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« Un requérant d’asile doit savoir défendre son motif d’asile et faire le premier pas vers l’autre »

M. Luul Sebhatu. Photo: Voix d'Exils

M. Luul Sebhatu. Photo: Voix d’Exils.

Suisse d’origine érythréenne, Luul Sebhatu est l’un des premiers Erythréens arrivé dans le canton de Neuchâtel en 1982. D’abord requérant d’asile, il obtiendra, trois ans et demi plus tard, le statut de réfugié. Marié, père de trois enfants et employé depuis 1984 dans une grande entreprise suisse de distribution, il est membre de la Communauté de travail pour l’intégration des étrangers (CTIE) depuis sa création en 1991 et représentant les réfugiés du canton. Entretien avec Voix d’Exils.

 

 

 

Voix d’Exils: Que faites-vous concrètement au sein de la CTIE?

Luul Sebhatu: Au sein de la CTIE, je représente les réfugiés et je ne parle pas des sujets personnels, mais plutôt des problèmes généraux de l’asile. On évoque des questions de langue, de logement, d’insertion au travail et des problèmes sociaux.

Vous arrive-t-il de visiter les centres d’accueil cantonaux de Couvet et Fontainemelon ?

Bien sûr et c’est souvent même. Je visite les trois centres d’accueil cantonaux de Couvet, de Fontainemelon et de Perreux.

Quels problèmes les requérants d’asile résidant dans ces centres vous soumettent-ils?

Des problèmes d’administration des centres. Le personnel des centres d’accueil s’occupe comme il faut des requérants d’asile, mais il y a toujours des problèmes de cohabitation, de manque de connaissance du règlement des centres d’accueil, des problèmes particuliers des personnes qui nuisent à leur entourage. Je discute avec ces personnes, je les conseille et les encourage à se respecter et à respecter le règlement des centres.

Selon vous, en tant qu’ancien requérant d’asile, quelles attitudes un requérant d’asile doit-il adopter pour favoriser son intégration?

Premièrement, il faut être ouvert et à l’écoute des responsables de centres. C’est nous qui sommes venus et on doit avant tout respecter les lois du pays d’accueil et s’adapter. Être requérant d’asile en général et surtout être requérant d’asile d’Afrique noire, ce n’est pas si facile. On doit prendre conscience de notre statut et convaincre la Suisse du motif de l’asile et c’est à nous de faire le premier pas vers l’autre.

Vous avez obtenu en 2007 le prix « Salut l’étranger » institué par le Conseil d’État neuchâtelois, peut-on savoir pour quel mérite?

Ce n’est pas moi qui me suis présenté mais ce sont d’autres personnes qui ont déposé mon dossier sans me consulter. J’étais surpris quand on m’a appelé, mais je sais que depuis l’abandon en 2007 par Caritas et le Centre social protestant (CSP) de l’organisation de la journée nationale de refugiés à Neuchâtel, on a créé une association de la journée de réfugiés que je préside. Aussi, comme membre de la la communauté pour l’intégration des étrangers (la CTIE), j’ai pris l’initiative de constituer un groupe de contact africain qui se réunit quatre fois l’an et, de temps en temps, on traite des problèmes d’intégration. On a évoqué une discrimination raciale dans les transports publics neuchâtelois (TransN) qui n’engageaient pas les chauffeurs africains. On a discuté avec eux et ils ont fixé des critères et des chauffeurs africains ont été engagés. On souhaite étendre cette action pour la ville de La Chaux-de-Fonds mais elle n’est pas encore concrétisée. Je crois toutefois que j’ai été primé pour l’ensemble de ce que je fais dans le mouvement associatif à Neuchâtel et ce prix m’a encouragé à continuer et je suis reconnaissant envers les autorités cantonales.

Vous avez demandé l’asile en 1982 et 30 ans après, la loi sur l’asile continue d’être durcie et la révision votée le 9 juin 2013 ne permet plus aux Érythréens d’invoquer la clause de conscience lorsqu’ils fuient leur pays pour ne pas être enrôlés de force dans l’armée. Comment voyez-vous l’avenir de l’asile en Suisse?

Ça devient de plus en plus difficile. A l’époque, déjà pour quitter l’Érythrée et venir en Suisse, il y avait beaucoup d’obstacles et aujourd’hui c’est encore plus dur. Mais avec des personnes courageuses, avec la lutte, ça va s’améliorer. Autrement, ça va être encore difficile. Je n’ai pas d’autres explications, mais je sais que sur le terrain c’est compliqué et il y a des efforts supplémentaires à fournir par les autorités fédérales et cantonales pour améliorer la situation. L’asile est un sujet assez complexe et ce n’est pas la modification de la loi qui va résoudre le problème.

On dit souvent que Neuchâtel est un canton modèle en matière d’intégration des étrangers, le confirmez-vous?

Bien sûr, Neuchâtel est un canton modèle d’intégration, non seulement en Suisse mais aussi en Europe. Le droit de vote des étrangers existe depuis de nombreuses années, le Service de la cohésion multiculturelle (le COSM) est créé depuis plus de 20 ans et le travail abattu par ce service facilite la communication et l’ouverture.

Comme ancien requérant d’asile, avez-vous un message à adresser aux actuels requérants d’asile?

Premièrement, il faut savoir pourquoi on est venu et, suivant son motif d’asile, il faut savoir défendre sa cause. Il ne faut pas être dépassé par les événements, il faut être respectueux des lois du pays d’accueil, être attentif et vigilant, ne pas déranger l’autre, chercher les bonnes informations. Il ne faut pas lâcher, il faut lutter avec persévérance et, même si c’est dur à la fin, si on suit le chemin qu’on vous guide, je crois qu’on peut obtenir ce qu’on vient chercher. Mais surtout, il faut avoir la patience, la discrétion, montrer la volonté de s’intégrer, savoir communiquer et apprendre le goût suisse. Je lance un appel aux réfugiés et aux communautés étrangères d’accueillir et d’encourager leurs compatriotes à chercher du travail, à apprendre des métiers, les anciens doivent parler de leurs expériences aux nouveaux et de se donner un coup de main pour soutenir les efforts des autorités.

Propos recueillis par :

Paul Kiesse

Journaliste, membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

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Un tournoi multiculturel de beach soccer à l’occasion de la fête nationale suisse

Photo: Voix d'Exils

Photo: Voix d’Exils.

Les requérants d’asile du canton de Neuchâtel ont participé le 1er août dernier à un tournoi multiculturel de beach soccer qui s’est déroulé sur la place rouge des Jeunes Rives pour célébrer la fête nationale suisse.

 

Organisé pour la première fois par l’association des Marchés de l’Univers, avec le soutien de Neuchatoi 2013 et l’association chaudefonnière Bel Horizon, ce tournoi a également permis aux associations de migrants de présenter des spécialités et des produits culinaires de leurs pays d’origine. Des requérants d’asile venus du centre cantonal de Fontainemelon et du centre fédéral des Pradières, des migrants provenant de différentes communautés et des étudiants neuchâtelois ont échangé et vécu un temps de partage avec les autres populations étrangères du canton, tout en jouant au beach soccer, un sport qui s’apparente au football et qui se pratique sur du sable de plage.

Photo: Voix d'Exils

Photo: Voix d’Exils

Le tournoi a mis aux prises plusieurs équipes de migrants, de Suisses ou mixtes. Composées chacune de six personnes, elles se sont affrontées lors de match d’une durée de douze minutes et la finale a été remportée par les étudiants de l’Université de Neuchâtel.

«L’objectif de ce tournoi est d’associer les requérants d’asile et les communautés migrantes à la fête nationale suisse. Ce n’est pas seulement le sport qui importe, mais aussi de les faire participer à une manifestation publique. Pour les requérants d’asile, c’est de leur permettre de sortir des centres d’accueil pour partager des moments d’échanges. En définitive, l’important n’est pas de gagner mais de participer», a déclaré Christian Beuret, président de l’association des Marchés de l’univers.

Photo: Voix d'Exils

Photo: Voix d’Exils

Alphonse, requérant d’asile originaire du Congo-Brazzaville et résidant au centre de Fontainemelon estime, quant à lui, que «c’est un bon moment pour se défouler, rencontrer autrui et partager. Comme on n’a pas toujours de telles occasions, ça fait du bien de se retrouver avec des requérants de différents centres d’accueil, de jouer avec des Suisses et de discuter avec eux».

Quant à Junior Mané, requérant d’asile bissau-guinéen, résidant au centre fédéral des Pradières, il affirme que le sport c’est sa vie. «J’ai passé toute ma vie à jouer au football. En Afrique, j’ai pratiqué le beach soccer à la plage avec les amis. Le fait de retrouver ma passion ici me fait énormément plaisir. J’ai passé de beaux moments et je suis heureux d’être ici avec des amis. Je félicite les organisateurs d’avoir réuni autant de cultures différentes. J’aime ce mélange de plusieurs nationalités», enchaîne-t-il.

L’association des Marchés de l’Univers, qui existe depuis onze ans, organise régulièrement des marchés en ville de Neuchâtel et rassemble des communautés étrangères et des organisations à but social ou humanitaire. Comme on le voit, pour un coup d’essai, le tournoi multiculturel de beach soccer a été une réussite et tous les participants ont vivement demandé aux organisateurs de pérenniser l’initiative pour qu’elle ne s’arrête pas en si bon chemin. Les requérants d’asile ont quitté les lieux ravis et fiers d’avoir participé à la fête nationale suisse de manière positive et sportive.

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




Un camp de vacances inoubliable

Photo: Voix d'Exils

Photo: Voix d’Exils

Du lundi 15 au vendredi 19 juillet 2013, le Service des Migrations du canton de Neuchâtel (le SMIG) a organisé pour la sixième fois un camp de vacances destiné aux enfants des requérants d’asile. Une dizaine de filles et de garçons, dont l’âge oscille entre 8 et 12 ans, ont passé des moments inoubliables au camp de Vaumarcus, dans le district de Boudry.

Ce camp de vacances, institué depuis 2002, est ouvert aux enfants des requérants d’asile. La première édition du camp a eu lieu dans la commune de Lignières, la seconde à La Côte-aux-Fées dans le district du Val-de-Travers et, depuis 2008, il se tient à Vaumarcus, dans un centre de rencontres, de formation et de vacances situé à mi-chemin entre Neuchâtel et Yverdon-les-Bains.

«On organise ce camp pour donner la possibilité une fois par année aux enfants des requérants d’asile de se retrouver hors du contexte familial, de venir dans des endroits comme le camp de Vaumarcus, d’avoir diverses activités et aussi pour permettre aux parents de souffler. Cette année, on avait prévu d’avoir 30 enfants. Mais seuls 15 enfants, dont 13 de requérants d’asile, ont répondu à l’invitation», explique Daniel Kienholz, responsable des programmes d’occupation du SMIG.

Sous la supervision de quatre accompagnants, ces enfants de diverses nationalités ont pratiqué des activités ludiques et sportives telles que du football, du basket-ball, du tennis de table, des joutes, de la marche à pied, ou du dessin.

Visites à Champ-Pittet et Grandson

Tout a débuté le lundi 15 juillet par une marche à pied, de la gare de Gorgier-Saint-Aubin à

Photo: Voix d'Exils

Photo: Voix d’Exils

Vaumarcus, d’une longueur d’environ 3,8 kilomètres.

Le mardi 16, les enfants et les accompagnants ont embarqué sur un bateau depuis le port de Vaumarcus et ont traversé le lac de Neuchâtel pour visiter la Fondation Champ-Pittet, située au cœur de la Grande Cariçaie: le plus grand marais lacustre de Suisse, qui se situe sur la rive sud du lac. Sur place, les enfants ont fait un jeu de piste avant de pique-niquer. Le mercredi 17, l’équipe s’est rendue au Château de Grandson – une ancienne forteresse située dans la commune vaudoise de Grandson – qui abrite une collection exceptionnelle d’armes et d’armures, ainsi qu’un musée historique. Les enfants ont pu s’amuser en participant à une chasse au trésor.

Capoeira et festin au menu

Jeudi 18, dans la soirée, les enfants ont eu droit aux démonstrations des jeunes «capoeiristes», vêtus de pantalons et t-shirts blancs avec inscription de l’association Capoeira de Neuchâtel. Ces derniers ont présenté l’art martial afro-brésilien avec des méthodes de combat et des danses africaines datant du temps de l’esclavage au Brésil. Un bal dansant a clos la démonstration des capoeiristes. S’en est suivi une soirée festive, à laquelle a été convié le personnel du SMIG. Marie-France Bitz, enseignante de français au centre de Couvet et Larisa Daudova, requérante d’asile d’origine Tchétchène, étaient aux fourneaux pour offrir aux enfants et aux convives des mets exquis.

Cap sur l’été 2014

Selon Daniel Kienholz, «cette année, les enfants ont été impeccables, il n’y a eu aucun problème de cohabitation». Ravis d’avoir passé de bons moments, les enfants des requérants d’asile ont unanimement loué l’initiative et ont particulièrement apprécié la qualité de la restauration et de l’hébergement. Pratheep, un jeune Sri-lankais, n’a pas manqué de mots pour féliciter l’organisation du camp de vacances: «je me réjouis de me retrouver ici et de rencontrer de nouveaux amis. La prochaine fois, je ne manquerai pas d’y participer». Une jeune érythréenne, qui n’a pas souhaité révélé son identité, a déclaré sa satisfaction en ces termes: «la croisière sur le lac m’a beaucoup plu. Pour une fois, je me sens valorisée et honorée en Suisse».

Le responsable des programmes d’occupation du canton de Neuchâtel a conclu en affirmant que «selon toute vraisemblance, le camp de vacances aura lieu l’année prochaine si les finances le permettent. Les enfants qui sont encore jeunes et dans la mesure ou il y a suffisamment de place pourront revenir ; mais on privilégiera des enfants n’ayant pas encore participé au camp».

Somme toute, les enfants ont quitté ce camp de vacances débordant de joie et ravis d’avoir passé des moments de découverte. Ils sont également heureux d’avoir élargi leurs cercles d’amis et souhaitent vivement que de telles rencontres se multiplient.

Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils




« Le CSP offre un soutien juridique aux requérants d’asile »

Le CSP de Neuchâtel. Photo: Paul Kiesse, Voix d'Exils

Le CSP de Neuchâtel. Photo: Paul Kiesse, Voix d’Exils

Le Centre social protestant (CSP) est une institution qui offre gracieusement un soutien juridique aux requérants d’asile dans les cantons de Neuchâtel, Vaud, Genève, Berne et Jura. Le CSP de Neuchâtel dispose d’un secteur d’activités destiné à accompagner les requérants d’asile dans leur procédure d’asile. Juriste et responsable de ce secteur, Mélanie Müller-Rossel répond aux questions de Voix d’Exils.

Voix d’Exils: Quels services le CSP rend-il aux requérants d’asile?

Mélanie Müller-Rossel: Le CSP met à la disposition des requérants d’asile le « secteur procédure », dans lequel une ethnologue conseillère en procédure d’asile et moi-même, juriste, toutes deux à temps partiel, accueillons et informons toutes les personnes liées à l’asile sur les questions qu’elles pourraient avoir. Si nécessaire, nous offrons un soutien juridique par un accompagnement des requérants d’asile dans leur procédure. Notre travail consiste à les aider à compléter leur dossier, voire à entreprendre des démarches juridiques si les décisions qui sont prises à leur égard sont mal fondées.

Comment et dans quel cas un requérant d’asile peut-il contacter le CSP?

Nous proposons une fois par semaine, le jeudi de 13 heures 30 à 16 heures, une permanence qui est ouverte à toute personne liée à l’asile, que ce soit avant sa procédure, pendant ou même une fois que sa procédure est terminée, et qui aurait un problème à nous soumettre concernant sa situation en Suisse. L’accès à notre permanence ne nécessite pas de prise de rendez-vous préalable.

Les prestations du CSP sont-elles payantes?

Les prestations du CSP sont essentiellement gratuites, c’est-à-dire que nous ne facturons pas nos prestations selon des tarifs horaires. Dans la mesure où les personnes qui nous sollicitent ne sont pas à l’aide d’urgence, nous demandons un petit montant forfaitaire de 50 francs pour contribuer aux frais administratifs et nous permettre de payer, par exemple, les timbres etc. A l’exception de ce petit forfait, nos prestations sont gratuites.

Par rapport à Caritas, quelle est la particularité du CSP?

Les deux institutions font en principe le même travail dans le même esprit, donc il n’y a pas de différence. Le CSP a un lien avec l’Église protestante neuchâteloise et Caritas, avec l’Église catholique. Les forces de travail mises à disposition pour ce secteur sont cependant plus grandes au CSP. Je précise que nous accueillons les personnes liées à l’asile, sans distinction d’origine ni de confession.

Quelles difficultés rencontrez-vous dans le suivi des dossiers des requérants d’asile?

Toutes les difficultés liées à l’obtention de preuves destinées à prouver que nos mandants sont persécutés dans leur pays d’origine. L’ensemble de la procédure vise, en effet, à démontrer que les persécutions sont vraisemblables.

Depuis que vous suivez les dossiers de requérants d’asile, quel est votre taux de réussite?

C’est une question à laquelle il est extrêmement difficile de répondre, parce que ça dépend de quels types de dossiers on parle et de ce qu’on met sur le terme de « réussite ». L’objectif des procédures que nous suivons n’est pas toujours d’obtenir pour nos mandants l’octroi de l’asile, mais une admission provisoire qui consacre que le renvoi n’est pas exigible ; par exemple lors d’un grave problème de santé. Dans ce contexte, nous pouvons estimer que 80%  des personnes que nous suivons obtiennent finalement un règlement de leur situation en Suisse.

Vous arrive-t-il de refuser des dossiers de requérants d’asile?

Oui, nous avons un certain nombre de critères qui nous amènent à prendre ou pas un dossier. Il y a deux critères fondamentaux qui sont difficiles à contourner. Le premier est l’analyse du dossier pour nous permettre d’évaluer s’il y a vraiment quelque chose à défendre du point de vue de l’asile ou pas. Par exemple, si une personne vient déposer une demande d’asile en Suisse pour trouver du travail. Si on comprend bien ce souhait, il ne s’agit pas d’un dossier défendable du point de vue de l’asile et nous ne le défendrons donc pas juridiquement. Le deuxième critère de sélection est le critère de la disponibilité, vu le peu de force de travail dont nous disposons en rapport avec le nombre de demandes. Nous tenons à effectuer un travail de qualité plutôt que de quantité.

Quels sont vos projets d’avenir?

Sur le plan institutionnel, notre projet est de pouvoir maintenir cette offre de soutien juridique aux requérants d’asile, gratuite et accessible à tous, puisque cette activité n’est que très peu subventionnée à l’exception de l’Oeuvre d’entraide des Eglises protestantes suisses (EPER). C’est donc l’institution CSP qui offre la mise à disposition d’un poste d’ethnologue et de juriste pour aider les requérants d’asile. Notre grand défi est donc de pouvoir maintenir cette prestation.

Quels sont vos rapports avec l’Office fédéral des migrations (ODM)

Ils sont ceux d’un mandataire qui défend les intérêts de son mandant. Et comme globalement, une partie assez importante de notre travail consiste à contester les décisions de l’ODM, nos relations peuvent être parfois tendues. Dans les situations où nous pouvons instruire et compléter les dossiers avant la décision de l’ODM, nos relations sont plus axées sur la collaboration. Donc nous ne sommes pas systématiquement en situation d’opposition.

Que pensez-vous de Voix d’Exils?

C’est important qu’il existe une publication qui évoque un peu la réalité des personnes qui dépendent de l’asile car il y a peu de possibilités pour les exilés eux-mêmes de s’exprimer. Je considère ce projet indispensable au présent comme à l’avenir.

Propos recueillis par Paul Kiesse

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

Le CSP est actif dans des secteurs sensibles

Les Centres sociaux protestants (CSP) sont des services privés d’aide sociale destinés aux personnes en difficultés vivant en Suisse, sans distinction d’origine ni de confession. Ils sont issus de l’action sociale des Églises protestantes romandes. Leur objectif est de tout mettre en œuvre pour atténuer les difficultés des personnes qui s’adressent à eux en offrant écoute, soutien, conseils et aide dans leurs démarches. Les CSP existent à Genève depuis 1954, Vaud depuis 1961, Neuchâtel depuis 1964 et Berne-Jura depuis 1966. Ils organisent plusieurs secteurs d’activités: consultations sociales, juridiques, conjugales et familiales, jeunes, migration, endettement, activités en groupe, formation, prévention, insertion sociale, réinsertion professionnelle, recherche sociale, ramassage à domicile.

Infos : contacts des CSP cantonaux

CSP Genève

14, rue du Village-Suisse

CP 171

Tél : 022 807 07 00

Mail : info@csp-ge.ch

CSP Vaud

Rue Beau-Séjour 28

1003 Lausanne

Tél : 021 560 60 60

Mail : info@csp-vd.ch

CSP Neuchâtel

Parcs 11

2000 Neuchâtel

Tél : 032 722 19 60

Mail : csp.neuchatel@ne.ch

CSP Berne-Jura

Rue Centrale 59

2740 Moutier

Tél : 032 493 32 21

Mail : info@csp-beju.ch




C’est grâce à sa rage de réussir que Maître John a ouvert son atelier de confection

Maître John à l’œuvre. Photo: Paul KIESSE

Maître John à l’œuvre. Photo: Paul KIESSE

Couturier Congolais exilé en Suisse depuis huit ans, Jean Ndabi – Maître John – pour les intimes, a réalisé son rêve d’enfance: ouvrir sa maison de couture. Toujours souriant et de bonne humeur, Jean Ndabi affectionne la coupe et la couture depuis sa tendre enfance. Ce Congolais de 34 ans, père d’une fillette d’un mois, a contracté la poliomyélite à l’âge de 7 ans. Mais cela n’a nullement ébranlé sa détermination à devenir couturier.

A Kinshasa, la capitale du Congo, il passe trois ans dans une école de coupe et de couture, puis deux ans d’apprentissage dans un atelier. Lorsqu’il débarque en 2004 en Suisse, il est envoyé dans le canton de Neuchâtel, d’abord au centre d’accueil des Cernets, aux Verrières, et puis au centre d’accueil de Couvet.

Requérant d’asile, il cherche des petits boulots mais n’en trouve pas. « Beaucoup d’entreprises s’intéressaient à moi, mais à cause de ma mobilité réduite, elles étaient découragées. Mon handicap physique a été un sérieux frein pour trouver du travail », confesse-t-il.

« Ma clientèle est composée de gens de toutes nationalités »

Dans le centre d’accueil où il logeait, il y avait une salle de couture. Il décide alors de perfectionner son savoir-faire pour ne plus attendre un hypothétique emploi. Mais il lui faudra de la patience avant de voir son art reconnu. « En Suisse, je n’ai suivi aucune formation, mais j’ai beaucoup appris, surtout le sérieux suisse », déclare-t-il.

En 2010, il obtient son permis de séjour B et co-loue un espace à la rue de l’Ecluse à Neuchâtel.

L'atelier de confection de Maître John à Peseux. Photo: Paul KIESSE

L’atelier de confection de Maître John à Peseux. Photo: Paul KIESSE

Rapidement, la clientèle afflue, mais le lieu est trop exiguë et n’est pas adapté à ses ambitions. Il décide alors de voler de ses propres ailes et ouvre son atelier de confection à rue Ernest-Rouley 7, à Peseux. « Ma clientèle est composée de gens de toutes nationalités. Mais ici, à Peseux, ce sont davantage les Suisses qui viennent par rapport aux Africains », nous confie Me John, fier de ne pas dépendre de l’aide sociale.

« Je le voulais tellement que je l’ai réalisé »

Deux machines industrielles, une machine à ourlet, une machine de surfilage et une machine de boutonnière constituent l’équipement de la confection John Ndabi, ouverte depuis maintenant un mois et spécialisée dans la couture hommes, dames, enfants et les retouches. « Ce n’est pas facile d’ouvrir une maison de couture en Suisse, d’abord en tant qu’étranger, puis ensuite en tant que requérant d’asile sans fonds de démarrage. Mais je le voulais tellement que je l’ai réalisé », affirme-t-il.

Parlant de ses bons souvenirs, il souligne que « grâce à mon travail de couturier, les gens ont oublié mon handicap ». Avec l’ouverture de cette confection, Me John ne compte pas s’arrêter en si bon chemin. Il ambitionne à présent d’ouvrir un magasin d’habillement, d’organiser des défilés de mode pour présenter la mode africaine et européenne. Mais, surtout, de recruter des stagiaires; car évoluant dans un premier temps seul, il compte engager trois à quatre personnes pour l’épauler dans cette lourde tâche.
Pour Me John, son exemple doit encourager d’autres requérants d’asile à s’intégrer et à valoriser leurs savoir-faire. Il se dit reconnaissant envers les autorités suisses, qui lui ont donné l’opportunité d’exprimer son talent; et envers du Centre social protestant (CSP), qui a mené les démarches pour l’obtention de son permis de séjour.
C’est grâce à sa pugnacité et sa rage de réussir que Me John a su faire reculer les limites de son handicap en misant sur ce qu’il sait faire le mieux à faire, à savoir : la coupe et la couture. Avec sa confection, il crée des emplois, paie les impôts et contribue à la prospérité de la Suisse qui l’a accueilli les bras ouverts.
Paul KIESSE

Membre de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils