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Une surprise de taille pour la Petite Géante

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Du 29 septembre au 1 octobre, la sage Genève s’offrira une grande fête populaire avec la visite de marionnettes géantes : une grand-mère de 7,50 mètres de haut accompagnée de sa petite-fille, 5,50 mètres sous la toise.

Quel cadeau de bienvenue peut-on bien offrir à une Petite Géante qui vient découvrir la Suisse ? Au centre de formation du Botza, au pied des monts valaisans, on n’a pas tardé à trouver la réponse : ce sera une paire de skis taille XXXXL !

L’idée est belle et, sur le papier, tout est simple. Mais réaliser une paire de skis de 5 mètres de long, avec une fixation métallique et des brides de cuir à l’ancienne, accompagnée de sa paire de bâtons assortis, représente un grand défi. Les requérants d’asile des ateliers de menuiserie et de serrurerie ont donné le meilleur d’eux-mêmes, pendant de longues semaines, pour passer du rêve à la réalité. Avec une mention spéciale au jeune mineur non accompagné qui, à 16 ans et demi, s’est révélé un as du travail du cuir au point de dépasser très vite ses formateurs !

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Aujourd’hui, le pari est gagné : les skis ont quitté les ateliers du Botza pour la gare de Genève, où ils seront exposés jusqu’à l’arrivée de la Petite Géante. Il faut espérer que les usagers de la gare, ordinairement pressés et le nez sur leurs portables, sauront s’arrêter pour admirer le savoir-faire de l’équipe d’artisans. Qu’ils prendront le temps, leur attaché-case à la main, de retomber en enfance, de s’émerveiller et de rêver un peu, tout simplement.

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils

On sait déjà que la Petite Géante est espiègle et qu’elle aime faire de la trottinette sur les boulevards des villes qu’elle visite. Grâce aux requérants d’asile du Canton du Valais, elle pourra essayer le ski. Et si elle s’entraîne bien, le Valais lui donne rendez-vous pour les Jeux Olympiques de 2026 !

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

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L’intégration par le kick-boxing ? Possible !

Photo: rédaction valaisanne de Voix d'Exils

Photo: rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Une graine de champion

Lors de cette soirée de compétition à Lausanne, il est un parfait inconnu. Il a 18 ans et est engagé au combat avec un adversaire de catégorie supérieure : tout paraît jouer contre lui. Pourtant, défiant tous les pronostics, il gagne, et avec la manière. Voix d’Exils vous amène à la découverte de ce champion-né.

Parcours du kid d’Afghanistan

À 17 ans, c’est comme mineur non accompagné (MNA) que Rameez Rahimi est accueilli au foyer de Chamoson dans le Valais. Il s’inscrit dans la foulée à un programme d’occupation et est employé avec plusieurs autres jeunes par la commune de Chamoson. La passion du kick-boxing, qui alimente toutes ses conversations, arrive aux oreilles de son chef d’équipe qui, quelques jours plus tard, grâce à son carnet d’adresses, le met en contact avec M. Hafiz K., coach du club d’arts martiaux de Châteauneuf-Conthey. C’est là que nous sommes allés à sa rencontre.

En poussant la porte de la salle d’entraînement, on découvre une équipe au travail. Sur le tapis, les athlètes exécutent des prises de lutte dans un corps à corps où se mêlent force et respect. Tout autour, un groupe donne des coups de pieds et de poings sur des sacs de frappe. Parmi eux, Rameez, qui raconte : « Cela n’a pas été facile pour moi au départ. Après l’évaluation de mes capacités techniques et physiques qui se sont avérées concluantes, j’ai dû acheter moi-même l’équipement d’entraînement et, faute de moyens financiers, c’est à pied que je faisais le trajet. Encouragé par mes progrès, le coach m’a inscrit dans la catégorie de 65 kg avec quatre jours d’entraînement par semaine. Plus tard, les conditions se sont améliorées : j’ai reçu l’équipement du club et, en plus, un vélo pour mes déplacements. Je me sens très bien ici, les rapports avec le coach et mes coéquipiers sont formidables ». M. Hafiz rebondit sur ces propos : « Il est jeune, doué et bosseur : tout ce qu’il faut pour réussir. De notre côté, nous l’avons exonéré des frais d’affiliation et je lui ai trouvé une place d’apprentissage comme carrossier automobile. Nous attendons l’accord du service de l’asile. »

Renseignement pris, Rameez, qui a déjà effectué un stage et est sûr de son choix professionnel, a finalement choisi d’effectuer une année d’école supplémentaire, afin d’améliorer son français ; il commencera son apprentissage en 2018, mettant alors toutes les chances de réussite de son côté.

De grandes ambitions

Rameez : « Je me souviendrai toujours de cette année-là : J’avais juste neuf ans, mais déjà la tête pleine d’ambitions. Soutenu par mon père, je rêvais déjà d’être champion, et de porter haut les couleurs de mon pays, l’Afghanistan. Mais hélas, le contexte religieux et l’instabilité politique m’ont poussé vers l’exil. Mais mes ambitions sont intactes : elles sont tournées aujourd’hui vers mon pays d’accueil pour lequel je veux me battre. Gagner des médailles pour la Suisse et mon club, voilà mon objectif immédiat. Etant encore amateur, l’argent n’est pas ma priorité. Si je pouvais solliciter une faveur, c’est d’avoir un régime spécial au foyer par rapport à mes horaires et à mon besoin de repos pour la récupération. »

M. Hafiz : « Au repos s’ajoute également le volet alimentaire pour l’apport en calories utile aux efforts physiques fournis. Rameez est une graine de champion, sa progression pour le statut de professionnel est évidente. Aujourd’hui, il a besoin d’un environnement qui en tienne aussi compte. » ajoute le coach. Il est clair que la vie dans un centre d’hébergement collectif a des contraintes auxquelles Rameez doit s’adapter. C’est lorsqu’il accédera à un logement individuel qu’il pourra vivre exactement au rythme imposé par son sport, seul maître de ses menus et de ses horaires. Patience !  ».

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Commentaire

Voix d’Exils a assisté à deux séances d’entraînement ; nous avons vu un athlète à l’aise dans son sport, avec des gestes fluides et précis. Notre jugement sur ces sportifs que nous croyions à priori violents s’est envolé. Nous vous informerons dès que possible des dates des prochaines compétitions. L’intégration par le kick-boxing ? Pourquoi pas !

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 

 

 




Séjour en montagne exceptionnel pour un groupe de requérants mineurs

Balade de MNA en montagne

La découverte de la montagne par les jeunes MNA du valais. Photo: François Perraudin.

 

Une vingtaine de jeunes mineurs non accompagnés (MNA) récemment arrivés en Suisse ont passé trois jours à l’Hospice du Simplon en Valais. Au programme : la découverte de la montagne, bien sûr, mais aussi la vie en groupe, des jeux, de la musique, de la peinture. Pas le temps de s’ennuyer !

Balade en montagne valaisanne

Balade de jeunes MNA en montagne valaisanne

Ils s’appellent Fithawit, Piroz, Yaser, William et Abdi. Ils sont originaires d’Erythrée, de Syrie, d’Irak et d’Afghanistan. Filles et garçons, ils viennent d’arriver en Valais, au centre d’accueil le RADOS. Ils ne parlent pas encore le français, ne maîtrisent pas leur nouvel environnement, ni les codes de la vie en Suisse… Ce sont eux que les membres de la Congrégation du Grand-Saint-Bernard ont reçus pour un séjour de trois jours à l’Hospice du Simplon, perpétuant ainsi leur mission d’hospitalité.

« Je ne sais pas ce qui m’attend mais j’essaie, avec mes mains vides, d’entrer en contact avec eux. L’essentiel, pour moi, c’est que pendant ces trois jours ici au Simplon, ils sentent qu’ils ont reçu de l’amour », souligne Anne-Laure Gausseron, oblate de la congrégation.

Le pari semble gagné. Fithawit, jeune fille de 16 ans originaire d’Erythrée raconte, enthousiaste : « Je suis tellement surprise, la terre est si belle, la vue, les montagnes, la neige, tout est magnifique ! Je suis si heureuse, je vois les endroits que je ne voyais qu’à la télévision… Ici, il n’y a plus d’écran, je vis cela en personne. Je sens que je suis bénie et que je renais.»

Pour Piroz, jeune Afghan, la randonnée dans la montagne a avant tout ramené des souvenirs de son pays natal, à l’époque où il était berger. Aujourd’hui, sa vie a changé et son principal objectif est de faire des études.

En montagne

Photo de la rédaction valaisanne – La découverte de la montagne. Photo: François Perraudin

Quant à William, jeune Erythréen, il a mieux trouvé sa place dans le groupe durant ce séjour : «Ces vacances sur un lieu si particulier de la Suisse nous ont permis de nous sentir plus détendus, tellement on s’est amusés. Cette expérience nous a aussi unis comme une vraie famille… Nous souhaiterions vraiment refaire quelque chose comme ça dès que possible ! »

Pour Eddy Marley, membre de l’équipe des éducateurs du RADOS, l’échappée au Simplon est également très positive : « En cette période, nous recevons un grand nombre de mineurs non accompagnés, ce qui occasionne une surcharge de travail. Ici, nous avons plus de disponibilité et, à vivre ainsi 24 heures sur 24 ensemble, nous avons développé un meilleur contact avec eux, et les jeunes entre eux également. C’est important pour eux, en regard de ce qu’ils ont vécu pour la plupart, de bâtir des souvenirs joyeux dans cet environnement exceptionnel. »

La montagne est finalement une belle métaphore de ce qui attend ces jeunes une fois redescendus en plaine dans leur vie de tous les jours : des pentes et des défis, des efforts et de la fatigue, des risques de chute parfois… mais aussi de la beauté et du partage.

On leur souhaite à tous une belle marche vers les sommets de leur vie !

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

La découverte de la montagne

La découverte de la montagne. Photo: François Perraudin.




Toute une vie dans les foyers

Tady

Tady, le jeune Ethiopien. Photo : Gervais

Cette histoire est le témoignage atypique d’un jeune requérant d’asile éthiopien qui a passé plus de sept ans dans des centres de requérants d’asile. Arrivé en Suisse à 12 ans comme mineur non accompagné, tout lui semblait propice au départ. Cependant, après plusieurs années de vie cloitrée, voici aujourd’hui notre jeune enfant de cœur transformé en loup, cible privilégiée de nombreux tumultes.

Dans la petite chambre où trois lits occupent respectivement trois angles, un seau de poubelle titille l’oreiller de Tady Yalew à côté d’une table sur laquelle on peut retrouver quelques documents importants, des plats crasseux et des ustensiles de cuisine. En dessous, quelques petites marmites cohabitent et laissent échapper l’odeur d’un repas à peine mijoté qui parfume les lieux. A proximité, les tennis de fortune sont parfaitement rangés. Au physique, Tady est plutôt petit, environ un mètre soixante-sept pour soixante kilos. Avec ses longs cheveux noirs frisés soutenus par un bandeau et une barbe soigneusement taillée, il nous fait penser à un Américain ou un Jamaïcain. Son accoutrement lui donne l’allure d’un rappeur. On le dit réservé par nature, et croyant si l’on en juge par son inséparable collier à la croix de Jésus. Certains requérants du foyer de Ste-Croix le jugent quand-même très sociable.

« Après le centre d’enregistrement et de procédure de Vallorbe, mon frère et moi avons vécu successivement au centre de Chiasso, puis à l’abri PC de Bussigny au milieu des adultes. C’était très difficile, parce qu’il fallait se prendre en charge tout seuls à 12 ans. Après trois mois nous sommes allés dans un foyer pour mineurs du Service de protection de la jeunesse (SPJ) à Romainmôtier, puis à Lausanne où nous suivions l’école obligatoire. Nous avons ensuite poursuivi notre chemin dans un centre pour mineur non accompagné de l’Etablissement vaudois d’accueil des migrants (EVAM), également à Lausanne, pendant environ trois ans. Là j’ai débuté une formation de peintre en bâtiment et d’agent d’entretien à la Maison des jeunes de Lausanne.

Au bout d’un certain temps, la vie au centre était devenue un calvaire. J’ai alors effectué une demande auprès pour aller vivre avec une famille d’accueil, ce qui m’a été accordé. En dépit du soutien de mes deux familles d’accueil successives, qui n’ont jamais ménagé leurs efforts et à qui je dis merci beaucoup pour leur soutien indéfectible et leurs conseils, j’étais dépressif. Je continuais ma formation mais suite à l’absorption d’alcool qui m’a poussé faire des conneries, j’ai fait à plusieurs fois de la prison. Je buvais de plus en plus, je buvais au delà des limites et après ma dernière sortie de prison, on a exigé que je retourne en foyer. J’ai demandé si je pourrais habiter dans l’un des foyers de Lausanne proche de mon frère, mais la demande à été rejetée et j’ai été transféré à Ste-Croix, où je vis depuis un an et quatre mois. »

Il soupire un instant, et d’une voix grave il reprend : « Cela fait sept ans que je suis en Suisse. Dans les foyers, j’ai beaucoup appris : le français, la peinture et la culture de ce pays. Mais je vois les autres gens qui arrivent : ils font six, sept mois en foyer puis partent en appartement. Quant à moi je suis toujours comme un nouveau et ça me décourage. De son côté l’EVAM ne regarde que les erreurs que j’ai commises, mais jamais tout ce que j’ai fait de bien. J’ai finalement obtenu un transfert en logement individuel, mais une semaine plus tard j’ai été convoqué par la directrice du foyer, qui m’a annoncé son annulation, prétextant que je ne le méritais pas. Ca m’a bouleversé parce que je voulais être indépendant, et après sept ans, pour moi, c’était mérité. »

Tady affirme qu’il n’a jamais vendu de drogue ni volé dans les magasins. Il connaît mieux la Suisse que son pays d’origine, mais avoue qu’il est découragé de la vie, sans plus aucune motivation, ce qui le pousse à boire de l’alcool. Il s’indigne : « C’est toujours moi qu’on accuse : le jour où l’équipe nationale suisse affrontait celle d’Espagne en Coupe du monde, un incendie s’est produit dans ma chambre en mon absence et la police m’a interpelé. Quand il y a des vitres qui se cassent ou tout autre dégât, c’est encore Tady. Il est vrai que pendant la même période, j’ai brutalisé une copine du foyer qui m’avait manqué de respect, j’ai perdu la maîtrise. Maintenant on m’annonce que je suis transféré au foyer de Bex. Je suis pourtant contre… Faites quelque chose pour me sauver ! »

La situation de Tady Yalew, peut-on la classer dans le registre des enfants délinquants ? Selon lui, non. Mais Cécile Ehrensperger, responsable du secteur Nord et Ouest de l’EVAM, ne lui reconnait pas entièrement ce brillant passé, qui lui aurait sans doute permis de prospérer comme son frère, électricien aujourd’hui autonome financièrement.

La responsable affirme que « la police n’a pas inculpé Tady faute de preuve, mais de forts soupçons pèsent contre lui. » Elle reconnait par ailleurs que la prise en charge des mineurs avant 2006 était lamentable, et que le phénomène migratoire est douloureux. Mais l’annulation de son transfert en logement individuel a pour objectif de l’envoyer près de sa famille d’accueil à Bex et de ne pas le laisser s’alcooliser. « Cela n’est pas destiné à l’envoyer aux oubliettes, mais plutôt à lui dire de construire lui-même sa vie, de se responsabiliser et de reconnaitre qu’il a besoin d’une prise en charge médicale. »

De Bex aujourd’hui où le jeune Ethiopien continue son existence, Tady déclare que ça ne va pas vraiment, mais il reconnait toutefois que c’est mieux que Sainte-Croix. Là il a plus de possibilités, il rencontre très souvent l’intendant qui lui confie des tâches d’entretien. Il est volontaire et motivé, ce qui est tout à fait le contraire de Sainte-Croix où il ne faisait rien du tout. L’effet Cécile semble avoir porté ses fruits. Suite à une sélection assez serrée, il  a même été retenu tout récemment pour deux semaines de travaux d’intérêt général dans les pâturages d’Ollon, ce qui lui a même valu une interview sur Radio Chablais. Il envisage aujourd’hui de refaire une autre demande de transfert en logement individuel auprès de sa nouvelle directrice avec qui il a de bons rapports.

Gervais NJINGO DONGMO