Edito. Fillon versus Copé : des relents de la crise ivoirienne à l’UMP ?
« On pourrait ironiser lourdement sur les invraisemblables irrégularités de ce scrutin, auprès de quoi le congrès socialiste de Reims semble être une partie de bridge entre gentlemen, et le duel Gbagbo-Ouattara une votation de canton suisse », écrit Alexis Brézet, rédacteur en chef du journal Le Figaro, dans son édito du 21 novembre passé. Un journal pourtant réputé être de droite. Comme quoi, l’UMP (l’Union pour un mouvement populaire) est devenue la risée du monde politique.
A l’instar de la crise ivoirienne de décembre 2010 à avril 2011, le parti de la droite française s’est retrouvé avec deux candidats qui se disputent la présidence depuis quatre semaines après les élections. Un parallèle qui intrigue. Voici donc deux des éminents anciens membres du gouvernement français qui avaient mis à pied d’œuvre l’armée française pour aller « pacifier » la Côte d’Ivoire – un pays souverain – au nom de la démocratie. Il y a à peine deux ans de cela. Un pays africain requerrait-il aussi une résolution au Conseil de sécurité de l’ONU pour une intervention armée en France ? Certes, certains diront qu’il ne s’agit en rien d’une élection présidentielle, d’un État et, qu’à ce titre, tout parallèle serait scabreux… Pourtant, d’autres diront que, contrairement à Gbagbo, Fillon a préféré ne pas sacrifier tout le monde pour ses intérêts personnels… Et que le « problème » de l’élection de l’UMP est déjà réglé. Que Copé n’a jamais été au gouvernement sous Sarkozy.
Mais, nous conviendrons qu’il s’agit tout de même dans les deux cas de conflits post-électoraux. En Côte d’Ivoire, Laurent Gbagbo demandait un recomptage des voix. En France, François Fillon demande aussi un recomptage des voix. Le recomptage des voix fut refusé à Laurent Gbagbo. Le recomptage des voix fut également refusé à François Fillon.
Incroyable ironie du sort, car François Fillon était le Premier ministre français pendant le conflit post-électoral en Côte d’Ivoire! Avait-il qualité, en tant que chef du gouvernement français en 2011, de venir résoudre un conflit post-électoral en Côte d’Ivoire en faisant intervenir l’armée française? A présent que lui-même a du mal à accepter le résultat des urnes dans son propre pays : la France, la grande « donneuse de leçons » ? Quelles « leçons » doivent tirer les Ivoiriens en particulier et les Africains en général ? Où sont passés les discours sur la démocratie et tout le tralala au moment même où Fillon est en train de remettre aussi en doute la transparence de la Cocoe, la Commission de contrôle des opérations électorales de l’UMP ? Est-il vrai que la dictature est aussi l’art de faire appliquer aux autres des lois et pratiques qui ne doivent jamais s’appliquer à soi-même?
FBradley Roland,
Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils