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Le Salon du livre de Genève 2024

Le Salon du livre de Genève 2024 / Photo: Voix d’Exils.

Une île de bonheur pour les lecteurs et les écrivains

Le dernier Salon du Livre de Genève, qui s’est tenu du 6 au 10 mars 2024 à Palexpo, a été un événement remarquable, célébrant la diversité et la richesse de la littérature mondiale. Avec une large gamme d’auteurs, d’éditeurs et de passionnés de livres venant du monde entier, ce salon a offert une expérience unique aux amateurs et amatrices de lecture.

Les visiteurs ont eu l’opportunité de découvrir des milliers d’œuvres littéraires de différentes langues et cultures. Des dernières nouveautés aux classiques intemporels, il y en avait pour tous les goûts et intérêts.

De plus, le salon a accueilli une série d’événements spéciaux, notamment des présentations de livres, des rencontres avec les auteurs, des tables rondes et des séances de dédicaces. Ces occasions ont permis aux participants d’interagir directement avec leurs auteurs préférés et d’approfondir leur compréhension des œuvres présentées.

Du roman contemporain à la littérature jeunesse, de la poésie au polar, de la BD à la philo, du bien-être à la cuisine, le Salon du Livre 2024 s’est affiché comme un espace d’exploration inclusif. Que ce soit pour les lecteurs de tous âges ou les écrivains, toutes et tous ont pu trouver leur place.

Parmi les auteurs présents durant les cinq jours du salon, il y avait notamment trois invité.e.s d’honneur : Joël Dicker, Léonie Bischoff et Elisa Shua Dusapin : un trio suisse qui a consacré des heures pour rencontrer leurs publics et réaliser des dédicaces.

En l’honneur de la journée internationale des droits des femmes, le 8 mars, les onze scènes de la manifestation ont accueilli des rencontres menées exclusivement par des femmes : modératrices, intervenantes et autrices.

Salon africain du Salon du Livre de Genève 2024. Photo: Elvana Tufa / Voix d’Exils.

Littérature et migrations au Salon du Livre

Comme on peut le lire dans le dossier de presse de Salon du Livre, la question des migrations, les défis et conséquences qui en découlent, étaient au rendez-vous des discussions de cette édition 2024 : « Au cœur des défis et des opportunités que notre monde contemporain doit relever, les questions d’identité et de migrations s’entremêlent dans des débats complexes et pourtant essentiels. Alors que les mouvements de masse questionnent, préoccupent, inquiètent, est-ce que la science-fiction nous permettait d’y voir plus clair ? ». Les trois auteurs Michel Juste, Elisa Beiram et Bernard Fischli ont débattu de la question. Pour interroger le rapport aux origines et le besoin de repères, l’autrice belge Julia Galaski et la romancière française Claire Ferçak se sont également rencontrées à Genève. Au salon africain, la chercheuse Asma Ben Hadj Hassen est revenue sur « les violences contre les migrant·es subsaharien·nes en Tunisie qui questionnent l’identité tunisienne, son appartenance à l’Afrique et la présence ancienne d’une communauté noire dans ce pays. » La réalité de la migration était aussi incarnée « par la présence de Mamadou Sow et du poète Falmarès qui ont tous deux quitté la Guinée respectivement à 15 et 14 ans pour rejoindre l’Europe et la France. » Ces voyages ont été discutés en présence d’Azouz Begag.

En tant que bénévole également, j’ai eu la possibilité de vivre cette expérience au Salon du Livre de Genève et je me suis rendue compte que j’avais besoin de ce milieu pour me rappeler mon lien avec les livres, les auteurs et autrices et l’ambiance de ce type de salon. Cette édition du Salon du Livre de Genève a été une expérience inoubliable célébrant le pouvoir des livres, la connexion entre les personnes et l’enrichissement de leurs vies à travers la connaissance et l’imagination.

Elvana TUFA

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

Le salon du livre de Genève fait le bonheur d’Elvana Tufa, rédactrice de Voix d’Exils / Photo : Voix d’Exils




La force d’un rêve

Tavre Tebenko

La boxe pour surpasser la vulnérabilité de l’exil

Ce récit inspirant raconte l’histoire de Tavre Tebenko, un jeune réfugié ukrainien qui a trouvé la force de poursuivre son rêve malgré les défis de la guerre et de l’immigration. Dès son plus jeune âge, Tavre s’est passionné pour la boxe, et avec le soutien de sa famille, il a persévéré pour atteindre son objectif : participer aux Jeux olympiques!

Après le début de la guerre en Ukraine, de jeunes réfugiés ont recommencé leur vie avec de nouveaux défis. Chaque étape de l’exil exige la maîtrise de la langue et l’enfance passe rapidement. Leur résilience a été un exemple pour toutes et tous!

Il est généralement admis que les enfants s’adaptent facilement aux changements. Alors que les parents reconstruisent leur vie, les enfants doivent simplement aller dans une nouvelle école, parler une nouvelle langue, uniquement se passer de leurs amis ainsi que de leurs enseignants et enseignantes habituels. La rédaction de Voix d’Exils a rencontré un jeune garçon qui a trouvé sa voie vers l’intégration grâce au sport.

 

A 4 ans il commence le sport

Tavre Tebenko est un adolescent déterminé et rêveur qui adore les animaux et en particulier les chiens. À l’âge de 4 ans, il commence à pratiquer le sport à Kiev, la capitale de l’Ukraine. À l’âge de 6 ans, avec le soutien de sa famille, il trouve en la boxe son sport préféré. Son père l’a beaucoup aidé, notamment en trouvant un bon entraîneur qui avait formé des sportifs célèbres tels que Vladimir et Vitaly Klitschko. Dès l’âge de 9 ans, il commence à rêver et à se préparer sérieusement pour participer aux Jeux olympiques.

 

Le rêve comme source de force

Malgré le fait d’avoir perdu sa patrie, Tavre n’a pas abandonné son rêve. Il continue de travailler dur, s’entraînant sous la direction de son entraîneur par téléphone depuis l’Ukraine, avec la stricte supervision de son père.

Aujourd’hui, ce jeune homme de 15 ans concourt dans la catégorie de poids jusqu’à 54 kg parmi les personnes nées entre 2007 et 2009. Il vise déjà le succès sportif et planifie sa future participation aux Jeux olympiques. En même temps, la mère de Tavre, ainsi que ses deux frères et deux sœurs, le soutiennent énormément en lui fournissant une orientation et, bien sûr, la confiance nécessaire à un boxeur.

L’immigration peut vous rendre vulnérable, mais cela ne signifie pas que vous deviez abandonner votre rêve. Parfois, c’est précisément ce rêve qui vous permet de rester fort mentalement et physiquement.

Yuliia Ryzhuk

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Ezatullah Nazari, champion de Taekewondo

Ezatullah Nazari

Série #1 Que deviennent les talents des personnes migrantes après leur arrivée en Suisse ? 

Agé de 20 ans, Ezatullah Nazari, de nationalité afghane, est doué d’un talent hors normes en Taekewondo: un art-martial d’origine sud-coréenne. Arrivé en Suisse il y a seulement une année et sept mois, il a déjà marqué de son empreinte dans son nouveau club: le « Taekwondo Riviera de Vevey ».

Etablit dans un foyer EVAM à Vevey, Ezatullah Nazari est né dans une grande famille de sept enfants avec quatre frères et deux sœurs. Il a commencé à pratiquer le Taekwondo à l’âge de sept ans grâce à son oncle qui est entraineur dans un club local de son pays natal: l’Afghanistan. Il a quitté son pays après la mort de son père pour se réfugier en Suisse. « Il y a une année, je ne voyais plus l’intérêt de continuer le Taekwondo sans l’aide de mon père qui avait été à l’origine de ma passion pour ce sport. Quand je suis arrivé en Suisse, je ne pensais pas continuer le Taekwondo étant réfugié et  c’est grâce à mon assistant social de l’EVAM que j’ai recommencé le Taekwondo et j’en suis fier. », dit-il posément.

Un destin hors du commun

Après seulement quatre mois dans son nouveau club, Ezatullah Nazari n’a pas tardé à se faire remarquer en remportant la médaille de bronze dans sa catégorie lors de l’Open de Zurich: le tournoi international de Taekwondo de Zurich qui réunit plus de deux cent athlètes. Avant ce tournoi international, Nazari avait participé à l’Open de Schaffhouse en avril 2023, où il avait démontré des compétences exceptionnelles et une grande détermination en décrochant une première place dans sa catégorie.

Mehdi Amhand, son entraineur, confirme que Ezatullah Nazari est doué du potentiel et du plaisir dans ce qu’il fait: « Pour le moment, il a commencé une formation d’instructeur d’enfants car on le trouve sérieux et appliqué. »

« Je m’intègre bien grâce à mon club »

Malgré certaines difficultés à communiquer avec ses coéquipiers, ces derniers persévèrent. Ainsi, Ezatullah Nazari essaie de s’intégrer tout en améliorant son niveau de français et ce grâce au soutien de ses coéquipiers.

Il a récemment été sélectionné pour participer aux championnats de Suisse qui auront lieu le 4 novembre à Villeneuve, dans la catégorie élite des moins de 68kg. Cette sélection fait suite à ses remarquables performances lors des récentes compétitions auxquelles il a participé.

Alix Kaneza

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

 

 




« Être papier blanc »

Illustration: Kristine Kostava / Voix d’Exils

Vivre au jour le jour avec une attestation d’aide d’urgence

Les requérant.e.s d’asile déboutée.e.s reçoivent une attestation d’aide d’urgence qui leur donne accès à 10 francs par jour environ et une aide d’urgence ne couvrant que le strict minimum vital (généralement la nourriture, les vêtements, l’hygiène, le logement et les soins médicaux d’urgence). Comment vit-on l’aide d’urgence?

Afin de mieux comprendre le mode sous le régime de l’aide d’urgence, nous avons échangé avec trois personnes qui sont dans cette situation et qui sont membres de la rédaction de Voix d’Exils: Kristine, Géorgienne arrivée en Suisse en 2017; Zahra, Kurde, en Suisse depuis 2015 et Karthik, Sri-Lankais, qui vit en Suisse également depuis 2015.

Comment tombe-t-on dans l’aide d’urgence?

Qu’est-ce que l’aide d’urgence? Le site asile.ch donne la définition suivante: « Les personnes frappées d’une décision de non-entrée en matière (NEM) ou de renvoi (« débouté-e-s ») perdent le droit de travailler et sont exclues de l’aide sociale, y compris lorsque leur besoin de protection n’est pas nié (NEM Dublin). Elles sont réduites à demander l’« aide d’urgence », octroyée en vertu de l’art. 12 de la Constitution fédérale. Cette aide consiste en une prestation de survie, remise la plupart du temps sous forme de bons ou en nature (barquettes de nourriture déjà préparées, etc.), rarement en espèces (environ 10 francs par jour, voire moins). Imposant un contrôle administratif intense, parfois quotidien, l’aide d’urgence est conçue comme un dispositif d’incitation au départ ».

Impact psychologique et matériel

La vie à l’aide d’urgence peut durer indéfiniment et la peur d’un renvoi forcé est constante. Les personnes à l’aide d’urgence sont souvent livré.e.s à elles-mêmes. Seules face à leur désespoir, le sentiment d’être dans une impasse, de vivre une incertitude et une angoisse est permanent. Etant un dispositif d’incitation au départ, les conditions de vie qu’impose ce statut a des effets nuisibles sur la santé physique et psychique des personnes qui le subissent.

  • Quels sont selon vous les obstacles du papier blanc ?

Kristine

« Il y a trop d’obstacles, nous sommes limités en tout. On ne peut ni étudier, ni travailler, ni voyager. Il est difficile de se développer et de vivre normalement. »

Zahra

« On ne peut pas étudier dans le domaine de notre choix. Nous ne pouvons ni voyager, ni pratiquer un loisir par manque d’argent ou acheter le nécessaire pour du matériel de bureau. De plus, il est généralement difficile de communiquer avec les personnes qui nous entourent. »

Karthik

« Sans autorisation, nous ne pouvons pas voyager ni travailler. Nous n’avons même pas l’autorisation de nous inscrire pour suivre un cours de français afin de ne plus avoir un problème avec la barrière de la langue. »

Une situation sans fin

Pour diverses raisons, le renvoi n’est pas réalisable et pour d’autres raisons encore, certaines personnes ne veulent ou ne peuvent pas rentrer dans leur pays d’origine. Ainsi, « être papier blanc », comme on dit dans le milieu de l’asile, implique souvent de vivre dans des conditions difficiles et ce pendant plusieurs mois; voire pendant plusieurs années.

  • Peut-on envisager un avenir avec le papier blanc ?

Kristine

« Il est très difficile d’envisager un avenir avec le papier blanc, parce que nous sommes très limités. On ne peut pas apprendre et travailler sans contrat, mais je garde espoir qu’un jour j’obtiendrai une autorisation de séjour. Je me suis toujours battue pour atteindre mes objectifs car se battre pour une chose importante à toujours un sens! »

Zahra

« Jamais! On ne peut pas envisager un avenir avec un papier blanc. C’est un frein pour avancer et construire notre vie. »

Karthik

« Non, c’est impossible! Nous sommes complètement bloqués. Nous ne pouvons rien faire, nous pouvons seulement espérer et attendre que notre situation s’améliore le plus tôt possible. »

Possibilités de changement

Il arrive que certaines personnes obtiennent un statut de séjour qui apporte une certaine stabilité à leur condition de vie. Cela constitue alors un grand changement qui affecte progressivement leur mode de vie et qui peut être déstabilisant.

  • Quels types de changement imaginez-vous une fois l’autorisation de séjour obtenue ?

Kristine

« Cela changerait toute ma vie. J’étudierais, je travaillerais sous contrat, je voyagerais. Cela me donnerait plus de liberté et me permettrait de m’améliorer personnellement. De plus, avec mes progrès et mon indépendance, je profiterais à nouveau de la Suisse. »

Zahra

« Une vie dans laquelle nous serions considéré.e.s comme des citoyen.ne.s ordinaires, dans laquelle on pourrait travailler et étudier sans ce problème de papier d’aide d’urgence. »

Karthik

« Je souhaiterais obtenir le permis B afin de me sentir libre de trouver du travail et de voyager. »

Pourquoi vous ?

La situation à l’aide d’urgence complique la vie de chaque personne détentrice du papier blanc. Beaucoup ont étudié, travaillé, construit leur vie dans leur pays d’origine, puis ont dû tout recommencer à zéro et surtout s’adapter à leur arrivée en Suisse.

  • Pourquoi mériteriez-vous une autorisation de séjour en Suisse ?

Kristine

« Après avoir terminé mes onze années d’école obligatoire, j’ai commencé mes études de graphisme qui ont duré un an au collège. Par la suite, j’ai effectué trois mois de stage et j’ai commencé à travailler comme graphiste chez MBM Polygraph. Parallèlement, j’ai suivi de nombreuses formations sur divers sujets et l’une d’elles était de créer un environnement adapté pour les personnes handicapées. J’ai travaillé pendant plus d’un an, puis j’ai dû quitter mon emploi et la Géorgie en raison de ma santé qui se détériorait. Je suis venue en Suisse et j’ai commencé à travailler en tant que bénévole. Actuellement, je contribue à Voix d’Exils comme rédactrice et graphiste. Je suis productive, je suis capable de travailler avec un contrat, mais malheureusement je ne peux pas travailler avec le papier blanc. »

Zahra

« Après avoir terminé l’école obligatoire, j’ai débuté mes quatre années d’études à l’université et je suis partie d’Iran pour des raisons politiques. Arrivée en Suisse, j’ai débuté les cours de français à l’EVAM et par la suite une formation en cuisine dans cet établissement. J’ai effectué un stage à la fondation « Mère Sofia » et j’ai continué à travailler en tant que bénévole dans la même fondation. J’ai commencé à travailler dans un programme d’activité de l’EVAM et aujourd’hui, cela fait un an et demi que je suis rédactrice à Voix d’Exils. Je souhaite avoir une autorisation de séjour car je voudrais travailler afin de construire et stabiliser ma vie pour devenir indépendante. »

Karthik

« Je viens du Sri Lanka où je n’ai pas la liberté de vivre comme en Suisse car il n’y a aucune sécurité et stabilité pour construire une vie. Après avoir terminé l’école obligatoire, j’ai commencé à travailler dans l’entreprise familiale et trois ans après j’ai quitté le Sri Lanka. À mon arrivée en Suisse, j’ai pu obtenir un permis N et ceci m’a permis de travailler pendant trois ans. Je considère la Suisse comme étant un pays ouvert et tolérant envers les cultures de toutes et tous. »

Propos recueillis par:

L.B.

Membre de la rédaction de Voix d’Exils

Pour approfondir le sujet:

LE QUOTIDIEN AVEC UN « PAPIER BLANC », article paru dans Voix d’Exils le 26.11.2018

LE QUOTIDIEN AVEC UN « PAPIER BLANC » II, article paru dans Voix d’Exils le 07.01.2019




Où est notre maison ?

Harith Ekneligoda / rédaction valaisanne de Voix d’Exils

L’exil comme recherche d’un chez-soi

Des milliers de personnes désespérées face aux destructions causées par la guerre sont obligées de quitter leur terre, leurs souvenirs et de laisser toute leur vie derrière elles.

Quand on voit tant de personnes abandonner leurs souvenirs d’enfance aux quatre coins de leur Terre ou laisser derrière elles leurs premiers amours et amis, on ne peut s’empêcher de se demander où elles vont pouvoir trouver leur nouvelle maison.

Avant de trouver une réponse à cette question, nous devons nous en poser une autre : qu’est-ce qu’une maison pour nous ?

Est-ce que un endroit avec des murs, des rideaux ou des meubles est une maison? Que signifient pour nous les quatre murs dans lesquels nous inscrivons nos joies et nos peines? Ou faut-il plutôt dire que nos maisons sont notre zone protégée, le lieu où nous nous sentons en sécurité et à l’aise, et que nous considérons comme un refuge pour nous reposer lorsque nous sommes fatigués ?

Au cœur de la vie en exil, chaque question porte un sens profond, parce que l’exil est un état de recherche d’un « chez-soi ».

Une cassure spirituelle

Là où elles arrivent, ces milliers de personnes qui ont quitté leur foyer et leur pays pour différentes raisons, et laissé derrière elles les périodes les plus importantes de leur vie, essaient de se construire une nouvelle vie. Cette grande lutte conduit à un profond fossé spirituel entre leurs deux vies.

Cette cassure spirituelle amène de grands traumatismes. Les exilé.e.s doivent parcourir des chemins difficiles, surmonter les traumatismes de la guerre, de la destruction et de la persécution et trouver la force de prendre un nouveau départ.

Arrivé.e.s dans un nouveau lieu, ils et elles pensent tout d’abord que les difficultés sont dépassées et qu’une nouvelle vie va pouvoir commencer. Mais, avec le temps, il devient de plus en plus clair que la vérité ne ressemble pas à ça. C’est à ce moment-là que commencent des défis différents et plus complexes.

Lorsque les personnes exilées ont surmonté, d’une manière ou d’une autre, les obstacles majeurs et qu’elles arrivent dans un pays où elles se sentent en sécurité, la plus grande difficulté qui les attend est le processus d’obtention d’un permis de séjour. Dans ce processus, elles sont confrontées à une société différente, à une langue étrangère et ont du mal à satisfaire même leurs besoins de base. Elles doivent lutter contre des difficultés économiques tout en affrontant une grande solitude. Durant cette période, elles ne peuvent pas créer leur propre équilibre émotionnel et se sentent toujours comme si elles étaient dans le vide.

La maison symbolique

L’une des personnes qui s’est exprimée avec le plus de force sur cette question est le réalisateur grec Theo Angelopoulos, qui a souvent mis en scène dans ses films des travailleurs, des immigrés, des exilés et des frontaliers. Il a évoqué le concept de maison pour les personnes migrantes dans une interview : « Les héros sont à la recherche de la maison symbolique dans leur tête. Je me concentre sur le concept de chez-soi car les gens ont constamment besoin de voyager. Ils pensent qu’en se déplaçant, ils atteindront le concept de chez-soi dans leur esprit, même pour un instant. Ce qu’ils recherchent, c’est un lieu où s’établissent des équilibres entre eux et le monde. Cet équilibre est assez difficile à atteindre… de plus, il est très rare… » et il ajoute : « Personnellement, je n’ai pas trouvé ma maison, c’est-à-dire l’endroit où je peux vivre en harmonie avec moi-même et avec le monde ».

Ainsi, pour le célèbre réalisateur, le domicile d’une personne est le lieu où s’établit un équilibre émotionnel entre la vie et la survie. Il me semble que c’est la définition la plus juste du « chez soi ». En même temps, cela nous a fait réaliser une fois de plus combien il est difficile de trouver notre « maison », c’est-à-dire de trouver cet équilibre entre nous et le monde en raison de la fragmentation émotionnelle provoquée par la migration. Mais, bien sûr, le désir de chercher son chez-soi et l’effort pour le retrouver continuent de nous animer. Ce désir et cet effort sont très précieux pour nous les personnes migrantes.

Esra Sheherli

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils