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Elles sont différentes

Sahar Rezai.

Et je les admire

Ces personnes sans façade, sans paillettes

Qui ne sont pas sans cesse soucieuses

De ce que les autres peuvent penser

Ces personnes qui ne s’angoissent pas d’être soi 

Qui n’estiment pas impérieuse

L’apparence de toute leur existence

Ces personnes qui ne disent jamais

Si je pouvais recommencer!

Qui ne regrettent pas leur destinée 

Ces personnes qui ne disent en aucun cas

Si j’avais une énorme gomme

Pour tout effacer à commencer par ma pomme

Ces personnes qui avouent la vérité quand elles ont fauté 

Qui font preuve d’audace et s’excusent

Qui sont sincères et se moquent de la censure

Ces personnes qui ne ruminent pas les maldonnes de la journée

La nuit, elles dorment sans culpabilité 

Même quand elles ont culbuté

Ces personnes libres et rebelles

Quand facebook leur demande quoi de neuf

Trouvent des formules pour avouer leurs malheurs

Ces personnes qui se moquent de leur réputation

Dévoilent docilement leurs dédales

Car elles savent qu’elles ne sont pas les seules à se perdre

Ces personnes sans peur de heurter

Qui, sans cesse, tiennent tête à l’hostilité

Qui préfèrent se bagarrer que plier bagage

Ces personnes qui savent qu’aucune localité

N’a de stabilité durable dans ce monde malade  

Et se battent pour ne pas dissiper leur paix intérieure 

Ces personnes sont conscientes

Que ce qu’on n’a pas n’est pas nécessaire

Elles n’estiment pas avoir plus de privilèges que l’étranger 

Ces personnes qui ne se tiennent pas en haute estime d’elles-mêmes

Qui ne considèrent pas les besoins d’autrui inférieurs et sans valeur

Et qui ne se vantent de rien car tout est vanité

 Je les admire spécialement.

 

Mireille Niyonsaba

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




Nous avons perdu notre chemin

Illustration: Sahar Rezai / rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Un poème de Khaledah Alzobi

Mon pays a changé

Il n’est plus le même

Tous ses chemins maintenant

Ne nous mènent nulle part

Les arbres ne ressemblent plus à des arbres

Ils ne portent plus de fruits

Et le chant des oiseaux

Ne touchent plus mon cœur

Comme avant

Tout dans mon pays est soumis

Les chansons des enfants

Ne jaillissent plus librement

De leurs cœurs

Maintenant elles doivent servir

Les oppresseurs

Les livres des intellectuels

Ne racontent plus d’histoires

Ni d’histoires d’amour

Au contraire, ils portent le slogan

Du peuple des péchés

Tout a changé dans ma patrie

Même les poèmes des passants

Notre langue a été frappée par une maladie

La maladie du changement

Khaledah Alzobi

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




« Être papier blanc »

Illustration: Kristine Kostava / Voix d’Exils

Vivre au jour le jour avec une attestation d’aide d’urgence

Les requérant.e.s d’asile déboutée.e.s reçoivent une attestation d’aide d’urgence qui leur donne accès à 10 francs par jour environ et une aide d’urgence ne couvrant que le strict minimum vital (généralement la nourriture, les vêtements, l’hygiène, le logement et les soins médicaux d’urgence). Comment vit-on l’aide d’urgence?

Afin de mieux comprendre le mode sous le régime de l’aide d’urgence, nous avons échangé avec trois personnes qui sont dans cette situation et qui sont membres de la rédaction de Voix d’Exils: Kristine, Géorgienne arrivée en Suisse en 2017; Zahra, Kurde, en Suisse depuis 2015 et Karthik, Sri-Lankais, qui vit en Suisse également depuis 2015.

Comment tombe-t-on dans l’aide d’urgence?

Qu’est-ce que l’aide d’urgence? Le site asile.ch donne la définition suivante: « Les personnes frappées d’une décision de non-entrée en matière (NEM) ou de renvoi (« débouté-e-s ») perdent le droit de travailler et sont exclues de l’aide sociale, y compris lorsque leur besoin de protection n’est pas nié (NEM Dublin). Elles sont réduites à demander l’« aide d’urgence », octroyée en vertu de l’art. 12 de la Constitution fédérale. Cette aide consiste en une prestation de survie, remise la plupart du temps sous forme de bons ou en nature (barquettes de nourriture déjà préparées, etc.), rarement en espèces (environ 10 francs par jour, voire moins). Imposant un contrôle administratif intense, parfois quotidien, l’aide d’urgence est conçue comme un dispositif d’incitation au départ ».

Impact psychologique et matériel

La vie à l’aide d’urgence peut durer indéfiniment et la peur d’un renvoi forcé est constante. Les personnes à l’aide d’urgence sont souvent livré.e.s à elles-mêmes. Seules face à leur désespoir, le sentiment d’être dans une impasse, de vivre une incertitude et une angoisse est permanent. Etant un dispositif d’incitation au départ, les conditions de vie qu’impose ce statut a des effets nuisibles sur la santé physique et psychique des personnes qui le subissent.

  • Quels sont selon vous les obstacles du papier blanc ?

Kristine

« Il y a trop d’obstacles, nous sommes limités en tout. On ne peut ni étudier, ni travailler, ni voyager. Il est difficile de se développer et de vivre normalement. »

Zahra

« On ne peut pas étudier dans le domaine de notre choix. Nous ne pouvons ni voyager, ni pratiquer un loisir par manque d’argent ou acheter le nécessaire pour du matériel de bureau. De plus, il est généralement difficile de communiquer avec les personnes qui nous entourent. »

Karthik

« Sans autorisation, nous ne pouvons pas voyager ni travailler. Nous n’avons même pas l’autorisation de nous inscrire pour suivre un cours de français afin de ne plus avoir un problème avec la barrière de la langue. »

Une situation sans fin

Pour diverses raisons, le renvoi n’est pas réalisable et pour d’autres raisons encore, certaines personnes ne veulent ou ne peuvent pas rentrer dans leur pays d’origine. Ainsi, « être papier blanc », comme on dit dans le milieu de l’asile, implique souvent de vivre dans des conditions difficiles et ce pendant plusieurs mois; voire pendant plusieurs années.

  • Peut-on envisager un avenir avec le papier blanc ?

Kristine

« Il est très difficile d’envisager un avenir avec le papier blanc, parce que nous sommes très limités. On ne peut pas apprendre et travailler sans contrat, mais je garde espoir qu’un jour j’obtiendrai une autorisation de séjour. Je me suis toujours battue pour atteindre mes objectifs car se battre pour une chose importante à toujours un sens! »

Zahra

« Jamais! On ne peut pas envisager un avenir avec un papier blanc. C’est un frein pour avancer et construire notre vie. »

Karthik

« Non, c’est impossible! Nous sommes complètement bloqués. Nous ne pouvons rien faire, nous pouvons seulement espérer et attendre que notre situation s’améliore le plus tôt possible. »

Possibilités de changement

Il arrive que certaines personnes obtiennent un statut de séjour qui apporte une certaine stabilité à leur condition de vie. Cela constitue alors un grand changement qui affecte progressivement leur mode de vie et qui peut être déstabilisant.

  • Quels types de changement imaginez-vous une fois l’autorisation de séjour obtenue ?

Kristine

« Cela changerait toute ma vie. J’étudierais, je travaillerais sous contrat, je voyagerais. Cela me donnerait plus de liberté et me permettrait de m’améliorer personnellement. De plus, avec mes progrès et mon indépendance, je profiterais à nouveau de la Suisse. »

Zahra

« Une vie dans laquelle nous serions considéré.e.s comme des citoyen.ne.s ordinaires, dans laquelle on pourrait travailler et étudier sans ce problème de papier d’aide d’urgence. »

Karthik

« Je souhaiterais obtenir le permis B afin de me sentir libre de trouver du travail et de voyager. »

Pourquoi vous ?

La situation à l’aide d’urgence complique la vie de chaque personne détentrice du papier blanc. Beaucoup ont étudié, travaillé, construit leur vie dans leur pays d’origine, puis ont dû tout recommencer à zéro et surtout s’adapter à leur arrivée en Suisse.

  • Pourquoi mériteriez-vous une autorisation de séjour en Suisse ?

Kristine

« Après avoir terminé mes onze années d’école obligatoire, j’ai commencé mes études de graphisme qui ont duré un an au collège. Par la suite, j’ai effectué trois mois de stage et j’ai commencé à travailler comme graphiste chez MBM Polygraph. Parallèlement, j’ai suivi de nombreuses formations sur divers sujets et l’une d’elles était de créer un environnement adapté pour les personnes handicapées. J’ai travaillé pendant plus d’un an, puis j’ai dû quitter mon emploi et la Géorgie en raison de ma santé qui se détériorait. Je suis venue en Suisse et j’ai commencé à travailler en tant que bénévole. Actuellement, je contribue à Voix d’Exils comme rédactrice et graphiste. Je suis productive, je suis capable de travailler avec un contrat, mais malheureusement je ne peux pas travailler avec le papier blanc. »

Zahra

« Après avoir terminé l’école obligatoire, j’ai débuté mes quatre années d’études à l’université et je suis partie d’Iran pour des raisons politiques. Arrivée en Suisse, j’ai débuté les cours de français à l’EVAM et par la suite une formation en cuisine dans cet établissement. J’ai effectué un stage à la fondation « Mère Sofia » et j’ai continué à travailler en tant que bénévole dans la même fondation. J’ai commencé à travailler dans un programme d’activité de l’EVAM et aujourd’hui, cela fait un an et demi que je suis rédactrice à Voix d’Exils. Je souhaite avoir une autorisation de séjour car je voudrais travailler afin de construire et stabiliser ma vie pour devenir indépendante. »

Karthik

« Je viens du Sri Lanka où je n’ai pas la liberté de vivre comme en Suisse car il n’y a aucune sécurité et stabilité pour construire une vie. Après avoir terminé l’école obligatoire, j’ai commencé à travailler dans l’entreprise familiale et trois ans après j’ai quitté le Sri Lanka. À mon arrivée en Suisse, j’ai pu obtenir un permis N et ceci m’a permis de travailler pendant trois ans. Je considère la Suisse comme étant un pays ouvert et tolérant envers les cultures de toutes et tous. »

Propos recueillis par:

L.B.

Membre de la rédaction de Voix d’Exils

Pour approfondir le sujet:

LE QUOTIDIEN AVEC UN « PAPIER BLANC », article paru dans Voix d’Exils le 26.11.2018

LE QUOTIDIEN AVEC UN « PAPIER BLANC » II, article paru dans Voix d’Exils le 07.01.2019




Marcher sur un chemin de liberté

Harith Ekneligoda / rédaction valaisanne de Voix d’Exils

Vais-je réussir ?

À partir d’aujourd’hui, j’ai décidé de me débarrasser de tous les soucis du monde. Je vais arrêter de regarder les informations et bloquer les numéros de téléphone des pessimistes parmi mes connaissances.

J’ai décidé d’arrêter de marchander avec les vendeurs pauvres, pour quelques francs de plus, car cela ne va pas me pousser vers la faillite, mais cela fera certainement plaisir au vendeur pauvre et l’aidera à payer les frais de scolarité de ses enfants.

J’ai décidé d’arrêter d’interrompre les gens quand ils me racontent une histoire ridicule, je ne leur dirai pas qu’ils l’ont déjà racontée deux fois, pourquoi gâcher leur journée ?

Je suis moins enclin à corriger les fausses informations que j’entends des gens, ou à donner des conseils, même si je suis certain que ce que j’entends n’est pas vrai, tous les êtres humains ne sont pas nés parfaits !

J’ai décidé d’augmenter le nombre de salutations et de compliments, même envers les personnes hostiles, car cela améliore l’humeur des autres et ne me coûte rien.

J’ai décidé de ne plus être délicat avec les couleurs et la forme de mes vêtements, de ne plus faire attention aux plis, ni à la présence d’une tache, car j’attends que les autres me respectent non pas pour mon élégance, mais plutôt pour ma personnalité.

J’ai décidé de ne pas m’intégrer aux gens qui ne m’apprécient pas, car ma valeur est importante et, s’ils ne le savent pas, je le sais.

J’ai décidé d’arrêter de m’engager dans des arguments stériles, car certaines personnes aiment les arguments par manque de personnalité et de réalisation de soi.

Désormais, je vais essayer d’être heureux et d’envoyer ce bonheur à mes amis à travers une belle parole, un sourire ou un moment d’optimisme. Les jours qui passent ne reviendront jamais!

Voilà ce que j’ai décidé. Le problème n’est pas là…  Le problème est ici : vais-je réussir ?

Wael Afana

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils




FLASH INFOS #112

Kristine Kostava / Voix d’Exils

Sous la loupe: Une caravane de milliers de réfugié.e.s quitte le Mexique / Des civils armés procèdent à des arrestations à la frontière américaine / Droit d’asile pour personnes immigrées bien intégrées en Allemagne

Une caravane de milliers de réfugié.e.s quitte le Mexique

RTN, le 06.06.2022

Le 6 juin dernier, un groupe composé de plusieurs milliers de femmes, d’hommes et d’enfants en provenance d’Amérique centrale et du Venezuela a quitté le sud du Mexique aves l’intention de rejoindre les Etats-Unis. Le mouvement a démarré au premier jour du « Sommet des Amériques » à Los Angeles. Il revendique la liberté avec comme slogan « Nous voulons des visas ».

Il est à noter que les convois de personnes migrantes transitant par le Mexique sont une source de tensions avec les États-Unis depuis la présidence du président américain Donald Trump. De nombreuses personnes cherchent refuge aux États-Unis pour échapper à la pauvreté et à la violence qui est en hausse depuis des mois en Amérique centrale et en Haïti.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Des civils armés procèdent à des arrestations à la frontière américaine

Courrier international, le 05.06.2022

Alors que la justice américaine contraint le gouvernement Biden à maintenir les expulsions de réfugié·e·s, le journal mexicain « El País » a enquêté sur des refoulements « improvisés » menés par un groupe de civils américains à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis.

Vêtus de tenues militaire et armés, les membres de la milice « Patriots for America » imposent la loi à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Cependant, ces hommes n’ont aucun droit, ni pouvoir d’exercer des arrestations à la frontière. Créée en 2015, cette milice officieuse s’est donnée pour mission de « protéger la frontière américaine ».

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Droit d’asile pour les personnes immigrées bien intégrées en Allemagne

RTS, le 08.06.2022

La ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser, prépare un texte pour assouplir les lois sur l’immigration afin d’accorder un permis de séjour à des milliers de personnes immigrées bien intégrées dans la société, mais en situation irrégulière.

Ces personnes n’ont pas reçu de permis de séjour, mais elles ne peuvent quand même pas être renvoyées dans leur pays d’origine en raison de la situation politique. Une question qui est quotidienne dans le débat politique allemand. En outre, moins de 100’000 d’entre elles vivent en Allemagne depuis plus de cinq ans, avec des permis de séjour temporaires et sans projets d’avenir.

Des membres des autorités se plaignent de l’expulsion « des mauvaises personnes », car « les criminels » restent dans le pays tandis que des tentatives sont faites pour expulser des personnes bien intégrées. En outre, il est important de souligner que quelques 400’000 arrivées par an sont nécessaires pour financer les mécanismes de protection sociale en Allemagne, en raison du vieillissement progressif de la population.

Renata Cabrales

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils