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Aller de l’avant

Le jour où j’ai décidé de passer mon permis de conduire

Nous devons regarder la vie d’une manière nouvelle. Nous aimons toutes et tous le changement et la nouveauté éblouit nos yeux ; nous aspirons tous à devenir meilleurs. Il ne s’agit pas d’être les meilleurs mais, du moins, de toujours essayer de nous améliorer.

Certaines tentatives échoueront mais nous devons arriver au bout du chemin que nous avons choisi. Nous devons avancer d’un pas confiant, sans nous soucier des déboires répétés de nos vies.

A partir de cette idée, j’ai commencé à envisager de changer mon monde étroit et j’ai décidé de faire un premier pas : j’ai entrepris de passer mon permis de conduire. Je me suis inscrite à l’examen théorique. Ma première tentative a échoué; mais j’ai ressayé et j’ai finalement réussi. Quelle joie ! Je me suis sentie propulsée en avant pour continuer la réalisation de mon projet.

L’étape suivante fut de commencer les cours pratiques. Au commencement, je souffrais d’anxiété et d’une tension laissée par ma dure éducation et entretenue par ma trajectoire marquée par la guerre et le déracinement. Je me sentais comme un immeuble fragile et fissuré dont les habitants avaient de bonnes raisons de craindre l’effondrement à chaque instant.

J’ai eu la chance d’avoir un moniteur excellent. J’ai essayé de dompter l’anxiété qui dominait mon cœur, mais j’ai échoué. J’ai échoué mais je n’ai pas abandonné. Petit à petit, j’ai pris confiance. J’ai apprivoisé le stress… et j’ai réussi mon examen !

Obtenir mon permis de conduire a été une victoire qui m’a permis de dépasser une partie sombre de ma vie. Ce fut une étape importante, qui m’a prouvé qu’en travaillant dur nous pouvons atteindre nos objectifs.

Khaledah Alzobi

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils                                                                                                        




« Pour s’intégrer il ne faut pas avoir peur des gens »

Pixabay License

 

 

Le parcours de Louisa, une jeune requérante d’asile vivant à Neuchâtel

Comment êtes-vous arrivée en Suisse ?

J’ai voyagé plusieurs jours en voiture et c’était très pénible. Je suis venue avec ma mère et mon frère ; on était les trois heureusement. Toute seule c’était impossible.

Vous aviez quel âge à ce moment-là ?

C’était en 2011, j’avais 17 ans.

Dans quel canton êtes-vous arrivée ?

Nous sommes arrivés à Basel (Bâle N.D.L.R). Et on se disait que ce nom Basel, ça veut dire peut-être dire « base » (sourire). On est arrivés dans une cafétéria ou quelque chose comme ça, on est allés là parce qu’on a vu des gens. Le centre d’accueil était juste à côté mais on ne l’avait pas vu (sourire). C’est quelque chose dont je me souviendrai toujours. Tout ce monde, tous ces gens qui travaillaient-là étaient très sympas.

Et comment êtes-vous entrés dans le centre ?

Il y avait une assistante qui travaillait-là, qui parlait un peu en russe. On nous a conduit vers elle et elle ne savait pas qu’on venait d’arriver, mais elle nous a toute expliqué comme si on était des requérants d’asile déjà enregistrés. Lorsqu’elle a pris le temps pour discuter avec nous et à la fin de la discussion (sourire), elle s’est rendue compte qu’on n’était pas encore des requérants mais qu’on venait juste d’arriver (sourire). Puis là, elle nous a pris en charge, nous a accompagnés vers le camp, vers les assistants qui devaient s’occuper de nous.

Qu’est-ce que vous avez pu emporter avec vous comme souvenir ?

J’ai toujours des souvenirs en moi. Certains sont assez positifs et d’autres négatifs. Mes plus beaux souvenirs sont ceux de mon enfance. Quand j’étais plus petite, la vie était un peu différente… c’est sûr, c’était mon enfance, malgré le fait qu’il y avait aussi la guerre… Mais je garde les bons moments avec mon grand-père et ça c’est bien. Depuis maintenant 7 ans que je suis partie, je n’ai plus de contact avec le pays.

Votre famille vous manque-t-elle ?

Mon grand-père oui. Il me manque.

Aimeriez-vous lui passer un message ?

Que je l’aime, que je vais bien. Je l’aime très fort.

Comment se sont passées toutes ces années en Suisse ?

Il y a eu des moments où c’était très difficile. Nous avons fait la connaissance d’un couple Suisse. Ils ont été très présents pour nous soutenir, nous donner de la motivation et de la force. Nos assistants sociaux étaient aussi là pour nous aider. Je suis à présent indépendante et c’est vraiment grâce à toutes ces personnes.

Comment avez-vous trouvé un travail ?

Ah (sourire), ce n’était pas facile non plus ! Un jour, j’ai fait un stage à l’hôpital et puis durant ces trois jours, je me suis rendu compte que c’était quelque chose de très intéressant. J’ai trouvé une place pour un apprentissage d’assistante à la santé communautaire. Maintenant je travaille dans les soins à domicile.

Comment avez-vous obtenu votre permis de conduire ?

Ah (sourire) le permis de conduire, ouf, c’était aussi pas quelque chose de facile. Pendant ma formation en troisième année, j’avais envie de faire quelque chose d’autre d’avoir un hobby, et vu que j’étais aussi « âgée », je me suis dit : « c’est bien d’avoir une voiture ». Alors je me suis lancée en faisant les cours de samaritains. Ensuite, j’ai passé la théorie et j’ai compris que c’est possible de faire le permis de conduire avec mon niveau de français. J’ai pensé : si j’ai réussi la théorie, la pratique ça va être encore plus facile. Mais non (sourire) ce n’est pas du tout le cas, c’est aussi difficile. J’ai réussi du premier coup la théorie mais pas la pratique. Mais je me suis « accrochée » et j’ai fini par acheter ma propre voiture, avec l’aide financière d’amis.

Vous avez dit que vous étiez âgée ?

(Rire) J’avais l’âge d’avoir le permis de conduire si vous voulez.

Quel permis de séjour avez-vous ?

En ce moment j’ai un permis F.

Depuis combien de temps l’avez-vous ?

(Sourire) C’est tout récent aussi. J’ai eu le permis N pendant 6 ans. Ensuite, nous avons reçu ma famille et moi une lettre nous disant que notre dossier est refusé (réponse négative). On a contacté une personne de Caritas et nous avons fait ensemble un recours. La réponse à ce recours a pris beaucoup de temps. Ensuite nous avons obtenu un permis F. C’était long. C’était des années très difficiles pour nous.

Quelles conditions devriez-vous remplir pour obtenir le permis B?

Alors pour le permis B, il faut être bien intégré dans la vie sociale et la vie professionnelle. Il faut parler la langue, avoir un travail, devenir indépendant financièrement et, aussi, c’est un gros point positif si vous faites quelque chose d’autre à part le travail, comme une activité, du bénévolat, etc…. C’est vraiment important d’avoir une vie sociale. Avoir le permis B ça prend beaucoup de temps (sourire).

Vous avez fait la demande ?

Oui, au mois d’avril j’ai envoyé mon dossier. Puis là, j’ai reçu une lettre qui m’informe qu’ils prennent en charge mon dossier…j’attends (sourire).

Pour vous, l’intégration ça veut dire quoi ?

L’intégration c’est déjà pouvoir parler la langue du pays d’accueil pour communiquer avec les autres, s’intéresser à sa culture à son histoire. Le mot s’intégrer est très large. Pour s’intégrer, il ne faut pas avoir peur des gens. S’intéresser veut dire s’intégrer.

Si vous aviez la possibilité de vous projeter dans 20 ans ?

Dans 20 ans ? (Sourire) je ne sais pas. Je ne me projette pas dans un futur trop lointain, mais je pense faire plus tard une nouvelle formation.

Quelle formation ?

Je ne sais pas encore, j’hésite. Tout m’intéresse. L’informatique m’intéresse beaucoup.

Ça veut dire que vous n’aimez pas votre formation actuelle?

C’est très difficile les soins. Il faut avoir de la distance avec les patients, il faut se protéger et moi je suis comme une éponge. Si je vois une personne triste, je suis aussi triste. Je sais que je ne vais pas faire ce métier toute ma vie.

Qu’est-ce qui vous a surpris le plus quand vous êtes arrivée en Suisse?

Tout (sourire). En arrivant au Basel (Bâle N.D.L.R), c’était la première fois que je voyais des personnes de couleur noir.

Vous aviez quel rêve en venant en Suisse ?

Qu’on soit en sécurité. Je voulais qu’on soit heureux.

Aujourd’hui vous avez quel rêve ?

(Sourire) J’ai beaucoup de rêves. J’ai envie d’aider les autres. J’ai envie d’enlever la haine qui règne un peu partout dans le monde.

Dernière question, si vous aviez la possibilité de supprimer un mot dans le monde entier, vous supprimeriez lequel ?

Il y a trop de mots que je veux supprimer, la guerre, l’argent…

L’argent ? C’est intéressant

Oui, la guerre c’est à cause de l’argent. La santé aussi s’achète, tout se base sur l’argent. Je trouve ça triste, horriblement triste. Si je pouvais supprimer tous les mots, je garderais la paix, c’est ce dont le monde a besoin aujourd’hui, la paix, la tranquillité.

Je crois que nous – les êtres humains – on a pas besoin de beaucoup de choses pour être heureux, c’est nous qui nous créons des problèmes.

Propos recueillis par :

Essi

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Depuis cette interview, Louisa a obtenu son permis B. 8 ans d’attente. Elle cherche à faire une nouvelle formation. Elle continue son chemin, avec des hauts et des bas, mais sans jamais baisser les bras.

 

 




Le permis de conduire

Le permis de conduire

Kakar Mohammad Tariq. Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Un passeport pour l’emploi!

Le permis de conduire est une étape importante dans le processus d’intégration : on se sent comme les autres, plus libre de se déplacer et, pour l’accès à l’emploi, c’est un atout immense !

La Suisse est un pays démocratique qui offre l’égalité des chances pour tous. Devant le permis de conduire, les citoyens suisses et les étrangers jouent à égalité : il faut maîtriser le code de la route et son véhicule pour décrocher son permis !

La procédure à suivre

L’obtention d’un permis de conduire en Suisse peut prendre beaucoup de temps, mais tout dépend de la capacité du demandeur. Celui qui dispose d’un permis de conduire valable de son pays d’origine peut l’échanger pour un permis suisse après vérification. Le demandeur va recevoir une carte provisoire de 90 jours non-renouvelable. Il vaut la peine de mentionner que, dans ce cas, le demandeur a seulement une chance de passer l’examen pratique pour avoir un permis de conduire suisse. En cas d’échec, il devra suivre la procédure normale, c’est-à-dire obtenir un nouveau permis de conduire selon la loi suisse.

Les conditions à remplir

Il faut être âgé au minimum de 18 ans, remplir un formulaire attesté par la commune du demandeur et l’envoyer à l’autorité compétente. Il faut ensuite suivre un cours de samaritains (premier secours) avant l’examen théorique sous la forme de questions à choix multiples au centre de circulation routière. Les candidats à l’examen théorique, en cas d’échec, ne peuvent se représenter que 7 fois. Après, ils sont obligés de se soumettre à un examen psychologique.

Après l’examen théorique, il y a le cours de sensibilisation pour avoir accès à l’examen pratique. Si vous échouez pour la quatrième fois à l’examen pratique, vous ne serez admis à un nouvel examen qu’à la suite d’une expertise psychologique favorable.

Une longue liste de coûts

Les coûts varient selon les régions, mais ils restent toujours élevés pour le budget d’un requérant d’asile, si l’on tient compte de toutes les dépenses nécessaires : photos d’identité, test de vue, CD de préparation à l’examen théorique, cours de Samaritains, cours de sensibilisation, taxe de l’examen théorique, cours de pratique avec auto-école, taxe pour l’examen pratique et frais pour l’établissement du permis de conduire ! Cet investissement exige de gros sacrifices mais peut se révéler très fructueux.

Personnellement, j’ai échangé mon permis d’Afghanistan sans rencontrer de problème administratif. Ensuite, j’ai passé mon permis de chauffeur de taxi B121. J’ai financé moi-même les deux permis. Peu de temps après, j’ai eu la chance de trouver un emploi auprès d’une compagnie de taxis, ce qui est très exceptionnel en Valais pour un titulaire de permis N. La série de bonnes nouvelles a continué, puisque ma famille s’est ensuite vu reconnaître le statut de réfugié et que nous avons reçu un permis B !

Votre ordinateur ne marche pas !

Un compatriote Afghan, lui, a perdu son permis de conduire d’origine et pour cette raison a été obligé de tout refaire à nouveau. Après avoir passé par toutes les procédures administratives, il a malheureusement raté quatre fois son examen théorique. Il est un peu découragé, mais il va continuer à se battre, parce que dans sa famille ils sont 8 personnes et que les déplacements avec d’autres moyens de transports pourraient être très chers et difficiles.

Un autre Afghan est resté combatif après un échec à son examen théorique lorsqu’il a dit au moniteur : «  C’est votre ordinateur qui ne marche pas ! J’ai réussis l’examen sans problème sur mon smartphone et ici rien ne va. Comment est-ce possible ? ».

Pour traverser le long chemin jusqu’au permis, c’est sûr, il vaut mieux garder le sens de l’humour !

Kakar Mohammad Tariq

Ancien membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Sources:

http://www.ocn.ch/ocn/fr/pub/ocn_online/formulaires___notices.htm

https://www.ch.ch/fr/examen-theorique-de-conduite

https://www.vs.ch/web/guest/search?_3_keywords=combien+de+la+chance+pour+l%27examen+theorique&_3_struts_action=%2Fsearch%2Fsearch&_3_groupId=18119&p_p_id=3&x=0&y=0