aux manifestants un champ médiatique pour pouvoir communiquer leurs idées et leurs projets, créant ainsi une vraie organisation révolutionnaire. Pour rappel, à chaque fois, ces révolutions étaient spontanées.

Regard en arrière

En Syrie, deux manifestations ont avorté sous la violence du régime. La première a eu lieu en 2002, elle était organisée par les Kurdes devant le Parlement. la deuxième, en 2003, mettait en scène les enfants Kurdes qui revendiquaient le droit à la nationalité. Il faut savoir que les Kurdes ont perdu leur nationalité lorsqu’ils ont déposé, sur demande du gouvernement syrien, leurs documents d’identité.

En 2004 encore, les Kurdes ont manifesté pacifiquement leur mécontentement dans le nord du pays, lors d’un match de football, au Qameshli. Plusieurs Kurdes ont été violentés par la police pendant le match et ont été tués. Les manifestations ont gagné tout le nord du pays mais, rapidement, le régime a fait taire les Kurdes en déployant son armée et sa propagande pour susciter la haine entre les Kurdes et les Arabes. Le régime de Bashar Al-Assad voulait diviser le peuple, monter les gens les uns contre les autres pour qu’aucune opposition réelle ne puisse s’organiser.

L’histoire se répète

Depuis février 2011, bien que le régime en place était convaincu que le printemps arabe n’arriverait pas en Syrie, bien que beaucoup d’observateurs pensaient que la conscience politique des citoyens syriens n’était pas assez mûre pour que la révolution s’étendent, le peuple syrien s’est levé, et les manifestations se sont étendues du sud au nord.

Dès le début des manifestations, le gouvernement s’est montré mesuré dans ses déclarations, mais sa réponse a été d’une violence extrême. Selon une estimation, il y aurait plus de 10 000 morts et plus de 50’000 détenus, ainsi que plusieurs milliers de disparus, sans compter toute une population qui souffre et sans oublier les personnalités syriennes qui s’opposent au système politique et qui sont brutalisées par les milices d’Al-Assad. Certaines personnes, comme c’est le cas de M. Tammo (qui était le chef d’un parti Kurde) ont même été éliminées.

Le plan du régime

Que fait le régime actuellement? Il régionalise les mouvements, divise les manifestants par ethnies, religions et croyances. Il attise la haine entre les personnes en utilisant tous les moyens à disposition pour créer des conflits entre les communautés. Il prêche que la sécurité de certains groupes est menacée par cette révolution et il prétend aussi que cette révolution est liée aux mouvements salafistes.

Pour confirmer sa théorie, le régime attaque les manifestants dans certaines villes, comme à Deraa, où a commencé la révolution, menée par des enfants ; ou à Homs qui, avec ses diverses ethnies chiites, sunnites, alaouites et chrétiennes, est devenue la capitale de la révolution. Et aussi d’autres villes phares qui se sont révoltées et ont franchi la ligne rouge de la peur, comme à Hama, Idlib, Banyass, Deir ez zorr.

Entretemps, le régime évite d’ouvrir un front contre les Kurdes, sachant qu’il sera perdant. Il se contente de faire des arrestations par-ci par-là et de faire disparaître les victimes dans les cachots de « la République ».

Mais les autorités syriennes ne peuvent pas empêcher la population de déclencher des manifestations dans tout le pays. Actuellement, l’optimisme n’est pas de mise car l’assassinat et la torture sont le quotidien du régime. Si un homme rentre chez lui sain et sauf après une manifestation, on peut le considérer comme un miraculé. Les stades et les écoles sont transformés en camps de détention. Les citoyens se couchent et se réveillent avec la mort, toujours la mort : dans les médias, dans les familles, dans l’air… la mort est partout ! En Syrie, ce n’est pas le 21ème siècle, c’est le retour à l’Âge de pierre, sauf qu’aujourd’hui les combats se font aux lance-roquettes !

La situation humanitaire se dégrade toujours plus et devient précaire. L’État abuse de sa force et envahit les hôpitaux et les services d’urgence afin de tuer les blessés, pensant effacer ainsi les traces de sa répression cruelle et assassine.

Il y a une grave pénurie de produits de premières nécessités, tels que des médicaments pour soigner les blessés, du lait pour les enfants et les bébés, du mazout et du gaz. A cela s’ajoutent les coupures de courant pendant de longues périodes, l’augmentation du prix des denrées alimentaires de première nécessité et les difficultés de déplacements.

Les Syriens aspirent à la liberté, au changement, au besoin d’aller de l’avant. Le peuple est prêt à mourir pour parvenir à réaliser son rêve, car il n’y a aucun sens de continuer à vivre dans ces conditions !

Juan ALA

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Une manifestation réclame la régularisation des sans-papiers et des requérants d’asile

Photo: Hochardan

Le  mercredi 22 février à Lausanne, les collectifs de défense des droits des sans-papiers accompagnés de sympathisants et de militants se sont réunis sur la place de la Riponne  à Lausanne pour manifester et réclamer la régularisation immédiate de tous les sans-papiers et des requérants d’asile. Cette manifestation était organisée par le collectif Droit de rester, le Collectif vaudois de soutien aux sans-papiers (CVSSP) et le Collectif de soutien et de défense des sans-papiers de la Côte,  avec l’appui de beaucoup d’associations et de syndicats venus également de Berne et de Fribourg.

Cette manifestation avait pour but selon les organisateurs « de contester les stigmatisations, les discriminations et le racisme ainsi que de s’opposer à un système qui assigne les immigrés à la condition d’êtres inférieurs et subordonnés ». Leur message était le suivant : « Marchons dans la rue, crions haut et fort, montrons que nous ne sommes ni des criminels, ni des abuseurs, ni des délinquants, mais que nous sommes des êtres humains dignes de valeur et que nous avons des droits et des devoirs ».

Photo: Hochardan

« Nous avons quitté un pays mais non l’humanité ! »

À 17h00, la place de la Riponne était presque saturée de manifestants d’ethnies, de races, de cultures, de langues différentes, comme lors d’une conférence mondiale. Et en effet, il y avait là des personnes venues des quatre coins du monde qui ont marché jusqu’à la place du Château où elles ont adressé une lettre signée par les trois collectifs organisateurs au Conseil d’Etat, lui demandant la régularisation collective de tous les sans-papiers.

Durant leur marche, les manifestants scandaient : « Nous n’avons qu’un seul monde, nous partageons une même condition humaine. » « Nous ne voulons pas que les êtres humains soient classés, encadrés, contrôlés, réprimés et donc traités de manière inégalitaire ». Sur les banderoles, des slogans dénonçaient les abus faits aux droits de l’homme. Certaines exprimaient la valeur de l’humain : « Nous avons quitté un pays mais non l’humanité » et « Expulsez les lois racistes pas les êtres humains ! ».

 « L’origine n’est pas un crime ! »

Au moment où les manifestants passaient  dans la rue du Grand-Pont, une partie d’entre eux se sont allongés dans la rue portant des tissus sur lesquels était écrit : « L’origine n’est pas un crime ».  Des dizaines de requérants ont pris la parole : « Que nous soyons passés par la filière de l’asile ou que nous soyons venus clandestinement, notre seul objectif est d’avoir aspiré à une vie meilleure. » « L’Etat nous met dans des situations pénibles : il nous interdit de séjour, nous exclut d’une existence légale, nous enlève toute perspective d’avenir, nous en sommes réduits à travailler au noir ou à nous terrer dans des abris de protection civile. » « Ça suffit ! Qu’on le veuille ou non, nous sommes ici, nous participons activement à construire la société dont nous faisons partie ! »

Photo: Hochardan

« L’immigration n’est pas un choix, mais c’est une chance ! »     

 La majorité des manifestants vivent des souffrances, des peurs, des angoisses et de l’incertitude quant à leur sort. Beaucoup d’entre eux sont en Suisse depuis plusieurs années. Qu’ils vivent dans des abris, dans des centres d’aide d’urgence ou ailleurs, ils revendiquaient tous le droit de vivre librement et de sortir de cette situation précaire. «Marre de se cacher, on vit ici, on reste ici », grognaient-ils. Tout au long de leur marche, les manifestants ont adressé au peuple suisse un message à travers le slogan : « L’immigration n’est pas un choix, mais c’est une chance ».

Malgré le fait que la situation soit précaire, que la vie soit difficile, que l’angoisse soit présente, même si le chagrin et la peur sont permanents, ils gardent pourtant l’espoir et le rêve de revoir un jour ceux qui leur sont chers, disaient-ils en écho au grand martyr américain Martin Luther King qui a dit lors de la manifestation du 28 octobre 1963 à Washington : « Je rêve que mes quatre jeunes enfants vivront un jour dans une nation où ils ne seront pas jugés pour la couleur de leur peau, mais à la mesure de leur caractère. »

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

« La Suisse a longtemps été un pays d’émigration »

Graziella de Coulon, membre du collectif Droit de rester a accordé une interview à Voix d’Exils.

Voix d’Exils : Quel est le but de cette manifestation ?

Graziella de Coulon : Nous demandons la régularisation de tous les sans-papiers et de tous les déboutés de l’asile. Ce sont des personnes qui sont mises à l’écart, elles font partie des gens qui n’ont plus de droits, plus rien.

Qu’espérez-vous de cette manifestation en tant que défenseur des sans-papiers ?

On n’espère pas grand chose de cette manifestation. C’est pour rassembler les gens et pour dire : « On est toujours là, et on continue de réclamer la même chose ! » Mais, cette fois, nous avons adressé nos revendications aux Conseillers d’Etat. Vu que maintenant, la majorité est de gauche… (elle rigole). Nous demandons surtout que Vaud défende à Berne les personnes qui ont été acceptées par le canton. Et non pas que le canton dise : « Berne ne les veut pas ! ».

Photo: Hochardan

Quels sont les obstacles que vous rencontrez avec le Département de l’Intérieur ?

Ils disent qu’ils n’ont pas de marge de manœuvre et que c’est Berne qui décide… Ce qui n’est pas vrai, le canton a une marge de manœuvre. Il peut, par exemple, mettre ou pas à l’aide d’urgence un débouté, mais il les met tous à l’aide d’urgence. Donc, le canton fait le bon élève auprès de Berne, et c’est ça  que nous contestons. La majorité au Conseil d’Etat est de gauche, mais c’est une gauche qui n’a pas le courage politique d’affirmer une autre position que celle de la droite musclée de Berne, qui est celle qui régit maintenant toutes les questions d’immigration.

Photo: Hochardan

Qu’éprouvez-vous face aux expulsions ?

Déjà une grande honte pour le pays qui viole le droit de ces personnes au point de les obliger à partir dans leur pays, alors que pour certaines ce n’est plus leur pays. Parmi les personnes expulsées, certaines sont en Suisse depuis 10 ans et plus ! C’est une honte, la façon dont on les expulse. Les expulser vers le néant, vers aucune autre solution, alors qu’elles pourraient rester ici.  Il y en a beaucoup qui ont du travail, mais par la faute des lois uniques qui ont été votées, maintenant elles sont toutes déboutées… Personnellement, je ressens vraiment une grande honte et puis un grand regret pour ces personnes parce que souvent je les connais. Après leur expulsion, on les perd… On ne sait pas du tout ce qu’elles deviennent dans leur pays.

On voit souvent des blacks arrêtés et fouillés. Ils vivent dans la peur et la menace permanente. Qu’en dites-vous ?

Photo: Hochardan

Ce qu’il faut dire, c’est que ces personnes ont quitté leur pays et ont traversé la Méditerranée en risquant leur vie et beaucoup sont morts. Personne n’a quitté son pays et fait ce trajet pour venir vendre de la coke ou devenir un criminel ici. Ce sont les conditions de vie dans lesquelles ces gens sont ici qui font qu’ils sont obligés à un certain moment de se mettre dans cette criminalité qui est une petite criminalité de survie. Les gens ne peuvent pas rester ici sans être jamais heureux, sans avoir la possibilité de travailler, sans avoir des contacts avec les gens. N’être vus que comme des criminels…. Ce n’est pas possible ! A un certain moment ils deviennent, oui, des  criminels parce qu’ils ne peuvent pas faire autrement.

Comment expliquez-vous que le peuple suisse ait voté des lois qui sont contre l’immigration ?

Aux Suisses, j’aimerais premièrement dire de se souvenir de leur passé, parce que pendant de longues années, la Suisse a été un pays d’émigration. Les Suisses devaient émigrer parce qu’on ne mangeait pas assez dans ce pays.  Maintenant, ils ont oublié et veulent fermer toutes les frontières, ils veulent laisser tous les pauvres en dehors. C’est vraiment une lutte des pauvres contre les riches. Et quand on dit que ces lois ont été votées par la population, il faut voir sous quelles pressions et avec quelle propagande elles ont été votées. Les personnes qui défendent les requérants ou qui défendent l’immigration n’ont pas un grand espace de parole pour convaincre les gens. Et les gens ont peur parce que pour eux aussi cela ne va pas bien : ils ont peur du chômage, ils ont peur pour l’éducation de leurs enfants, ils ont peur pour leur logement et ils prennent juste l’immigration comme bouc émissaire. Mais ça, c’est l’UDC et  les partis de droite qui disent ça au peuple, et le peuple vote. Mais finalement, il y a quand même beaucoup de solidarité en Suisse, il n’y a pas que ça…

Propos recueillis par Hochardan