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Aller de l’avant

Le jour où j’ai décidé de passer mon permis de conduire

Nous devons regarder la vie d’une manière nouvelle. Nous aimons toutes et tous le changement et la nouveauté éblouit nos yeux ; nous aspirons tous à devenir meilleurs. Il ne s’agit pas d’être les meilleurs mais, du moins, de toujours essayer de nous améliorer.

Certaines tentatives échoueront mais nous devons arriver au bout du chemin que nous avons choisi. Nous devons avancer d’un pas confiant, sans nous soucier des déboires répétés de nos vies.

A partir de cette idée, j’ai commencé à envisager de changer mon monde étroit et j’ai décidé de faire un premier pas : j’ai entrepris de passer mon permis de conduire. Je me suis inscrite à l’examen théorique. Ma première tentative a échoué; mais j’ai ressayé et j’ai finalement réussi. Quelle joie ! Je me suis sentie propulsée en avant pour continuer la réalisation de mon projet.

L’étape suivante fut de commencer les cours pratiques. Au commencement, je souffrais d’anxiété et d’une tension laissée par ma dure éducation et entretenue par ma trajectoire marquée par la guerre et le déracinement. Je me sentais comme un immeuble fragile et fissuré dont les habitants avaient de bonnes raisons de craindre l’effondrement à chaque instant.

J’ai eu la chance d’avoir un moniteur excellent. J’ai essayé de dompter l’anxiété qui dominait mon cœur, mais j’ai échoué. J’ai échoué mais je n’ai pas abandonné. Petit à petit, j’ai pris confiance. J’ai apprivoisé le stress… et j’ai réussi mon examen !

Obtenir mon permis de conduire a été une victoire qui m’a permis de dépasser une partie sombre de ma vie. Ce fut une étape importante, qui m’a prouvé qu’en travaillant dur nous pouvons atteindre nos objectifs.

Khaledah Alzobi

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils                                                                                                        




«Diver’cité»

Photo: Elvana Tufa / Voix d’Exils.

Une fête qui renforce les liens humains depuis 1983

«Diver’cité » est une belle collaboration entre l’EVAM et le groupe d’appui aux réfugiés de Bex (GAR), dont l’édition 2022 s’est tenue à Bex le 19 août dernier. En organisant une journée festive et rassembleuse, le GAR continue de soutenir les habitants et les habitantes du Foyer EVAM de Bex, et ce depuis 1983 !

De nos jours, la vie est difficile pour tout le monde. Mais elle peut être encore plus difficile lorsque vous êtes une personne exilée, et encore davantage lorsque vous n’avez pas de permis et que vous attendez que votre statut soit décidé. C’est presque insupportable. C’est ce que doivent ressentir la plupart des personnes exilées comme moi : exerçant momentanément leur patience, ils et elles doivent faire face à la vie, aux dilemmes et à la stagnation dans un pays étranger, faisant face à des sentiments et des approches différentes. Nous prenons pour acquis la haine, l’indifférence et le mépris de certains et certaines, de beaucoup, en fait, mais nous nous réjouissons du soutien, des sourires et de l’attention de beaucoup d’autres.

Nous venons peut-être, à coup sûr, de milieux, de cultures, de traditions, de pays ou même de continents différents. Mais nous sommes là, une multitude de tout cela dans un petit pays auquel nous avons demandé de la protection et du soutien, une protection et un soutien qui souvent ne viennent pas de l’État, mais des personnes que nous avons en face de nous, à nos côtés. Les vrais qui se mettent à notre place, qui essaient de voir la réalité de notre point de vue et vous pouvez dire qu’il n’y a que de la bonté et de la sympathie dans leur regard et leur approche – au maximum même quelques blagues -, juste comme le dit Raymond Queneau; et je suis entièrement d’accord avec lui, des exercices de style, mais pas de bureaucratie, pas la moindre trace de celle-ci.

Il y a quelques semaines, j’ai croisé Madame Christine Blatti, responsable du foyer EVAM de Bex, qui m’a invité à la fête annuelle de la Fête des Réfugiés  « Diver’cité ». J’étais heureuse d’y aller et de faire la fête avec eux d’une part, mais d’autre part, j’avais un peu de retenue de retourner dans le foyer où moi et ma famille avons vécu pendant quelques mois. Surtout à cause des tristes souvenirs et du sentiment d’être perdu et de n’appartenir à rien : à cela s’ajoutent la pandémie, le confinement et les restrictions que non seulement nous, mais aussi tous les gens, avons dû affronter pendant ces temps difficiles.

Une fête créée en 1983

J’ai eu l’occasion de rencontrer Madame Christine Blatti lors des célébrations où elle s’occupait des derniers arrangements et de la coordination, alors que dans le jardin un très beau concert avait déjà commencé. Elle a été très gentille de prendre un peu de temps pour me raconter les origines de cette fête et comment elle s’est développée et transformée au fil des années.

« Au départ, c’était la fête des réfugiés qui a eu lieu pour la première fois en 1983, au mois de juin. Mais, au fil des années, le concept a changé, s’est développé et s’est transformé. Elle s’est d’abord tenue dans le centre-ville, mais avec le temps, le lieu a également changé ». Cette fête, qui s’appelle désormais Diver’cité, s’organise en étroite collaboration avec le Groupe d’appui aux réfugiés de Bex (GAR). Ce groupe existe depuis 1983 et son but est d’offrir réconfort et aisance aux personnes exilées établies au Foyer de Bex. Grâce à l’engagement des deux organisations, elle est devenue depuis plusieurs années une tradition. « Le but de cette fête est en effet de rassembler les gens, de les amener à se connaître. Manger ensemble, échanger leurs histoires et leurs expériences entre eux, leur donner la chance de venir s’exprimer, de partager que ce soit la nourriture, les cultures et les traditions ou leur expérience et leur parcours en tant que personnes exilées. Beaucoup d’entre eux ne connaissent pas très bien le français, mais cela ne les empêche pas d’interagir. Le but est de se sentir bien, de créer de la confiance et d’abandonner tout jugement et toute peur », conclut Madame Blatti.

J’entends en fond sonore une musique énergique et je m’approche du jardin où les musiciens jouent pour les personnes qui se sont déjà rassemblées. Il y a des enfants qui dansent et chantent, une playlist de belles chansons dont certaines que j’ai pu chantonner en compagnie de Monsieur Pierre Ryter, un des bénévoles présent, mais aussi pour les randonnées et les autres activités que le GAR organise pendant les vacances d’été pour les personnes du foyer. Plus tard, pendant le dîner, nous sommes venus écouter de la musique érythréenne jouée par un habitant du foyer. Juste au-dessus de l’endroit où se tenaient les musiciens, je pouvais voir le balcon des chambres où ma famille et moi avons séjourné il y a deux ans : je me souviens, comme dans un film, de mon mari écrivant dans un cahier quelques poèmes après de nombreux mois traumatisants dans les camps. Mais juste après ces quelques poèmes, il a arrêté d’un coup. « Je suis plus dans un voyage épique maintenant », dit-il, faisant référence à son long roman qu’il est en train d’écrire.

Une main pour vous aider à vous relever

Anne Catherine Rohrbach est la présidente du GAR, l’association qui fêtera l’année prochaine son quarantième anniversaire. Très humble, aimante et attentionnée, c’est dans sa nature d’aider, de réconforter et de s’intéresser à tous les nouveaux arrivants et, en fait, à toutes les personnes exilées. Elle m’explique un peu le but du GAR qui est de mettre les gens en contact, de faire et de réaliser des activités liées aux personnes exilées avec les personnes séjournant ou ayant séjourné au Foyer EVAM de Bex en favorisant leurs relations avec la population de Bex et de la région, d’échanger un peu les idées, de respirer un air différent pendant leur parcours difficile. Outre le soutien moral et psychologique, ils proposent aussi d’autres activités, comme les cours de français, le vestiaire – vêtements et jouets distribués aux personnes exilées -, l’atelier de couture pour les adultes, l’atelier de peinture pour les enfants, et aussi les casse-croûtes, c’est-à-dire que toutes les deux semaines, des bénévoles viennent dans le hall de l’EVAM pour parler aux personnes du foyer et répondre à leurs questions, ou leur donner un coup de main.

A part Anne Catherine, dont j’ai appris à connaître l’aide et le soutien affectueux, je rencontre beaucoup d’autres personnes que j’ai connues lors de mon attribution au canton de Vaud. J’ai eu le plaisir d’être présentée à Monsieur le syndic, Alberto Cherubini, qui est également président de la Commission culturelle communale (culture, un mot que j’affectionne beaucoup), le secrétaire général de la commune, Monsieur Alain Michel, dont l’humour et l’attention dans l’écoute étaient très impressionnants, d’autres bénévoles, tels que Messieurs Pierre Ryter et René-Luc Thévoz, professeur d’accueil de certains de mes enfants (grand professeur, grand bénévole motivant), Tamara, employée auparavant au bureau des finances du foyer Bex et à qui je faisais appel pour toutes sortes de questions et des problèmes que je n’arrivais pas à résoudre moi-même et, enfin, ma chère première assistante sociale Amélie Pistorius. En tant que famille, nous avons été assistés par elle pendant notre séjour au foyer et je n’ai que les meilleures impressions et les meilleurs souvenirs d’elle : en tant que professionnelle – faisant son travail au mieux et se surpassant parfois – en tant que personne, emphatique avec les personnes traversant un chemin difficile, des choix difficiles et ayant moins de possibilités et de chances d’être et de se sentir inclues. Nous célébrons ici le fait d’être différents, mais égaux, d’être des personnes exilées, mais de rester des humains quand même. Ce qui, on nous le rappelle, n’est pas vrai du tout quand on se trouve devant un bureau ou un guichet d’une quelconque autorité étatique.

J’ai tellement apprécié mon après-midi ici que je ne me suis pas rendu compte qu’il était honteusement tard, après de longues conversations avec Amélie, Tamara, Pierre et d’autres invités. Pour moi, Diver’cité est une offre complète : prendre un cours de français dans la nature (une fois que je lance mon mécanisme parlant, c’est comme le courant de la conscience, mais avec beaucoup de fautes grammaticales), la cuisine traditionnelle du monde entier (et comment la raclette suisse pourrait-elle manquer ?), faire la connaissance de nouvelles personnes (dans une nuit d’été pluvieuse pas si romantique que ça).

Oui, j’ai définitivement passé une très belle journée qui s’est terminée de la manière la plus parfaite qui soit ; ma sœur m’avait fait une énorme surprise : elle avait fait un long chemin avec sa famille pour nous rendre visite. Je ne pouvais pas mieux terminer une belle après-midi comme ça.

 

Elvana Zaimi Tufa

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




La Colombie


Harith Ekneligoda
/ Voix d’Exils.

 Un pays diabolisé et pourtant digne d’admiration

Je viens de Colombie et l’amour de ma terre, cet amour inaliénable, m’amène à écrire un peu sur la réalité de mon pays.

En tant que Colombienne, je connais la situation réelle dans mon pays. Le conflit armé, très difficile à expliquer en un court texte, l’a sévèrement mutilé. La corruption et la violence se vivent au quotidien. Je pense que, comme dans beaucoup d’autres pays, il y a du bon et du mauvais, des gens bien et des gens moins bien. A cause de ces gens moins bien, je dois vivre aujourd’hui loin de ma patrie, mais la Colombie reste une terre merveilleuse, très riche.

La Colombie se situe à l’extrême Nord de l’Amérique du Sud. Elle compte environ 51 millions d’habitants et sa langue est l’espagnol.

Les hommes et les femmes colombien.ne.s sont très créatifs et sont toujours à la pointe de l’innovation. Dans le pays, de grandes entreprises ont été développées dans les domaines de la technologie, des affaires, de la médecine et des télécommunications. Il y a d’excellents sportifs et artistes, entre autres.

La Colombie est un pays privilégié, c’est le seul pays d’Amérique du Sud à avoir accès à deux étendues d’eau. Sa position géographique lui permet d’avoir accès à l’océan Pacifique et à la mer des Caraïbes. Il possède de belles plages touristiques, Cartagena, Santa Marta, parmi tant d’autres. Il y a également des montagnes enneigées telles que Cucui, la Sierra Nevada de Santa Marta et le Nevado del Ruiz. Dans le Sud, on trouve des forêts tropicales, les montagnes des Andes et des plantations de café et dans la vallée du Cauca, la canne à sucre à partir de laquelle le gaz, l’alcool et le carburant sont produits. La Colombie est aussi l’un des plus grands pays producteur de sucre, de riz, de pommes de terre et de maïs. Il y a  plus de 350 variétés de fruits, ce qui fait que vous pouvez déguster un fruit différent chaque jour de l’année, sans vous répéter!

Parmi les richesses naturelles de la Colombie figurent l’or, l’argent, les émeraudes, le pétrole et le charbon.

La Colombie compte plus de 1800 espèces d’oiseaux, 470 mammifères, 520 reptiles et plus de 750 amphibiens. Côté flore, 10% des espèces végétales mondiales poussent en Colombie.

En quittant le sujet des chiffres de la richesse de la Colombie, je peux aussi vous dire que nous sommes des gens très heureux, amoureux de toutes sortes de musiques et de la danses, surtout la salsa. Chez nous, l’art et la poésie occupent une place très importante. Les Colombiennes et Colombiens sont des gens très sympathiques et solidaires: ils ont toujours le sourire pour vous accueillir, les maisons sont ouvertes pour la visite d’un ami à tout moment sans avoir à prendre rendez-vous. Nous aimons les belles surprises.

C’est un pays chaleureux dans tous les sens du terme, c’est ma chère Colombie.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils

 




Quand deux mains se joignent

Le mariage d’Afkar, membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils. Photo: Anaïs Salson.

Le monde renaît

Elle n’a pas eu peur de la glace qui couvrait les trottoirs de Sierre, ce vendredi 14 janvier. Elle s’est mariée, comme une reine, sur 10 centimètres de talons. Robe de mousse blanche et petite veste façon ocelot. C’était un mariage du temps de COVID, seuls les mariés et leurs témoins étaient acceptés dans la salle de mariage. Une autre y serait allée en baskets, avec un vague colifichet dans les cheveux…Pas elle. 

Afkar, ancienne rédactrice de Voix d’Exils, a toujours partagé avec nous, le cœur ouvert, les difficultés de son parcours en Suisse : l’apprentissage du français, le renoncement à sa vie d’avant, l’éloignement de son pays, le Yémen, les pressions déraisonnables de l’administration pour accélérer son intégration. Nous l’avons vue parfois au bord des larmes et même, allez, nous l’avons vue pleurer tout court.

Ce 14 janvier, elle irradiait au bras de son mari. Les invités l’attendaient sur le trottoir gelé, au bord de la route cantonale. Il y a eu des youyous, des cris de joie, des grappes d’enfants surexcités, sur leur 31, dont un petit coriace de deux ans qui cherchait à partir tout seul à l’aventure. Les absents, éloignés à des milliers de kilomètres, étaient aussi présents, sur l’écran des téléphones portables.

C’était vers 17h, l’heure où les Sierrois quittaient le bureau pour commencer leur week-end… une file ininterrompue de voitures longeait le trottoir. Remarquant cette joie parfaite, insolente, démonstrative, les chauffeurs se sont mis à klaxonner, les uns derrière les autres, pour célébrer aussi. Insolite, dans le rugueux Valais, mais beau : ils faisaient d’Afkar, Yéménite, admise provisoirement en Suisse, une Sierroise. Tout simplement. 

La rédaction valaisanne de Voix d’Exils




FLASH INFOS #93

Photo: EU Civil Protection & Humanitarian Aid / Flickr.com

Sous la loupe : Bombardement d’un camp de déplacés en Ethiopie / Bilan funeste pour la traversée reliant l’Afrique à l’Espagne / Un bébé disparu lors de l’évacuation en Afghanistan a été retrouvé

Bombardement d’un camp de déplacés en Ethiopie

RFI, le 08.01.2022

En Éthiopie, les rebelles de la région du Tigré sont en guerre depuis plus d’un an face au gouvernement d’Addis-Abeba. En dépit des récentes annonces d’arrêt des combats, l’armée éthiopienne continue à bombarder constamment le Tigré depuis les airs. L’ultime attaque, menée dans la nuit de vendredi à samedi, a fait environ 56 morts. Le bombardement a touché une école servant de campement pour des civils déplacés tigréens dans la province.

Privée d’assistance humanitaire, aucun convoi n’a pu rejoindre la région depuis décembre 2021. Au moins 400’000 personnes vivraient dans des conditions de famine ; une situation qui provoque des mouvements migratoires importants dans le pays.

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Bilan funeste pour la traversée de la Méditerranée reliant l’Afrique à l’Espagne

RTBF, le 03.01.2022

Selon un bilan dressé par l’ONG Caminando Fronteras sur la base d’appels passés à des numéros d’urgence, plus de 4000 personnes exilées sont décédées ou disparues en 2021 sur les routes migratoires à destination de l’Espagne. Les corps de la quasi-totalité d’entre eux n’ont jamais été retrouvés et sont recensés comme disparus.

D’après l’ONG, la grande partie de ces demandeurs et demandeuses d’asile ont disparu en tentant de rejoindre les Canaries depuis le nord-ouest de l’Afrique, une route risquée mais davantage empruntée en raison du renforcement des contrôles en Méditerranée.

L. B.

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 

Un bébé disparu lors de l’évacuation en Afghanistan a été retrouvé

infomigrants.net, le 10.01.2022

En août dernier, le peuple afghan quittait le pays au moment où les Talibans prenaient le pouvoir. Depuis cet événement, un petit garçon prénommé Sohail, alors âgé de deux mois, était porté disparu après que son père, Mirza Ali Ahmadi, l’avait donné à un soldat américain pour lui sauver la vie afin qu’il ne soit pas écrasé par la foule.

Le 8 janvier dernier, l’enfant a été rendu à son grand-père. Il avait été retrouvé sur le sol de l’aéroport et recueilli par une famille afghane. Un article portant sur sa disparition a permis à son grand-père de venir le retrouver à Kaboul.

Zahra Ahmadiyan

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils