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« Voix d’Exils donne la possibilité de penser ensemble »

Marie-France Bitz, ancienne responsable de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils.

La vie après Voix d’Exils #4 – Rencontre avec Marie-France Bitz, ancienne responsable de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils

On poursuit la série de podcasts de Voix d’Exils « La vie après Voix d’Exils ». Cette série met en lumière les anciens collaborateurs, collaboratrices, rédacteurs et rédactrices de Voix d’Exils, en éclairant leur parcours au sein de la rédaction et ce que cette expérience leur a apporté. Nous avons rencontré Marie-France Bitz, ancienne responsable de la rédaction neuchâteloise de Voix d’Exils depuis sa création en 2001 jusqu’en février 2021. 

 

Informations complémentaires:

Article mentionné lors de l’interview:

« Il faut profiter des compétences et des savoir-faire différents qui peuvent amener une richesse aux entreprises »

Article publié le 06.12.2017

Petite histoire de Voix d’Exils pour aider à situer le propos:

2001
Lancement du journal trimestriel « Le Requérant » édité
par la Fondation vaudoise pour l’accueil des requérants
d’asile (FAREAS), puis par l’Hospice général de Genève

2003
« Le Requérant » change de nom et devient
« Voix d’Exils »

2006
Élargissement de l’édition et de la publication à
l’ensemble des cantons romands qui animent
chacun une rédaction

2010
Arrêt de la publication du journal papier et de la
collaboration intercantonale. Le projet est relancé
par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants
(EVAM) et prend la forme d’un blog

2011
Reprise de la collaboration intercantonale entre les
cantons de Vaud, Valais et Neuchâtel qui animent
chacun une rédaction

2012
Mise en place par les trois cantons d’une formation
multimédia qui permet aux rédacteur·trice·s d’acquérir
des compétences en journalisme, expression orale,
photographie et webpublishing

2015
Transformation du blog en un site d’information
multimédia. Voix d’Exils publie désormais des articles,
des podcasts, des photographies, des vidéos ou encore
des créations graphiques

2020
Création de la Cellule numérique de Voix d’Exils qui
coordonne les réseaux sociaux du média

La rédaction vaudoise de Voix d’Exils

 




Un lapin sauve la vie d’un pèlerin

Illustration: Kristine Kostava – Voix d’Exils

Une légende tibétaine #6

Voici la sixième « histoire du monde de Voix d’Exils ». A chaque publication de la série: une légende, un mythe ou une fable du pays d’origine d’un rédacteur ou d’une rédactrice. 

C’est l’une des histoires courtes de mon grand-père dont j’ai su plus tard qu’elle était assez connue dans notre communauté tibétaine. À l’époque où il n’y avait ni internet ni tablettes, ces histoires nous divertissaient tout en nous transmettant des messages profonds.

Il y a longtemps, un pèlerin qui faisait la circumambulation sur le mont sacré Kailash a trouvé un loup pris dans un piège. Par pitié, il l’en libéra. Le loup grogna : « J’ai très faim et très soif ! Cela fait trois jours que je suis dans ce piège. J’ai besoin que tu me donnes ta chair et ton sang pour me nourrir ! » et il bondit sur le pèlerin.

Le pèlerin très effrayé s’écria : « Tu veux me manger alors que je t’ai sauvé ! Tu es une créature qui n’a pas le même sens de l’honneur que moi. »

« Je n’ai jamais entendu parler d’un humain ayant de l’honneur » répondit le loup. « Tout le monde mange lorsqu’il a faim », et il s’approcha à nouveau du pèlerin tremblant de peur.

« Avant de me manger, demandons à d’autres animaux si les humains ont de l’honneur. S’ils répondent que oui, tu ne pourras pas me manger. S’ils répondent que non, alors tu pourras me manger », déclara le pèlerin d’une voix saccadée. Le loup accepta.

Ils partirent à travers la prairie à la recherche d’animaux et rencontrèrent d’abord un vieux cheval. Le pèlerin lui demanda : « Les humains ont-ils de l’honneur ? »

« Les humains n’ont pas d’honneur » répondit le vieux cheval. « Quand j’étais jeune, ils m’ont mis un mors entre les dents et une selle sur le dos. Ils me montaient partout. Mais maintenant, ils ne s’intéressent plus à moi. Ils m’ont jeté. Je suis vieux et blessé et je ne les intéresse plus », raconta-t-il.

En entendant cela, le loup ouvrit grand sa gueule et montra ses crocs au pèlerin. « Nous devons encore demander à deux autres animaux » s’écria l’homme. « S’ils disent que les humains n’ont pas d’honneur, alors tu pourras me manger ». Le Loup accepta et ils poursuivirent leur marche.

Ils rencontrèrent une vieille femelle yak et le pèlerin lui posa la même question.

« Les humains n’ont pas d’honneur » dit-elle. « Quand j’étais jeune, ils me trayaient et buvaient mon lait, sans en donner à mon enfant. Désormais je suis vieille, je ne les intéresse plus. Ils se sont débarrassés de moi. »

Le loup s’exclama gaiement : « Tu vois, tout le monde dit que les humains n’ont pas d’honneur. Alors maintenant, je vais te manger », et il s’approcha du pèlerin. Ce dernier balbutia : « Posons la question à un autre animal ». Ils reprirent alors leur chemin et rencontrèrent un lapin à qui ils posèrent la même question.

Le lapin réfléchit longtemps et annonça : « Je ne suis pas sûr. Il faut que j’aille voir où est le piège ». Arrivés devant le piège, le lapin dit au loup : « Maintenant, montre-moi comment tu t’es fait prendre. » Le loup replaça alors sa patte dans le piège qui se referma aussitôt.

Le lapin s’approcha et dit joyeusement au pèlerin : « A partir de maintenant, ne fais plus jamais preuve de pitié envers un loup cruel. »

Le pèlerin et le lapin s’en allèrent chacun de leur côté, laissant le loup dans le piège où il mourut bientôt.

Moralité : Cette histoire comporte deux morales, une pour chacun: le loup et l’homme.

Le loup n’a pas d’honneur car il a essayé de manger la personne qui a eu pitié de lui et qui l’a sauvé. Il n’est donc pas digne de confiance et, tôt ou tard, il finira seul puisque personne ne lui fera confiance pour quoique ce soit. Deuxièmement, lorsque d’autres animaux décrivent leurs expériences de vie avec les humains, ils racontent comment ils ont été exploités pendant leur jeunesse et laissés à l’abandon pendant leur vieillesse. On ne peut échapper à son karma, quelle que soit la distance parcourue. Par conséquent, traitez toujours les autres comme vous aimeriez qu’ils vous traitent, même s’il s’agit d’animaux, car vous ne savez jamais ce que le karma vous réserve à l’avenir.

Dhondup Tsering Banjetsang

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




La Géorgie : berceau de la culture viticole

 «Mère de la Géorgie» est une statue monumentale à Tbilissi. C’est un symbole national géorgien : la statue géorgienne tient une coupe de vin pour les amoureux dans une main et une épée pour l’ennemi dans l’autre. Montage graphique: Kristine Kostava / Voix d’Exils.

En Géorgie, on aime le bon vin comme on aime sa patrie!

Découvrez l’histoire fascinante du vin* géorgien, l’un des plus anciens d’Europe, qui remonte à plus de 8000 ans. Des vestiges de viticulture et de production de vin ont été trouvés par des archéologues qui témoignent de l’existence d’une culture viticole en Géorgie depuis des millénaires, faisant de ce pays «la patrie du vin». 

Le vin géorgien occupe une place importante dans l’histoire de l’Europe. Sa fabrication remonte à plus de 8000 ans, en témoignent les premiers vestiges de viticulture et de production de vin découverts par des archéologues en Géorgie. Ce pays est fièrement considéré comme «la patrie du vin», avec des trouvailles archéologiques qui témoignent de plants de raisin vieux de plusieurs millénaires et d’une ancienne cave en terre cuite datant de l’époque énéolithique (2000-2500 ans avant J.C) où d’énormes jarres en terre cuite étaient utilisées pour stocker le vin.

Les archéologues révèlent également le haut niveau de développement de la vinification en Géorgie à cette époque, avec la découverte de flacons en or, argent et bronze. Le XIXe siècle a marqué une période cruciale dans l’histoire du vin géorgien, grâce à l’engagement soutenu du poète et personnage public géorgien, Aleksandre Chavchavadze, qui a permis au vin géorgien de se faire connaître dans toute l’Europe. C’est dans la cave historique du domaine de Tsinandali, berceau de la viticulture classique en Géorgie, que le premier embouteillage de vin de l’histoire du pays a eu lieu.

En Géorgie, le vin est bien plus qu’une boisson, c’est un véritable symbole de communion avec l’éternel célébré avec des toasts chaleureux. En effet, en Géorgie le vin est considéré comme un liquide divin et, par conséquent, il est possible d’en bénir son prochain avec. Le mot même «toast» enseigne la communion avec l’éternel, le commencement du divin.

Un verre de vin dans une main et une épée dans l’autre

La propagation du christianisme en Géorgie est liée au culte de la vigne, notamment à travers l’histoire de Sainte Nino attachant une croix à une vigne avec ses cheveux pour prêcher la loi du Christ. Ce culte unique de la croix de vigne n’existe dans aucun autre pays chrétien, ce qui renforce le lien profond entre la Géorgie et son précieux breuvage. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les tombes des héros géorgiens sont ornées de grappes de raisin. De plus, «la mère de Kartli», qui est un symbole d’une femme géorgienne forte, tient un verre de vin dans une main et une épée dans l’autre.

Aujourd’hui, la Géorgie continue de préserver sa riche tradition viticole en cultivant environ 500 variétés de raisins, soit 2,5% de l’assortiment mondial, témoignant de l’héritage historique de ce patrimoine culturel. Des personnalités telles que Patrick McGovern, directeur scientifique du laboratoire d’archéologie biomoléculaire pour la cuisine, les boissons fermentées et la santé du musée de l’université de Pennsylvanie à Philadelphie ou le voyageur et écrivain français Jean Chardin ont également consacré des écrits élogieux sur l’histoire et la qualité des vins géorgiens.

Un patrimoine culturel immatériel mondial

Pour les passionnés de vin et de culture, la Géorgie est un incontournable, comme en témoigne l’exposition «Georgia-Cradle of Wine» inaugurée le 31 juillet 2017 au Centre des Civilisations du Vin à Bordeaux. Pour cette occasion, la Géorgie était représentée en tant que premier pays hôte d’honneur. Le 14 septembre de la même année, un pichet géorgien a été installé comme exposition permanente à l’entrée du centre. Notons également que l‘Unesco a inscrit le 5 décembre 2013 la méthode géorgienne de vinification à l’ancienne en «kvevri» sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. 

Kristine Kostava

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils

*L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération.




Deux lapins et leur demi-amitié

Dessin: Dhondup Tsering Banjetsang / Voix d’Exils.

Une fable tibétaine #4

Voici la quatrième « histoire du monde de Voix d’Exils ». A chaque publication de la série: une légende, un mythe ou une fable du pays d’origine d’un rédacteur ou d’une rédactrice. 

Il était une fois deux lapins: Kari et Nari qui vivaient dans les hautes vallées de l’Himalaya. La forêt leur fournissait des aliments délicieux à manger et un abri pour vivre, mais ils risquaient aussi d’être attaqués par les prédateurs de la jungle.

Un jour ensoleillé, les deux jeunes lapins sautillaient dans la forêt. L’un d’eux dit à l’autre : « Nous sommes de bons amis. Nous devons nous entraider. Si une bête s’en prend à toi, je resterai pour t’aider. » L’autre lapin répondit : « Je t’aiderai aussi si une bête s’en prend à toi. »

Après un moment, ils entendirent un bruit fracassant. C’était un grand ours des montagnes. L’un des deux lapins grimpa dans un arbre tandis que l’autre, étant trop dodu pour y grimper, se jeta au pied de l’arbre et fit semblant d’être mort. Un instant plus tard, l’ours regarda le gros lapin et le renifla. Le lapin retint son souffle. Ces 5 secondes lui parut une éternité. Pendant ce temps, l’ours se pencha sur le lapin puis partit. Le lapin qui se cachait dans l’arbre descendit puis demanda à son ami : « L’ours a mis sa bouche près de ton oreille. Que t’a-t-il dit ? » Le lapin dodu lui répondit : « Il m’a dit : ne fais pas confiance à ton ami car il s’est enfui quand tu avais le plus besoin de son aide. » 

La morale de l’histoire : Soyez très prudents lorsque vous choisissez vos amis et assurez-vous que vous partagez la même conception de l’amitié.  

Dhondup Tsering Banjetsang

Membre de la rédaction vaudoise de Voix d’Exils




Le silence est dangereux

Illustration: Harith Ekneligoda / rédaction valaisanne de Voix d’Exils.

Libérer la parole pour s’émanciper de l’oppression

En opposition à de nombreux proverbes ou phrases bibliques qui invitent au silence, déclarant qu’il est sage de se taire, aujourd’hui nous devons clamer haut et fort que le silence est aussi dangereux!

Selon Clint Smith, professeur et écrivain américain, « le silence est le résultat de la peur et peut parfois être si nocif qu’il peut causer de graves problèmes sociaux tels que l’oppression, la discrimination, la violence et même les guerres. »

Combattre la peur seul nous mène à une défaite certaine mais, lorsque nous racontons notre peur à d’autres, cette peur s’estompe.

Pendant de nombreuses années, le silence a été utilisé comme une arme de soumission : au temps de l’esclavage, les esclaves devaient garder le silence face à l’humiliation et aux mauvais traitements de leur maître. Dire quelque chose, se plaindre ou ne pas se soumettre aux ordres du maître signifiait l’immédiate violence des coups de fouet et même la mort, non seulement pour celles et ceux qui osaient rompre le silence, mais aussi pour toute leur famille.

Dans le passé, les femmes ont été victimes de soumission : elles devaient se taire face aux abus de leur mari, de leurs parents, de leurs frères ; elles devaient se taire devant la société. On pourrait dire que le silence était l’allié de la peur, de la soumission et du manque de droits des femmes, jusqu’au jour où certaines d’entre elles, dont l’histoire a retenu les noms, ont décidé de briser ce silence et d’affronter leur peur. Elles ont alors commencé à écrire, parler, raconter ce qui se passait et à revendiquer les droits qui leur revenaient en tant que membres à part entière de la société.

Des peurs qui durent longtemps et qui finissent par être destructrices

Mais ne regardons pas seulement le passé : aujourd’hui encore, combien de femmes sont maltraitées et n’osent pas dénoncer leur agresseur, situations qui se terminent régulièrement par un féminicide ? Combien de filles et de garçons sont victimes d’abus sexuels commis par leurs proches, sans oser les dénoncer ? Combien d’enfants qui subissent du harcèlement à l’école n’osent pas dire ce qui leur arrive et finissent par se suicider ?

Les personnes qui demandent l’asile, elles aussi, souffrent du silence. Elles ont déjà essayé d’échapper à des traumatismes en fuyant leur pays et se retrouvent pourtant en dépression ou en clinique psychiatrique à cause de la pression et de nombreuses injustices, discriminations, abus d’autorité, racisme… provenance parfois des autorités d’asile qui les accueillent.

Un silence qui n’est plus que peur et totale soumission permet de perpétuer les abus et les mauvais traitements. Et à la fin, tous les abus cachés à la connaissance du public remplissent une boîte à secrets appelée « Silence » dans laquelle sont conservés les larmes, les cris, la rage et la souffrance.

Martha Campo

Membre de la rédaction valaisanne de Voix d’Exils.