1

Le tragique « Rêve d’Olympe» de Samia Yusuf Omar

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles. Page de couverture.

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles. Page de couverture.

Ou lorsqu’un rêve se fracasse sur les récifs de la réalité

Alors que les médias de monde entiers s’agglutinent à Rio pour suivre d’au plus près les Jeux olympiques (JO), Voix d’Exils a choisi de mettre le projecteur sur une bande dessinée qui vient de paraître et qui relate du destin tragique – et malheureusement réel – de Samia Yusuf Omar, une jeune athlète Somalienne, qui périt en mer alors qu’elle tentait de se rendre aux derniers jeux Olympiques de 2012 à Londres. L’histoire de Samia a pu être reconstituée sur la base des nombreuses publications qu’elle a posté sur sa page Facebook à l’intention de sa famille et de ses amis restés au pays durant son périple.

Cela fait à présent quatre jours que les jeux Olympiques 2016 ont débutés. Les athlètes du monde entier affluent à Rio pour se surpasser. Mais il y en a aussi un certain nombre qui n’y arriveront jamais, l’instar des précédents JO de Londres en 2012 lors desquels une athlète n’a pas pu disputer « son épreuve ». Non pas pour un retard de vol, un problème de dopage ou de claquage musculaire, mais en raison de sa quête de liberté qui lui a été fatale.

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.25

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.25

Le rêve d’une adolescente sportive

L’histoire relatée dans « Rêves d’Olympe » nous projette dans les jeux Olympiques de Pékin de 2008. La jeune coureuse Samia Yusuf Omar, alors âgée de 17 ans, représente son pays – la Somalie – aux épreuves éliminatoires du 200 mètres féminin. Bien qu’elle n’arrive qu’en dernière place de la course, elle bat néanmoins son propre record ce qui lui vaut des généreuses ovations du public. De retour en Somalie, sa famille et ses amis viennent l’accueillir à l’aéroport de Mogadiscio comme une vraie championne et font la fête jusque tard la nuit. Ce soir-là, elle retrouve ses copines et elles parlent de sujets et d’autres mais aussi du futur. C’est alors que Samia se met pour la première fois à rêver des Jeux Olympiques de Londres de 2012.

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.22

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.22

Braver les interdits

Ce qu’elle venait de vivre à Pékin la remplissait de courage, voyant son échec comme une motivation supplémentaire pour s’entrainer encore plus dur pour se dépasser. Or, dans les pays musulmans où l’on pratique la Charia – ce qui est le cas de la Somalie – s’entrainer correctement est impossible car les Al-Shabbaab – les fondamentalistes musulmans – n’autorisent pas les femmes pratiquer des activités sportives. Bon gré malgré, elle décide de faire fi de ces règles liberticides et c’est alors que Samia se retrouve à jouer cache-cache avec des miliciens d’Al-Shebbaab qui patrouillent dans les rues de Mogadiscio avec la peur au ventre, ne sachant si elle rentrerait vivante à la maison. Malgré les interdits et les menaces de mort qu’elle reçoit sur son portable, Samia multiplie les entrainements sur une piste truffée de mini-cratères creusés par les bombes et réussit à améliorer son temps sur le 200 mètres.

Un beau jour, un membre du ministère du sport lui propose de représenter la Somalie aux Jeux Olympiques de Londres sans passer par la qualification et de rejoindre ainsi directement l’équipe nationale qui se trouve à Addis Abeba, la capital de l’Ethiopie. Tante Mariam vient la chercher à l’aéroport.

A l’entrainement avec l’équipe nationale, la jeune femme était loin d’être dans sa meilleure forme physique pour les JO de l’avis de son entraineur. De plus, en Somalie, il faut les bons appuis pour évoluer…Son autorisation n’est alors pas reconduite et les autorités Ethiopiennes refusent de prolonger la validité de ses papiers.

Le commencement d’une périlleuse odyssée

C’est alors que débute son calvaire clandestin. Nous sommes au mois de juillet 2011 et il ne reste qu’un an avant le début des JO de Londres. La jeune femme, alors à peine âgée de 20 ans, décide de s’aventurer sur la route périlleuse de l’immigration clandestine pour rejoindre l’Europe. Elle quitte Addis Abeba en bus avec sa tante Mariam qui se joint à elle dans son périple. Arrivées à la frontière, elles se font déjà arrêter par la police faute de papiers valables. Mais Samia parvient néanmoins à s’échapper alors que sa tante est renvoyée à Addis Abeba.

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.55

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.55

Samia arrive donc seule au rendez-vous du passeur. Ce dernier est un horrible personnage arrogant qui lui demande d’aller rejoindre le groupe assis par terre dans l’attente de recevoir ses ordres. Après une demi-journée de marche dans le désert sous un soleil de plomb, le groupe rejoint un camion qui ressemble à une espèce de container à marchandise qui est surchargé de voyageurs assoiffés et affamés et qui les conduit jusqu’à Khartoum, la capitale du Soudan. Elle passe plusieurs jours à Khartoum dans un camp et, avec l’aide de membres de sa communauté sur place, elle trouve un autre passeur. Ce dernier leur annonce qu’il y a un véhicule qui partira pour Tripoli, la capital de la Lybie. Sur la route, ils se font braquer et dépouiller de tous leurs biens et, pour s’en sortir, elle doit  s’acquitter d’une somme conséquente. Elle demande alors l’aide de sa sœur qui vit en Finlande et qui lui achemine l’argent par le biais d’une agence. En échange, elle promet de la rembourser une fois installée en Europe.

Illustration: Georgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d'Exils.

Illustration: Georgi, membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils.

La route de tous les dangers

A peine sortie de prison, elle entame une longue marche. La jeune athlète arrive dans un camp de réfugiés situé dans la capitale libyenne Tripoli où elle rencontre des membres de sa communauté. Les jeux olympiques sont dans 6 mois, il lui faut se dépêcher d’arriver en Europe. La première tentative de traversée par bateau en Italie échoue. Dans la nuit, ils se font arrêter par les garde-côtes libyens et Samia est renvoyée en prison. A sa sortie, elle retourne au camp où elle se trouvait au départ et, dans la nuit, elle entend une voix l’appeler « Samia »… « Samia » ! Et là, ce fut un moment de joie extraordinaire car c’était tante Miriam qui l’avait retrouvée par hasard. Toutes les deux allèrent trouver le passeur qui leur demande une somme exorbitante qu’elle doit recevoir encore de sa sœur de Finlande pour financer le voyage.

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.108

« Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles p.108

Cette nuit-là le calme règne dans le camp et, soudain, retentit l’appel. C’est l’heure de se rendre sur la plage mais le bateau pneumatique à moteur est trop petit pour le nombre de voyageurs, et plusieurs personnes refusent d’embarquer. Or, plus moyens de faire marche arrière! Les passeurs sont nerveux avec leurs armes à la main et ils les obligent coûte que coûte à monter dans l’embarcation dans laquelle se trouvaient des hommes, des femmes et aussi des enfants. L’histoire nous dit que personne n’arriva jamais en Italie.

Rendons hommage à Samia Yusuf Omar, à sa tante Miriam, à toutes les personnes qui se trouvaient dans ce bateau qui a chaviré, mais aussi aux 3000 migrants qui, en quête d’une vie meilleure, se sont noyés en Méditerranée depuis janvier 2016.

 Niangu Nginamau

 Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Une équipe composée d’athlètes réfugiés participe aux Jeux olympique de Rio

Peut-être que le périple tragique de Yusuf Omar a inspiré le Comité International Olympique qui a formé, pour la première fois, une délégation spéciale regroupant une dizaine d’athlètes frappés par la crise mondiale des réfugiés pour participer aux jeux de Rio 2016. Cette équipe internationale, portant le drapeau Olympique, contribue à faire reconnaître la problématique de la migration forcée comme un fléau d’envergure mondial qui n’est que l’expression de l’instabilité du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui. Un problème global qui nécessite de toute urgence une réponse coordonnée de l’ensemble de la communauté internationale!

N.N.

Infos

Source : « Rêve d’Olympe » de Reinhard Kleist paru en juin 2016 aux éditions : La Boîte à Bulles

Pour commander « Rêve d’Olympe » cliquer ici

 




Le calvaire des enfants des rues de Mogadiscio

Des enfants qui errent dans les rues de Mogadiscio. Source: http://www.flickr.com/creativecommons/

Depuis la chute du gouvernement somalien sous l’égide du président Mahamed Sayad Baree, en 1991, la Somalie a connu des guerres civiles qui n’ont épargné rien ni personne. Les jeunes, et en particulier les filles, sont les plus touchés par les privations et les violences qui étranglent le pays.

 

 

Selon la Convention des Droits de l’Enfant : «L’enfant est reconnu, universellement, comme un être humain qui doit pouvoir se développer physiquement, intellectuellement, socialement, moralement, spirituellement, dans la liberté et la dignité». Dans les pays sous développés, hélas, les enfants ne profitent pas de ces droits. En Somalie, où règne la guerre, la famine, la sécheresse et les épidémies, ce sont les jeunes qui sont les plus touchés. Depuis 30 ans, les nouvelles générations se succèdent et grandissent dans un pays chaotique. Elles n’ont jamais connu la paix, le respect des droits humains. Un adolescent de 15 ans déclarait en mars 2010 à Amnesty International : « J’ai vécu la plus grande partie de ma vie dans la peur »,et d’après cette même Organisation Non Gouvernementale (ONG), les enfants représentent la moitié de la population somalienne.

Des enfants livrés à eux-mêmes

Beaucoup d’enfants perdent leurs parents, soit parce qu’ils ont été tués lors de combats, soit parce que ces mêmes combats les ont séparés. Ils perdent alors la protection et l’affection et sont victimes de mauvais traitements, surtout dans le sud et le centre du pays où règne un chaos généralisé.

Les orphelins qui restent à Mogadiscio s’établissent aux alentours des restaurants pour manger les restes. Interrogé par la radio royale somalienne lors d’un reportage, Deeqow Caamir, un adolescent de 14 ans, confie : « Je vis dans un lieu dangereux et je n’ai personne qui puisse m’aider. J’ai besoin de nourriture, d’un abri, de vêtements, d’étudier, de soins… et beaucoup d’autres choses encore dont un enfant a besoin dans ce monde. Je suis exposé à des balles perdues et des obus de mortiers, car je dors au pied d’un mur… Moi et les animaux, on dort ensemble (il pleure). La famine et la peur m’ont conduit à consommer toutes sortes de drogues comme l’alcool, le kat, les cigarettes… pour oublier mon calvaire ».

Le reportage a également observé que des jeunes filles âgées de 9 à 17 ans vivent également dans la rue. Elles mendient en groupe autour des restaurants en tendant des gobelets et des assiettes. Elles sont exténuées, affamées, assoiffées et personne ne s’occupe d’elles, car chacun est submergé par ses problèmes personnels. Outre la faim, la peur et le froid, elles sont encore confrontées aux viols. Une femme somalienne témoigne : « Ça nous touche profondément de voir des jeunes filles qui dorment dans la rue, elles sont beaucoup plus vulnérables que les garçons. C’est une situation alarmante, mais qui nous dépasse ! ».

L’aide de la famille ou des ONG

Il y a deux systèmes de prise en charge des enfants. Le premier, voulu par le système clanique, consiste à répartir les enfants issus de parents très pauvres ou qui les ont perdu durant la guerre, au sein de leurs familles élargies pour qu’elle couvre leurs besoins basiques : avoir un toit, être vêtu, nourri et scolarisé. Certaines familles considèrent ces enfants comme les leurs, tandis que d’autres les exploitent.

Le deuxième système fait appel aux ONG. Tel est le cas de « l’association de prise en charge des enfants de la rue », une association locale qui se trouve actuellement à Mogadiscio. Elle est composée de jeunes étudiants qui se sont mobilisés avec très peu de moyens pour tendre la main aux enfants de la rue. Elle finance ses projets en majeures parties grâce à des cotisations et fait de son mieux pour améliorer leurs conditions de vie en fournissant des logements, des vêtements, de la nourriture et la possibilité d’étudier. Elle aide en particulier les adolescents et les jeunes adultes qui ont perdu leurs parents et qui doivent prendre en charge leurs frères et sœurs plus jeunes qu’eux.

Hochardan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Infos :

Vous pouvez aider ces enfants en vous adressant à :

Amnesty International
Bureau régional romand

Rue de la Grotte 6
CH – 1003 Lausanne

Tél. 021 310 39 40

www.amnesty.ch 




La famine en Somalie vue par la diaspora somalienne en Suisse

Mohamed Hared Ali, Président de l’association SOS Somalie. Photo: Abdel-Khader MOUSTAPHA

Mohamed Hared Ali, Président de l’association SOS Somalie, évoque la situation calamiteuse qui sévit en Somalie ainsi que les actions menées par la diaspora somalienne depuis la Suisse pour venir en aide à une population livrée à elle-même qui endure une famine sans précédent.

Voix d’Exils : que pensez-vous de la mobilisation internationale insuffisante et tardive pour pallier la famine grandissante en Somalie?

Mohamed Hared Ali: la situation est très difficile, avec le décès des plus fragiles chaque jour, les vivres ne sont pas suffisants pour sauver tout ce monde, ce malgré les efforts de l’ONU. A cela s’ajoute trois problèmes : il n’est pas évident de trouver des fonds en ce moment de crise économique, la difficulté à répartir ces aides dont les plus faibles ne bénéficient pas suffisamment et, enfin, le problème de l’insécurité dans le pays qui ne facilite pas les choses.

Quels sont les facteurs qui interviennent dans la Corne de l’Afrique et qui empirent la situation de sécheresse et d’épidémie ?

Les conditions climatiques de ces dernières décennies ne sont pas favorables, sans parler de la déforestation due a l’exportation du bois vers les pays du Golfe. L’avancée du désert est l’une des causes de cette sécheresse qui sévit dans cette partie de l’Afrique. Le manque d’eau potable et la détérioration des structures sanitaires sont à l’origine de maladies frappant les plus jeunes.

Pour quelle raison les ONG ne parviennent-elles pas à travailler convenablement ?

L’ONU et les ONG ne parviennent pas à travailler convenablement, à cause d’Al-Shabab, un mouvement proche d’Al-Qaïda qui sème la terreur dans le pays. Ces miliciens pillent les vivres des populations et interdisent, selon leur bon vouloir, la distribution de nourriture par les organisations internationales dans les zones assiégées, sous prétexte que ces dernières ne sont pas crédibles. Ce qui a obligé l’ONU à faire des ponts aériens pour acheminer les aides, ce qui est plus onéreux bien entendu. Mais, depuis peu, face à la gravité de la situation, les Al-Shabab commencent à autoriser l’ONU et les ONG à distribuer à nouveau les vivres.

Quelles initiatives attendez-vous de l’ONU et de l’Union Africaine ?

En tant que citoyen somalien, j’attends plus d’engouement et de détermination de la part de l’ONU face à cette situation qui est susceptible de continuer des mois encore, avec notamment le déploiement de Casques Bleus sur le terrain afin de protéger la population. Car l’armée somalienne est affaiblie par les décennies de guerre, et ne dispose pas des moyens nécessaires pour défendre et assurer l’intégrité physique de la population et des différents acteurs.

Concernant l’Union Africaine, elle a promis près de 300 millions de dollars à la Somalie. De son coté, le Premier ministre somalien a demandé à l’Union africaine le déploiement de son armée pour renforcer la sécurité des somaliens car, selon lui, « l’insécurité est l’un des points saillants de ce désastre humanitaire ». L’on doit, ici, saluer le mérite des pays proches comme l’Ouganda et le Burundi qui ont respectivement envoyés 8000 et 2000 soldats à Mogadiscio, la capitale.

Concernant la diaspora somalienne en Suisse, qu’a-t-elle fait pour faire face à cette situation ?

La diaspora somalienne en Suisse dispose malheureusement de peu de moyens, car la majeure partie des somaliens ici ne travaille pas à cause de la langue. Il faut du temps pour s’intégrer au niveau professionnel. Comme je suis l’un des responsables des associations de la diaspora, j’ai contacté les organisations humanitaires et nous avons organisé une collecte de fonds dans presque toute la Suisse, dont des villes comme Genève et Berne. Les actions de collectes de fonds sont réalisées depuis plusieurs semaines et sont toujours à l’œuvre actuellement. Nous avons déjà envoyé de l’argent récolté au gouvernement de transition somalien.

Auriez-vous un dernier mot à nous dire ?

Je tiens ici à adresser ma profonde gratitude à la Suisse pour ses multiples actions considérables en faveur de la Somalie, ce dès les premiers jours d’alerte de la famine.

Abdel-Khader MOUSTAPHA

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Informations :

Pour plus d’informations ou pour verser vos dons veuillez prendre contact avec :

Association SOS Somalie

M. Mohamed Hared Ali, Président
E-mail: mohamedhared@hotmail.com