Ces personnes qui avouent la vérité quand elles ont fauté
Qui font preuve d’audace et s’excusent
Qui sont sincères et se moquent de la censure
Ces personnes qui ne ruminent pas les maldonnes de la journée
La nuit, elles dorment sans culpabilité
Même quand elles ont culbuté
Ces personnes libres et rebelles
Quand facebook leur demande quoi de neuf
Trouvent des formules pour avouer leurs malheurs
Ces personnes qui se moquent de leur réputation
Dévoilent docilement leurs dédales
Car elles savent qu’elles ne sont pas les seules à se perdre
Ces personnes sans peur de heurter
Qui, sans cesse, tiennent tête à l’hostilité
Qui préfèrent se bagarrer que plier bagage
Ces personnes qui savent qu’aucune localité
N’a de stabilité durable dans ce monde malade
Et se battent pour ne pas dissiper leur paix intérieure
Ces personnes sont conscientes
Que ce qu’on n’a pas n’est pas nécessaire
Elles n’estiment pas avoir plus de privilèges que l’étranger
Ces personnes qui ne se tiennent pas en haute estime d’elles-mêmes
Qui ne considèrent pas les besoins d’autrui inférieurs et sans valeur
Et qui ne se vantent de rien car tout est vanité
Je les admire spécialement.
Mireille Niyonsaba
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils
Nous avons perdu notre chemin
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Un poème de Khaledah Alzobi
Mon pays a changé
Il n’est plus le même
Tous ses chemins maintenant
Ne nous mènent nulle part
Les arbres ne ressemblent plus à des arbres
Ils ne portent plus de fruits
Et le chant des oiseaux
Ne touchent plus mon cœur
Comme avant
Tout dans mon pays est soumis
Les chansons des enfants
Ne jaillissent plus librement
De leurs cœurs
Maintenant elles doivent servir
Les oppresseurs
Les livres des intellectuels
Ne racontent plus d’histoires
Ni d’histoires d’amour
Au contraire, ils portent le slogan
Du peuple des péchés
Tout a changé dans ma patrie
Même les poèmes des passants
Notre langue a été frappée par une maladie
La maladie du changement
Khaledah Alzobi
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils
« Être papier blanc »
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Vivre au jour le jour avec une attestation d’aide d’urgence
Les requérant.e.s d’asile déboutée.e.s reçoivent une attestation d’aide d’urgence qui leur donne accès à 10 francs par jour environ et une aide d’urgence ne couvrant que le strict minimum vital (généralement la nourriture, les vêtements, l’hygiène, le logement et les soins médicaux d’urgence). Comment vit-on l’aide d’urgence?
Afin de mieux comprendre le mode sous le régime de l’aide d’urgence, nous avons échangé avec trois personnes qui sont dans cette situation et qui sont membres de la rédaction de Voix d’Exils: Kristine, Géorgienne arrivée en Suisse en 2017; Zahra, Kurde, en Suisse depuis 2015 et Karthik, Sri-Lankais, qui vit en Suisse également depuis 2015.
Comment tombe-t-on dans l’aide d’urgence?
Qu’est-ce que l’aide d’urgence? Le site asile.ch donne la définition suivante: « Les personnes frappées d’une décision de non-entrée en matière (NEM) ou de renvoi (« débouté-e-s ») perdent le droit de travailler et sont exclues de l’aide sociale, y compris lorsque leur besoin de protection n’est pas nié (NEM Dublin). Elles sont réduites à demander l’« aide d’urgence », octroyée en vertu de l’art. 12 de la Constitution fédérale. Cette aide consiste en une prestation de survie, remise la plupart du temps sous forme de bons ou en nature (barquettes de nourriture déjà préparées, etc.), rarement en espèces (environ 10 francs par jour, voire moins). Imposant un contrôle administratif intense, parfois quotidien, l’aide d’urgence est conçue comme un dispositif d’incitation au départ ».
Impact psychologique et matériel
La vie à l’aide d’urgence peut durer indéfiniment et la peur d’un renvoi forcé est constante. Les personnes à l’aide d’urgence sont souvent livré.e.s à elles-mêmes. Seules face à leur désespoir, le sentiment d’être dans une impasse, de vivre une incertitude et une angoisse est permanent. Etant un dispositif d’incitation au départ, les conditions de vie qu’impose ce statut a des effets nuisibles sur la santé physique et psychique des personnes qui le subissent.
Quels sont selon vous les obstacles du papier blanc ?
Kristine
« Il y a trop d’obstacles, nous sommes limités en tout. On ne peut ni étudier, ni travailler, ni voyager. Il est difficile de se développer et de vivre normalement. »
Zahra
« On ne peut pas étudier dans le domaine de notre choix. Nous ne pouvons ni voyager, ni pratiquer un loisir par manque d’argent ou acheter le nécessaire pour du matériel de bureau. De plus, il est généralement difficile de communiquer avec les personnes qui nous entourent. »
Karthik
« Sans autorisation, nous ne pouvons pas voyager ni travailler. Nous n’avons même pas l’autorisation de nous inscrire pour suivre un cours de français afin de ne plus avoir un problème avec la barrière de la langue. »
Une situation sans fin
Pour diverses raisons, le renvoi n’est pas réalisable et pour d’autres raisons encore, certaines personnes ne veulent ou ne peuvent pas rentrer dans leur pays d’origine. Ainsi, « être papier blanc », comme on dit dans le milieu de l’asile, implique souvent de vivre dans des conditions difficiles et ce pendant plusieurs mois; voire pendant plusieurs années.
Peut-on envisager un avenir avec le papier blanc ?
Kristine
« Il est très difficile d’envisager un avenir avec le papier blanc, parce que nous sommes très limités. On ne peut pas apprendre et travailler sans contrat, mais je garde espoir qu’un jour j’obtiendrai une autorisation de séjour. Je me suis toujours battue pour atteindre mes objectifs car se battre pour une chose importante à toujours un sens! »
Zahra
« Jamais! On ne peut pas envisager un avenir avec un papier blanc. C’est un frein pour avancer et construire notre vie. »
Karthik
« Non, c’est impossible! Nous sommes complètement bloqués. Nous ne pouvons rien faire, nous pouvons seulement espérer et attendre que notre situation s’améliore le plus tôt possible. »
Possibilités de changement
Il arrive que certaines personnes obtiennent un statut de séjour qui apporte une certaine stabilité à leur condition de vie. Cela constitue alors un grand changement qui affecte progressivement leur mode de vie et qui peut être déstabilisant.
Quels types de changement imaginez-vous une fois l’autorisation de séjour obtenue ?
Kristine
« Cela changerait toute ma vie. J’étudierais, je travaillerais sous contrat, je voyagerais. Cela me donnerait plus de liberté et me permettrait de m’améliorer personnellement. De plus, avec mes progrès et mon indépendance, je profiterais à nouveau de la Suisse. »
Zahra
« Une vie dans laquelle nous serions considéré.e.s comme des citoyen.ne.s ordinaires, dans laquelle on pourrait travailler et étudier sans ce problème de papier d’aide d’urgence. »
Karthik
« Je souhaiterais obtenir le permis B afin de me sentir libre de trouver du travail et de voyager. »
Pourquoi vous ?
La situation à l’aide d’urgence complique la vie de chaque personne détentrice du papier blanc. Beaucoup ont étudié, travaillé, construit leur vie dans leur pays d’origine, puis ont dû tout recommencer à zéro et surtout s’adapter à leur arrivée en Suisse.
Pourquoi mériteriez-vous une autorisation de séjour en Suisse ?
Kristine
« Après avoir terminé mes onze années d’école obligatoire, j’ai commencé mes études de graphisme qui ont duré un an au collège. Par la suite, j’ai effectué trois mois de stage et j’ai commencé à travailler comme graphiste chez MBM Polygraph. Parallèlement, j’ai suivi de nombreuses formations sur divers sujets et l’une d’elles était de créer un environnement adapté pour les personnes handicapées. J’ai travaillé pendant plus d’un an, puis j’ai dû quitter mon emploi et la Géorgie en raison de ma santé qui se détériorait. Je suis venue en Suisse et j’ai commencé à travailler en tant que bénévole. Actuellement, je contribue à Voix d’Exils comme rédactrice et graphiste. Je suis productive, je suis capable de travailler avec un contrat, mais malheureusement je ne peux pas travailler avec le papier blanc. »
Zahra
« Après avoir terminé l’école obligatoire, j’ai débuté mes quatre années d’études à l’université et je suis partie d’Iran pour des raisons politiques. Arrivée en Suisse, j’ai débuté les cours de français à l’EVAM et par la suite une formation en cuisine dans cet établissement. J’ai effectué un stage à la fondation « Mère Sofia » et j’ai continué à travailler en tant que bénévole dans la même fondation. J’ai commencé à travailler dans un programme d’activité de l’EVAM et aujourd’hui, cela fait un an et demi que je suis rédactrice à Voix d’Exils. Je souhaite avoir une autorisation de séjour car je voudrais travailler afin de construire et stabiliser ma vie pour devenir indépendante. »
Karthik
« Je viens du Sri Lanka où je n’ai pas la liberté de vivre comme en Suisse car il n’y a aucune sécurité et stabilité pour construire une vie. Après avoir terminé l’école obligatoire, j’ai commencé à travailler dans l’entreprise familiale et trois ans après j’ai quitté le Sri Lanka. À mon arrivée en Suisse, j’ai pu obtenir un permis N et ceci m’a permis de travailler pendant trois ans. Je considère la Suisse comme étant un pays ouvert et tolérant envers les cultures de toutes et tous. »
Harith Ekneligoda / rédaction valaisanne de Voix d’Exils
Vais-je réussir ?
À partir d’aujourd’hui, j’ai décidé de me débarrasser de tous les soucis du monde. Je vais arrêter de regarder les informations et bloquer les numéros de téléphone des pessimistes parmi mes connaissances.
J’ai décidé d’arrêter de marchander avec les vendeurs pauvres, pour quelques francs de plus, car cela ne va pas me pousser vers la faillite, mais cela fera certainement plaisir au vendeur pauvre et l’aidera à payer les frais de scolarité de ses enfants.
J’ai décidé d’arrêter d’interrompre les gens quand ils me racontent une histoire ridicule, je ne leur dirai pas qu’ils l’ont déjà racontée deux fois, pourquoi gâcher leur journée ?
Je suis moins enclin à corriger les fausses informations que j’entends des gens, ou à donner des conseils, même si je suis certain que ce que j’entends n’est pas vrai, tous les êtres humains ne sont pas nés parfaits !
J’ai décidé d’augmenter le nombre de salutations et de compliments, même envers les personnes hostiles, car cela améliore l’humeur des autres et ne me coûte rien.
J’ai décidé de ne plus être délicat avec les couleurs et la forme de mes vêtements, de ne plus faire attention aux plis, ni à la présence d’une tache, car j’attends que les autres me respectent non pas pour mon élégance, mais plutôt pour ma personnalité.
J’ai décidé de ne pas m’intégrer aux gens qui ne m’apprécient pas, car ma valeur est importante et, s’ils ne le savent pas, je le sais.
J’ai décidé d’arrêter de m’engager dans des arguments stériles, car certaines personnes aiment les arguments par manque de personnalité et de réalisation de soi.
Désormais, je vais essayer d’être heureux et d’envoyer ce bonheur à mes amis à travers une belle parole, un sourire ou un moment d’optimisme. Les jours qui passent ne reviendront jamais!
Voilà ce que j’ai décidé. Le problème n’est pas là… Le problème est ici : vais-je réussir ?
Wael Afana
Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils
FLASH INFOS #112
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Sous la loupe: Une caravane de milliers de réfugié.e.s quitte le Mexique / Des civils armés procèdent à des arrestations à la frontière américaine / Droit d’asile pour personnes immigrées bien intégrées en Allemagne
Le 6 juin dernier, un groupe composé de plusieurs milliers de femmes, d’hommes et d’enfants en provenance d’Amérique centrale et du Venezuela a quitté le sud du Mexique aves l’intention de rejoindre les Etats-Unis. Le mouvement a démarré au premier jour du « Sommet des Amériques » à Los Angeles. Il revendique la liberté avec comme slogan « Nous voulons des visas ».
Il est à noter que les convois de personnes migrantes transitant par le Mexique sont une source de tensions avec les États-Unis depuis la présidence du président américain Donald Trump. De nombreuses personnes cherchent refuge aux États-Unis pour échapper à la pauvreté et à la violence qui est en hausse depuis des mois en Amérique centrale et en Haïti.
Alors que la justice américaine contraint le gouvernement Biden à maintenir les expulsions de réfugié·e·s, le journal mexicain « El País » a enquêté sur des refoulements « improvisés » menés par un groupe de civils américains à la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis.
Vêtus de tenues militaire et armés, les membres de la milice « Patriots for America » imposent la loi à la frontière entre le Mexique et les États-Unis. Cependant, ces hommes n’ont aucun droit, ni pouvoir d’exercer des arrestations à la frontière. Créée en 2015, cette milice officieuse s’est donnée pour mission de « protéger la frontière américaine ».
La ministre allemande de l’Intérieur, Nancy Faeser, prépare un texte pour assouplir les lois sur l’immigration afin d’accorder un permis de séjour à des milliers de personnes immigrées bien intégrées dans la société, mais en situation irrégulière.
Ces personnes n’ont pas reçu de permis de séjour, mais elles ne peuvent quand même pas être renvoyées dans leur pays d’origine en raison de la situation politique. Une question qui est quotidienne dans le débat politique allemand. En outre, moins de 100’000 d’entre elles vivent en Allemagne depuis plus de cinq ans, avec des permis de séjour temporaires et sans projets d’avenir.
Des membres des autorités se plaignent de l’expulsion « des mauvaises personnes », car « les criminels » restent dans le pays tandis que des tentatives sont faites pour expulser des personnes bien intégrées. En outre, il est important de souligner que quelques 400’000 arrivées par an sont nécessaires pour financer les mécanismes de protection sociale en Allemagne, en raison du vieillissement progressif de la population.