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Flash Infos #175

Sous la loupe : L’exode des personnes migrantes afghanes du Pakistan s’intensifie face à la répression d’Islamabad / Tempête Ciaran : «Au moins 1500 personnes exilées sont restées sans solutions» à Calais en France / Au Burkina Faso, les violences djihadistes contraignent des populations à être déplacées et des écoles à fermer

Nos sources

L’exode des migrants afghans du Pakistan s’intensifie face à la répression d’Islamabad

RTS, Le 31 octobre 2023 

Tempête Ciaran :

« Au moins 1500 exilés sont restés sans solutions»à Grande-Synthe et à Calais

Infomigrants, Le 2 novembre 2023

Au Burkina Faso, les violences djihadistes contraignent des populations à être déplacées et des écoles à fermer  

RTS, le 05 novembre 2023

Réalisation du Flash infos #175

A la technique : Tsering et Malcolm Bohnet 

Au micro : Elvana Tufa et Kristine Kostava

Et à la production : Alix Kaneza, Tsering, Julia Ryzhuk et Malcolm Bohnet.

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Flash infos #76

Kristine Kostava / Voix d’Exils

Sous la loupe : Les Sahraouis sont maintenant apatrides en Suisse / Afghanistan : la Suisse n’élargit pas l’accueil de personnes réfugiées / Afghanistan : les personnes avec un lien à la Suisse «en sûreté»

Changement de statut pour les ressortissant·e·s du Sahara occidental

RTS, le vendredi 20 août 2021

Une personne originaire du Sahara occidental a demandé au Secrétariat d’État aux migrations (SEM) de corriger l’intitulé de sa nationalité après avoir reçu une lettre d’un service cantonal fribourgeois qui la considérait comme marocaine. Comme la Suisse ne reconnaît pas le Sahara occidental en tant que pays, elle enregistrait ses ressortissant·e·s sous la nationalité marocaine, le Maroc revendiquant cette région. Mais cette revendication étant également non-reconnue par la Confédération, le SEM a décidé de modifier sa pratique et d’inscrire ces personnes comme apatrides, soit « sans nationalité ». Ceci a été validé par le Tribunal fédéral qui a confirmé le rejet du recours du plaignant par le Tribunal administratif fédéral. Les arguments du recourant ont été rejetés ; celui-ci faisait valoir qu’il était considéré comme Sahraoui depuis 20 ans par la Suisse, et que certains pays ne lui permettraient plus d’entrer sur leur territoire en tant qu’apatride. La primauté a été donnée à l’intérêt national par rapport à l’intérêt du demandeur. Selon les tribunaux, le changement n’affecterait pas son statut en Suisse.

 

Pas d’élargissement de l’accueil des personnes afghanes

Le Matin, le mercredi 18 août 2021

Le Conseil fédéral a présenté le rôle prévu de la Suisse concernant la situation en Afghanistan. Karin Keller-Sutter, ministre responsable du Département fédéral de justice et police a annoncé que la Suisse était prête à accueillir 230 personnes afghanes, employées par la coopération internationale ou membres de leurs familles. Son collègue Ignazio Cassis, ministre titulaire du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) a rajouté que les personnes travaillant pour la Direction du développement et de la coopération à Kaboul étaient rentrées en Suisse et qu’elles se portaient bien.

Le Conseil fédéral n’a par contre pas prévu d’élargissement de l’accueil pour les personnes venant d’Afghanistan. Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), le manque d’informations ne permettrait pas d’évaluer les besoins en termes de protection et la situation sur place rendrait impossible toute opération, avancent les deux ministres. Le parti des vert·e·s suisses et la Ville de Genève ont regretté cette décision et appelé la Confédération à en faire davantage.

Les personnes employées par la Suisse et leurs familles évacuées ou en sécurité en Afghanistan

RTS, le mardi 24 août 2021

Selon le ministre suisse des Affaires étrangères, Ignazio Cassis, 292 individus liés à la Suisse – citoyen·ne·s et/ou employé·e·s – ont pu quitter Kaboul. 66 personnes patientent encore dans la partie sûre de l’aéroport de la capitale. L’ambassade de Suisse à Islamabad reste en communication avec 15 suisses encore dans le pays afin qu’ils puissent le quitter.

Le Secrétariat d’État aux migrations (SEM) a expliqué que les personnes réfugiées rapatriées sont éligibles au programme de réinstallation du Haut commissariat pour les réfugiés (HCR). Elles n’ont pas à déposer de demande d’asile et pourront transformer leur permis B en autorisation d’établissement C après cinq ans.

 

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




Malgré tout, je vais continuer à me battre!

Auteur: Moaz Sabbagh

Auteur: Moaz Sabbagh

 

Un périple d’Afghanistan jusqu’en Suisse

J’hésite à raconter mon histoire, tant il est difficile de parler de la réalité de ma vie si douloureuse. Mais cela pourrait être une leçon intéressante pour celles et ceux qui rêvent de venir en Europe, même s’ils sont confrontés à de réelles menaces dans leur pays. 

J’ai vécu la pire expérience de ma vie le jour où deux de mes enfants ont été pris au piège dans leur école lors d’une attaque terroriste à Kaboul. J’ai reçu un appel me disant que mes enfants étaient en danger et il m’a été extrêmement difficile d’arriver jusqu’à eux. Une fois récupérés, nous sommes rentrés à la maison ; mes enfants étaient tellement choqués qu’ils ont refusé de retourner à l’école pendant plusieurs jours.

Nos vies en danger

Afin de mettre notre famille en sécurité, ma femme est partie avec nos enfants chez sa mère, au Pakistan. Puis j’ai voulu les rejoindre et les ramener en ce jour du 16 octobre 2015, un jour qui a marqué ma vie à jamais. En effet, comme c’était un voyage risqué, j’ai pris un taxi collectif, sans arme et sans documents. À un moment donné, le chauffeur a reçu un appel et a donné sa position à son interlocuteur: c’était une embuscade. J’ai pensé mourir ce jour-là. Le chauffeur, étant complice, fut libéré. Mes ravisseurs m’ont frappé, malgré mes supplications, et m’ont laissé pour mort. Je me suis réveillé avec mes vêtements souillés de sang et le nez cassé. J’ai pu rentrer avec l’aide des habitants de la région. Je ne me suis pas plaint auprès des autorités car la suite m’était déjà connue: « Nous vous avons donné un droit de port d’arme, vous pouvez vous défendre et protéger votre famille » même s’ils savent que ceux qui se font prendre avec une arme par les Talibans se font tuer immédiatement.

Les préparatifs

J’ai décidé de quitter le pays mais je n’avais pas grand-chose. Le peu de biens que j’avais, je l’ai bradé. Avec l’argent reçu j’ai réglé mes dettes. Je voulais utiliser le reste de cette somme pour acquérir un visa turc pour toute la famille, mais je n’en ai finalement obtenu que trois : pour ma femme, mon plus jeune enfant et moi. Ce fut une décision très difficile à prendre mais j’ai dû laisser mes deux enfants plus âgés à ma belle-mère. C’était la seule alternative possible.

La fuite

En octobre 2015, nous avons quitté le pays, sans avoir averti ma mère, car je ne voulais pas la mettre en danger ni la bouleverser. Nous sommes partis pour la Turquie. Nous avons risqué la mort en venant en Grèce dans un petit bateau en caoutchouc transportant plus de cinquante personnes, mais nous n’avions pas le choix. Plus tard, nous avons pris le train pour la Hongrie, un pays dangereux pour les demandeurs d’asile. Je redécouvrais une Europe différente de celle que je connaissais à travers les voyages officiels et les protocoles diplomatiques.

La Suisse

J’ai décidé de venir en Suisse à cause de sa réputation de neutralité et de démocratie: presque le ciel sur la terre. Arrivés à Buchs en train, nous avons été envoyés à Glaubenberg, près de Lucerne et de là nous avons été transférés au CEP de Vallorbe. Une semaine plus tard, nous avons passé notre première audition. La femme qui nous a écoutés s’est montrée très compréhensive et nous a promis de relayer notre requête de regroupement familial à qui de droit.

L’arrivée en Valais

Le Secrétariat d’Etat aux Migrations (SEM) a décidé de nous envoyer à St-Gingolph, dans le Canton du Valais. Mon épouse, déjà déprimée, s’isolait car elle pensait beaucoup à nos enfants. Je suis allé voir une conseillère juridique pour trouver une solution au problème de mes enfants. Je suis tombé de haut car sa première question a été: « Qui vous a conseillé de venir en Suisse ? Vous devriez savoir que la Suisse accorde difficilement l’asile ; vous risquez aussi d’avoir une décision Dublin ». Je suis sorti bouleversé de son bureau. J’ai pensé qu’il valait mieux me mettre au travail plutôt que de rester dans ma chambre et j’ai demandé une occupation. J’ai commencé par la cuisine, même si je suis une personne diplômée, avec 8 ans d’expérience professionnelle au niveau national et international.

Des démarches sans résultat

Les multiples démarches auprès de la Croix-Rouge, de l’OIM, du HCR et de l’ambassade Suisse à Islamabad pour faire venir mes enfants restent vaines et cette incertitude pèse sur nous au point qu’il nous semble vivre comme des étrangers sous le même toit. J’ai pensé rentrer au pays, mais cela signifiait, pour moi, un suicide. J’ai finalement renoncé. J’essaie de survivre mais cette souffrance me consume. Comment résister aux cris de mon fils qui dans ses cauchemars appelle son frère et sa sœur? Au téléphone, mes deux enfants pensent que je les ai trahis et refusent de me parler. Je suis à bout d’explications.

Je suis une personne désespérée sur cette Terre : j’ai perdu ma dignité, mon statut social, ma fierté, ma richesse, mes amis et mes parents. Je voudrais dire à mes enfants: «Pardon, je n’ai pas réussi à sauver notre famille et à vous emmener avec moi». Je place mon seul espoir en Allah. Je me sens faible et je suis fatigué de donner le change en société, en me forçant à sourire. Mais malgré tout, je vais continuer à me battre et j’espère que nous trouverons une solution à tous nos problèmes.

Kakar Mohammad Tariq

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils